La victoire idéologique de charlie hebdo

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La question musulmane, de Guéant au NPA
PAR OLIVIER CYRAN, 14 NOVEMBRE
En ces temps de crise, de désarroi et de division, il est bon que la France se rassemble autour d’une grande cause nationale, qui est aussi un enjeu de civilisation : le droit de dégueuler sur les musulmans.
Quatre jours avant la parution en kiosque du Charlie Hebdo spécial rire anti-musulmans, dont la Une affublée d’un bandeau « Charia Hebdo » et d’une représentation du prophète en clown fouettard promettait de requinquer un peu les ventes moribondes du journal, on avait déjà compris que l’affaire était pliée. Dauber le musulman n’est plus seulement une bonne affaire commerciale, l’équivalent spirituel de la femme à poil en page 3 du Daily Mirror, c’est maintenant un gage d’appartenance à la gauche, et même à la gauche de gauche.
Ce samedi soir-là, en effet, Laurent Ruquier recevait dans son bocal à rires de France 2 le bizut aux élections présidentielles du NPA, Philippe Poutou. Éprouvante séquence, durant laquelle le successeur d’Olivier Besancenot, jeté dans l’arène télévisuelle comme une crêpe dans la poêle, fut sommé de s’expliquer sur l’affaire qui scandalise tout le monde civilisé : la candidature dans le Vaucluse aux dernières élections régionales d’une jeune femme voilée militante du NPA.
Tour à tour, l’animateur hennissant, ses deux chroniqueuses et son philosophe de compagnie, Michel Onfray, mirent Poutou en demeure de renier sa camarade et d’abjurer toute « complaisance » envers le bout de tissu infâme, symbole de la barbarie-qui-sape-nos-valeurs-laïques. Poutou n’a pas quitté le plateau en se retenant d’assommer ses tourmenteurs. Il ne leur a pas conseillé de se mêler de ce qui les regarde, ou de réexaminer leur propre coiffure, pourtant d’allure peu ragoûtante dans le cas d’Onfray (une hyperhidrose du cuir chevelu, peut-être ?).
Le porte-parole « communiste et révolutionnaire » a préféré reluquer ses godasses, s’enfoncer la tête dans les épaules et bredouiller que non, bien sûr, il n’avait « pas été d’accord » avec cette candidature, qu’il avait lu « les livres de Chahdortt Djavann » et qu’au sujet du voile « un vrai débat toujours pas fini » déchirait la formation qu’il représentait.
Sous nos yeux se concrétisait une capitulation historique : la gauche, dans sa déclinaison la plus « radicale » sur le nuancier électoral, se rendait avec armes et bagages à un camp hier encore identifié à l’extrême droite. À la figure de l’Arabe mettant en péril l’identité française s’était substituée celle du musulman qui menace la république, et il a suffi de ce simple coup de bonneteau pour que le vilain raciste d’autrefois se métamorphose en bel esprit voltairien, devant lequel toutes les composantes de la gauche élective doivent à présent se prosterner sous peine d’excommunication médiatique.
Il faut se rendre à l’évidence : idéologiquement, les boute-en-train de Charlie Hebdo ont gagné la partie. Dix ans de vannes obsessives et de piailleries haineuses sur l’islam, consacrées par les « caricatures danoises » et une voluptueuse montée des marches au festival de Cannes aux côtés de BHL, ont diffusé leur petit venin dans les crânes les plus finement lettrés. En juin 2008, les lecteurs de Charlie Hebdo n’avaient déjà rien trouvé à redire à la promotion dans leur journal d’un « caricaturiste hollandais », Gregorius Nekschot, dont « l’humour » consiste par exemple à représenter ses compatriotes blancs en esclaves, chaînes au pied, portant sur leur dos un Noir qui suce une tétine. « Les musulmans doivent comprendre que l’humour fait partie de nos traditions depuis des siècles », avait expliqué ce joyeux drille à son admiratrice, Caroline Fourest.
La parution du « Charia Hebdo » n’avait donc rien pour surprendre, pas plus que le cocktail Molotov qui s’en est suivi. Tout aussi prévisible, le chant d’amour bramé à l’oreille des martyrs de la « liberté d’expression » par la classe politique et médiatique unanime, de Christine Boutin à Jean-Luc Mélenchon, d’Ivan Rioufol à Nicolas Demorand.
Pas si étonnante non plus, la poignée de main entre Charb et Claude Guéant : comme l’expliquerait Oncle Bernard à la table de Libération, c’était « tout de même le ministre de l’Intérieur », et la visite d’un si grand personnage sur les lieux du crime constituait une « marque de la bonne santé républicaine », laquelle crève en effet les yeux de toute part.
Réglées comme du papier à musique, les ventes record du numéro culte : seize pages de grosse poîlade sur les barbus, les burqas, les djellabahs, les vierges, les lapidations et les méchouis. Un exemple, tenez, en page 2 :
« Jeu concours : découpez votre hymen et envoyez-le dans une enveloppe à “Charia Madame”, jeu-concours, Tripoli, Libye. S’il est de première fraîcheur, gagnez un séjour en thalasso dans la Mer Morte. Dans le cas d’un hymen déjà usité, un séjour dans la mer, où la morte, c’est vous. »
Ça ne vous fait pas « marrer » ? C’est parce que vous pactisez en secret avec l’envahisseur islamiste…
Philippe Val est parti, mais ses rejetons ont repris le flambeau. On a même pu voir Charb jurer-cracher sur le plateau du « Petit journal » de Canal + (« l’équivalent télé de Charlie », a apprécié Patrick Pelloux, c’était tout dire) que le « Charia Hebdo », avec son fond de sauce hexagonal dégoulinant de chaque page, ne visait qu’à traiter gentiment « un fait d’actualité étrangère », en l’occurrence la victoire électorale en Tunisie du parti Ennahda. Tartufferie énorme, valienne. Charlie Hebdo a-t-il titré « Talmud Hebdo » et déversé seize pages d’« humour » sur les juifs quand l’extrême droite religieuse est entrée au gouvernement israélien ?
C’était pourtant un « fait d’actualité étrangère » au moins aussi considérable que le résultat du scrutin tunisien. Mais l’animateur n’a pas bronché. Il s’est esclaffé en revanche lorsque Luz, affalé sur le plateau et à moitié dans les vapes, a balbutié :
« Mahomet, c’est un copain, ouaiiis, on va aller en boîte de nuit ensemble. »
P.-S.
Ce texte est paru initialement dans l’excellent mensuel CQFD. Nous le reproduisons avec l’amicale autorisation de son auteur.
Il a été écrit avant (et c’est pour cela qu’il n’en parle pas) le délire raciste et sexiste publié par Luc Le Vaillant dans Libération du mardi 8 novembre 2011, sous ce titre très « Charia Hebdo » : « Le jour où Ennhada France créera la surprise aux législatives ».
En 1992, les pratiques et l’ambition de Val étaient déjà connues, pourquoi avoir participé à l’aventure Charlie Hebdo quand d’autres restaient pour tenter de vivre La Grosse Bertha ?
… de Charlie-Hebdo, de Val et de toute sa bande c’est d’en parler à tout bout de champ et en toute occasion. Et pour ça, il faut bien convenir que ce sont les pires ennemis revendiqués qui s’avèrent être les relais les plus utiles.
quand les lmsi appelaient à voter Chirac :
http://lmsi.net/Lettre-ouverte-aux-partisans-de-l
extraits :
“(…)Inversement, si nous votons tous pour (cette ordure de) Chirac, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la situation sera beaucoup plus saine, et beaucoup plus favorable aux luttes que nous avons coutume de mener contre le racisme et pour l’égalité. Un score du type 90% contre 10% auraient pour effet
– De faire disparaître Le Pen du débat public presque aussi vite qu’il était réapparu, ou du moins de neutraliser presque totalement l’effet de légitimation que lui ont procuré se percée ’’inattendue’’ et sa présence au second tour ;
– De priver Chirac du rôle avantageux de ’’dernier rempart contre le fascisme’’ (la menace fasciste s’éloignant) et donc de le laisser nu, tel qu’il est apparu depuis quelques années à une écrasante majorité des gens de ce pays : un démagogue de la pire espèce, réactionnaire, raciste et malhonnête.
– De manifester le plus clairement possible que l’extrême droite est un repoussoir, et que ses idées suscitent un rejet massif : c’est, dans l’immédiat, en attendant des luttes sociales plus ambitieuses, le seul moyen de dissuader l’opportuniste qu’est Chirac de jouer la carte de la lepénisation.(…)”
9 ans après leur appel à voter Chirac,
ce dernier étant largement élu (82%) comme le souhaitaient les animateurs de lmsi… on ne peut pas dire que Le Pen et ses “thématiques” aient disparues du “débat public”.
Si lmsi et Charlie Hebdo-Fourest-BHL pouvaient nous mettre à l’écart de leurs querelles d’égo.
Liberté de pensée à géométrie variable
Après avoir saturé Indymedia de leurs obsessions sur Vivas, Colon ou le Grand Soir, demandant ni plus ni moins qu’ils soient exclus de la vie publique, les partisans de la pensée unique sont bien compréhensifs avec un site raciste, islamophobe, phare de la pensée dominante, mais TRÈS PROCHE DU POUVOIR, LUI.
Croiriez-vous qu’ils auraient le moindre mot pour dénoncer ce torchon au service de ceux qui nous gouvernent ? Non, bien au contraire, la cible, en l’occurrence, c’est lmsi et CQFD ! ! !
A partir d’un article complètement con de lmsi à l’époque de l’élection de Chirac, ils emploient la vieille méthode qui est leur spécialité : généraliser pour enfoncer ceux qu’ils détestent et sauver la mise à leurs amis, en l’occurrence Charlie Hebdo, en détournant le débat sur une autre cible. Procédé vieux comme le monde, tout comme ceux qui l’emploient.
On pourrait demander pourquoi les « anticonspis » de salon n’ont jamais fait le moindre article sur Charlie Hebdo sur leur célèbre site de délation des seuls ennemis de l’Etat, mais ce n’est pas la peine, on a la réponse !
Enlevez vos faux nez, vous êtes reconnus !
« Il y a charia et charia » : BHL incendiaire de Charlie Hebdo ?
par Julien Salingue, le 16 novembre 2011
Qu’on se le dise : Bernard-Henri Lévy a libéré la Libye. Comme on aurait du s’y attendre, il le fait savoir dans un gros livre qui lui vaut sa tournée annuelle des studios de radio et des plateaux de télévisions, épais articles de presse écrite à l’appui. Mais en guise de mise en jambes, BHL a pris fait et cause pour la charia… Pour la charia version libyenne, bien sûr.
Le lendemain de la découverte de l’incendie des locaux de Charlie Hebdo Bernard Henri-Lévy publie son « Bloc-Notes » hebdomadaire dans Le Point. Coïncidence : le philosophe médiatique s’attaque au même sujet que « Charlie »… et allume contre l’hebdomadaire, involontairement sans doute, un incendie de mots.
La charia des amis
BHL entend, dans ce « Bloc-Notes », nous faire part de sa réaction au discours prononcé le 23 octobre par Mustafa Abdel Jalil, Président du Conseil National de Transition (CNT) libyen, dans lequel il a notamment affirmé ceci : « En tant que pays islamique, nous avons adopté la charia comme loi essentielle et toute loi qui violera la charia sera légalement nulle et non avenue ».
Après dix jours de réflexion, BHL a donc enfin pris sa plume pour commenter les propos de celui pour lequel il a servi d’intermédiaire en mars dernier, lorsque le CNT appelait les pays occidentaux à le soutenir dans sa lutte contre Kadhafi [1].
BHL-moi-je va-t-il s’inquiéter des prises de position de son « ami » Mustafa Abdel Jalil, prendre fait et cause pour le peuple libyen contre le danger « islamiste » qui le guette ou le guetterait, et brandir son habituel fusil d’assaut philosophique dès que le mot « Charia » est prononcé ? Eh bien, non…
Un libérateur de la Libye n’est pas un dessinateur de Charlie Hebdo. S’il est caricatural, c’est malgré lui. C’est pourquoi, entre équilibre et équilibrisme, il nous offre, apparemment, quelques subtilités inattendues, qu’il introduit par des questions faussement naïves : « Que faut-il penser de cette affaire de charia ? Et se pourrait-il que l’on n’ait soutenu les insurgés de Benghazi que pour se retrouver avec, à l’arrivée, un État interdisant le divorce et réinstaurant la polygamie ? ». Les réponses claquent comme l’étendard d’un philosophe en uniforme : c’est non !
Il ne faudrait pas, en effet, être de mauvaise foi :
Tout est parti d’une phrase. Une seule phrase. Elle n’a certes pas été prononcée, cette phrase, par le premier venu puisqu’il s’agit de Mustafa Abdeljalil, président du Conseil national de transition et père de la victoire. Mais, président ou pas, Abdeljalil est membre d’un Conseil dont les décisions sont collégiales. Et ce Conseil est, comme son nom l’indique, un organe de transition qui n’a pas vocation à édicter les lois de la future Libye. […] Faire comme si une petite phrase prononcée, dans la chaleur d’un meeting, par un homme estimable mais en train de quitter la scène suffisait à « faire basculer » le pays relève de la malveillance, du parti pris.
Il ne faudrait pas, non plus, être impatient :
Ne refaisons pas aux Libyens le coup, version civile, de ce fameux “enlisement” qui, au bout de huit jours de frappes aériennes, faisait déjà trouver le temps long. Et ne demandons pas à cette Libye cassée par quarante-deux ans de despotisme, ne demandons pas à ce pays sans État, sans tradition juridique, sans vraie société civile, de devenir, en trois mois, une patrie des droits de l’homme.
Et surtout, de grâce, il faut faire preuve d’un grand sens des nuances :
Il y a charia et charia. Et il faut, avant d’entonner le grand air de la régression et de la glaciation, savoir de quoi on parle. Charia, d’abord, n’est pas un gros mot. Comme « djihad » (qui signifie « effort spirituel » et que les islamistes ont fini par traduire en “guerre sainte”), comme « fatwa » (qui veut dire « avis religieux » et où le monde, à cause de l’affaire Rushdie, a pris l’habitude d’entendre « condamnation à mort »), le mot même de charia est l’enjeu d’une guerre sémantique sans merci mais continue de signifier, heureusement, pour la majorité des musulmans, quelque chose d’éminemment respectable.
Honnête, patient et nuancé… Un BHL méconnaissable ? Pas exactement : l’ami des certitudes péremptoires n’a pas renoncé aux certitudes… Il l’affirme en conclusion de son « Bloc-notes » : il n’est pas inquiet car en Libye, « la victoire reviendra aux amis de la liberté ». Il serait incongru de dire « Amen » !
La charia des ennemis
BHL s’attaque-t-il, dans ce morceau de bravoure, à Charlie Hebdo et à son excès de caricature ? Peut-être. Mais il est certain qu’il règle ses comptes, sans le nommer, avec un intellectuel influent, omniprésent dans le paysage médiatique français, et dont les prises de position caricaturales sur « l’islamisme » et la « charia » sont aux antipodes des analyses développées dans le « Bloc-notes » du 3 novembre.
Cet intellectuel fut ainsi l’un des douze signataires (aux côtés, entre autres, de Philippe Val et de Caroline Fourest) du manifeste « Ensemble contre le nouveau totalitarisme », publié le 1er mars 2006 par Charlie Hebdo, dans lequel on pouvait lire ceci :
Comme tous les totalitarismes, l’islamisme se nourrit de la peur et de la frustration. Les prédicateurs de haine misent sur ces sentiments pour former les bataillons grâce auxquels ils imposeront un monde encore liberticide et inégalitaire. Mais nous le disons haut et fort : rien, pas même le désespoir, ne justifie de choisir l’obscurantisme, le totalitarisme et la haine. L’islamisme est une idéologie réactionnaire qui tue l’égalité, la liberté et la laïcité partout où il passe.
Tout le monde conviendra – à l’exception de leurs partisans – que certaines variétés de l’instrumentalisation politique de l’Islam sont mortifères. Mais qu’est-ce qui permet, à cet intellectuel cosignataire, de distinguer le « bon » Islam du « mauvais » ? C’est, comme on va le voir, l’invocation de la « charia » et du « djihad ».
En effet, en écho à sa signature du « manifeste », le dit intellectuel dressait, le 20 décembre 2007, un portrait élogieux d’Abdul Wahid al-Nour, fondateur du Mouvement de libération du Soudan : « il y a là un homme qui, face aux tenants de la charia et du djihad qui règnent à Khartoum, plaide pour un islam modéré, éclairé, laïque » [2].
Trois ans et quelques mois plus tard, notre intellectuel, faisant preuve d’une remarquable constance, avertissait les naïfs à propos d’un possible accord entre le régime militaire égyptien et les Frères Musulmans après la chute de Moubarak : « ce serait la mise en selle d’une force dont seuls les irresponsables nous garantissent qu’elle a « mûri » et renoncé à la charia ; et ce serait la répétition, donc, de l’erreur commise, il y a trente ans, en Afghanistan, avec les talibans ; est-ce cela que nous voulons ? » [3].
Entretemps, le 15 janvier 2009, de retour d’une promenade à Gaza dans les chars de l’armée israélienne, ledit intellectuel certifiait que « [la paix entre Israël et les Palestiniens passait] par l’élimination politique d’un Hamas qui se fiche comme d’une guigne et des victimes et de la paix et qui, faute d’avoir pu imposer la charia à son peuple, l’entraîne sur la voie du “martyre” et de l’enfer » [4]. Etc.
En voilà un qui n’a, de toute évidence, pas compris que « djihad signifie effort spirituel », qu’« il y a charia et charia », que « charia n’est pas un gros mot », et qui se laisse donc aller à « entonner le grand air de la régression et de la glaciation sans savoir de quoi il parle ». Espérons donc qu’après avoir lu le « Bloc-notes » du 3 novembre, Lévy Bernard-Henri (puisque c’est de lui dont il s’agit) tiendra compte, à l’avenir, des judicieux conseils de Bernard-Henri Lévy.
Julien Salingue
Notes
[1] Voir notamment le « Bloc-Notes » daté du 10 mars 2011, « Scènes de la vie dans la Libye libre », dans lequel BHL raconte son rôle de messager de Mustafa Abdel Jalil.
[2] « Sarkozy et Kouchner oseront-ils expulser le représentant du Darfour à Paris ? », « Bloc-Notes » du Point, 20 décembre 2007.
[3] « Avec les démocrates égyptiens », « Bloc-Notes » du Point, 8 février 2011.
[4] « Les douteux “amis” du peuple palestinien », lepoint.fr, 15 janvier 2011.
Le vrai Charlie, celui de l’époque de Reiser, n’était pas inféodé à la pensée dominante, et ses impertinences n’étaient pas contre les Arabes et les musulmans, mais au contraire contre notre morale bien-pensante occidentale qui les considère comme des êtres inférieurs juste bons à êtres « éduqués » selon nos valeurs.
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Laurent Ruquier reçoit Philippe Poutou (NPA) dans son cabaret
par Henri Maler, Julien Salingue, le 8 novembre 2011
Le 29 octobre 2011, Philippe Poutou, candidat du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) à l’élection présidentielle, était invité à l’émission de Laurent Ruquier, « On n’est pas couché » (France 2). Il a été confronté pendant près d’une heure au principal animateur de ce programme et à ses deux chroniqueuses, Natacha Polony et Audrey Pulvar, ainsi qu’aux autres invités. Rien ne lui a été épargné. Comment ? Pourquoi ?
Volontairement ou pas, rien n’a été épargné à Philipe Poutou pour le tourner en ridicule… pour le plus grand bonheur de ceux qui n’éprouvent aucune sympathie pour le candidat et sont en désaccord avec les positions politiques de son parti, et pour la plus grande déception, voire la plus grande colère de ceux qui partagent des sentiments et des opinions plus ou moins favorables à l’invité et à sa formation politique.
Pourtant, si l’on tient à distance ces réactions compréhensibles (ainsi que les évaluations, nécessairement marquées par le parti pris, sur la prestation du candidat du Nouveau Parti anticapitaliste), il reste à décrypter l’essentiel : ce qu’un spectacle de cabaret ou de cirque peut produire de pire quand un ouvrier, militant syndical et candidat d’un « petit parti » accepte d’y participer.
Le programme « On n’est pas couché », en effet, est présenté, sur le site de France 2, comme une « émission de divertissement ». Il s’agit, pour être plus précis, d’une « émission de mélange des genres », qui marie divertissement et politique, humour et polémique. À cette fin, elle tente de réunir, en un même lieu, des acteurs, des écrivains, des humoristes, des musiciens, des chanteurs (en charge de la promotion de leurs œuvres) mais aussi des intellectuels et des politiques (en vue de nourrir les débats d’idées).
C’est ainsi que, lors de l’émission du 29 octobre, se trouvaient sur le même plateau, autour de Laurent Ruquier, Audrey Pulvar et Natacha Polony. Florent Pagny (chanteur), Omar Sy (acteur et humoriste, connu notamment pour le « Service après-vente des émissions »), Michel Onfray (Michel Onfray), Leila Bekhti (actrice) et Radu Mihaileanu (réalisateur).
Les émissions qui mélangent ainsi les genres portent en elles la transformation de la politique en un spectacle comme les autres. Et l’invité politique qui, par manque d’aisance ou d’habitude, ne maîtrise pas les codes et les règles de ce type de dispositif télévisuel, peut devenir, bien malgré lui, le personnage principal du spectacle, offert en pâture à un public que l’on encourage à rire, à applaudir ou à huer.
I. Philippe Poutou, un candidat pour rire ?
C’est ce qui est arrivé à Philippe Poutou, dont c’était la première prestation dans ce type de programme [1]. Il a eu droit à un véritable « bizutage », selon la juste expression de Didier Porte, dans sa pertinente chronique visible sur le site d’Arrêt sur Images sous le titre « Porte au secours de Poutou, bizuté par Ruquier ». La vidéo que l’on verra plus loin permet de le vérifier.
Dérision
D’emblée, Laurent Ruquier souligne avec insistance que Philippe Poutou, à la différence d’Olivier Besancenot, est inconnu du grand public, qu’il s’agit de la première grande émission à laquelle il participe et qu’il peut en être inquiet, mais que les questions de l’animateur ont pour objet de permettre de mieux le faire connaître. Vraiment ?
« Y a votre nom qui vous sauve » (rires), s’exclame Laurent Ruquier au début de l’interview. « Poutou, ça s’oublie pas ! » (rires). Et l’invité de reconnaître que sa récente médiatisation a été accompagnée de nombreuses blagues au sujet de son patronyme, signées, entre autres, de Laurent Ruquier himself et d’Omar Sy, présent sur le plateau. Ce dernier nous réchauffe la mémoire en nous rappelant le sketch du « Service après-vente » : « C’était un nouveau candidat, c’était au début, donc on lui souhaite bonne chance et on lui fait plein de petits poutous » (rires et applaudissements). Et plus tard, dans l’émission, Omar Sy remet le couvert : « Vraiment, on a envie de vous faire des poutous ! » (rires et applaudissements), tandis qu’en fin d’interview, alors que Philippe Poutou parle du Front national, Audrey Pulvar se sent obligée, sourire au lèvres, de scander « Poutou Président ! »
Quelle que soit l’intention des uns et des autres, force est de constater que cette lourde insistance sur le caractère prétendument amusant du nom de l’invité contribue à le délégitimer : comment prendre au sérieux un candidat dont on s’amuse, à peine est-il installé sur le plateau ? Le climat ainsi créé, même s’il résulte d’intentions sympathiques, ne place pas le candidat du NPA dans un posture de porte-parole politique sérieux et crédible.
Il suffit de comparer cet exemplaire de l’émission « On n’est pas couché » avec d’autres pour savoir que l’invité politique est habituellement traité sans ménagement et peut faire l’objet de moqueries et de jeux de mots, plus ou moins taquins ou assassins. Mais, déférence oblige, il est exceptionnel qu’il soit traité en personnage d’un sketch et que son nom en soit le thème, dans une ambiance qui entretient les rires des autres participants et du public lui-même. […]
Le clou du spectacle nous fut offert par Michel Onfray, invité à conclure les débats. Son Excellence a disposé de sept minutes, sans la moindre interruption, pour parfaire l’instruction de Philippe Poutou et lui dispenser des conseils en stratégie et en communication.
Manifestement, on peut être libertaire (ou, du moins, se présenter comme tel) et ne guère se préoccuper des inégalités d’accès à la parole dans les médias ; non moins manifestement, on peut être fondateur d’une université populaire et tenter d’accomplir cette impossible mission : lui annexer « On n’est pas couché ». Or s’il est toujours périlleux d’user de sa maîtrise de la rhétorique au risque d’en abuser, dans le cas présent, jouer de cette maîtrise et de sa notoriété c’est conforter la domination symbolique inscrite dans le dispositif de cette émission et dans son déroulement. Il est vrai, si l’on en croit Michel Onfray, qui n’a pas manqué de le souligner – toute fausse modestie dehors –, qu’il aurait été pressenti pour être candidat à l’élection présidentielle. Il ne semble pas que ce soit la personnalisation inhérente à cette élection qui l’ait retenu. Quant à la leçon de cohérence politique, chacun pourra l’apprécier en suivant la note [3].
Illustration en vidéo du bizutage, grâce à un montage réalisé à l’aide du travail des équipes d’Arrêts sur Images pour la chronique de Didier Porte. Un best of des rapports de domination, en quelque sorte. […]
VOIR LA SUITE :
http://www.acrimed.org/article3712.html