Pôle emploi radie, Pôle emploi sucre des allocs, faisons ployer Pôle emploi !

À notre arrivée, nous sommes rapidement reçus par la directrice de l’agence, non sans faire le tour des bureaux et des chômeurs présents. Le groupe se réparti dans le hall d’entrée et dans le bureau où ont lieu les explications pour régler l’affaire, pendant qu’une partie des présents fait le tour des locaux pour informer les agents de Pôle emploi et les chômeurs convoqués pour des « réunions d’informations collectives » ou en entretien.

L’accueil des agents de Pôle emploi est loin d’être hostile : pas d’obstructions aux prises de paroles pour la défense des droits collectifs ou à la diffusion de tracts (voir le tract ci-dessous) et des propos plutôt favorables : des salariés du Pôle pointent leurs difficultés à éviter convocations et radiations face à une direction qui a « le doigt sur la couture » et cherche, lors des nombreuses reprises d’emploi précaires, à nettoyer les fichiers. Certains disent que sans la mobilisation des chômeurs ils auront plus de mal encore à s’opposer à l’organisation du travail et à ses objectifs ; l’un exprime le souhait que nous restions la journée, puisqu’on est là.

Dans le hall, nous rencontrons plusieurs personnes qui exposent leurs problèmes. Une femme au RMI qui fait des heures de ménages en chèque emploi service a ainsi terminé un CDI qu’elle effectuait par ailleurs dans des conditions fort peu avantageuses. Elle a travaillé 25 H durant une semaine, puis reçu un coup de fil lui demandant de venir chercher son chèque. Une fois dans les locaux de l’employeur, on lui dit que l’on met fin à sa période d’essai tout en lui demandant de rédiger une lettre de démission, ce qu’elle fait sous la pression alors quelle est seule et parle difficilement le français. Sans doute est-il préférable pour une boite de ne pas afficher de trop nombreuses fins de périodes d’essai, mais, du fait de cette « démission », cette salariée perd le droit à la prime de 500 euros qui peut être obtenue sur demande auprès de Pôle emploi lorsque l’on a été licencié après le 1er avril, à condition d’avoir effectué entre 305 et 610 heures d’emploi sur les 28 derniers mois.

(sur cette prime, voir : http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4411)

Elle est venue demander conseil car, alors qu’elle n’a ni touché son salaire, ni obtenu d’attestation d’emploi, elle craint d’autres ennuis en raison de cette « démission »… Isolée, elle attend le retour d’une amie étudiante pour l’épauler et compte sur la conseillère du Pôle qu’elle voit habituellement pour l’aider. Celle dernière étant absente, nous suggérons de repasser le lendemain pour qu’elles appellent ensemble l’employeur afin qu’il atteste de la fin de période d’essai, de la période de travail et la paye. Si cela ne suffit pas, menace d’inspection du travail à l’appui, elle tentera une visite à l’employeur en compagnie de son amie, puis, en cas d’échec, viendra à la permanence précarité envisager une suite plus collective.

Dans le bureau de la directrice, ça patine un tantinet, les explications sont longues. Le numéro de demandeur d’emploi ne fonctionne pas, impossible d’ouvrir le dossier suite à son transfert dans le 93. Notre interlocutrice consulte le dossier sur un logiciel nommé DUDE (dossier unique du demandeur d’emploi) disponible pour les administrations où la vie du demandeur est étalée mais pas suffisamment pour régler la situation. La fusion rend les employés de Pôle emploi, cadres compris, peu compétents : « nouveaux sigles », « nouvelles structures », nouvelles embrouilles.

Dans le couloir, l’un deux nous donnera d’ailleurs un article de Liaisons sociales qui circule dans l’antenne parce qu’il fait le point sur la crise aux aspects multiples qui traverse l’institution, touchant ainsi directement ses 45 000 salariés.

Cette fusion place les agents aux avants postes de contradictions explosives. Les volumes à traiter augmentent avec la hausse du chômage. Les cadences prescrites s’accélèrent (de la mise en oeuvre du SMP, suivi mensuel personnalisé, au projet de soumettre à un ou deux rdv hebdomadaires les RSAstes). Les procédures et les objectifs sont de plus en plus contraints. Comment les conseilleurs peuvent-ils être les payeurs ? L’administration de l’indemnisation c’est celle de ses aléas, c’est celle de la non-indemnisation, majoritaire. Concilier la restriction des droits à allocations, les radiations, les objectifs économiques et comptables dévolus à Pôle emploi, sa « productivité » et le conseil aux chômeurs est-il possible ?

Une crise de gestion, de management, de l’organisation du travail fragilise l’institution. On programme d’arriver à brefs délais à des Pôle emploi unifiés assurant sur tout le territoire des fonctions autrefois distinctes, mais qui commande dans les Pôles locaux ? Les managers sont mis en concurrence pour l’attribution en cours des postes de responsabilité, sans que l’on sache qui décide quoi, dans l’expectative ils « se regardent en chiens de faïence » (cf. Liaisons sociales). Comment unifier le traitement des dossiers, des entretiens, alors même que les salariés de l’Assedic ont obtenus provisoirement de maintenir d’anciens horaires qui ne cadrent pas avec les plages d’ouvertures des Pôles et que le Pôle fonctionne avec deux systèmes informatiques restés distincts ?

En attendant des « sites mixtes » qui peinent à voir le jour et dont le déploiement prévoit la fermeture de nombreuses antennes ex-ANPE, le Pôle dispense à ses salariés des formations expresses à l’indemnisation réglementaire ou à l’accueil. Aux uns il faudrait apprendre à recevoir et conseiller des chômeurs traditionnellement mis à distance et gérés sur un plan administratif par l’Assedic, aux autres, les complications innombrables de la réglementation Unedic ; on est encore bien loin de l’objectif proclamé du « référent unique »…. et de sa polyvalence nécessaire.

L’imposition du 39 49, payé au prix fort par tous ceux qui ne disposent que d’un portable, plate forme réglée pour interrompre la « mise en relation » après 6 minutes, est un héritage évidement désastreux de l’organisation administrative de l’ASSEDIC qui met à distance les personnes pour privilégier le traitement administratif (c’est depuis fort longtemps qu’il est difficile d’accéder à un agent au guichet pour traiter un dossier) ne colle pas avec le travail de « mise en relation » qui réglait jusqu’alors l’activité des salariés des ANPE.

Les salariés du Pôle semblent craindre aujourd’hui davantage ce qui vient de leur direction et de l’orientation de l’institution que l’intervention des ayants droits, vus pour partie comme des alliés potentiels, susceptibles de contribuer à un rapport de forces qui relayerait une mobilisation des agents (les grèves lors de la fusion, les pratiques de guichet attentives aux droits des demandeurs) qui à elle seule ne parvient à remettre en cause ni les conditions de travail, ni son contenu, et moins encore l’orientation de l’institution.

Le temps passé avec la directrice et les deux agents du Pôle qui la borde devant l’ordinateur s’allonge, un temps durant lequel les dires sont mis en doute, suspectés. L’explication dure encore, jusqu’à ce que la directrice comprenne que comme bon nombre d’inscrits ici, le demandeur d’emploi est également travailleur pauvre. Est-ce ce constat ou la magie de l’informatique qui a déclenché une recherche fructueuse sur l’écran ? Il n’empêche que le dossier a été retrouvé peu après. La date de radiation apparaît enfin.

La responsable pinaille encore sur quelques détails mais la solution se dégage. Elle écrit un courrier décrivant le cours des événements qui ordonne la réinscription rétroactive à dater de la radiation, le 12 novembre dernier, puis le faxe avec tous les documents au Pôle emploi dont dépend actuellement ce précaire et qui doit de ce fait restituer ses droits à l’allocataire. Une réclamation d’indu de 300e, un récupération d’indu de 500 e et 2 mois d’allocations à 800 euros sont ainsi supprimés.

La somme qui va être restituée reste tributaire de l’obscur calcul du cumul de l’allocation du chômeur « en activité à temps réduit » (nous sommes 700 000 à dépendre à la fois des allocations chômage et de salaire perçus) et des salaires reçus durant cette période. Le haut de la fourchette est dans ce cas de 2100 euros (en cas de chômage total), reste à voir quelle part de cette somme sera retranchée en raison des missions et CDD effectués.

L’un des résultats connexes de cette annulation de radiation est que ces droits au chômage, si peu évident à constituer, seront ainsi prolongés….

Des chômeurs, intermittents et précaires

———————–

Une radiation peut être annulée par une réinscription rétroactive, alors :

FACE AUX RADIATIONS SOYONS MOINS PRÉOCCUPÉS, OCCUPONS !

Vous êtes radié ? Regroupez quelques amis, voisins, collègues et allez à Pôle emploi rectifier le tir. C’est toujours utile d’avoir un tract pour le distribuer à tous les agents du Pôle, aux chômeurs, aux passants.

Le tract RADIATION ET MEPRIS, BIENVENUE A PÔLE EMPLOI ! peut vous faire de l’usage, vous le trouverez en pdf ici

http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4418

– > Demain jeudi 30 avril rdv à 10h30, un rdv pour partir en balade

– > devant la CFDT, 4 bd de la Villette, M° Belleville

——————-

Pour ne pas se laisser faire, agir collectivement :

Permanence CAP d’accueil et d’information sur le régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle, lundi de 15h à 18h. Envoyez questions détaillées, remarques, analyses à cap@cip-idf.org

Permanences précarité, lundi de 15h à 17h30. Adressez témoignages, analyses, questions, récits d’action, infos utiles à permanenceprecarite@cip-idf.org

À la CIP, 14 quai de charente, Paris 19e, M° Corentin Cariou, ligne 7, Tel 01 40 34 59 74