Pourquoi les « anti-racialisateurs » (et aussi celleux qui les soutiennent) font partie du problème… et non de la solution
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : MédiasRacisme
Lieux : Marseille
Depuis plus d’un an une campagne politique acharnée et réactionnaire est menée par les « anti-racialisateurs ». Diffusion de textes, brochures, émission de radio, collage, perturbations.
Ielles ont la prétention (et le culot) de se présenter en fins connaisseurs des mouvements politiques qui luttent contre le racisme et comme si ces questions politiques leurs tenaient vraiment à cœur.
S’autoproclamant comme les vrais révolutionnaires et les vrais anti-racistes, ielles sont parties en croisade pour défendre la pureté de l’idée révolutionnaire contre l’ « idéologie racialiste » (qu’ielles ont inventé de toute pièce), qui serait en train de s’infiltrer dans « les organisations et milieux politiques qui vont de l’extrême gauche jusqu’aux libertaires ».
Cette prétendue « idéologie » n’apporterait que du confusionnisme et serait le symptôme de la perte de perspectives révolutionnaires. Elle ferait infiltrer dans ces milieux des idées racistes (camouflées en progressistes), à travers l’utilisation de mots et catégories qui viennent du pouvoir (« race ») ou de leurs dérivés (comme « racisé-e », etc), et qu’on devrait donc rejeter en bloc si on est des vrais.
Ielles essaient de nous faire croire que toutes les personnes qui utilisent ces mots sont pareilles et défendent le même discours. Elles sont toutes racistes. Des ennemies à combattre et à éliminer des milieux qui se veulent révolutionnaires.
Mais tout n’est pas perdu, vu qu’ielles sont arrivées pour sauver et pour défendre ces milieux !
Alors vite, il faut faire comprendre à tout le monde qu’à cet endroit-là se situerait le point de rupture, autour duquel il y a urgence à se positionner, pour se donner la possibilité de rouvrir des vraies perspectives révolutionnaires.
Sans blague ?! Merci de nous protéger de ce grand danger, tout en essayant de nous apprendre la vie et la révolution. Bien essayé, mais raté.
S’ielles connaissaient vraiment les mouvements anti-racistes et décoloniaux et s’ielles s’intéressaient vraiment aux différents systèmes d’oppression, ielles sauraient sans doute que des débats et des questionnements existent déjà autour de l’utilisation de mots créés par le pouvoir pour parler du racisme structurel et pour analyser l’oppression qui va avec. Ielles sauraient aussi que des débats existent depuis des années dans certains milieux féministes sur l’équilibre à trouver entre la volonté de mettre fin aux oppressions et la volonté de nommer et d’analyser ces mêmes oppressions ; sur comment dépasser les catégories créés par le pouvoir (qui participent à entretenir les oppressions), tout en prenant en compte le fait que ces mêmes catégories permettent aussi de nommer et d’analyser ces oppressions. Parce que ça ne suffit pas de ne plus en vouloir et de ne plus les utiliser pour que ça fasse disparaître les effets et les conséquences concrètes qu’elles produisent dans la réalité.
Alors pas la peine de faire les messies qui apporteraient la bonne parole pour éclairer les pensées.
Personne vous a attendu-es pour réfléchir à ces questions. Et surtout, personne n’a besoin de votre avis ni de votre validation.
Ceci dit, je crois qu’il y a une différence fondamentale entre complexifier ou critiquer certaines applications des grilles d’analyse des oppressions et dominations, tout en voyant et en comprenant l’importance et la valeur de leurs apports, et le faire, à l’inverse, avec l’objectif de s’attaquer à ces grilles d’analyse dans leur totalité, pour les rejeter en bloc. Et c’est justement là qui se trouve le cœur du problème.
En effet, le problème politique le plus important par rapport aux « anti-racialisateurs » n’est pas leur ignorance autour de toutes ces questions, mais leurs intentions politiques.
C’est certes très désagréable et malvenu quand, en connaissant très mal ce dont elles parlent, ces personnes se sentent légitime non seulement de pondre des pages et de pages, faire des émissions de radio, des affiches, ect. Et, en plus, de le faire d’une manière super arrogante et méprisante.
Mais, qui plus est, ielles vont jusqu’à traiter de « racistes » toutes les personnes qui, pour lutter contre le racisme structurel, essaient d’analyser et de critiquer la « race » comme une construction sociale utilisée pour hiérarchiser les individues sur la base de marqueurs physiques/biologiques et/ou ethno-culturels.
À grands coups d’amalgames absurdes, de déformations des discours des autres, de raccourcis réducteurs, les « anti-racialisateurs » mettent dans le même sac toutes les personnes qui utilisent le mot « race ». De l’extrême droite au PIR, de la gauche anti-raciste aux mouvements dé-coloniaux, c’est toutes les mêmes. Aucune différence dans les idées, les analyses, les discours portés, les perspectives. Face à autant de confusionnisme, de manipulations et de mauvaise fois, on ne peut pas ne pas comprendre que leurs intérêts et intentions politiques sont toutes autres que celles qu’ielles affichent.
Il ne faut pas être dupes. Leurs crachats confusionnistes ne visent pas à s’attaquer au racisme, qu’ielles n’utilisent, en bon politicien, que pour redorer leur pilule. Ielles sont, en réalité, en train de s’attaquer à certaines visions politiques auxquelles ielles font parfois allusion mais qu’ielles ne nomment jamais explicitement.
Ce que les « anti-racialisateurs » sont en train de faire, c’est s’attaquer aux visions et analyses politiques qui, depuis des décennies, essaient de politiser toutes les sphères de la vie et du quotidien pour montrer que les rapports d’oppression et de domination ne se réduisent pas au seul champ économique, ni sont seulement véhiculés par l’État. Ielles sont en train de s’attaquer aux analyses qui considèrent ces rapports d’oppression et de domination comme quelque chose qui traverse tout le monde, que certaines personnes subissent en même temps que d’autre en bénéficient.
Par la même occasion, ils s’attaquent donc aussi aux implications politiques de ces analyses : comme le fait que les « ennemis » ne sont pas seulement les bourgeois, ni seulement « les autres », les caricatures du raciste ou du macho ; comme le fait que les milieux soi-disant révolutionnaires ne sont pas en dehors de la société mais qu’ils sont aussi traversés par tout ça ; comme l’idée que c’est aux opprimé-es, en tant que groupe social, de définir l’oppression qu’ielles subissent (et donc aussi décider de comment en parler) ; comme le fait que la non-mixité soit pensée comme un outil politique d’émancipation (sans oublier que ça relève tout simplement d’une logique autoritaire de se permettre de dire à d’autres comment ielles devraient s’organiser pour lutter).
Ces analyses sont des apports des luttes de libération et d’émancipation menées par des opprimé-es, qui ont dû se battre depuis des décennies (et ça continue encore) au sein des milieux révolutionnaires pour que leurs réalités et leurs vécus d’oppressions soient pris en compte comme quelque chose qui existe, qui est politique et qui a autant d’importance que les effets du capitalisme et de l’État. Comme une condition pour pouvoir exister entièrement dans ces mouvements révolutionnaires.
Ces luttes ont permis de prendre conscience et de mettre en lumière l’existence de ces oppressions, c’est à dire de voir l’oppression là où on ne la voyait pas avant, parce qu’on considérait l’état des choses comme normale, comme relevant de l’ordre naturel.
L’offensive des « anti-racialisateurs » n’est dans le fond rien de nouveau ni de très original, vu qu’elle n’est rien d’autre qu’un mouvement de « réaction », dans le sens de conservateur et réactionnaire, à l’émergence, à l’existence et au renforcement de ces visions politiques et de leurs implications. Pour ne pas devoir voir ni prendre ses responsabilités dans ces autres systèmes de dominations. Ou, pour certain-es, pour pouvoir continuer à bénéficier de ses privilèges sans avoir à se remettre en question et sans qu’on les fasse chier.
Alors non, ce qui est en train de se jouer n’est pas un débat, tout comme ce n’est pas une guerre de chapelle ou une bataille pour l’hégémonie. C’est insultant de voir les choses de cette manière.
Parce que vouloir nier ces oppressions, leurs effets et leurs implications, ou remettre à nouveau en question leur portée politique, n’est pas juste une opinion, mais participe pleinement de l’oppression elle-même.
C’est pour tout cela que je considère qu’il faut réagir à leur offensive et ne pas laisser de place aux idées réactionnaires qu’ielles essaient de diffuser.
Depuis quand, pour les révolutionnaires, tout serait discutable et entendable ?
Non, la soirée du 28 octobre à Mille Bâbords n’était pas un débat, mais la dernière étape de leur campagne politique nauséabonde.
Face à ces crachats insultants et méprisants qui véhiculent des idées à vomir et qui puent le moisi, ça me paraît donc tout à fait compréhensible et souhaitable que des gentes décident de ne pas laisser passer cet énième affront.
C’est pour tout cela que je comprends très bien la colère des personnes racisé-es qui sont venues à Mille Bâbords pour empêcher que la soirée ait lieu. Comme celle des autres personnes (dont je fais partie) venues pour s’opposer à ce pseudo-débat ou qui essaient de différentes manières de leur barrer le chemin.
C’est pour tout cela que je ne soutiendrai jamais les lieux et les espaces, physiques ou virtuels, qui permettent une existence et une visibilité à ces discours gerbants.
Parce qu’en faisant cela, ielles cautionnent ces discours. Parce qu’en faisant cela, ielles deviennent une partie du problème et non de la solution.
Plutôt que de jouer les victimes de violences incompréhensibles et de vous étonner naïvement que des conséquences vous tombent dessus, plutôt que jouer les défenseurs de la liberté d’expression et du débat démocratique et vous poser au dessus de tout le monde, plutôt que de vous cacher derrière vos chartes remplies de mots que vous videz de leur sens et de leur profondeur politique, prenez vos responsabilités et assumez les conséquences de vos choix.
Plutôt que de pointer la violence visible des personnes qui ripostent à une oppression, regardez déjà la violence « invisible » que vous véhiculez et dont vous ne vous rendez même pas compte tellement elle fait partie de la normalité.
Ce n’est pas possible de limiter les analyses de la conflictualité politique et de la violence au seul champ économique. Ni de les arrêter devant votre porte.
On ne vous laissera pas nous renvoyer dans le placard ou parmi les oublié-es de la révolution !
une personne blanche – novembre 2016
ps : Je ne me suis pas attardé dans ce texte sur les faits qui se sont déroulés dans la soirée du 28 octobre à Mille Bâbords. Le communiqué concernant l’action menée contre la discussion prévue ce soir-là décrit déjà assez bien ce qu’il s’y est passé, contrairement aux autres textes remplis de victimisme, de mensonges et de mauvaise fois.
Notes:
1 – Mille Bâbords est une « Médiathèque Alternative, un lieu dédié à la promotion et à la connaissance des différents mouvements de luttes sociales », ainsi qu’un site d’infos et luttes à Marseille
2 – Marseille infos autonomes : « site collaboratif d’infos et luttes à Marseille »
Article validé et commentaires cachés à priori pour éviter le trollage. Des commentaires (et donc leurs réponses) ont été cachés également pour le motif suivant :
Les articles qui accusent de « racialistes » les personnes qui s’organisent en non-mixité/construisent collectivement des luttes autour de l’analyse de la société hiérarchisée en terme de race n’ont rien à faire sur indymedia nantes. Le site permet la publication d’articles venant de personnes et de groupes qui choisissent la non-mixité comme moyen d’auto-organisation, et c’est certainement pas aux personnes non concernées de venir publier des articles pour dire a quel point c’est contre-révolutionnaire. Une identité de lutte n’a rien a voir avec un mouvement identitaire.
Pour rappel le racialisme c’est un mouvement scientifique du 19ème et qui a créé des catégories sociales, raciales, de genre… et qui justifiait les systèmes d’oppression, la colonisation, l’exploitation de races, de classes, des femmes,… On notera aussi que ces racialistes – en plus de n »être que des blancs –, disposaient de canaux de communications larges et de positions de pouvoir comme par exemple être au gouvernement, dans les médias et facs réputées etc.
Peut être aussi faudrait se calmer sur le PIR et Bouteldja et arrêter de tout ramener a elleux. Tou-te-s les militant-e-s antiracistes ne sont pas forcément affilié-e-s au PIR.
Enfin bref, vu le contexte raciste actuel, c’est pas très étonnant que ce genre de position ressortent, sauf qu’indymedia ne sera pas utilisé pour être le relais de ce type de discours.
Merci pour cette mise au claire plus qu’importante au vu de la vague réactionnaire qui se manifeste contre ce qu’on appelle racialiste bien que ce mot me dérange car il a pour moi une autre signification… mais bon c’est pas très grave encore… Je voulais appuyer le fait que : non tous les « racialistes » ne sont pas adepte du Bouteldja ou ne vénère pas le PIR il n’y a pas qu’eux dans la vie et dans la lutte ! D’autant plus que son bouquin « les blancs, les juifs et nous » n’est qu’une vulgarisation volontaiement offensive et provocante de Fanon, Césaire, Genet etc… il n’ya rien de réellement neuf… Sortez de vos grottes il n’y a pas que la lutte des classes dans la vie, le militantisme old-school c’est fini maintenant des opprimé.e.s ouvrent leur gueule sur leur condition au sein même du milieu révolutionnaire et ça ne plait pas, ca remet en plein dans la gueule les privilèges des militant.e.s blancs et blanches et ça peut faire mal, alors on se protège et on réagit plutot que de réfléchir et de comprendre pourquoi.
D’autant plus que c’est complètement idiot de réduire une lutte à une pensée compact unique affiliée à une personne, « parti » une idéologie n’est jamais figée et totale. Comme si on essentialisait le féminisme avec Fourest et l’anarchisme avec Proudhon qui était sexiste et proche d’un antisémitisme… Ducoup on fait quoi ? on zap tout ? on oublie ces luttes ? Pcq si on suit votre discours nécrosé, on peut foutre à la poubelle l’anarchisme par exemple… Un peu de bonne volonté, une grande inspiration, on respire, on se détend on compte jusqu’a trois et on se remet en question et on déconstruit sa blanchité… Vous verrez ca fait du bien de se déconstruire un peu surtout que les milieux militants sont bien dégueulasses parfois ne serait-ce qu’à l’échelle du sexisme… et bien la par contre on ne voit plus personne quand à dénoncer ses camarades sexistes, violeurs, harceleurs, qui agressent, qui blessent et qui oppressent… non on préfère se concentrer sur des personnes qui luttent difficilement qui sont minoritaire et sur qui tout le monde leur chie dessus, leur vomis dessus… enfin bon, le vieux monde reste encore accroché et semble coriace même sur nos camarade les plus détaché.e.s de ce monde….