Ça tombe bien: au moment où on jette José Bové au trou, voilà que l’opacité sur les 0GM s’organise. Cela s’est passé en toute discrétion, à la Commission du génie biomoléculaire.

Bien que peu connu, cet organisme joue un rôle stratégique : c’est là que sont débattues les autorisations d’essais d’OGM en plein air (fin mai, 14 nouveaux essais ont été autorisés à la suite d’un avis favorable de cette commission); c’est là aussi que se jouent les autorisations de commercialiser de nouveaux OGM en cas de levée du moratoire (les industriels s’y préparent joyeusement, puisqu’ils y ont déjà déposé moult demandes). A partir de 1998, les comptes rendus des réunions de cette commission sont devenus publics. Désormais, c’est officiel, ils sont secrets.

Courant mars, Gilles-Eric Seralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen, qui siège dans cette commission au titre d’expert, demande que lui soient fournis les comptes rendus des huit dernières réunions (lesquels ne lui ont pas encore été transmis: il y a du retard dans l’air). Il les reçoit et, surprise, ils sont marqués du sceau « Confidentiel ».

Il s’étonne de cette mention, réclame sa suppression. Un juriste est consulté, qui rend son verdict, officialisé le 10 juin : la communication au public est désormais susceptible de pour suites pénales.

La ruse est admirable, et organise une merveilleuse opacité sur les 0GM.

Déjà la commission fonctionne bizarrement : elle devrait compter 18 membres (nommés par les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement), soit 11 experts auxquels s’ajoutent 7 représentants de ce qu’on appelle la » société civile ‘. Par le plus grand des hasards, voilà un an et demi que deux postes, celui du représentant des consommateurs et celui des associations de défense, sont vacants. Personne au ministère ne s’est soucié de les nommer : ça fait deux emmerdeurs en moins!

Autre gag: c’est à l’entreprise qui demande l’autorisation de lancer un nouvel 0GM qu’est réservé le privilège de choisir le rapporteur (sur une liste de trois personnes proposées par le secrétaire de la commission) qui va étudier le dossier pour le compte de la com-mission. Seul ce rapporteur est rémunéré. Les membres ne le sont pas, et ne bénéficient même pas d’une compensation de service : quand Gilles-Eric Seralini vient siéger à Paris, personne ne le remplace à l’université de Caen. De quoi décourager les bonnes volontés…

En général, seul le rapporteur dispose d’un laps de temps suffisant : deux à trois semaines environ, pour étudier à fond le dossier. Les autres membres, eux, reçoivent peu avant la réunion une pile de dossiers qu’ils devront éplucher à la va-vite.

Seralini réclame depuis longtemps que l’expertise soit contradictoire, qu’un second rapporteur soit nommé par le ministère de l’Ecologie ou les associations de consommateurs et que les conditions de travail des membres soient améliorées. Niet.

A cela s’ajoute aujourd’hui le classement top secret des comptes rendus. Il vise un objectif précis : rassurer le populo à bon compte. Seralini: « Parfois des désaccords se font jour en commission. Le public n’en saura rien, puisqu’il n’aura connaissance que de l’avis final, lequel n’en fera pas état. Et l’industriel aura beau jeu de prétendre qu’ila reçu un feu vert of-ficiel, et que toue les contrôles ont été faits. Ce qui est faux: les 0GM sont mal testés sur le plan sanitaire. » Il arrive en effet souvent qu’en réunion des membres demandent que des tests toxicologiques supplémentaires soient effectués (par exemple que des rats soient nourris quatre-vingt-dix jours avec les 0GM) et que cela soit refusé.

Désormais le citoyen ne sera pas informé que le débat aboutissant au feu vert a été contradictoire, et que des critiques ont été portées contre la fiabilité des contrôles sur les 0GM qui vont être lâchés dans la nature. José Bové est sous les verrous, l’information sur les 0GM, elle, est cadenassée.

J.-L P

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Canard Enchaîné 25 juin 2003

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