L’intermittence, précarité à temps plein ?
(version téléchargeable : http://nantes.indymedia.org/zines/29867)

Le roseau a beau être flexible, arrive un moment où il casse…

Vilains saltimbanques qui feraient sauter la banque de l’assurance chômage…
Qui se cache donc derrière les intermittents du spectacle ?

En 2011 , ils étaient 254 394 à avoir cotisé à ce régime.
Car, oui , l’intermittence n’a rien d’un merveilleux statut d’artiste, c’est un régime de chômage parmi d’autres.
Celles et ceux qui en dépendent cotisent aux caisses de l’Unédic, comme tout le monde et même un peu plus : un salarié dépendant des annexes 8 ou 10 de l’Unédic reverse 3,8% de son salaire quand un salarié du régime général en reverse 2,4%.

Mais peu importe, en France, il n’y a pas de concours du meilleur cotisant ! C’est la base du système de redistribution : ceux qui travaillent financent par solidarité ceux qui ne connaissent pas le plein emploi et, comme la roue tourne, chacun peut être amené à en bénéficier à son tour.

 » Dépendre d’un régime  » ne veut pas forcément dire en toucher de l’argent. Sur l’ensemble des cotisants au régime de l’intermittence à peine 43% ont été indemnisés au moins une journée en 2013. Pas même la moitié ! 108 700 travailleurs du secteur, 1 ,9% de plus qu’en 2010 et 2,1 % de plus qu’il y a dix ans, en 2003. Quel bond magistral !

Remontons un peu dans le temps. 1936 : cette année-là est créé un nouveau régime salarié appelé : intermittent à employeurs multiples. Il est spécifiquement pensé pour les techniciens et cadres du cinéma. Et, surtout, il est défendu par les producteurs de cinéma qui n’arrivent pas à trouver du personnel. Bien au chaud avec un patron fixe et une paye annuelle, peu nombreux sont celles et ceux qui acceptent, à l’époque, de travailler sur des périodes courtes et ponctuelles.
Progressivement, l’intermittence est étendue aux techniciens du disque puis de l’audiovisuel. Les artistes et les techniciens du spectacle vivant n’y sont rattachés qu’en 1969.
L’intermittence permet donc, à l’origine, à un employeur d’avoir une main d’œuvre plus flexible en échange d’une certaine protection sociale pour celles et ceux qui acceptent ces conditions précaires par nature : donnant-donnant.

Depuis quelques années, l’emploi flexible est justement à la mode.
Tiens donc !

Premier trimestre 2013 : les CDD représentaient plus de 83% des contrats signés dans les entreprises de plus de 10 salariés. Un record depuis 2000 ! Mieux : en dix ans, entre 2003 et 2013, les CDD de moins d’un mois ont plus que doublés, passant de 1,8 à 3,7 millions.

Regardons aussi du côté des chômeurs. Depuis 1996, ceux de la catégorie A, qui ne connaissent donc aucune période de travail, sont passés de 3 à 3,3 millions. Mais ceux des catégories B et C qui travaillent régulièrement sont passés de 500 000 à 1 ,7 millions.
Bonjour l’emploi précaire !

Petit saut Outre-Manche. En Angleterre, sont apparus les contrats  » 0 heures « . L’employeur ne s’engage à aucun minimum d’heures travaillées, il se contente d’appeler le travailleur dès que nécessaire. Pratique !

Retour en France. L’accord sur l’assurance-chômage signé le 22 mars 2014 aura également de lourdes conséquences sur les intérimaires. Les deux tiers d’entre eux risquent de voir leurs allocations mensuelles réduites.
Une certaine idée des économies…

La question du régime de l’intermittence n’est qu’un arbre que l’on tente d’isoler pour cacher une sombre forêt. La réalité, c’est qu’à un besoin de flexibilité côté employeur répond une précarisation des employés. Et l’on retombe sur la question de fond posée par l’intermittence dès 1936 : quel est le donnant-donnant ?

Cette plaquette a été créée par la Compagnie Jolie Môme à partir d’une transcription et avec des images de DATAGUEULE#8 : L’intermittence, précarité à temps plein ? réalisé par Julien Goetz. Une émission France Télévisions / Premières Lignes Télévision / 2014.