Lettre au milieu militant
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Category: Global
Themes: Art/culture
L’année passée on s’en est pris plein la gueule de la part des flics mais on s’est aussi bien déchirés de l’interieur. Des groupes ont éclatés , tout le monde s’est mis a détester tout le monde. Des que quelqu’un prend une initiative, il se trouve des dizaines de gens pour lui cracher dessus Des gens qui par ailleurs n’on plus rien a proposer depuis longtemps a part un sentiment puissant d’être mieux que les autres. Et maintenant comme à paris, c’est devenu déplacé de se sourire. La personne « cool » fait la gueule, obligé. Elle vous claquera un regard froid même si vous la connaissez depuis des années, elle parlera dans votre dos, elle critiquera tout ce qui dépasse. Mais elle ne viendra jamais vous en parler à vous parce qu’elle n’a pas de meilleures solution a proposer ni d’autre but que de vous descendre pour se rassurer .
C’est quoi être anarchiste en fait ? En tout cas pas une idée qui nous rassemble on dirait. Plutôt un prétexte pour haïr , pour dénigrer. Qu’est ce qu’on fabrique encore de beau avec cette belle idée ? Des soirées dans une ambiance de merde. Pas que ce soit la faute aux organisateurs-trices ( cfr ce poste déprimant il y a qqs semaines sur indymedia » des vigiles au barlok » , un symptôme de plus de cette ambiance merdique), c’est juste qu’on dirait qu’on est passé de l’autre coté d’un truc. Le monde est devenu un facebook géant ou seule compte l’image. Tu souris au gens , t’es pas un winner, il faut les snober , avoir l’air occupé, important, détaché.
On n’est plus que des boules de mépris. Et moi je me demande ou on va trouver là dedans une vision politique, une voie pour construire coute que coute des alternatives à ce monde atroce. Et je me dis qu’on ne peut rien construire à partir du postulat que « le monde est remplit de cons et qu’on s’en tamponne on reste entre nous ( toi et tes trois potes) à critiquer tous le reste ». Pour moi être politisé c’est avoir en tête un idéal de société. Et pour ça il faut un minimum croire que les gens en général ne sont pas inférieurs à nous, des cons qui ne comprennent rien. Je lis beaucoup de textes qui disent » nous ne croyons pas a une amélioration de la société , nous n’en avons rien a foutre d’expliquer etc. « Je pense que cette position est tout simplement apolitique. Que les gens qui proclament ça en ont évidemment le droit mais que c’est une vision individualiste qui se rapproche bien plus des libertariens ( anarchistes de droite) que des libertaires. Et aussi que les gens qui pensent ça n’ont aucune idée de la position privilégiée qu’ielles occupent dans la société et qui leur a permit de devenir « des gens politisés ».
Ca sert a quoi de parler de violence et d’oppressions quand nous même on est pas capables d’avoir une attitude généralement bienveillante ? Des groupes qui se tatouent « sororité » mais ou la rivalité entre filles fait des ravages, des groupes qui demandent du soutien mais méprisent les gens qui viennent en soutien, des gens qui critiquent les manifs nassées parce que les gens sont fichés et que ce serait la faute des organisteurs-trices , j’en passe et des meilleures , bref de la merde everywhere.
Les mouvements de droite et d’extreme droite gagnent du terrain pendant que nous sommes là à nous déchirer , à nous déprimer. Certaines réunions , remplie de froid, de silences , de même gens qui parlent pendant que d’autres sont sur leur chaises a supporter les regards jugeants, sont tout simplement à se flinguer. Le petit regard supérieur de celles et ceux qui se croient « les vrais , les durs » , est d’un triste et d’un ridicule auquel j’ai bien peur qu’aucune joie révoltée ne puisse résister longtemps.
Peut être qu’il y a une colère , une haine qui viens de cette vie qu’on mène ici , une haine inspirée par la façon dont tourne cette société , mais j’ai l’impression qu’elle se manifeste bien plus envers nos propres rangs qu’en tentatives de changer ce monde degueulasse. Et aujourd’hui tenter quelque chose c’est s’exposer , s’exposer a la critique et aux vieilles rancoeurs, faut être prêt a encaisser. Et sérieux c’est tellement dur que ça dégoûte d’organiser quoi que ce soit. Parce qu’on est pas beaucoup à bruxelles et que quand la merde arrive du coté des rares gens qui pourraient te soutenir , c’est évidemment bien pire .
Vous , c’est très large comme notion. Que je vous ai croisés seulement quelques fois ou que vous soyez vraiment dans ma vie je ressent pour vous tous-tes une sorte d’amour parce que vous êtes celles et ceux qui m’aidez a garder l’espoir , qui luttent dans le même sens que moi, celles et ceux que je vais voir quand j’ai besoin de preuves qu’il existe encore autre chose que ce cloaque de société capitaliste et superficielle.
Et aujourd’hui j’ai peur qu’il n’en reste plus rien. Le 123 et le barlok vont disparaitre et tout est a reconstruire. J’espère qu’un jour je reviendrais a un événement « du milieu » et que je verrai des gens rires , s’encourager même s’ils ne partagent pas les meme modes d’action, des gens sourire généreusement à l’autre et qu’on pourra a nouveau se sentir un peu moins seul-es .
Au lieu de cet espèce de défilé des vanités punks.
Je me rend bien compte qu’en écrivant et en publiant ceci je m’expose à votre violence , et j’aurais trouvé plus courageux de ma part de signer ce texte. Mais je n’ai pas ce courage et je pense que celles et ceux qui me connaissent me reconnaitront et que pour les autres mon nom n’a pas d’interet.
Qu’importe votre avis sur ce texte , et tant mieux si ce n’est pas du tout ce que vous ressentez vous, moi j’avais envie de vous le dire avant de prendre mes distances, pas par méchanceté mais parce que « vous » ça a été tout pour moi , et que si « ça » disparait , il y a encore moins de chances que quoi que ce soit s’ameliore en ce bas monde.
Merci pour ce texte, qui tout en dressant un constat sombre sur son entourage, ne tombe pas dans le ressentiment. 9a aurait été le comble de critiquer le ressentiment permanent, la rancoeur et le bitching qui rôdent et se répandent dans “notre milieu” (comme ailleurs), mais ça n’aurait pas été surprenant. La plupart des textes qui s’y collent tombent généralement dans ce piège et se placent presque systématiquement en “je suis franchement mille fois mieux que vous tou-te-s bande de gros nazes”. Alors bravo, et merci, et je partage beaucoup de ce que tu dis ici, même si perso je ne lâche pas le truc je suis toujours là-dedans. Mais c’est vrai que parfois c’est dur, qu’on reçoit des coups bas de tous les côtés, et que les coups de poignard dans le dos qu’on reçoit de “nos ami-e-s politiques” font beaucoup plus de mal qu’un tabassage en règle par une bande de flics dans le couloir sombre d’un comico. Parce que les flics, on n’en attend rien d’autre. Ils peuvent nous défoncer, ça ne changera rien à qui l’on est. Mais quand c’est des proches qui font des crasses inattendues, ça fait vraiment mal.
Le seul point positif, c’est que ça fait tomber des illusions.
S’afficher avec des étiquettes politiques radicales, quel que soit le degré de sincérité, ne suffit pas à faire des nous de bonnes personnes. D’autant que la définition de “bonnes personnes”, qui la détient ? Disons plutôt que les ostracismes plus ou moins involontaires, les effets de bandes, les rapports de pouvoir au sein de groupes de potes politiques, les coups bas, les trahisons, les calomnies, les mensonges, les petites manipulations, tout ça est finalement monnaie courante chez un petit paquet de gens dans ce milieu. Et ça fait bizarre au final de se dire que c’était évident qu’il suffit pas de se dire anarchiste ou je ne sais quoi pour agir de manière réellement plus “éthique” que n’importe qui ailleurs. Les leaders-penseurs anarchistes individualistes ont leur propre lot de construction sociale aussi, c’est même possible que certains d’entre eux soient encore plus atteints que la moyenne… La vanité ne touche pas que le haut du panier de l’État et du capitalisme. Loin de là.
merci d’avoir écrit cette lettre, ça m’a fait du bien à lire, bon courage pour la suite…
Je partage beaucoup de tes analyses, faut être ”winner”, faut gagner la discussion au lieu de chercher le consensus, … c’est une influence parfaitement libérale. Le ”milieu” est incapable de sortir de ce carcan compétitif.
Beaucoup, se disent anarchistes et sont de parfait libéraux, souvent individualistes libéraux. C’est un confusionnisme répandu (notamment dans le milieu antispé).
Il me semble que cela vient d’un abandon de l’éducation politique envers les plus jeunes. De la part des syndicats et des ”révolutionnaires”. Les autonomes me semblent les meilleurs et les mieux organisée sur ce point.
Bon, heureusement il reste des textes comme le tien, tant mieux qu’il soit anonyme, ça encourage à continuer à respirer, en espérant te croiser pour partager plein d’initiatives ;-)
ça fait plaisir de lire ça, vraiment.
Après je trouve que l’utilisation du terme individualiste est abusive dans ce texte, c’est la seule critique que je ferais, le reste je le trouveasez chouette.
ça me fait penser un peu à celui-là :
https://bxl.indymedia.org/spip.php?article14737&lang=fr
Chouette texte qui je pense résume un ressenti que je sais partagé par pas mal de camarades.
Juste un truc qui m’a chiffonné (mais pas tant que ça non plus) : “les gens qui pensent ça n’ont aucune idée de la position privilégiée qu’ielles occupent dans la société et qui leur a permis de devenir « des gens politisés ».”
Plus qu’une éventuelle “position privilégiée” je pense que c’est surtout une question d’opportunités (milieux familial, rencontres, tomber sur un bouquin par hasard, etc.) et s’en saisir ; en fait c’est peut être comme ça qu’il faut comprendre cette phrase, mais ça fait aussi un peu “position sociale privilégiée’, alors que perso dans mon entourage militant on vient tous de milieux très “populaires” et on a juste eu la chance de pouvoir se saisir des perches que l’on a trouvé sur notre chemin pour s’extraire de la médiocrité voir la misère mentale à laquelle on était destiné ; c’est un peu ce qui est dit au début du texte : “j’ai rencontré des gens qui pensaient comme moi, ça m’a sauvé la vie.”
Tout ça pour dire que je trouve important de pouvoir servir de “perche” pour d’autres, à travers nos rencontres, nos activités, nos textes… Se faire la courte échelle plutôt que d’étaler son mépris et la condescendance quoi. De fait nous vivons dans une société dont l’organisation fait de chacun de nous une nuisance en puissance pour les autres (c’est le principe même de la compétition capitaliste) et il faut parfois (souvent) prendre sur soi pour faire en sorte de ne pas l’être, quitte à s’isoler parfois pour souffler.
Et puis aussi peut-être arrêter de considérer que l’enjeu ce serait les milieux militants comme le font certains mais bien le monde entier…
“Nostra patria è il mondo intero e nostra legge è la libertà ed un pensiero ribelle in cor ci sta”
https://www.youtube.com/watch?v=8XtS59nwqzg
Je sais pas ce que c’est toutes ces allusions sur les individualistes, j’aimerais bien comprendre … si je devais me définir je serais plutôt individualiste, et je n’écrase pas mes compagnon-ne-s et n’opprime personne et ne demande rien à personne d’ailleurs, ayant perdu mes illusions sur ce milieu depuis longtemps.
C’est d’ailleurs le fait même de refuser de rentrer dans des logiques de groupes qui fait de nous des proies idéales dans ce milieu, comme les animaux prédateurs qui vont forcément choisir de s’attaquer à l’animal isolé … alors bon, certains commentaires m’ont l’air carrément contradictoires, car l’individualisme ça n’est pas une étiquette, mais une sensibilité qu’on a vis à vis de la société et de la vie en groupe … Moi je ne fais pas partie de ce milieu, je suis juste moi, je n’ai pas besoin de ce milieu, et je ne méprise pas plus les gens de ce milieu que les autres, car je ne fais aucune différence entre les gauchistes et le reste de la société …
Il y a des gens que j’aime, des complices, des gens qui ont des choses à m’apporter humainement ou du point de vue des idées ou des pratiques, et je ne les identifie pas à un milieu, mais à mon rapport personnel avec eux/elles.
Peu m’importe ce que ce milieu pourri colporte sur mes amis ou sur moi, peu m’importe les calomnies, les insultes, les menaces, parce que nous n’existons pas pour faire plaisir à un milieu, et nous nous sommes excommuniés nous-mêmes depuis longtemps !
Pour répondre à ton texte, qui dit des choses vraies, je pense que pour son bien être on doit chercher uniquement à se rapprocher des gens qui nous font du bien, et refuser de se trouver dans des situations avec des personnes toxiques. On est beaucoup plus forts à peu nombreux que dans un grand groupe où les plus sensibles ou les moins grandes gueules sont complètement écrasés. Et parfois en sortant de ces milieux consanguins on fait des rencontres suprenantes, et on se dit que les idées n’ont pas besoin d’un style, d’un mode de vie ou d’une façon de faire sa pose de super radical.
@ x, l’individualisme anarchiste, qui analyse son environnement, fait ses choix et se positionne en fonction de son affinité politique, ne me gène pas. Je dis pas que ça pose pas de problème spécifique mais ça ne me gène pas. D’ailleurs, préférant le communisme anarchiste, j’ai vécu de très belles expériences partagées avec des individualistes anar.
Maintenant je pense aussi qu’il y a une grosse confusion chez certain-es, qui se revendiquent anar individualistes, alors que ces personnes ne sont ”que” anti étatique (et encore ?…bref). Ce qui reste compatible avec l’individualisme libéral, qui à la différence de l’anarchisme individualiste n’a rien de révolutionnaire, puisque c’est plutôt ce qui se met en place aujourd’hui.
Sincèrement, je pense aussi que des anars individualiste, devraient être plus sensibles à cette grille d’analyse. J’ai pu déjà constater une certaine bienveillance envers des individu-es, qui n’avaient rien d’anar mais s’engageaient fort sur une cause en négligeant complètement d’autres points (ce qui ne semble pas être ton cas si tu restes vigilant-e aux impressions.). Le milieu communiste libertaire est souvent critiqué, à juste titre, pour des dérives d’autoritarisme. Je crois que l’individualisme anar devrait plus s’autoriser aussi la critique d’un individualisme libéral, qui écrase facilement, souvent au nom d’une efficacité douteuse.
À titre individuel, maintenant je suis vigilant-e, quand j’entends; ”l’important c’est de faire,…”, ”c’est pas vraiment ce qu’on a décidé mais on a pas le choix”, ”faut que ça avance ”, … c’est pas des éléments unique de jugements, mais ça me met en éveil sur une possible confusion.
Ci dessus il faut lire:
”(…, Si tu reste vigilant-e aux impressions)”
Et pas aux ”impressions”