C’est bien connu : quand ils ne sont pas fonctionnaires de la Poste, les Antillais sont par nature indolents, débonnaires, apolitiques, voire « limités ».

Vieux réflexe colonial eurocentrique, y compris « à gauche », que celui qui tend à faire de l’opprimé un animal docile bénéficiaire de l’oppression : « Après tout, sans la France, ils ne peuvent pas s’en sortir. Soyons lucides. »

On doit au Sénégalais Léopold Sedar Senghor, grand bounty de l’Académie Française, cette phrase lourde de conséquences : « L’émotion est nègre, la raison est hellène. »

Nous lui préférons son compatriote Cheikh Anta Diop…

L’affaire est entendue : l’Antillais restera toujours le bon copain du blanc, celui avec lequel on parle de ti punch et sable fin, bref de sujets exotiques et puérils pour lesquels il présente quelque appétence naturelle, phylogénétique.

Il est cependant un domaine où réduit à un corps acéphale, l’Antillais suscite l’admiration du blanc : quand il danse. « Voyez-vous madame, ils ont ça dans le sang ».

C’est bien de rythme dont nous allons parler ici, mais de celui des bombes qui ont sauté par dizaines en Guadeloupe, Guyane et Martinique dans les années quatre-vingt.

L’absence de publication relative au combat pour l’émancipation caribéeenne, combat le plus résolu, qui ait été mené dans les confettis de l’empire depuis 1962, est écoeurante, lourde de suspicion vis-à-vis du « mouvement révolutionnaire » de France.

Des mois durant, à l’occasion du vingtième anniversaire du soulèvement du peuple guadeloupéen, nous avons donc dépoussiéré, collecté et archivé le matériel requis pour cette brochure afin que les militants anti-impérialistes de métropole et des colonies puissent garder trace de ces évènements.

Qu’on ne s’y méprenne pas : il ne s’agit ni d’une énième « opération nostalgie », ni d’une initiative communautaire liée au taux de mélanine de ses protagonistes ; certes, la mode est à la « race », mais l’auteur est métis.

Le révolutionnaire afro-américain Malcom X devait un jour déclarer : « Je crois qu’il éclatera un conflit entre ceux qui veulent la liberté, la justice et l’égalité pour tous et ceux qui veulent maintenir le système d’exploitation. Je crois qu’il y aura un conflit de ce genre, mais je ne pense pas qu’il sera fondé sur la couleur de peau. »

Du fait de la rareté des sources disponibles, souvent éparses et dont l’exploitation s’est maintes fois avérée problématique avec les années passées, on voudra bien nous pardonner l’omission de dates importantes et des imprécisions.

Certains passages figurent entre crochets : ce signe typographique indique que l’information est sujette à caution.

Par ailleurs, nous avons estimé que même partielle, une simple recension des actions politico-militaires menées dans les années quatre-vingt était dénuées de sens, qu’elle équivalait à un découpage artificiel entre la lutte de l’Alliance révolutionnaire caraïbe, le mouvement de décolonisation amorcé après-guerre et la poursuite, sous d’autres formes, du combat contre le colonialisme..

Le matériel ici présenté, brut de décoffrage et qui mériterait une analyse politique approfondie, couvre donc une période comprise entre 1939 et 2003.