Contre le racisme, la violence d’État, l’exclusion et la négation de droits, nous défendons la légitimité des protestations des populations marginalisées en France et au Brésil

Depuis la fin du mois d’octobre, nous avons accompagné les manifestations de protestation de la jeunesse des faubourgs de plusieurs villes françaises. Ce sont, pour la plupart, des Français pauvres, des descendants d’immigrées ou des immigrées qui souffrent quotidiennement de la discrimination ethnique, culturelle et sociale, de la violence policière arbitraire, du chômage et de l’indifférence gouvernementale. Toute la presse internationale a publié dernièrement des reportages révélant la réalité cachée par la supposée “intégration” sociale et ethnique, non seulement en France, mais aussi dans plusieurs autres pays d’Europe.

Au Brésil, nous sommes une majorité de descendantes de noires et d’indigènes. Nous souffrons encore aujourd’hui du racisme et de l’oppression sociale qui sont présents depuis l’époque du colonialisme. Jusqu’à aujourd’hui, au Brésil, pratiquement rien n’a été réalisé pour la réparation et le dépassement de siècles d’esclavage et de génocide. Le passé colonial survit dans divers aspects de la réalité de notre pays :

– Ce sont les noires qui sont les principales victimes de l’odieuse violence policière atteignant quotidiennement les communautés pauvres ;

– Les noires sont en majorité parmi les millions de chômeurs. Lorsqu’ils/elles sont employées, leurs salaires sont inférieurs à ceux des blancs ;

– La proportion de noires et d’indigènes parmi les étudiantes universitaires est nettement inférieure à la proportion de descendants d’indigènes et d’africains présents dans la population du pays ;

– Une règle non écrite exclut des millions de personnes d’emplois où est exigée la dite “bonne apparence”. C’est-à-dire de ne pas avoir de traces de descendance africaine ;

– Le revenu, la propriété et la richesse générale sont fortement concentrés dans les mains d’une minorité d’origine européenne (colonisatrice), dans un des pays les plus inégaux du monde.

Ainsi, nous comprenons très bien la réalité dans laquelle vivent nos frères français et immigrées, descendants des peuples colonisés. Les deux jeunes défunts, quand ils fuyaient de la police à Clichy-sous-Bois sont pareils à nos jeunes qui sont quotidiennement assassinés par les forces de l’État dans nos bidonvilles (favelas) et périphéries. Les déclarations du ministre de l’Intérieur français en se référant aux jeunes qui protestent comme étant de la racaille, correspond aux déclarations de nos autorités gouvernementales et policières qui les nomment de “bandits” se référant à tous ceux et celles qui dans les communautés du Brésil protestent et combattent la violence policière et les exécutions sommaires. Nous nous solidarisons et compatissons avec la douleur et la révolte des faubourgs pauvres de France.

En opposition avec l’opinion publique internationale, le gouvernement français, et particulièrement le ministre Nicolas Sarkozy, insiste en faisant référence à des “bandes” de criminels comme étant les auteurs des protestations des dernières semaines. Ce discours de criminalisation de la pauvreté que nous connaissons aussi bien ici a été utilisé pour justifier l’adoption (prolongée actuellement à plus de trois mois) de l’état d’urgence, une législation colonialiste qui n’avait encore jamais été adoptée sur le territoire français. L’État français répond ainsi avec plus de répression et d’intolérance à une révolte provoquée par la répression et l’intolérance.

Ce qui arrive en France, en Europe et dans le monde entier nous atteint aussi ici au Brésil. Les institutions policières brésiliennes, objet d’innombrables dénonciations concernant des violations très graves des droits humains selon divers organismes internationaux, sont inspirées par les politiques de “tolérance zéro” de divers pays du monde comme la France. Les abus commis au nom de la dite “guerre contre la terreur”, nous a déjà fait une victime directe, Jean Charles de Menezes assassiné par la police de Londres en juillet dernier.

D’autre part, la lutte contre l’exclusion, le racisme et la violence d’État dans d’autres pays nous stimule à continuer ici notre combat dans les conditions difficiles du Brésil, dans lequel une grande partie de l’appareil et des méthodes de la dictature militaire continuent présents et cela tout particulièrement contre la population pauvre et noire.

Il y a beaucoup d’habitantes des communautés, des mouvements populaires et de droits humains dénonçant le fait que la population pauvre des grandes villes du Brésil vit sans droits, sans le respect le plus élémentaire garanti par la Constitution. Cette réalité provoque fréquentemment des protestations des habitantes des bidonvilles et des périphéries, souvent en bloquant les rues, en attaquant des automobiles. Les autorités gouvernementales parlent toujours d’actions de criminels comme aujourd’hui le fait l’État français.

Nous rappelons que la Déclaration Universelle des Droits Humains affirme que ” la protection des droits de l’Homme est essentiel grâce à un régime de droit, afin que l’Homme ne soit pas obligé, en suprême recours, de se rebeller contre la tyrannie et l’oppression”. En protestant de l’absence de régime de droit, les communautés, que ce soit au Brésil ou en France, sont légitimement en droit de se rebeller contre la tyrannie, et en cela sont défendues par des penseurs aussi différents que Confucius, Thomas d’Aquin, John Locke, Henry Thoreau et Gandhi.

Ainsi, nous nous adressons avant tout aux Françaises et aux immigrées victimes du racisme, de la violence et de l’exclusion sociale, manifestant notre solidarité et notre volonté de combattre ensemble pour la justice et l’égalité. Nous sommes aussi solidaires avec tous les Françaises, indépendemment de l’ethnie et de l’origine sociale, qui ont protesté contre les politiques racistes et discriminatoires, contre l’état d’urgence et en faveur des immigrées.

Finalement, nous nous adressons au gouvernement français sollicitant la fin de la politique de confrontation et de criminalisation des pauvres et des immigrées, en particulier nous joignons à ceux et celles qui en France ont exigé :

– la fin de l’état d’urgence ;

– non aux expulsions des immigrées ;

– une punition pour les agents d’État responsables de déclarations racistes, de violences et d’autres violations des droits humains.

Rio de Janeiro, le 18 novembre 2005, Semaine de la Conscience Noire au Brésil.

Rede de Comunidades e Movimentos contra a Violência

Movimento Negro Unificado – MNU

Frente de Luta Popular – FLP

Coordenação Nacional de Lutas – Conlutas

Sindicato dos Trabalhadores em Saúde, Trabalho e Previdência Social no Estado do Rio de Janeiro – Sindsprev/RJ

Movimento Terra Trabalho e Liberdade – MTL

Ocupação Zumbi dos Palmares

Movimento por uma Tendência Sindical – MTS