Nous n’appelons pas au calme: l’interluttants n°34
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Thèmes : Exclusion/précarité/chômageResistances
Trop faibles pour nous défendre, nous passons à l’attaque
Avons-nous tous compris que l’accord du 22 mars nous fait entrer dans un autre monde ? Plus nous avançons dans le décryptage de cet accord, plus nous en comprenons la logique. À l’évidence l’Assurance-chômage n’est pas uniquement dégradée, sa direction n’est pas seulement aux mains de syndicats soucieux de conserver des emplois pour leurs permanents, elle n’est pas simplement la chambre d’enregistrement de « réformes » conçues dans les bureaux du Medef, signées par la CFDT et agréées par les gouvernements [1].
Non, le rôle de Pôle Emploi à la suite de cet accord excédera la simple question du versement d’indemnités et de l’aide à la recherche d’emploi. Pôle Emploi va devenir une arme de contrôle permanent de nos vies. Loin d’être un instrument de solidarité ou d’émancipation, l’assurance-chômage va devenir l’exécutrice des volontés du capitalisme. Son objectif sera – il l’est déjà, mais ce sera désormais avec un acharnement inédit – la remise au travail des inemployables, le knout qui réactivera les chômeurs, l’aiguillon qui obligera chacun à accepter n’importe quel emploi à n’importe quel prix dans n’importe quelles conditions. Sa nouvelle « mission de service public » sera de produire un marché du travail fondé sur l’hyper-précarité et les bas salaires [2]. Comme pour les intermittents du spectacle depuis 2003, le temps se resserrera pour tous, et les intermittents de l’emploi, chaque jour plus nombreux, travailleront sans cesse pour accumuler les heures qui leur permettront de rester dans le système, dans la course, dans la concurrence effrénée de tous contre tous.
C’est bien une guerre qui est déclaré au nom d’une idéologie libérale forcenée. Il s’agit de rendre chacun démuni, isolé face au guichet de Pôle-Emploi, de la Caf ou de son banquier. Nos adversaires nous veulent ainsi, divisés, émiettés, incapables de répondre aux coups qu’ils nous portent, silencieux devant leur vulgate culpabilisatrice faisant de chaque chômeur un fraudeur en puissance, comme le déclare le ministre du Travail [3], soumis au remboursement aberrant d’une prétendue dette collective, dont se gargarise le ministre de l’Économie qui rêve de détruire encore un peu plus les droits des chômeurs à l’occasion de la prochaine « réforme » de l’Unédic.
Ils nous veulent désunis – c’est le but de leurs prétendues tables de concertation, dont tout le monde connaît déjà l’issue : un rapport que nul ne prendra la peine de faire semblant de lire, rassemblant pêle-mêle les fantasmes farfelus de FO sur l’emploi permanent dans les théâtres et un nouveau modèle d’indemnisation du chômage qui concerne tous les intermittents de l’emploi et ouvre une véritable alternative politique et sociale. Le fameux différé d’indemnisation spécifique aux intermittents du spectacle se verra pris en charge par l’État, qui soudain trouvera les moyens dont on le croyait dépourvu, jusqu’en 2016. Bref, on enfoncera un coin dans la solidarité de tous les salariés et chômeurs et on prétendra avoir sauvé le dialogue social.
Mais nous le répétons : nous ne voulons pas être sauvés [4]. C’est tout l’accord du 22 mars, c’est l’ensemble des politiques d’austérité en France comme en Europe que nous récusons.
Le bras armé de la doxa libérale qu’est ce gouvernement se sait illégitime. C’est la raison pour laquelle il s’inquiète tant de tout rassemblement visant à remettre en cause sa logique délirante de productivisme et de marche au plein emploi précaire pour tous à n’importe quel prix.
Un projet inutile de barrage, dont le seul but était de remplir les poches d’une minorité d’entrepreneurs et de notables, de faire marcher l’économie pour faire marcher l’économie, de sacrifier à l’idéologie de la croissance et à la religion de l’emploi, a provoqué la mobilisations de centaines de gendarmes, le tir de grenades offensives sur des manifestants, et la mort de l’un d’entre eux. Le gouvernement continue sa politique par d’autres moyens, la guerre sociale contre les chômeurs, la répression policière, la mort.
Chômeurs, intermittents, intérimaires, précaires, avec ou sans papiers, postiers, personnels hospitaliers, cheminots en lutte, opposants à cette politique d’asservissement, nous sommes nombreux et pouvons nous rassembler pour l’être encore plus.
Nous ne nous laisserons pas isoler.
Nous ne sommes pas intimidés et nous n’appelons pas au calme.
Nous nous promettons même, si un mouvement se lève, de nous en réjouir.
L’Interluttants, Journal irrégulier à prix libre, au sommaire du n° 34
Édito : Trop faibles pour nous défendre, nous passons à l’attaque
. Droits rechargeables, précarité éternelle
. Sur Internet, personne ne vous entendra crier
. Marseille contre la fermeture des CAF
. Ils nous veulent précaires, nous serons inflexibles
. Occupation du siège de l’OCDE
. La grève sociale s’invente en Italie
. Un nouveau modèle d’indemnisation du chômage
. Lettre ouverte à la mère de Rémi, Farid El Yamni, frère de Wissam assassiné par la police le 1er janvier 2012
Notes :
[1] Sur l’orientation de ces « réformes » voir « Refondation sociale » patronale : Le gouvernement par l’individualisation, Maurizio Lazzarato
[2] Le marché n’est pas une donnée de nature mais bien une construction sociale dans laquelle l’état tient son rôle, qui est de fabriquer sans cesse la concurrence et ses conditions, voir à ce propos Nous avons lu le néolibéralisme ou Foucault chez les patrons – Université ouverte
[3] Chômeurs contrôlés , patrons assistés : la démagogie, mode d’emploi (précaire)
[4] Nous ne voulons pas être sauvés, nous voulons de nouveaux droits ! Cip-idf
Lors de la manifestation des chômeurs et précaires pour la justice sociale qui a réuni 3000 personnes à Paris [1], une partie du cortège est allée rendre visite aux « états généraux » du parti socialiste.
Le but de cette action était d’intervenir en lisant le texte qui suit plus bas.
Décidé à rester muré dans ses certitudes, à n’entendre aucune contestation, le parti socialiste a reçu les 300 manifestants présents avec des crachats et à coups de poings, de pieds, de gaz lacrymogène, de matraques télescopiques et de… taser.
Puis une quantité pléthorique de policiers est très rapidement intervenue en renfort du service d’ordre socialiste.
La suite : États généraux du PS : dialogue à coups de taser, 53 arrestations
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7486