Chili : quelques brefs récits de la révolte (9 – 27 décembre)
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Révoltes
Lieux : Chili
Santiago du Chili [si ce n’est pas indiqué diversement, ce qui suit se passe dans la capitale du pays ; NdAtt.]
9 décembre
53ème journée de la révolte sociale
L’AMOUR POUR LA LUTTE EST NOTRE ÉNERGIE !
De moins en moins de gens se rassemblent sur Plaza de la Dignidad. Aujourd’hui, nous ne sommes pas des milliers, nous sommes à peine quelques centaines. Malgré cela, la conflictualité ne diminue pas, l’amour pour la lutte et la soif de vengeance ne sont pas combustibles.
Le monument à Baquedano [général chilien du XIXème siècle, qui donne son nom officiel, Plaza Baquedano, à Plaza Italia, encore rebaptisée par les manifestant.e.s Plaza de la Dignidad ; NdAtt.] est entouré de banderoles contre les abus du SENAME [Servicio Nacional de Menores, un peu comme le PJJ française ; NdAtt.], de belles banderoles en jute et de travaux de couture célébrant la révolte. Il y a aussi des chemamüll [sorte de totems ; NdAtt.] mapuches.
A partir d’ici, les images sont celles de la manif du 3 janvier, lors de laquelle l’église San Francisco de Borja, destinée aux messes des Carabineros, a été saccagée, comme le monument, proche, de leurs « martyres ».
Arrivée d’un groupe qui marchait depuis la ville de Concepción, à 500 km ; elles/ils font leur chemin au milieu des applaudissements et dans leurs yeux on peut voir la décision de continuer à avancer ; les flics, qui tenaient sous contrôle le lieu, se retirent.
Bientôt arrive une caravane de véhicules blindés de la police ; ils sont reçus par des personnes cagoulées avec une pluie de bombes incendiaires et de pierres.
Des frères/sœurs de la première ligne racontent que vendredi un manifestant s’est retrouvé avec une fracture au crâne et une hémorragie interne, après avoir été frappé directement à la tête par une grenade lacrymogène ; il est gravement blessé et hospitalisé.
A l’extérieur de la Cour suprême commence le campement « Mesa Social ».
Des personnes cagoulées font une protestation bruyante à l’intérieur d’un centre commercial, contre le consumérisme de Noël.
Les travailleuses de Starbucks exigent le licenciement du directeur qui s’est moqué des femmes et des dissident.e.s sexuel.le.s qui ont exécuté la représentation « Le violeur, c’est toi ».
La commission des droits de l’homme du Parlement a auditionné le chef de la police et a déclaré que le liquide lancé par le canon a eau monté sur les blindés contient du gaz CS qui, selon des études, cause de graves dommages aux poumons, au cœur et au foie.
A la Poste centrale [les plus important service des urgences médicales de Santiago, situé près de l’ancien bâtiment de la poste ; NdAtt.], on a déjà créé un protocole pour les personnes blessées, en raison de l’augmentation significative des cas de brûlures chimiques.
Selon les médecins, deux nouveaux gaz utilisés par la police anti-émeutes ont été détectés, ceux-ci contiendraient 27% d’arsenic. Ces armes chimiques sont utilisées pour faire beaucoup vomir les manifestant.e.s.
A Valparaiso, samedi soir, un policier en civil est reconnu et attaqué par la foule à coups de pierres, il est battu et poignardé à cinq reprises. On dénonce le fait que, à Viña del Mar, les flics tirent à la chevrotine depuis des hélicoptères et que des policiers en civil, dans une voiture aux couleurs de la ville, essayent de kidnapper un manifestant, mais des personnes solidaires réussissent à les en empêcher et à sauver le garçon.
A Copiapó, deux personnes encagoulées taguent la maison du Général régional des Carabineros avec des insultes et des slogans anarchistes. Dans la fuite, ils sont intercepté.e.s et interpellé.e.s par la PDI [la police judiciaire ; NdAtt.].
A Loncoche, les fascistes attaquent le seul centre culturel de la ville. Anonymous Chile laisse filtrer les noms, adresses et numéros de téléphone des groupes fascistes.
Par peur des attaques et des menaces, le restaurant fasciste « Lili Marlen » ferme définitivement.
A Quilicura, à l’endroit où il y avait une banque, aujourd’hui on trouve une belle place, avec des jardins entretenus par les voisin.e.s, qui échangent aussi des graines.
Lors de la COP25 à Madrid, le ministre de l’énergie annonce la fermeture de la centrale à charbon Ventanas I d’ici 2020 et Ventanas II d’ici 2022. Les écologistes et les habitant.e.s de Quintero sont heureux.ses, mais elles/ils restent en alerte et décrivent la fermeture comme un triomphe de la pression sociale.
Le Président annule son voyage pour le changement de gouvernement en Argentine [le 10 décembre est investi le nouveau président de l’Argentine ; NdAtt.], tout le monde pense que c’est dû à la crainte de manifestations hostiles dans le pays transandin.
La situation des prisonnier.e.s de la Révolte sociale commence à être largement connue, grâce à l’organisation de la « Coordinadora 18 de Octubre ».
L’ANEF [syndicat des fonctionnaires ; NdAtt.] annonce une grève pour mardi 10 décembre.
Un appel circule pour des actions, samedi 14, dans le métro Rondizzoni, pour le 105ème anniversaire de l’attaque vindicative de l’anarchiste Antonio Ramón Ramón contre le boucher de l’école de Santa Maria de Iquique [le 21 décembre 1907, pendant une grève des mineurs, l’armée a tué entre 2200 et 3600 personnes, mineurs et leurs familles, rassemblées dans une école, dans la ville de Iquique; cette répression a été guidée par le général Roberto Silva Renars, qui a été poignardé par le compagnon Antonio Ramón Ramón, le 14 décembre 1914, et est resté invalide pour le reste de sa vie ; NdAtt.].
Nous attendons toujours les améliorations promises en matière de pensions, de salaires, de santé, d’éducation et d’environnement… Ce n’est pas fini.
Nous ne sommes la chair à canon de personne, nous nous battons pour nos propres convictions !
LA RÉVOLTE PLUS GRANDE EST DANS NOS CŒURS !
Honneur à l’anarcho-nihiliste Sebastían Oversluij (Angry), tué lors d’une expropriation de banque le 11 décembre 2013. Tout ça est pour toi aussi…
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10 décembre
54e jour de la Révolte sociale
OBSTINÉMENT REBELLES !
A l’occasion de la « Journée internationale des droits de l’homme », le cynique Président de la République s’exprime sur une chaîne nationale à propos de son engagement en ce sens. Ses mots claquent, comme ceux d’un robot programmé pour répéter encore et encore des banalités et des lieux communs.
Au Congrès, l’ancien ministre de l’Intérieur Andres Chadwick, l’air triste et la main sur la poitrine, dit : « Je suis innocent ». L’avocat de Chadwick est Luis Hermosilla, un ardent défenseur des militaires condamnés pour crimes contre l’humanité. Le maquillage démocratique ne peut pas cacher la cicatrice assassine et dictatoriale de ceux qui font étalage de leur pouvoir.
La mise en état d’accusation de l’un des responsables politiques des atrocités commises par l’armée et la police pendant la Révolte sociale avance, il manque maintenant le vote au Sénat.
Mais Chadwick n’est pas le seul. Sera bientôt discutée la pertinence ou non d’une mise en accusation du Président de la Nation.
Il y a plus de gens dans les rues que ces derniers jours, mais pas autant que les vendredis. Sur Plaza de la Dignidad, il y a un nombre important de manifestant.e.s, probablement parce que c’est la « Journée des droits de l’homme » et l’anniversaire de la mort du dictateur Augusto Pinochet.
Une manifestation nommée « Femmes pour la vie » vient en marchant et en chantant, du secteur Carlos Antunez, à beaucoup de monde parmi nous vient à l’esprit un « déjà vu » des années 80 [les dernières années de la dictature ; NdAtt.]. Les gens portent 352 affiches aux yeux peints et se promènent dans la capitale, s’arrêtant à des points emblématiques, leur destination finale étant Ground zero, où elles/ils se réunissent dans une banderole géante faite d’yeux cousu qui dit : « Leurs yeux, notre mémoire » . Alors que les autorités se remplissent la bouche d’appels à la cessation de la violence, ce mardi, onze personnes ont été gravement blessées et deux risquent de mourir, dont un adolescent de 15 ans seulement, à cause des grenades lacrymogènes tirées directement à la tête.
On signale l’utilisation, de la part de la police, d’une munition appelée « bean bag » (c’est celle qui a tué Dilan en Colombie) : un sachet de matière textile qui contient des grenailles en plombs. On en trouve aussi d’autres « faite maison », qui contiennent du verre moulu, pour que les blessures ne puissent pas cicatriser.
Les personnes cagoulées continuent à se battre avec une passion débordante et par moments font reculer les flics, les personnes de la « première ligne » continuent à mettre en jeu leur peau et leur liberté. Il ne suffit pas de les soutenir sur les réseaux sociaux, pour atteindre des objectifs il faut faire pression sur tous les fronts.
Les slogans anarchistes retentissent sporadiquement et d’une flûte arrivent les notes de chansons de la Révolution sociale de 1936.
Le soir, les assemblées locales et des individus auto-organisent des veillées pour toutes les personnes frappées par la répression.
A La Reina, a lieu une attaque à l’acide contre un véhicule privé appartenant à un policier.
De forts affrontements à Coquimbo et Antofagasta. A Viña del Mar, des inconnu.e.s sortent une pelleteuse d’un chantier et la mettent en travers de la rue, au milieu des barricades. La province est brûlante et son niveau de conflit est remarquable. La Plaza Anibal Pinto de Valparaiso se réveille avec un arbre avec yeux ensanglantés et grenades lacrymogènes comme décorations de Noël.
Le ministre des Finances exclut catégoriquement l’annulation des dettes d’études.
Une fois de plus, pendant le mandat de Sebastian Piñera, un avion Hercules de l’Armée de l’air tombe, alors qu’il y a des conflits sociaux, et la suspicion qu’il s’agisse d’un écran de fumée se répand. La nouvelle de l’avion disparu est largement couverte par la presse du capital, laissant en arrière-plan tout le reste, y compris la Révolte sociale.
Trois prisonniers de la Révolte entament une grève de la faim dans la Prison de haute sécurité.
Un appel circule pour que les anarchistes, antifascistes et antispécistes se rassemblent le vendredi dans un black block pour la journée anti-police (13-12) ; il y a aussi un autre appel pour une manifestation pour les prisonnier.e.s.
Que les prisonnier.e.s sortent et que toutes les cages brûlent !
Avec une conviction intacte… AVANÇONS FIER.E.S AVEC NOTRE REFUS !
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13 décembre
56e jour de la Révolte sociale
BELLE VIOLENCE ANTI-FLIC !
Nous sommes aujourd’hui le 13 du 12 et l’appel était de le célébrer, les initiales ACAB et les insultes aux keufs sont repris dans tous les coins de la ville.
Le neuvième vendredi de la Révolte sociale, cinq cent mille personnes s’entassent sur Plaza de la Dignidad.
La présence anarchiste est hallucinante, aujourd’hui plus visible que jamais. Partout des brochures, des slogans, de la musique, des drapeaux et des banderoles à tendance anarchiste. C’est vraiment beau la façon dont les anti-autoritaires laissent leur empreinte, pratiquement en marquant le territoire avec la propagande.
Au milieu des affrontements, les flics sont contraints de battre en retraite, se retirant à l’extérieur de l’église Castrense [l’église des Forces armées et des Carabineros du Chili ; NdAtt.]. Des voisins solidaires de La Victoria donnent boissons et nourriture aux combattant.e.s.
Pendant les échauffourées, il y a une attaque incendiaire contre les locaux et un véhicule d’un hôtel (c’est l’hôtel qui a fourni ses installations pour le lancement du livre d’Álvaro Corvalán [officier de l’Armée ayant servi au Central Nacional de Informaciones, la police politique de la dictature de Pinochet; NdAtt.]).
Un groupe d’affinité anarchiste distribue des centaines de brochures du texte insurrectionnaliste « A couteaux tirés » parmi les personnes cagoulées de la « Première ligne ».
Il y a aussi des affrontements devant le monument à la police, soudain un rire coupe l’air comme un éclair… L’hymne insurrectionnel joué par la « Banda Bonnot » résonne fort, des personnes cagoulés lancent des feux d’artifice et des pierres sur les flics. La voix du « Punky Mauri » nous émeut et nous chantons à tue tête… dans la strophe « qu’on apprête les bombes » une pluie d’engins incendiaires traverse l’air vers le bras armé du capital. Un moment inoubliable !
Quelques heures auparavant, une marche pour la liberté des prisonnier.e.s de la Révolte organisée par la Coordinadora 18 octubre avance et fait son chemin du GAM [centre culturel dans le centre de Santiago ; NDAtt.] jusqu’à Plaza Italia.
A un moment de la manifestation, est installée une scène, d’où chante The Bunkers.
La « Radio Plaza de la Dignidad » commence ses transmissions, avec plusieurs haut-parleurs fixés aux fenêtres d’un bâtiment sur Ground zero.
La nuit, des gros bras de l’extrême droite vénézuélienne tabassent et poignardent les manifestants dans le Barrio Bellavista ; les fascistes sont principalement videurs et serveurs du local Harvard.
Pétards, peinture, feux d’artifice et pierres sont utilisés pour attaquer la maison d’un flic, à Peñalolen.
A Antofagasta, des inconnu.e.s ont fait irruption dans la basilique, en détruisant des statues religieuses et du mobilier. Ils/elles laissent des tags avec le symbole du chaos et le A cerclé.
A Melipilla, une attaque incendiaire contre une voiture se solde par la propagation de l’incendie à plusieurs véhicules.
A Osorno, une femme est accusée d’avoir aveuglé avec un pointeur laser le chauffeur d’une voiture de police.
A Concepción, des personnes cagoulées obligent les flics à la retraite, ceux-ci qui se plaignent amèrement de l’interdiction de mélanger des produits chimiques dans le liquide du canon à eau des véhicules blindés.
A San Antonio, on libère le fleuve Rio Maipo, en détruisant un barrage qui empêchait son avancée naturelle.
A Cerro Navia, des habitant.e.s auto-organisé.e.s occupent illégalement un terrain pour y construire leur maisons. Cette occupation est appelée « Macarena Valdés » (une écologiste assassinée par les sociétés d’exploitation forestière).
Des inconnu.e.s occupent le siège du Parti Radical.
Devant le Palais du Gouvernement, 14 personnes participent à une pathétique manifestation de soutien à la police.
Appels à des Assemblées Anarchistes à Valparaiso et Bio Bio ; à Santiago on commence à préparer un Congrès Anarchiste pour début janvier.
Les anti-autoritaires appellent à ne pas utiliser les outils du pouvoir pour résoudre nos problèmes, « Si les élections pouvaient résoudre quoi que ce soit, elles seraient déjà interdites » soulignent-on.
Multiplions les instances de propagande, d’organisation et d’action ! Continuons à danser le rock de la ligne du front… QUE L’ON VOIT QUE NOUS SOMMES LA !
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16 décembre
59ème jour de la révolte sociale
NOTRE PARI EST L’AUTONOMIE !
Aucun outil de pouvoir ne nous libérera !
Face à la très faible présence de manifestant.e.s sur l’emblématique Plaza de la Dignidad, des centaines de flics en profitent pour s’emparer de Ground zero, avec un contingent impressionnant de forces spéciales, de police montée et de voitures de patrouille. Les parcs Bustamante, Forêt et Aviation sont assiégés. Impossible de se rassembler sans être des contrôlé.e.s, gasé.e.s ou trempé.e.s ; des membres de la «Première ligne » observent de loin, en essayant de cacher leurs boucliers. Il n’y a que de petites escarmouches qui ne parviennent même pas à arrêter la circulation, même si un jeune homme est blessé à un œil par la répression policière.
La découverte de soude caustique dans des échantillons venants de deux réservoirs de canons à eau différents qui ont été analysés par le « Mouvement de Santé de la Résistance » provoque de l’émoi.
Deux jeunes sont été arrêtés pour une action incendiaire contre une banque, le 6 décembre ; une fois de plus, les enregistrements faits par un citoyen-policier avec son téléphone portable ont été la clé pour les retrouver, la PDI [la police judiciaire ; NdAtt.], aidé par un système de reconnaissance faciale, est arrivé à eux parce qu’ils n’étaient pas cagoulés. En faisant une descente dans les maisons des inculpés, les flics ont trouvé les vêtements qu’ils portaient lors de l’attaque, une autre erreur récurrente parmi celles/ceux qui sont capturé.e.s. Les vêtements on peut les jeter, notre liberté NON !
A San Joaquin, des inconnus attaquent un poste de police avec des bombes incendiaires, des feux d’artifice et des pierres.
Le Président présente un projet de loi pour renforcer les sanctions contre celles/ceux qui s’attaquent aux policiers et aux matons.
Le sous-secrétaire du ministère de l’Intérieur démissionne, le taux d’approbation du gouvernement, de 13%, se dégrade lentement.
Le directeur général des Carabineros appelle pitoyablement à lutter contre le « sabotage psychologique », en offrant des sucreries et de l’eau minérale aux flics pour leur remonter le moral.
Il y a eu un vol à la Commission des droits de l’homme : seuls les ordinateurs, les disques durs externes et les caméras ont été pris. Tous des dispositifs électroniques où étaient stockées des données provenant de rapports d’emprisonnement illégale pendant la Révolte sociale.
Hier, dimanche, plus de 2,1 millions de personnes ont voté lors de la consultation citoyenne organisée par les municipalités ; le résultat est de 92,4% en faveur d’un changement de la Constitution. L’illusion de la participation démocratique est de retour et la plupart des Chiliens croient encore que c’est le pouvoir lui-même qui résoudra les problèmes qu’il a créés. Les puissants n’abandonneront jamais leurs privilèges aussi facilement, au Congrès ils planifient déjà des failles pour que l’élite continue à exploiter à volonté avec des changements cosmétiques du néolibéralisme. C’est nous-mêmes qui, par une organisation horizontale, autonome et autogérée, pouvons détruire le système capitaliste.
Anonymous a fait fuiter les courriels de l’armée, découvrant les pots-de-vin entre l’armée et les entreprises privées. Le piratage a révélé des liens de l’armée avec la firme israélienne MER Group, dont la division du renseignement a été créée par un ancien directeur du Mossad et un ancien chef des services secrets israéliens. Les hackers ont également attaqué le site de la DICOM [entreprise publiant le « bulletin commercial » chilien ; NdAtt.], le laissant momentanément injoignable.
Jacqueline van Rysselberghe, présidente du parti d’extrême droite UDI, est harcelée avec de la musique dans un avion et l’association « Salvemos al Rio Maullín » reproche au sénateur Ivan Moreira (UDI) ses activités dans dans la région de Los Lagos.
Un jeune transsexuel qui se trouvait au bureau de l’état civil pour changer de nom et de sexe légal laisse le ministre de la Justice avec la main tendue, en se mettant la main sur l’œil au lieu de le saluer. Il n’y a pas de paix pour les politiciens, à tout moment et en tout lieu ils peuvent être engueulés.
Dans la ville de El Melón, on campe à l’extérieur du puits 9, pour protester contre le manque d’eau, accaparé par la mine. Et à Viña del Mar on campe aussi, mais pour protéger le parc naturel Kan-Kan de la dévastation des sociétés immobilières.
A Valparaíso, des policiers à moto effectuent des saluts nazis pour intimider les manifestant.e.s.
Une plaque en l’honneur de Jaime Guzmán (l’idéologue de la Constitution de 1980 et sénateur d’extrême droite, abattu par le Frente Patriótico Manuel Rodríguez) est retrouvée dans la décharge de Chimba à Antofagasta.
Manifestation animées à l’intérieur de centres commerciaux de Concepción et d’Antofagasta.
A Copiapó, un cycliste de 17 ans a été écrasé par une patrouille du PDI. Il a été traîné sur 300 mètres et est mort sur le coup. La « Première ligne » a fait une manifestation en sa mémoire, avec feux d’artifice et barricades.
A Rancagua, un homme a été gravement blessé car frappé à la tête par une grenade lacrymogène.
A Ovalle, des inconnu.e.s ont mis le feu au péage, en réponse à une hausse (mardi) de 500 pesos du ticket.
A Los Angeles (USA), on interprète « Le violeur c’est toi » devant un Starbucks, en solidarité avec les travailleuses du Chili et en réponse aux gérants, qui les ont qualifiés de « pathétiques » et de « délinquants ».
Quelques jours avant l’anniversaire des deux mois de l’explosion sociale, les gens sont appelés à se rendre à Ground zero mercredi.
La Coordinadora 18 de octubre annonce des manifestations dans toute la région dominée par l’État chilien, pour le jeudi 19 dicembre, en solidarité avec les 2500 prisonnier.e.s de la Révolte sociale.
Les anarchistes appellent à remplir chaque espace de lutte avec de la propagande et à se rendre massivement sur la Plaza de la Dignidad le vendredi.
Nous construisons notre histoire noire… Boycottons et sabotons les outils du pouvoir !
ALLUMONS LES BARRICADES AVEC LES BULLETINS DE VOTE !
Pas de pacte, pas de négociation avec le capitalisme, la rue nous attend…
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20 décembre
63ème jour de la révolte sociale
RIEN N’ARRÊTE LA « PREMIÈRE LIGNE », SAUF LE CONSUMÉRISME DE NOËL !
Les menaces du maire de la capitale ont eu un effet, un millier de flics protégeront Plaza de la Dignidad. Ils sont arrivés sur place dès les premières heures de la nuit et ont entouré avec des clôtures l’ovale autour du monument, au matin le lieu symbolique était derrière les barreaux, un coup d’intimidation médiatique et psychologique.
La peur d’être présent.e.s à Ground zero s’est emparée des citoyens ; à partir de 16 heures, les plus têtu.e.s et enthousiastes ont pu flairer ce qu’allait se passer. Un jour de combat de rue féroce.
Lentement, les manifestant.e.s se sont approché.e.s du point de rassemblement, essayant de se débarrasser de la chaleur de 32 degrés et des flics qui demandaient les documents à tou.te.s celles/ceux qui se baladaient dans le secteur. En même temps, plusieurs anarchistes transportaient une charrette avec des amplis pour un concert qui, étant donné le niveau de répression, n’a jamais pu avoir lieu. On a essayé et reporté, mais cette fois-ci, cela n’a pas pu être fait.
Les heures passent et il commencent à y avoir des affrontements à différents endroits, dans le Parque Forestal la police montée écrase un manifestant et lui casse une jambe. Il y avait deux points principaux d’affrontements, dans le premier on s’emparait parfois du monument de Baquedano et le second se trouvait sur l’avenue Alameda, devant le GAM.
Lors les violents affrontements entre personnes cagoulées et flics, un accident intentionnel provoque un mouvement de foule, une voiture blindée écrase un jeune contre une autre, ce qui entraînera de multiples fractures du bassin, des hémorragies internes et des préjudices à la vessie ; tou.te.s celles/ceux qui ont assisté à cette tentative de meurtre se sont souvenu.e.s du cas de Carlo Giuliani [à qui, par contre, un Carabiniere a tiré dans la tête, avant qu’un 4×4 lui passe dessus à deux reprises ; NdAtt.], seule la chance a rendu ses blessures non mortelles. Au même endroit, des personnes cagoules ont arraché sa moto à un policier, l’ont traînée et jetée d’un pont sur la rivière Mapocho et lui ont ensuite mis feu.
La « reconquête » de la Plaza de la Dignidad a généré un nouvel élan chez les vingt mille manifestant.e.s qui ont participé au dixième vendredi de Révolte sociale.
Dans l’autre foyer de conflit, les affrontements ont été tout aussi violents, un grand nombre de personnes encagoulés ont jeté des pierres, des pétards et des cocktails Molotovs sur les flics et ont réussi à les faire reculer. La branche armée du pouvoir a répondu avec des grenades lacrymogènes, des fusils de chasse et des pierres. La force des projectiles tirés par la police a fait que des dizaines de personnes encagoulés, en première ligne, se sont retrouvées avec des coupures et des contusions à la tête. Une personne cagoulée a été touchée par un projectile non identifié directement au crâne, grâce à sa protection l’impact n’a fait que briser son casque, le coup a fait un tel bruit que tout le monde autour de lui a pensé au pire, mais il était indemne.
Plusieurs flics ont été blessés par les effets des dizaines de bombes incendiaires, les désespoir des hommes en uniformes est telle qu’ils ont tenté à maintes reprises d’écraser les manifestant.e.s avec un véhicule blindé, mais ils sont reçus par une pluie de bombes artisanales qui illuminent et incendient le pare-brise du fourgon de police.
Cette fois, le niveau élevé de conflit ne va pas de pair avec la participation massive : par rapport aux fois précédentes, beaucoup moins de monde a répondu à l’appel à venir protester. Comme toujours, les anarchistes, les antifascistes, les Barras Bravas [groupes organisés de supporters de foot ; NdAtt.] et les jeunes de la « première ligne » s’affrontent avec les flics. Les citoyen.ne.s, ceux/celles qui, sur les réseaux sociaux, idéalisent la cagoule, étaient en train d’acheter des cadeaux de Noël. Le Chili n’a PAS assez changé pour mettre fin aux traditions chrétiennes et au bonheur à codes barres que le capitalisme nous vend. Le consumérisme aliénant a fait que la grande majorité de la population s’est tournée vers les centres commerciaux pour acheter et s’endetter. Ce 20 décembre, elles/ils ont tourné le dos aux mobilisations pour s’aligner sur le marché.
Pendant la nuit, à Villa Portales, la police a tiré sur les manifestant.e.s, ce qui provoque un.e blessé.e grave avec des lésions oculaires. A Lo Prado, des personnes cagoulées ont intercepté et incendié un bus du réseau Red, la police est arrivée et, à quelques rues de là, elle gazé un marché de Noël. La presse du capital répand des mensonges, en prétendant que l’endroit avait été pillé.
Pendant la semaine, un anarchiste bien connu est arrêté, accusé d’une action incendiaire à quelques mètres de Plaza de la Dignidad. Deux autres personnes sont arrêtées pour une attaque incendiaire contre une banque à Villa Alemana.
Les autorités menacent le groupe « NO+TAG » [collectif citoyen qui s’oppose à l’augmentation des péages autoroutiers… NdAtt.] d’appliquer la loi sur la sécurité intérieure de l’État s’ils bloquent les routes.
A Concepción, on proteste devant la prison de El Manzano, qu’on appel « les barreaux », et on transforme une pizzeria détruite dans le centre culturel Resistencia. Le public qui assiste à une projection de film expulse le maire de Bio Bio du théâtre municipal. À Santiago, des féministes ont trouvé la ministre Plá [Isabel Plá, Ministre de la Femme et de l’Égalité de genre, connue par exemple pour son dure opposition à l’avortement ; NdAtt.] devant une station de radio et sa voiture a été endommagée. Les fascistes taguent le monument des détenu.e.s disparu.e.s à San Antonio.
Mercredi, à Valparaiso, une voiture de police en patrouille écrase intentionnellement un manifestant et il y a des affrontements entre flics et personnes cagoulées sur les collines de la ville portuaire. Les Carabineros et la PDI sont attaqués avec un grand nombre de bombes incendiaires et l’un d’eux aura des brûlures à la partie supérieure du corps.
Écologistes et habitant.e.s d’El Melón protestent devant les bureaux de la compagnie minière anglo-américaine, à cause du vol d’eau et de leur responsabilité dans la sécheresse dans la région. Des inconnu.e.s libèrent la rivière Elqui, en détruisant les digues que les propriétaires terriers construisent pour monopoliser l’eau pour leurs intérêts économiques.
A Osorno, on let le feu à l’arbre de Noël installé sur la place d’armes et à Quilpue on brûle une crèche grandeur nature.
Dans la partie ouest de Santiago, l’occupation de terres de la « Macarena Váldes » a été violemment expulsée.
Le taux de fraude dans les transports publics atteint 85 % dans certaines zones de la capitale et les opérateurs craignent que le sabotage ne se poursuive dans le temps.
En Allemagne, les supporters de l’Union Berlin accrochent des banderoles dans le stade pour soutenir la Révolte ici.
L’appel est de participer au rassemblement de vendredi 27 à Plaza de la Dignidad.
FEU AUX TRADITIONS !
LIBERTÉ POUR LES PRISONNIER.E.S DE LA RÉVOLTE SOCIALE !
La rue crie LIBERTÉ !
Frère emprisonné, ça c’ est pour toi aussi…
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27 décembre
70e jour de la révolte sociale
UN AUTRE ASSASSINAT D’ÉTAT !
La première ligne est en deuil…
Sebastian Piñera, dans un délire exaspérant, tient encore une fois pour responsables de la Révolte sociale des « organisations et pays étrangers ». Le président et son gouvernement se ridiculisent dans le monde entier avec leur rapport Big Data, qui accuse la K-Pop d’être l’un des principaux facteurs de l’explosion sociale. Non content de cela, il va encore plus loin, niant et minimisant les violations des droits de l’homme de la part l’armée et des Carabineros, en affirmant de manière délirante que la plupart des vidéos incriminant les flics sont des Fake news réalisés hors du Chili, dans le cadre d’une campagne contre lui. La vérité est que rien ne surprend le président, qui a à peine 11% de soutien.
Les mobilisations diminuaient, mais les déclarations stupides du président chilien ont ravivé la mèche du mécontentement.
Le dernier vendredi de l’année, Plaza de la Dignidad était pleine, la force et la décision des manifestant.e.s ont fait reculer les flics. Ce n’est que lorsque les gens ont commencé à se rassembler que le son des sirènes des pompiers a saturé l’air : plusieurs compagnies sont arrivées pour éteindre le feu dans le Centro Arte Alameda, un endroit qui servait de lieu de stockage de fournitures médicales et de soins infirmiers. On présume que l’incendie a commencé à cause des nombreuses grenades lacrymogènes lancées sur le toit par la police.
Profitant d’un bouchon de la route, la foule a attaqué et détruit une voiture et un fourgon de police dans le parc Bustamante, et au milieu des échauffourées, un fusil de chasse de la police aurait été dérobé. Deux keufs blessés, dont un avec une mâchoire cassée.
Dans un match retour attendu, La Furia et Banda Bonnot jouent sur al colline Welen, en imprégnant de musique combative la Révolte sociale. Tandis qu’un groupe d’affinité anarchiste distribue des centaines de brochures du texte insurrectionnaliste « A couteaux tirés ». Des banderoles pour la libération des prisonnier.e.s de la guerre sociale et à la mémoire de Claudia López sont accrochées dans différents endroits. D’un côté du GAM, on peut voir un tag de plusieurs mètres avec une phrase du « Punky Mauri » (Mauricio Morales) et dans la première ligne attire mon attention un bouclier à la mémoire d’Angry (Sebastián Oversluij). Un grand nombre de tracts est lancé au le sol, avec des slogans anti-autoritaires, et quelques drapeaux noirs flottent près d’une banderole sur l’éducation libertaire.
Les manifestants lancent sur les flics des balles symboliquement peintes comme des yeux. Un groupe autonome et auto-organisé, « Salvaojitos » [protège-yeux ; NdAtt.], distribue des lunettes de protection parmi la première ligne ; ils/elles ont donné en solidarité plus de 1700 verres avec certification anti-balistique. On dénoncent le fait que les policiers tirent des balles acier avec leurs fusils lanceurs de grenades lacrymogènes, cela s’est produit à Santiago et à Antofagasta.
Devant l’Université Catholique, où il y avait une statue de prêtre, se lève aujourd’hui une belle installation en mémoire de la vie de Pedro Lemebel [écrivain et artiste chilien, anti-autoritaire, mort en 2015 ; NdAtt.], la statue en son honneur est très photographiée et applaudie.
Au milieu de l’obscurité et dans l’un des événements les plus graves des dernières semaines de la Révolte sociale, une personne cagoulée qui fuyait la répression policière est tombée dans une fosse remplie d’eau, où il y avait des câbles souterrains, et a été électrocutée. Son nom n’a été connu que quelques heures plus tard, il s’agit de Mauricio Fredes, qui serait un membre de la « première ligne ». La mort de Fredes est aggravée par la découverte, cette semaine (après un mois), dans le centre commercial Hites, de deux corps, avec des blessures par balle ; même si l’endroit a subi un incendie les corps n’auraient pas été brûlés. Une horrible ressemblance avec les personnes retrouvées sans vie dans l’entrepôt Kayser, qui présentaient des signes de strangulation, de torture et de blessures par balle. Cela confirmerait ce que nous avons tou.te.s pensé : il s’agissait de meurtres et des tentatives d’effacer les preuves.
A la tombée de la nuit, un groupe de personnes cagoulées a attaqué avec des cocktails Molotov un siège de l’Université Saint-Sébastien, dont les propriétaires sont des hommes d’affaires liés au parti d’extrême droite UDI. La nuit précédente, des inconnu.e.s ont mené une attaque incendiaire contre le poste de péage dans le secteur de Rinconada de Maipu. Deux policiers ont également été agressés, l’un à Peñalolen, l’autre à Padre Hurtado. La voiture d’un policier a été vandalisée dans le quartier de La Granja.
A Valparaíso et Antofagasta, deux manifestant.e.s sont blessé.e.s et ont des lésions oculaires à cause des tirs des flics. Dans cette dernière ville, les « mères de la première ligne » défilent le visage couvert de mouchoirs, en soutien et en solidarité avec les personnes encagoulées.
Les fascistes taguent le mémorial des détenu.e.s disparu.e.s de La Serena et d’Osorno.
Malgré 70 jours de mobilisation, aucune des revendications de la rue n’a été satisfaite : amélioration des retraites et fin des AFP [les fonds pension privés ; NdAtt.], augmentation du salaire minimum, annulation de la dette étudiante (CAE), une meilleure protection de l’environnement et la gratuité de l’eau, etc.
Il y a un appel à un rassemblement pour attendre la nouvelle année sur la Plaza de la Dignidad, puis, au même endroit le vendredi 3 janvier, on appelle à une manifestation antifasciste massive en mémoire de Mauricio Fredes et Matias Catrileo.
« Quand la terreur se cache, le vent murmure : Continuez ! »
Nous pleurons d’impuissance…
NOTRE CŒUR NOUS DEMANDE VENGEANCE !
« Lambi », tout ça est pour toi aussi…
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