Un mouvement qui s’éveille
Catégorie : Global
Thèmes : Retraites 2010
Lieux : Saint-Nazaire
Dans toute la France, les manifestations et les grèves des 7 et 23 septembre ont été massives. Dans toutes les villes, les manifestations du 7 septembre ont été exceptionnelles, jusqu’à près de 3 millions de personnes selon les organisations syndicales, c’est-à-dire une mobilisation supérieure à celle du 24 juin 2010 sur le même thème (2 millions de manifestants selon les syndicats, 800.000 selon la police), mais aussi aux mobilisations de 1995, contre le plan Juppé sur la réforme de la Sécurité sociale, et de 2003, sur les retraites (respectivement 2,2 et 2 millions de manifestants, selon les chiffres de la CGT), et le nombre de manifestant(e)s a été encore plus nombreux le 23.
Plus que des journées de mobilisation réussies, on sent aussi un certain climat dans le monde du travail. Bien des travailleuses et des travailleurs veulent lutter vraiment, aller vers un mouvement d’ensemble, une grève générale illimitée. Ainsi le 7 septembre, les ouvriers des raffineries Total à Donges (Loire-Atlantique) et Grandpuits (Seine-et-Marne) ont décidé mardi de prolonger la journée de grève. A Grandpuits, la grève a été prolongée de 24 heures et à Donges de 48 heures. Même chose après la journée du 23, où quatre raffineries Total sur six ont prolongé la grève le 24. Les confédérations syndicales appellent d’ores et déjà à une nouvelle journée le 12 octobre, alors qu’on note de nombreux débats houleux au sein des structures de la CGT, la principale organisation ouvrière française, où plusieurs équipes syndicales lancent des appels ou déposent des préavis de grève qui dépassent le cadre des journées d’actions espacées. Et après le succès de la journée du 23, la question de la reconduction de la grève est posée dans bien des AG de salarié(e)s, comme chez les employé(e)s des collectivités territoriales à Lille ou à Paris, chez les enseignant(e)s de la région parisienne, dans les raffineries, les ports, etc.
Du côté du gouvernement, la fin de la retraite à 60 ans et son passage à 62 ans voire à 67 ans a été votée par les députés le 10 septembre, mais cela ne signifie en rien une défaite définitive du mouvement. Ce qu’un groupe de politiciens décide, la puissance des travailleuses et des travailleurs peut le briser. Le CPE aussi avait été voté avant que la lutte n’impose son abrogation. On se doit également de noter qu’en plus de la provocation du gouvernement qui vise à minimiser la mobilisation du 23 septembre, dans de nombreuses villes on a, lors des dernières manifestations, assisté à des provocations policières comme à Belfort, à Saint-Nazaire ou à Bar-le-Duc. A Bar-le-Duc, les CRS ont lancé des grenades lacrymogènes sur une manifestations pacifiques, à Belfort deux manifestants ont été arrêtés dont un militant CGT de General Electric (ce qui a provoqué une grève dans les sites de Boulogne et Belfort jusqu’à sa sortie de garde-à-vue), et à Saint-Nazaire, trois manifestants ont été jugés le 24 septembre en comparution immédiate et condamnés à des peines de prison ferme. Cette répression montre que si bien des militantes et militants se posent la question du durcissement du mouvement, l’Etat, lui, s’y prépare aussi.
Volonté de lutte et bureaucratie syndicale
La question du départ à la retraite à 60 ans est celle qui critalise un mécontentemet plus général de la classe ouvrière. Soulignons que le jour même où les députés votaient la fin de la retraite à 60 ans, on apprenait que cinq salariés s’étaient suicidé ces deux dernières semaines à France Télécom. Voilà bien la réalité du salariat en France aujourd’hui : on veut nous faire bosser plus longtemps dans des conditions de plus en plus inhumaines et insupportables, avec des salaires qui ne nous permettent même pas une vie décente et des menaces permanentes de licenciement ! On veut nous faire travailler plus longtemps alors que des millions de jeunes et de moins jeunes n’ont pas d’autres perspectives que le chômage ou, au mieux, un contrat précaire. C’est bien tout cela qu’il y a dans la tête de chaque travailleuse et de chaque travailleur lorsqu’il s’agit de descendre dans la rue et de se mettre en grève sur la question de la retraite. D’ailleurs, dans bien des boîtes, des Assemblées Générales ajoutent, aux revendications sur la retraite, d’autres revendications plus spécifiques comme celles de la pénibilité dans les ports et docks, les salaires ou l’emploi.
Loin de mettre en avant des mots d’ordre clairs, comme le retrait de la loi et la garantie pour chaque être humain de pouvoir vivre décemment sans travailler à partir de 60 ans, les directions syndicales, dans leur lettre ouverte à Sarkozy et à Fillon, semble implorer le gouvernement à leur donner quelques miettes lors d’une nouvelle négociation. Un scénario semble déjà se dessiner dans les intersyndicales nationales : la CFDT attend la première « avancée » (genre la prise en charge financière par le patronat de l’euthanasie des ouvriers de plus de 60 ans qui ne peuvent plus travailler) pour signer un accord, la CGT dénoncera cette signature tout en expliquant à sa base qu’à cause du départ de la CFDT de l’intersyndicale la lutte devient impossible, et enfin SUD et FO qui lancent des appels à la grève générale reconductible dans le but de vendre quelques cartes mais sans chercher à construire le rapport de force. Va-t-on, encore une fois, revivre ce même scénario ?
Construire le rapport de force vers la grève générale reconductible !
Dans le contexte actuel, une partie de la gauche syndicale recommence une stratégie, rejouée à chaque mouvement social, et qui n’a jamais porté ses fruits. Lors des manifestations et des journées d’action, il s’agit d’implorer les bureaucraties syndicales d’appeler à la grève générale, puis, lors de ce qui est parfois appelé « Assemblées Générales Interpro » de déplorer que cet appel n’est pas suivi et dénoncer la nouvelle trahison des dirigeants syndicaux. Soyons clairs : on peut les implorer, les dénoncer ou les supplier, les directions des syndicats ne construirons pas un mouvement d’ensemble du monde du travail, mouvement dont elles ne veulent surtout pas. Compter sur les directions syndicales pour construire le nécessaire coup de colère du monde du travail, c’est finalement tout aussi illusoire que compter sur l’église catholique pour combattre l’homophobie. A l’inverse, qu’il s’agisse de juin 1936 ou de mai 1968, ces deux grèves générales n’ont jamais été appelées par les syndicats. Et quitte à rappeler des évidences, une grève, qu’elle soit générale ou non, illimitée ou non, ne se construit pas dans des « AG interpro » qui rassemblent une poignée de militants convaincus, mais dans nos lieux de travail. Pour qu’une AG interpro existe, il faut déjà qu’existent des assemblées générales par entreprise ou secteur d’activité. C’est dans ce sens-là que se construit un mouvement, depuis l’atelier ou le service vers l’ensemble du monde du travail et non pas l’inverse.
Aussi, pour construire ce rapport de force, pour aller vers cette grève générale, la première tâche de chaque militant et militante doit être de mobiliser ses collègues, d’organiser des AG dans son lieu de travail, et si la grève illimitée peut y être décidée, de constituer un comité de grève, élu, révocable et contrôlé par l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de la boîte, syndiqué(e)s ou non. Et rien de doit empêcher, dans ces AG, d’ajouter des revendications spécifiques à l’entreprise. Si une victoire face au gouvernement redonnerait confiance à l’ensemble de la classe ouvrière pour ses luttes quotidiennes, on peut aussi profiter du climat général pour gagner sur telle ou telle revendication, que ce soit sur les salaires, l’emploi, le poid de la hiérarchie qui est la principale cause de pénibilité pour la majorité des salarié(e)s, etc.
Parmi les évidences toujours, et sans mépris pour aucune catégorie de salarié(e)s, il existe des secteurs plus stratégiques que d’autres. La décision de partir en grève illimitée dans des grandes usines, dans les transports ou dans les raffineries n’est pas équivalente à la même décision prise par des enseignant(e)s. Si on compare 1995 (qui aboutit à une victoire pour les salariés) et 2003 (qui s’est soldé par une défaite), dans le premier cas, ce sont les cheminots qui ont joué le rôle de moteur du mouvement alors qu’en 2003 ce sont les salarié(e)s de l’éducation. Bloquer les transports, par la grève, c’est bloquer l’économie, il en serait de même si c’étaient les ouvriers des raffineries, par exemple, qui se mettaient en grève illimitée. Dire cela, ce n’est pas appeler les salarié(e)s de secteurs moins stratégiques à ne rien faire et à attendre passivement que d’autres se mettent en lutte. Un intérêt du vote de la grève illimitée, c’est de donner du temps à chaque gréviste, libéré ainsi du travail salarié, pour devenir un militant de la grève et de militer pour son extension. Lors du mouvement contre le CPE, un des éléments qui a permis la victoire c’est que des jeunes soient allés discuter avec les travailleurs aux portes des entreprises et ont fait en sorte que le mouvement ne reste pas cantonner au lycées, LEP et universités et touche aussi le monde du travail.
Voilà en gros les deux axes qui devraient mobiliser l’énergie de celles et ceux qui veulent aller aujourd’hui, vers la grève générale illimitée. Dans un premier temps, mobiliser dans sa propre boîte les collègues, faire des journées d’actions nationales des succès et si on est dans un secteur ou une entreprise où la grève illimitée est décidée, utiliser ce temps disponible pour travailler à l’extension du mouvement en allant vers les autres secteurs du monde du travail.
Camille Boudjak, 26 septembre 2010
J’aimerais poser un certain nombre de questions par rapport à ce texte.
La première est de savoir pourquoi la SNCF était un « secteur plus stratégique que d’autres » en 1995, mais apparemment pas en 1986, lorsque la grande grève des cheminots de décembre qui a paralysé tout le trafic pendant trois semaines a essuyé une cinglante défaite. Donc, alors qu’il est patent que le trafic de fret était nettement plus important en 1986 qu’il ne l’est aujourd’hui, j’aimerais savoir comment il se fait que le chemin de fer soit « un secteur plus stratégique que d’autres » et que ça ne l’empêche pas de se faire battre à plate couture !
D’autre part, j’aimerais savoir en quoi les enseignants, qui sont la corporation la plus nombreuse qui soit en France, ne sont pas un « secteur plus stratégique que d’autres ».
Ensuite, j’aimerais bien savoir en quoi 1995 a été une victoire en quoi que ce soit pour les exploités ! La réforme de la Sécu est passée comme une lettre à la Poste, il n’y a eu d’AG interprofessionnelles NULLE PART et les syndicats ont tout monté de A à Z. Où est la victoire là-dedans ?
Enfin, en 2006, les étudiants ont obtenu le retrait du CPE SANS GRÈVE : qu’est le ce que les « communistes-ouvriers » ont à dire par rapport à ça ?
« Sympathisant », là, tu n’essaie pas de questionner un texte et de provoquer un échange politique. Tu tend une embuscade à l’auteur-e (à coup de questions rhétoriques et de sous-entendus) et t’attend qu’il tombe dans le filet de tes questions rhétoriques pour pouvoir lui asséner une doctrine après. C’est pas la première fois que tu fais ça dans un commentaire, et ça craint. Ça craint, parce qu’au lieu de donner la possibilité d’élaborer des questions politiques sur Indy, ça donne des discussions qui sont des affrontements de positions, souvent stériles et stéréotypés, où seules les grandes gueules peuvent parler.
Alors, tout doux, détends-toi, et si tes positions politiques sont si justes, ça apparaîtra facilement dans la discussion, pas la peine de marteler comme ça. Je me répète, on est pas à l’Assemblée Nationale ici, à faire des effets de manches et des trucs de tribuns pour pouvoir imposer sa parole. Alors la prochaine fois qu’un texte te pose des questions, poses-les vraiment ces questions, fais pas semblant de les poser alors que t’as déjà tes réponses.
Ce que me reproche le modérateur dans son commentaire, je crois, c’est de ne laisser aucune échappatoire à l’auteur du texte.
J’en suis parfaitement conscient, et même c’est totalement volontaire. Il y a là une question de méthode. On peut me reprocher mon ton, très souvent trop agressif je l’avoue ; on peut me dire que je ne suis pas toujours convaincant, ça peut se produire.
Ceci dit, je ne pense pas que les positions politiques fausses soient inoffensives, ni qu’elles ne soient pas dangereuses dans la pratique. En l’occurrence, quand je tombe sur des « communistes » soi-disant marxistes qui divisent les ouvriers en corporations, et donc pour être clair qui font le boulot de sabotage des syndicats officiels, je n’ai pas vraiment de raison de discuter leur idée en faisant comme si elle favorisait le mouvement. Il y a une différence entre discussion et polémique ; je crois même que sur tous les Indymedia francophones on est plutôt dans le ton de la polémique que dans celui de la discussion. Je ne dis pas que ce soit une bonne chose, mais il faut se rendre compte qu’on est sur ce site plus sur un terrain d’affrontement que de discussion. Ce qui recouvre une réalité politique : il y a des logiques irréconciliables, et les lignes de fracture entre elles doivent être éclaircies et montrées.
D’un autre côté, le commentaire du modérateur laisse entendre que je serais malhonnête en tendant une « embuscade » à l’auteur du texte. Je n’ai rien fait d’autre que citer le texte pour en montrer les incohérences et contester ce que l’auteur cherche à nous faire passer pour des « évidences », sans apporter la moindre preuve que ce soit le cas. Est-ce que ce genre de pratique pour faire passer tout et n’importe quoi dans un texte n’est pas plus critiquable que ce que j’ai écrit ?…
C’est bien que tu dises les chose clairement, ça va me permettre de rappeler quelque chose qui, apparemment, n’est pas clair: quoi que quiconque puisse en passer, les commentaires d’indymedia ne sont pas un espace de « polémique » et « d’affrontement ». Compléments d’informations et discussions, c’est ça qui doit se trouver dans ces commentaires. Ce n’est pas toujours facile à tenir, mais ce n’est pas les forums de Libé ici, où les gens viennent défendre le bout de gras envers d’autres personnes dont illes n’ont rien à foutre.
Et puis, franchement, déterminer des « logiques irréconciliables » (le mot est fort) et des « lignes de fracture » à partir de textes pas très longs publiés sur internet, ça me semble un peu aléatoire. Et je ne crois pas non plus que les positions politiques puissent être classifiées avec les critères de la « fausseté » ou de la « vérité ». L’action politique c’est, à mon sens, un autre domaine que la philo, un domaine où je ne crois qu’il soit pertinent de ramener des gros trucs binaires sur le modèle vrai/faux.
Pour résumer, tu veux affronter et polémiquer avec ces gens, illes ont un site internet, t’y vas et tu le fais. Mais pas sur Indy.
Je vais moi aussi mettre quelque chose au point : si j’avais passé mon temps à encenser tous les textes sur lesquels je suis intervenu au lieu de les critiquer, il n’y aurait eu ni « informations » ni « discussions » de ma part, mais il est probable que le modérateur n’y aurait rien trouvé à redire.
Par conséquent, le problème n’est pas que je ne favorise pas « l’information » ou la « discussion », d’autant que j’ai la preuve par 9 du contraire, voir http://lille.indymedia.org/article23624.html : même texte, même commentaire de ma part, et échange derrière, vu que la réponse peut permettre de discuter.
Non, le véritable problème, c’est que le modérateur n’est pas d’accord avec ce que j’avance dans mes commentaires, ni avec les positions politiques que je défends. Mais comme il ne sait pas comment argumenter contre, il préfère me dire d’aller planter mes choux ailleurs.
Je pourrais sans trop de mal montrer que la prise de position qui est avancée contre moi ne l’a jamais été pour les nationalistes qui commentent parfois sur Indy-Nantes, ou pour ceux qui se complaisent à la calomnie ou au mensonge patent dans leurs commentaires. On va arrêter là, mais il faudrait quand même être un peu cohérent.
Je voudrais terminer en disant que je tiens à ce qu’Indymedia Nantes continue de fonctionner comme lieu de discussion réelle où se confrontent des positions politiques. Pas comme un site banal où s’échangent des « informations » et des « discussions » inoffensives.