Les français juifs seraient-ils des citoyens à part ?
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : AntifascismeContrôle socialLibérations nationalesRacismeRépression
3 octobre 1940. Le premier Statut des Juifs fait d’une partie des français sous Vichy des citoyens « à part ». Le lendemain, la loi du 4 octobre 1940 sur « les ressortissants étrangers de race juive » étend cette distinction à l’ensemble des Juifs vivant en France.
Les 16 et 17 juillet 1942, 7000 policiers et gendarmes français, sous les ordres du régime de Vichy, procédaient à une rafle des Juifs parisiens. Les fascistes français avaient poussé le zèle jusqu’à l’arrestation des enfants, devançant ainsi les demandes de l’occupant nazi. Plus de 13000 Juifs dont 4000 enfants étaient parqués au vélodrome d’hiver avant d’être déportés et, pour la quasi-totalité, assassinés.
Ni les auteurs ni les exécutants français de cette rafle ne seront poursuivis, en particulier René Bousquet qui sera assassiné sans jamais avoir été jugé. Il faudra attendre 1995 pour que le président Chirac reconnaisse la responsabilité de l’État français.
En quoi ce crime contre l’humanité « franco-français » concerne-t-il un chef d’Etat étranger ? A quel titre un chef d’Etat étranger pourrait parler au nom des victimes et de leurs proches ?
Sauf à considérer que les Juifs français sont des citoyens un peu différents, qu’ils ne sont pas tout à fait Français et doivent être représentés par l’Etat d’Israël… Curieuse vision de notre République que nous présente-là son nouveau Président.
Nous, Juifs français sommes doublement choqués par cette invitation. Non seulement elle fait de nous des citoyens « à part » mais en plus le Président Macron nous fait représenter par le chef d’un Etat où un citoyen sur cinq n’a pas les mêmes droits que ses quatre compatriotes juifs. Une puissance occupante qui, au mépris des Conventions de Genève et des rappels à l’ordre de l’ONU vole l’eau et la terre des Palestiniens pour y installer des colonies, nie les droits des Palestiniens (enfermement administratif, exécutions extrajudiciaires…) quand il ne les enferme pas dans la cage infernale qu’est devenue Gaza.
Comment, en plus, oser nous faire représenter nous, enfants de la République, par le représentant d’un régime dont le racisme s’affiche ouvertement, assimilant les Palestiniens à des serpents ou appelant au meurtre contre les mères palestiniennes. Un racisme qui s’étend même à ses propres citoyens juifs, orientaux ou venus d’Afrique de l’Est.
L’UJFP dénonce l’invitation de Benyamin Nétanyahou par notre Président. Cette visite est une insulte aux victimes et à leurs proches.
La lutte contre le racisme et pour l’égalité des droits ne se divise pas.
Le Bureau national de l’UJFP le 9-07-2017
En premier lieu parce que Benyamin Netanyahou, Premier ministre de l’État d’Israël depuis plus de huit ans, est l’incarnation de la politique oppressive, brutale et discriminatoire dont est victime le peuple palestinien. Sous son mandat, la colonisation s’est accélérée – avec même la construction officielle, depuis juin, d’une nouvelle colonie, une première depuis 25 ans – pour atteindre aujourd’hui le chiffre de plus de 600.000 colons à Jérusalem et en Cisjordanie. Corollaire de cette politique, les expulsions et les destructions de maisons palestiniennes se poursuivent, tandis que Netanyahou déclare cyniquement aux colons : « Mes amis, tout le monde a le droit de vivre chez lui et personne ne sera délogé de chez lui ». Tout le monde, sauf les Palestiniens.
Près de 6500 prisonniers palestiniens croupissent aujourd’hui dans les geôles israéliennes, dans des conditions si révoltantes que plus d’un millier d’entre eux ont participé à un vaste mouvement de grève de la faim en avril-mai dernier. Au cours des dernières années, le nombre de prisonniers n’a cessé d’augmenter (+25% entre 2013 et 2017), avec une véritable explosion du nombre de mineurs détenus (+100% sur la même période). Le blocus inhumain de Gaza se poursuit, avec des accès à l’eau potable et l’électricité de plus en plus restreints, et une dégradation continue des conditions de vie et de santé de la population. Et partout dans les territoires palestiniens, la moindre protestation est réprimée, la plupart du temps dans le sang.
Ignoble instrumentalisation du Vel d’hiv
C’est donc avec le principal responsable de cette politique qu’Emmanuel Macron va avoir un paisible « entretien de travail » le 16 juillet prochain. Quelques semaines après avoir reçu Poutine à Versailles, et deux jours après avoir accueilli Trump à l’occasion des cérémonies du 14 juillet, le président français poursuit donc sur sa lancée en se faisant l’hôte du Premier ministre d’un État terroriste. Et comme si cela ne suffisait pas, Netanyahou participera aux commémorations de la rafle du Vel d’hiv, au cours de laquelle, les 16 et 17 juillet 1942, 13 152 hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés par les autorités de Vichy à la demande des nazis, avant d’être déportés.
Voilà qui ajoute du scandale au scandale. Lorsque l’on connait la propension des dirigeants israéliens en général, et de Netanyahou en particulier, à instrumentaliser la mémoire du génocide juif, dont ils se revendiquent les uniques dépositaires, on ne peut qu’être révolté. Comme l’ont souligné Dominique Vidal et Bertrand Heilbronn dans une tribune publiée sur Mediapart, « Israël ne peut se présenter comme le seul héritier des victimes de la Shoah, qu’il ne saurait transformer de manière posthume en partisans de la création de l’Etat d’Israël, encore moins de la politique anti-palestinienne que symbolise le leader de la droite et de l’extrême droite israéliennes ».
« Ceux qui sont contre nous méritent de se faire décapiter à la hache. »
En 2013, l’historien israélien Zeev Sternhell, spécialiste de l’extrême droite et du fascisme, écrivait lucidement : « au nombre des États occidentaux, celui où l’extrême-droite est la plus puissante (jusqu’à s’y trouver au pouvoir) et où la gauche est la plus faible, est Israël. (…) Et il est plus difficile encore d’échapper à la conclusion que la droite israélienne (…) distance de très loin la droite du Front National de Marine Le Pen. Comparée à la plupart des membres du gouvernement et de la Knesset, cette dernière ressemble à une dangereuse gauchiste. Israël est aujourd’hui à l’extrême-droite du spectre politique et les groupes qui y composent la droite sont parmi les pires, et les plus redoutables, de ceux qui œuvrent actuellement dans les sociétés démocratiques, à l’exception des mouvements néo-nazis. »
Ces lignes n’ont malheureusement pas pris une ride, bien au contraire. La coalition dirigée par Benyamin Netanyahou est un regroupement de racistes et de néo-fascistes qui associent politiques d’occupation et d’apartheid contre les Palestiniens, répression féroce de toute contestation, censure contre les médias pas complètement aux ordres, complaisance vis-à-vis de bandes armées fascistes qui parcourent les rues pour « casser de l’arabe et du gauchiste », etc. Telle est la véritable nature du pouvoir à la tête duquel se trouve Netanyahou, dont l’actuel ministre de la Défense Avigdor Lieberman déclarait durant la dernière campagne législative : « Ceux qui sont contre nous méritent de se faire décapiter à la hache. »
La visite de Netanyahou est donc doublement révoltante, et Macron porte la responsabilité de ce scandale. L’imposture que représente celui qui se prétend « moderne » et « progressiste » est chaque jour plus patente : comme nous l’écrivions suite à son « changement de position » au sujet de Bachar al-Assad, Emmanuel Macron est l’ami des puissants, des dictateurs et des bourreaux, pas celui des peuples. En permettant la présence de Netanyahou lors des commémorations de la rafle du Vel d’hiv, il ajoute à ce sinistre tableau la complicité dans une opération de manipulation de la mémoire du génocide juif orchestrée par la droite et l’extrême droite israéliennes. Nauséabond.