Hijab : pour le principe de non-domination
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Catégorie : Global
Thèmes : AntifascismeContrôle socialRacismeRépressionResistances
La querelle autour du hijab, ce vieux feuilleton français. Il est apparu dans nos médias en 1989, lorsque trois collégiennes qui portaient un foulard ont été exclues de leur établissement scolaire. La saga dite du foulard/voile/hijab n’est pas de bonne qualité. Ses acteur.ice.s principaux.les sont fatigué.e.s et récitent leur rôle sans grande conviction. Depuis le temps, les positions se sont durcies : au nom de la laïcité, les partisan.e.s de l’interdiction des signes religieux à l’école s’opposent à celles et ceux qui voient dans le rejet virulent du hijab une atteinte à la laïcité car celle-ci garantit l’expression des croyances dans l’espace public.
Au nom de la défense de la laïcité (entendue ici comme un espace a-religieux) et de l’égalité entre élèves, les député.e.s ont voté en 2004 une loi interdisant le port de signes religieux « ostentatoires ». Cette décision est troublante à double titre : en vertu de la loi de 1905 qui aménage la séparation de l’Église et de l’État, seul.e.s les fonctionnaires sont tenu.e.s à un devoir de neutralité. Pourquoi avoir étendu cette prescription à des élèves qui ne sont que des usagers d’un service public ? Par ailleurs, on peut s’interroger sur cette conception de l’égalité qui impose à toutes et à tous de se conformer à un modèle vestimentaire dominant. De fait, en interdisant le pluralisme vestimentaire dans les écoles, on ne respecte pas les croyances de tous.tes élèves et on les traite en conséquence de manière inégale. Une égalité réelle ne devrait-elle pas, au contraire, respecter les choix et croyances de toutes et tous ? Peut-on parler d’égalité quand des élèves sont brimées ou humiliées par une injonction vestimentaire qui s’impose à elles contre leur gré ?
La loi de 2004 a donné raison aux partisan.e.s d’une interprétation communautarienne de la laïcité. Cette lecture est « communautarienne » (le terme est utilisé ici dans son acception en philosophie politique) dans le sens où elle a pour principe l’obligation pour chaque élève de se conformer aux normes et pratiques dominantes de la communauté nationale (dans le cas français, il s’agit d’une culture ambiante qui est hostile aux religions, notamment l’islam). Une interprétation pluraliste et libérale (dans l’esprit des débats qui ont amené au vote de la loi de 1905) aurait toléré le port de signes religieux en classe. Force est de constater que les interdictions des signes religieux restent rares dans les écoles en Europe. On s’aperçoit alors que ces signes religieux n’entravent ni le déroulement des enseignements, ni n’incommodent les autres élèves.
Près de 15 ans après le vote de cette loi, le vieux feuilleton continue poussivement. Les lignes de fracture sur cette question ne séparent pas une gauche d’une droite, mais parcourent chaque camp, certes à des niveaux divers. C’est la gauche qui apparaît la plus divisée. On y trouve d’un côté des communautariens qui ne veulent pas entendre parler de signes religieux à l’école et mènent campagne contre le hijab « symbole de l’asservissement des femmes ». De l’autre, des pluralistes qui apportent leur soutien aux porteuses de hijab au nom du « respect des minorités » et de la lutte contre l’islamophobie. Ces disputes, souvent virulentes, sont devenues un véritable dialogue de sourds, chacun.e campant fermement sur ses positions. Les controverses et les dérapages racistes/islamophobes se multiplient dans les médias et sur les réseaux sociaux. Pourquoi une telle tension malsaine ? Chaque camp a le sentiment de défendre la « bonne » interprétation de la laïcité. Pour tenter d’y voir plus clair et de sortir de cette impasse, ne serait-il pas profitable de cesser les débats interminables sur la laïcité qui ne règlent rien ? Puisque ce débat concerne essentiellement la question du hijab, pourquoi ne partirait-on du point de vue des femmes musulmanes ?
Si les femmes musulmanes font des choix opposés sur la question du hijab,
ne serait-il pas logique de s’en tenir à ces choix et de les respecter ?
Les faits sont clairs : dans certaines circonstances, des femmes rejettent le port du hijab qu’une partie externe leur impose (État, époux, famille). Dans d’autres situations, les femmes revendiquent de pouvoir porter le hijab, en dépit des interdictions et des discriminations qu’elles doivent encourir de la part de la société. À partir de cette double observation empirique, émettons l’hypothèse suivante : si les femmes musulmanes font des choix opposés sur la question du hijab, ne serait-il pas logique de s’en tenir à ces choix et de les respecter ? Les communautariens et les pluralistes s’accordent au moins sur ce point : les femmes sont des êtres autonomes et libres. Si tel est le postulat de chaque camp, alors il convient de respecter les choix qu’expriment les femmes sur la question du hijab.
La gauche pluraliste qui défend le droit des femmes à porter le hijab en France au nom du respect des minorités et de la lutte contre l’islamophobie peine à répondre à l’objection suivante : « En Iran, des femmes se battent pour ne pas avoir à porter le hijab, symbole du pouvoir patriarcal des ayatollahs, et vous soutenez en France celles qui font le choix inverse ».
Pour un pluraliste, la position à adopter ne devrait pas faire l’ombre d’un doute : il faut sans hésitation prendre la défense des Iraniennes qui, avec un courage inouï, retirent leur hijab dans les rues de Téhéran et s’exposent à des sanctions sévères de la part des « gardiens de la révolution ». Ces femmes ont notre soutien et notre affection. L’une des premières décisions de ce régime théocratique et autoritaire, en 1979, a été d’instaurer un contrôle sur le corps des femmes, sur leur habillement et leur apparence. Il faut donc espérer que la campagne actuelle #WhiteWednesday prenne de l’ampleur et aboutisse à faire respecter le droit élémentaire des femmes de se vêtir en public comme elles l’entendent.
Les femmes qui refusent le port imposé en Iran (ou ailleurs) expriment un choix clair qui nécessite le soutien inconditionnel des démocrates et des féministes. De la même manière, le choix des femmes, en France ou ailleurs, de porter le hijab (quelle que soit leur raison ou motivation) doit être totalement respecté. Les femmes qui portent librement le hijab ont également notre soutien et notre affection face aux insultes, vexations et discriminations qu’entraîne souvent leur décision dans une société qui se veut libre et démocratique.
En résumé, dans ce débat lancinant sur le port du hijab, il n’existe qu’une seule position progressiste et cohérente : celle qui défend l’autonomie et les choix individuels des femmes. Un État et des individus qui prétendent « émanciper » des femmes contre leur gré, adoptent en réalité une position condescendante et autoritaire. Il est donc logique et nécessaire de soutenir les femmes qui enlèvent leur hijab à Téhéran ainsi que celles qui souhaitent le porter en France ou dans tout autre pays.
La non-domination justifie le rejet de l’imposition par l’État du port du hijab.
Mais elle permet aussi de justifier la position inverse.
Cette position dite « cohérente » qui privilégie la défense de l’autonomie et de la liberté des femmes s’inspire de la philosophie de Philip Pettit, un philosophe politique irlandais qui enseigne à Princeton. À l’aide du concept de non-domination, Pettit propose de dépasser la vieille opposition libérale entre « liberté négative » (on s’abstient d’intervenir dans la sphère privée d’autrui) et la « liberté positive » (l’individu a les moyens de réaliser sa propre autonomie, avec ou sans l’intervention des pouvoirs publics). La non-domination exclut que toute relation de pouvoir puisse assigner à la personne dominée une position sociale subalterne ou vulnérable. Ce principe envisage que l’État puisse intervenir au-delà d’un stade qui apparaîtrait “intrusif” dans le cadre de la « liberté négative ». Toutefois, l’État ne peut imposer aux individus une conception positive de ce que devrait être leur autonomie morale.
La non-domination justifie le rejet de l’imposition par l’État du port du hijab. Mais elle permet aussi de justifier la position inverse : la non-domination implique que l’État ne peut « émanciper » autoritairement des femmes qui portent librement le hijab au nom d’un « idéal de citoyenneté républicaine ». Ce principe s’oppose à la tendance républicaine française qui assigne aux individus une identité uniforme au nom de la « volonté générale ».
Ce paternalisme autoritaire de l’État doit d’autant plus être combattu qu’il ethnicise les minorités en stigmatisant leur particularisme supposé. En sommant la musulmane “déviante” de retirer son hijab, on insiste sur son altérité de musulmane et on la rejette comme corps étranger à la nation. Cet État-là est partisan car il s’embarque dans une politique d’émancipation spirituelle des femmes contre leur volonté. Cette imposition est contraire aux prescriptions de la loi pluraliste de 1905 qui pose le principe de la neutralité de l’État à l’égard des pratiques et des croyances religieuses. Ajoutons à cela qu’assigner au port du hijab une connotation strictement religieuse, c’est méconnaître sa vraie nature. Lorsqu’il est le fruit d’un choix librement consenti, le port du hijab n’est ni la marque de la domination masculine, ni simplement une déclaration religieuse : c’est aussi l’expression autonome d’une quête de soi.
Pour les démocrates, pluralistes et progressistes, le mot d’ordre devrait donc être : « Enlever le hijab en Iran, le porter en France : défendre partout l’autonomie des femmes ! »
http://www.ujfp.org/spip.php?article6232
« I’m bored of talking about Muslim Women » Suhaiymah Manzoor-Khan
https://www.youtube.com/watch?v=ZFEqdeuAkoM
ou encore
https://www.youtube.com/watch?v=G9Sz2BQdMF8
Trigger warning: hijab :)
Allez je laisse la place aux anarcho-racistes.
irrationnel = religions
Je vois pas trop le rapport avec la race des gens … donc pourquoi anarco-raciste ?
Eh oui les anars en 36 ont buté du cureton, et t’inquiète, si ça avait été des rabins ou des imams à la place ils auraient eux aussi subi le même sort.
Ce qui est hilarant c’est qu’il suffit de regarder l’histoire de l’humanité, et ce que les religions ont provoqué comme horreurs … et le font encore aujourd’hui (coucou les décapités par Daesh, coucou les victimes des curés pédophiles, coucou les femmes lapidées, coucou les homosexuels assassinés …), et là franchement je ne m’explique pas comment quelqu’un peut encore oser inverser les choses et faire comme si le problème c’est les gros méchants qui luttent contre ces religions … non mais y a bien un mouvement masculiniste hein, alors de là à voir des religieux qui se victimisent parce qu’on n’accepte pas qu’ils imposent leurs lois millénaires à des gens qui n’ont parfois rien demandé (les gamines voilées de 6 ans en Seine Saint Denis n’ont sûrement pas donné leur consentement pour être voilées ..) … est-ce que c’est necessaire de rappeler qu’un des principe d’une religion c’est de s’étendre, et d’imposer sa loi là où vivent ses suiveurs ? Bon, on est peut-être légitimes, ceux qui refusent les religions, de ne pas vouloir se voir imposer leurs règles .. Si nos grands-mères ou arrière grands-mères ont été obligées de mener des vies de bigotes, de pas faire de sexe avant le mariage, de pas pouvoir divorcer, de pas pouvoir avorter légalement, de pas s’habiller comme elles le veulent, on a peut-être envie d’avoir une vie différente, un peu plus éloignée du système patriarcale, pillier central de tous les monothéismes.
mort aux lois, états, religions
« Pour un pluraliste, la position à adopter ne devrait pas faire l’ombre d’un doute : il faut sans hésitation prendre la défense des Iraniennes qui, avec un courage inouï, retirent leur hijab dans les rues de Téhéran et s’exposent à des sanctions sévères de la part des « gardiens de la révolution ». Ces femmes ont notre soutien et notre affection. L’une des premières décisions de ce régime théocratique et autoritaire, en 1979, a été d’instaurer un contrôle sur le corps des femmes, sur leur habillement et leur apparence. Il faut donc espérer que la campagne actuelle #WhiteWednesday prenne de l’ampleur et aboutisse à faire respecter le droit élémentaire des femmes de se vêtir en public comme elles l’entendent »
Éclair de lucidité pour une fois chez l’UJFP il était temps… On ne peut pas en dire autant chez certains de leurs camarades avec qui ils donnent souvent des conférences ou des débats
Une Iranienne féministe
« Pour les démocrates, pluralistes et progressistes, le mot d’ordre devrait donc être : « Enlever le hijab en Iran, le porter en France : défendre partout l’autonomie des femmes ! » »
Nous ne sommes définitivement pas dans le même camp. Indymedia Nantes est gérée de façon très inquiétante et anti-emancipatrice.
c’est marrant quand même tous ces gens qui veulent « émanciper » d’autres gens malgré elleux… on doit pas avoir le même dico…
…une religion (ou une religieuse) qui vend de « l’émancipation » c’est assez « vieux » comme illusion.
Ne pas croire et douter implique de douter à propos des croyant-e-s et de leur parole (comme de soi-même)
L’attitude française majoritaire à l’égard du « hijab », c’est-à-dire du foulard porté par certaines femmes musulmanes, est incompréhensible pour le reste de la planète. Pas seulement incompréhensible : elle est répréhensible. C’est ce qu’explique Christine Delphy dans une tribune publiée dans The Guardian.
La première mesure ouvertement anti-musulmane a été le passage d’une loi en 2004 qui interdit aux jeunes filles d’aller à l’école en portant un « foulard islamique » – ce qu’il était appelé alors, avant de devenir, dans le patois journalistique, un « voile ».
Cependant, l’islamophobie, la peur et la haine de l’Islam et des Musulmans, n’est pas spécifiquement française : elle est répandue en Europe, en Amérique du Nord, bref dans tout le monde occidental. Bush Jr a décrété l’Islam ennemi du monde occidental, et c’est ainsi que ce monde en est venu à justifier l’invasion et la destruction d’une grande partie du Moyen-Orient et de l’Asie centrale depuis les années 2000.
En France, cependant, en sus des raisons géopolitiques (l’alliance avec les Etats-Unis), l’islamophobie a des racines proprement françaises. La campagne idéologique contre l’Islam a commencé il y a plus de quarante ans. Thomas Deltombe a montré qu’entre les années 1980 et le milieu des années 2000, pas une semaine ne s’est écoulée sans que l’un ou l’autre des principaux hebdomadaires ne publie un numéro ayant un titre comme : « Devrions-nous avoir peur de l’Islam ? » ou « L’Islam est-il compatible avec la démocratie ? ». Les quotidiens, les radios et les télés faisaient preuve de la même obsession. Cela n’a fait qu’empirer au cours des années, au fur et à mesure que le public est devenu convaincu que la « civilisation occidentale » était menacée par l’Islam, et que ce danger était incarné en France par les cinq millions de descendants d’immigrés d’Afrique du Nord vivant en France – des Musulmans potentiels.
La loi de 2004 interdisant le port du foulard dans les écoles publiques se base sur la croyance que les signes religieux sont contraires à la laïcité, c’est-à-dire au sécularisme politique. Celui-ci repose sur une loi – la loi de 1905. Cette loi abroge la loi précédente (datant de Napoléon) qui établissait des liens forts entre l’Eglise (surtout catholique) et l’Etat, qui rémunérait les prêtres, les pasteurs et les rabbins. La loi de 1905 mit en place une nouvelle règle, qui est de fait celle de tous les Etats modernes : pas de religion d’Etat, toutes les opinions et croyances – religieuses ou non – étant mises sur un pied d’égalité. Pas d’interférence du clergé dans les affaires de l’Etat, ni de l’Etat dans les affaires religieuses. La liberté de conscience implique la liberté d’expression, et cette liberté signifie que les opinions – sur n’importe quel sujet – peuvent être exprimées en public comme en privé.
Aujourd’hui pourtant, cette loi est utilisée contre les Musulmans, car elle a subi une réinterprétation radicale de la part des politiciens, des journalistes et des lobbies ; elle a été, comme le dit Jean Baubérot, falsifiée. Elle est présentée comme disant le contraire exact de ce que la loi française et les Conventions internationales disent. Le président actuel, dans son dernier discours de campagne en 2012, a utilisé les mots des polémistes anti-musulmans : « la religion, a-t-il dit, est du ressort du privé, et même de l’intime ». Mais ni la loi française, ni les Conventions internationales ne font de distinction entre les opinions religieuses et les autres opinions : toutes ont le droit à l’expression publique. Or aujourd’hui, la réinterprétation de la loi de 1905 implique qu’on ne pourrait avoir d’expression religieuse que dans le secret de sa salle de bains.
Même avant la loi de 2004 excluant les adolescente portant foulard de l’école publique – violant ainsi leur droit fondamental à l’instruction – les groupes féministes établis n’acceptaient pas les femmes portant foulard dans leurs réunions. Elles avaient décidé, assez tôt, que ces femmes ne pouvaient pas être féministes, et même, qu’elles étaient contre tout ce que le féminisme représente. L’une des ironies de leur posture est qu’elle les a menées à essayer physiquement de sortir des femmes portant foulard d’une manifestation… pour le droit à l’avortement (2005) ! En 2003, les féministes blanches décidèrent que le foulard est un « symbole d’oppression », et seulement cela – et pour elles il va sans dire que porter un symbole d’oppression ne peut signifier qu’une chose : que vous êtes pour l’oppression.
Ces féministes blanches n’ont jamais mis en question ce qu’elles portent elles-mêmes. Seules les quelques féministes opposées à cette loi discriminatoire ont commencé à demander si les talons hauts, le rouge à lèvres et des centaines d’autres « signes de féminité » peuvent tout aussi bien être appelés des signes d’oppression. Les premières – les pro-loi – n’ont jamais non plus discuté des différents sens que l’on peut donner au même vêtement, ni demandé aux femmes portant le foulard quel sens elles donnent à celui-ci.
Ce mépris est contradictoire avec l’une de leurs positions principales : celui que ces femmes portent un foulard parce qu’elles y sont forcées par leurs hommes (maris, pères, frères), une position que l’on retrouve dans la loi elle-même : cette position est contradictoire en ce que, prétendant que les adolescentes sont forcées par leur famille, elles soutiennent une loi qui les renvoie dans ces familles jugées oppressives, justement en les excluant de l’école.
Si les féministes blanches voyaient vraiment les femmes portant le foulard comme des femmes opprimées, loin d’être une excuse pour les renvoyer de l’école et des mouvements féministes, ce devrait être une raison de les « prendre dans leurs bras ». L’attitude de ces féministes blanches pose une question : se voient-elles comme opprimées, ou estiment-elles qu’elles ont déjà surmonté leur oppression, et l’ont jetée sur le sol comme les serpents abandonnent leur vieille peau ? Voient-elles l’oppression comme quelque chose qui n’affecte que les « autres » femmes ? Se conçoivent-elles comme agissant non pour elles-mêmes mais pour d’autres femmes qui ne peuvent pas agir parce qu’elles sont « aliénées » ?
Le fait est qu’elles voient ces femmes portant le foulard comme des victimes consentantes de leurs hommes, et même comme des collaboratrices de ces derniers : en d’autres termes, comme des traîtres. Ou plutôt, comme des idiotes.
Les femmes qui portent le foulard sont pour la plupart les filles ou les petites filles de gens qui ont émigré d’Afrique du Nord, d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, c’est-à-dire de territoires qui ont été conquis et colonisés par les Français. Ceux-ci leur ont attribué le statut d’ « Indigènes ». Durant toute la colonisation, qui a duré 130 ans pour l’Algérie, si les « Indigènes » étaient français, ils n’étaient pas des citoyens, mais des « sujets » de l’Empire français. C’est ainsi que les Français les connaissaient, et c’est ainsi qu’ils continuent de les voir : comme « pas vraiment » Français. C’est aussi ainsi qu’ils veulent les garder. Les femmes autant que les hommes subissent les manifestations de ce racisme. Les Blancs, quand on les interroge, expriment des sentiments extrêmement négatifs envers les Noirs et les Arabes. Ils adoptent aussi une posture de déni total vis-à-vis de la discrimination que notre société inflige aux Arabes et aux Noirs. Les femmes sont aussi discriminées que les hommes, et ont une conscience vive de cette communauté de destin.
Dans ces conditions, porter un signe religieux ostensible peut avoir plusieurs sens différents, et tous à la fois : cela peut signifier leur solidarité avec les autres membre du groupe racisé ; cela peut signifier la tentative d’échapper mentalement à leur condition objective en s’échappant dans la spiritualité que la religion leur offre ; ou revendiquer des racines que les Blancs jugent infamantes ; ou encore une protestation muette contre la façon dont les traitent les Blancs. Et bien d’autres sens encore.
Mais les Blancs, et parmi eux, un grand nombre de féministes, refusent de comprendre leur situation, et continuent de demander qu’elles agissent comme si elles n’étaient pas discriminées et humiliées tous les jours de leur vie ; comme si elles étaient « comme tout le monde », c’est-à-dire comme les Blancs ; or elles ne le sont pas. Au contraire elles font partie d’un groupe opprimé et défavorisé dans la société. Les fils et les filles d’immigrés africains, né.e.s en France, sont citoyen.ne.s aujourd’hui. Et cependant elles et ils sont deux fois plus au chômage que la population globale, sont persécutés par la police, et insultés par les Blancs.
Ainsi un sécularisme politique – la laïcité dévoyée de son sens – est utilisé pour priver les Musulmans de leurs droits fondamentaux – car en France les Musulmans sont majoritairement des Arabes. Ceci atteint d’abord les femmes. Les femmes musulmanes portant le foulard sont progressivement privées – loi d’exception après loi d’exception – de la plupart des possibilités d’emplois rémunérés.
Comme Saïd Bouamama l’a écrit en 2004, la version française de l’islamophobie n’est ni plus ni moins qu’une façon de rendre un racisme classique respectable. Que des féministes aident et encouragent une telle série de mesures racistes qui sont à la fois ouvertes et illégales, c’est plus qu’inquiétant. Les féministes devraient comprendre que les femmes portant le foulard partagent avec les autres l’oppression patriarcale, avec en plus le handicap de la discrimination raciste. Elles devraient comprendre que ces femmes, portant le foulard ou non, aient envie de développer leur propre féminisme, en partant de leur propre situation, et que ce féminisme prendra forcément en compte leur culture islamique d’origine. Les féministes blanches contribuent à aggraver l’une des pires coupures de la société française, alors qu’il est urgent de la réparer.
http://lmsi.net/Quand-des-feministes-soutiennent
Quand la haine des femmes se déguise en amour des prolétaires
Christine Delphy analyse dans cette troisième partie le statut très particulier de la figure de la Bourgeoise dans l’imaginaire masculin. De l’accusation faite au féminisme de diviser la classe ouvrière aux sarcasmes contre la prétention des femmes des classes moyennes et supérieures à se ranger dans le camp des opprimés, la référence aux rapports de classe est sans cesse mobilisée, par les anti-féministes convaincus comme par les « amis des féministes ». Christine Delphy met à nu cet usage du discours classiste : il constitue, de manière consciente ou non, une dénégation de la spécificité et de la radicalité de l’oppression sexiste. Pire encore : la sollicitude pour les prolétaires n’est souvent que la forme sublimée d’une haine de la bourgeoise, qui elle même traduit un profond mépris de toutes les femmes. […]
http://lmsi.net/Quand-la-haine-des-femmes-se
Les clips antiracistes de l’UJFP – Clip n°4 – Racisme et féminisme
L’UJFP ne pouvait pas éviter de poser la question de racisme dans les mouvements féministes, ni éviter de poser la question de sexisme chez les antiracistes.
Sur la base de ses valeurs, l’UJFP s’est donc engagée aux côtes des victimes du racisme pour promouvoir un nouvel antiracisme, politique et décolonial.
En 2016, l’UJFP a publié un petit livre intitulé « Une parole juive contre le racisme ». Les 5000 exemplaires de ce livre sont aujourd’hui épuisés et l’UJFP travaille à la seconde édition qui paraîtra en janvier 2018. Ce livre a reçu le soutien du CGET.
Le projet de clips vidéo
Pour prolonger cette réflexion, le réalisateur Eyal Sivan a donné la parole à 35 militants antiracistes de l’UJFP. A partir de leur trajectoire personnelle, ils s’expriment sur le racisme et l’antiracisme d’aujourd’hui. Il s’agit de lutter contre les stéréotypes concernant les Juifs mais aussi de montrer comment des Juifs peuvent contribuer à la construction d’un nouvel antiracisme.
La production de ces clips a reçu le soutien du CGET. Les clips seront utilisés dans les établissements scolaires, dans des réunions publiques dans les quartiers populaires, partout où se mène la lutte contre le racisme, contre les discriminations, contre les violences policières et le racisme d’État.
« Ce qu’on peut faire contre le racisme et quand on est juif, c’est déjà se mettre à la bonne place. Ne pas choisir une place où on est en porte-à-faux avec l’oppression dans le monde, où on est en porte-à-faux avec la domination dans le monde. Si on veut séparer les Juifs et les Arabes, alors justement, il y a matière à rapprocher les Juifs des Arabes. Faire le contraire de ce qu’on attend de nous. Puisqu’il y a cette injonction de s’en prendre aux Rroms, être avec les Rroms. Puisqu’on a désigné l’Islam comme étant une religion dangereuse, s’intéresser aux Musulmans qui portent cet opprobre sur eux. Être du bon côté. Et donc, choisir sa place : pour moi, c’est ça le militantisme antiraciste. » Une militante dans un des clips.
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Publications à venir :
1er octobre : Clip n°6 (Hiérarchie des racismes ?)
3 octobre : Clip n°7 (Antisémitisme et antisionisme)
5 octobre : Clip n°8 (Israël et les Juifs)
7 octobre : Clip n°9 (Les Juifs ont peur en France ?)
9 octobre : Clip n°10 (Lutter contre le racisme)
https://blogs.mediapart.fr/beatrice-ores/blog/290917/les-clips-antiracistes-de-lujfp-clip-n-4-racisme-et-feminisme
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