Contre la guerre appel à manifester le 30 janvier
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : AntifascismeContrôle socialRacismeRépression
L’état d’urgence a été déclaré parce que la France est en guerre depuis le 13 novembre – a dit le 13 novembre à 23h 45 le président de la République française, François Hollande.
Or la France n’est pas plus en guerre qu’elle l’était la veille, ou un an avant. Elle bombarde l’Irak depuis 2014, et la Syrie depuis septembre 2015.
Depuis le 13 novembre, l’idée de guerre est utilisée comme un moyen de provoquer un état de panique générale – de panique calme, mais paniquée quand même.
Le pays a été sidéré par les tueries ; il ne se savait pas menacé ; il ne savait même pas que la France bombardait l’Irak et la Syrie. Il a donc été facile pour le pouvoir de lui faire prendre des vessies pour des lanternes et de prétendre que la France allait, à cause de ces tueries, commencer à bombarder Daech en représailles : parce que Daech nous avait attaqués.
Mais aussi horrible que soit Daech, ce n’est pas Daech qui attaqué le premier la France. Or Hollande déclare : « Puisque nous sommes en guerre, et surtout que nous y sommes parce que nous avons été attaqués de façon « lâche » et « barbare », et en plus, « chez nous », nous allons « rétorquer » ». Tous les qualificatifs utilisés à propos des tueries et de la guerre qui s’ensuit, montrent un double standard – un 2 poids 2 mesures. Bien sûr les tueries étaient horribles. Il est difficile de trouver des tueries qui ne le soient pas.
Mais apparemment, si. Celles auxquelles procède l’aviation française, ne seraient pas des tueries, mais des « dommages collatéraux ». L’opinion avale qu’il s’agit de deux phénomènes bien différents.
Car nous sommes encore imprégnés d’une façon de penser coloniale : de l’idée que nous avons le droit et le devoir de rendre la justice partout dans le monde. Et c’est sur ce deux poids-deux mesure structurel, sur cette façon de penser que le gouvernement a tablé.
Et aussi sur le fait que, depuis le Vietnam, il n’y a plus ni photos, ni récits, des tueries provoquées par nos bombardements. Pas d’individus sous les bombes. Pas de preuves des meurtres. Pas même de chiffres.
En revanche les conséquences des attaques du 13 novembre « chez nous » ont été documentées du mieux qu’on pouvait ; les récits des rescapés, des SAMU, des pompiers, des policiers ont été sollicités, enregistrés, retransmis en boucle sur toutes les chaînes télévisées, imprimés dans tous les journaux ; puis, quand tous les récits, tous les témoignages furent épuisés, ce sont les photos des morts, puis leur biographie, qui ont été publiées. Deux mois après l’événement, ont commencé les commémorations.
Tout un pays a été occupé, fasciné, hypnotisé, par le récit de cette violence, récit auquel s’ajoutaient sans trêve de nouveaux détails qui tiraient les larmes des yeux. Le sentiment est devenu irrépressible que nous devions quelque chose à ces morts, ces pauvres morts que nous n’avions pas pu sauver. Comme ceux qui avaient été témoins de leur mort et qui se demandaient tout haut, pourquoi ils étaient, eux, encore en vie, nous éprouvions la culpabilité des survivants. L’esprit de vengeance, qui n’a pas besoin d’être sollicité pour apparaître, a surgi. Et avec lui, en dépit des objurgations à « pas d’amalgame », a ressurgi l’esprit de « si ce n’est toi, c’est donc ton frère », exacerbant un racisme post-colonial déjà très prospère.
Le gouvernement a organisé tout cela très vite : de « on nous a déclaré la guerre », à « l’état d’urgence », il s’est écoulé à peine quelques minutes. Du décret de l’état d’urgence au vote de sa prolongation par un Parlement quasi-unanime, à peine quelques jours.
Et pendant que le gouvernement allait à toute vitesse, nous allions, nous, très lentement. Désemparés, sonnés, nous étions devenus une population aux pieds de plomb. Nous n’avons pas protesté contre la prolongation de l’état d’urgence : est-ce que contester sa nécessité, cela n’aurait pas démontré un manque de compassion, une froideur inacceptables dans ce moment de deuil ?
La célérité du pouvoir à appliquer des changements dont on se demande comment ils ont pu être pensés si vite, contraste avec la lenteur de la population à « réaliser » : réaliser les attaques, réaliser les morts, réaliser l’état d’urgence, réaliser l’interdiction de se réunir. Toutes ces « réalisations » sont venues lentement, difficilement, et quand nous avons réalisé ce qu’on nous faisait, il était trop tard pour manifester.
Une frappe aérienne contre Daech en Syrie a été annoncée le dimanche 15 novembre. Une autre le lendemain et une autre le surlendemain. Puis, plus rien. L’aviation a-t-elle cessé ses frappes ? On n’en sait rien et personne ne proteste contre cette absence de nouvelles.
Au départ, le 13 novembre, Hollande a annoncé les attentats comme des attaques terroristes de Daech : « Nous sommes attaqués » a été le premier mensonge, le mensonge fondateur de toute cette période : les victimes sont innocentes, nous sommes innocents, le pays est innocent, le gouvernement est innocent.
Qui dira le contraire ? Le Dimanche 15, trois personnes parmi les intervenants à la télévision, l’ont fait : Fillon, Bayrou et Villepin. Ils mentionnent, comme allant de soi, que les attaques terroristes sont une réponse aux bombardements français sur l’Irak et la Syrie. Car, oui, c’est la France qui a commencé. Depuis le 27 septembre très exactement en Syrie, depuis l’automne 2014 en Irak. La France bombarde, en tant que membre d’une coalition comprenant les USA, l’Arabie Saoudite, le Qatar et quelques autres états du Golfe.
Or personne du gouvernement, ni le chef de l’Etat ni le premier ministre, ni aucun socialiste ne l’a dit ou laissé entendre.
Certes on ne peut pas effacer complètement les mots que l’un des témoins de l’attaque du Bataclan a entendu prononcer par un assaillant : « Nous sommes ici pour venger les gens que vous tuez en Syrie ». Mais ce propos ne donne lieu à aucun commentaire, ni d’un politique, ni d’un journaliste. Un propos de barbare n’est pas une parole, c’est un son inarticulé, un grognement de bête, un bruit.
La presse a bien mentionné le début des bombardements de Daech par la France en septembre – mais comme un fait divers. Cela n’a pas retenu l’attention. À cause de la façon discrète de présenter ces bombardements mais aussi parce qu’on s’est habitués à ce que la France fasse régner l’ordre dans son ex-empire colonial. Et la France bombarde, et commet des « homicides ciblés » dans tout le Sahel, depuis janvier 2013 sans que personne ne batte une paupière.
Pour quoi ? Dans quel but ? Avec quelles justifications ? Là est la question, non seulement en ce qui concerne la « vengeance » du Bataclan, mais toutes les autres « opex » – opérations extérieures menées depuis janvier 2013. Serval 1 puis Serval 2 au Mali, transformé en « Barkhane » – pour faire croire qu’il ne s’agit pas de la même chose, et cacher que, selon un militaire, « on est là pour longtemps » ; Sangaris en Centrafrique – une opération « humanitaire » censée éviter les massacres inter-religieux qui n’évite rien du tout ; Chammam à Djibouti, dont personne n’a entendu parler ; l’entrée dans la coalition anti-Daech en 2014, dont personne n’a entendu parler non plus, car il faut préserver le mensonge que la France agit seule, comme une grande.
D’après le journaliste du Monde, David Revault d’Allonnes, personne – y compris dans son gouvernement – ne comprend pourquoi Hollande est devenu un foudre de guerre. Quelques éléments éclairent cette transformation :
Deux résultats positifs émergent de ces guerres : pour la première fois, l’invendable avion Rafale, qui reste sur les rayons depuis plus d’une décennie, a été vendu. Le ministre de la guerre, Le Drian, en a fourgué 25 à l’Egypte, puis 25 au Qatar, deux états démocratiques. L’autre résultat, c’est que à chaque fois, la cote de François Hollande remonte – (puis retombe presque aussitôt).
Un autre mobile pro-guerre apparaît selon ce même journaliste : Hollande apprécie le fait que quand il appuie sur un bouton, les paras sautent sur la cible dans les 6 heures – ce qui a fait de la « prise » de Tombouctou en 2013 le « plus beau jour de sa vie politique ». Tandis que quand il enjoint aux autres ministres « d’inverser la courbe du chômage », ça ne marche pas si vite, et même, ça ne marche pas du tout.
Enfin, un quatrième mobile apparaît, incroyable tant il semble enfantin ou mégalomane. Pour Hollande, la posture louis-quatorzième de garder le « rang » de la France, celui d’« une puissance mondiale », joue autant que la volonté de garder l’uranium d’Afrique pour Areva. Or, commente Hubert Védrine, « nous sommes un pays chimérique, qui est de plus en plus ridicule à se prétendre universaliste alors que nous n’en avons pas les moyens ». Combien de morts faudra-t-il compter avant d’abandonner cette chimère ?
Beaucoup d’autres résultats sont à porter au débit de cette guerre. Le premier évidemment, ce sont les attaques « terroristes » sur le sol français. Mais « on ne s’y attendait pas » (le gouvernement, si). Car tous les pays du monde doivent accepter les incursions des puissances occidentales qui s’arrogent le droit de changer les gouvernements des autres, de bombarder leurs populations, de les laisser en ruines et en guerres civiles tout en maintenant que leur propre sol, leurs propres populations sont des sanctuaires ; qu’il est inconcevable que les « autres » osent les attaquer.
Et pourtant cela arrive.
Les attentats de novembre sont la conséquence des bombardements sur la Syrie. Ce qui était le 15 novembre une évidence pour Fillon, Bayrou et Villepin, bien qu’ils se soient tus depuis lors, tout a été fait pour le nier. Jusqu’à l’absurde ; ainsi cette phrase : « Les attentats ne sont pas à cause de ce que nous faisons, mais à cause de ce que nous sommes ». Ce qui nous a valu une définition de « ce que nous sommes ». La francité c’est, depuis novembre, de « boire des bières en terrasse ». Boire des bières en terrasse n’est plus une action, un comportement, un loisir, une dépense : c’est une essence.
Enfin, nous tenons ce que nous cherchons depuis des années : l’identité nationale.
Pour pouvoir continuer la guerre, il faut prétendre que c’est une nouvelle guerre, pas une guerre qui dure depuis plus d’un an dans sa partie syrienne, et qui a commencé depuis bien plus longtemps dans le Moyen-Orient.
Une guerre plus grave, donc nouvelle. Qui change tout. Qui permet de tout changer. De justifier l’état d’urgence, et la démolition programmée de l’Etat de droit. Tandis que l’état d’urgence devient à son tour une preuve de l’urgence et de la nécessité de la guerre.
Guerre et état d’urgence sont les deux composantes indissociables de l’état dans lequel l’Etat nous a mis.
http://lmsi.net/Contre-la-guerre
De nombreuses organisations toulousaines appellent à manifester ce samedi pour la sortie de l’Etat d’urgence, contre sa constitutionnalisation et la déchéance de nationalité. Le CUAP 31 sera présent et manifestera également contre l’état d’urgence. Cependant, nous n’avons pas signé le texte d’appel toulousain, car il ne mentionnait pas une dimension à nos yeux centrale : l’islamophobie d’Etat.
La réalité de l’Etat d’urgence est pourtant sans appel. Les Musulman-e-s sont :
Les premières cibles des perquisitions administratives injustes, violentes, brutales et arbitraires. Dans toute la région Midi-Pyrénées, plusieurs dizaines de familles ont vu leur foyer envahi, fouillé, parfois saccagé par des forces de l’ordre sur-armées. Des personnes menacées, menottées, mises en joue, brutalisées, foyers au mieux fouillés, au pire saccagés. Ces « cibles » ont été traitées comme des criminels qu’ils ne sont pas : tout ça pour faire du renseignement et profiter du blanc-seing que l’Etat d’urgence procure aux différentes polices. Ces perquisitions n’ont pas renforcé la sécurité de qui que ce soit ; elles ont par contre gravement entâché la sécurité d’hommes, de femmes et d’enfants et installé durablement sentiment d’injustice et défiance vis-à-vis de l’Etat.
Les premières cibles des assignations à résidence : des hommes sommés de pointer au commissariat jusque 4 fois par jour, entraînant parfois une perte d’emploi, sans que rien ne le justifie.
Premières cibles des actes de haines : pompes funèbres vandalisées, mosquées attaquées, portes de logement taguées. Mais aussi jets de pierres, agressions, insultes, crachats… Dans leur grande majorité, les personnes visées – des femmes pour la grande majorité – ne portent pas plainte parce que ni la justice ni la police n’apparaissent comme un recours, à cause du racisme structurel.
Les premières cibles des discours politiques et médiatiques simplificateurs, guerriers et vindicatifs qui entretiennent les amalgames et désignent un ennemi intérieur.
Les premières cibles des contrôles au faciès.
Les premières cibles de la délation déclenchée par les campagnes de « détection de radicalisation ».
C’est pour dénoncer tout cela que le CUAP manifestera samedi.
Notre dénonciation de l’Etat d’urgence doit être indissociable de la dénonciation de l’islamophobie. Le fossé doit cesser de se creuser entre prétendu droit à la sécurité pour les uns et injonctions à disparaître et se soumettre pour les autres. Nous affirmons notre solidarité avec les Musulmans et toutes les personnes qui subissent l’état d’urgence et appelons les toulousain-e-s à venir nombreux ce samedi pour exiger la sortie de l’Etat d’urgence.
CUAP 31 – Collectif pour une union antiraciste et populaire
http://toulouse.etatdurgence.fr
https://www.facebook.com/collectifuap31/
https://iaata.info/Appel-a-un-cortege-contre-l-islamophobie-et-l-etat-d-urgence-992.html
c’est important de rappeller que la France est le primo-agresseur(déclaration de guerre contre l’ei en irak a la mi-septembre 2014)…contre l’état de guerre,guerre a l’état…et de pas oublier que la plus grave des conséquences de la mise en guerre de la France,c’est les centaines de victimes civiles du terrorrisme d’état français en irak et en syrie,ensuite les milliers de perquises et flics en france,ensuite les quelques tracasseries infligées a des camarades gauchistes(si je peut me permettre de hierarchiser des “priorités”,ayant l’impression de voir souvent la hierarchisation inverse,pas ici…)