Hier j’étais à Sainte-Soline. Et depuis la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, je n’avais jamais vu un tel niveau de carnage.

Déjà, on va arrêter de parler de simples gaz lacrymogène : ce qui était envoyé sur les manifestants et manifestantes étaient des grenades GM2L (qui on un souffle, une détonation et propulsent des éclats) et des tirs de lanceur balle défense (LBD). Ces armes ont fait de nombreux blessés. On en a dénombré plus de 200.

Dès le début de la manifestation j’ai pris en charge des personnes blessées, parmis elles une personne inconsciente. En quelques minutes le temps de l’évacuer plus a distance de la manifestation, j’ai vu une route entière de personnes allongées a même le sol, ramenées là pour être évacuées : des visages en sang, des plaies importantes, une fracture ouverte, un oeil explosé, un traumatisme rachidien, une fracture du rocher, des personne inconscientes, des gens qui pleurent….j’ai jamais vu ça, c’était un champs de bataille.

Dans cette ambiance de guerre, on n’avait qu’un seul véhicule pour évacuer les gens vers le relai des ambulances qui ne pouvaient pas intervenir sur place. Par dessus tout, le 15 nous dit au téléphone ne pas pouvoir passer le barrage des forces de l’ordre, alors qu’on tentait d’évacuer une personne dans un état grave. On comptait notamment 5 personnes inconscientes et blessées à la tête. Il a fallu « trier » les personnes à évacuer. Au téléphone, l’opérateur du 15 était impuissant. Et à un moment, oui, j’ai fondu en larme, dépassée par la situation.

Aujourd’hui on sait que S., une des personnes blessée a la tête a été admis en réanimation et que son pronostic vital est toujours engagé. Je reste marquée par un tout jeune manifestant, indéniablement eborgné, qui me suppliait que je lui dise qu’il ne perdrait pas son oeil.

Je reviens choquée, cassée de cette manifestation, où malgré tout la mobilisation massive contre la privatisation de l’eau par les méga bassines était une victoire.

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Communiqué de Bassines Non Merci

30 000 personnes manifestent à Sainte-Soline malgré la brutalité policière pour une avancée déterminante vers la fin des méga-bassines

Ce samedi 25 mars, c’est plus de 30 000 personnes qui se sont réunies près de Sainte-Soline à l’appel de la Confédération paysanne, Bassines Non Merci et les Soulèvements de la Terre mais aussi de plus de 100 organisations associatives et syndicales pour enfoncer le clou d’une mobilisation populaire grandissante et mettre un terme aux chantiers de méga-bassines.

La veille, le mouvement contre les méga-bassines avait déjà relevé le double défi d’installer un campement au petit matin à quelques encablures de la bassine de Sainte-Soline, puis de faire passer le convois de tracteurs de la Confédération paysanne en contourné les barrages policiers à travers champ pour rejoindre le campement.

Samedi matin, les délégations internationales, les paysan-ne-s, syndicalistes, naturalistes, militant-e-s pour le climat et le partage de l’eau s’étaient tous retrouvés en masse puis répartis en 3 cortèges pour lancer ce qui sera la plus grande mobilisation anti-bassines à ce jour. Autour de totems de la faune menacée par les projets de bassines, la outarde, la loutre et l’anguille, les manifestant-es ont progressé dans les champs dans une ambiance déterminée  avec beaucoup de créativité, d’audace et d’union, loin du cliché vendu par Gerald Darmanin de 1000 individus isolés cherchant la violence. La Confédération paysanne de son côté a planté 300m de haies, essentielles pour un modèle agricole sobre en eau et respectueux de la biodiversité.

Les 30 000 personnes sont ainsi arrivées ensemble au pied du chantier de Sainte-Soline, qu’elles ont encerclé avec les forces de l’ordre arc-boutées autour de son périmètre. Des milliers de personnes avanaçaient en se tenant par la main, d’autres s’approchaient en groupe pour arracher les grilles.

Alors que le cortège jaune a réussi à s’introduire brièvement dans le chantier, les violences policières ont été sidérantes de brutalité : c’est pas moins de 200 blessés que nous recensons et d’autres continuent d’arriver. Parmi eux, une quarantaine de personnes ont des plaies profondes (délabrantes) et des éclats surtout au niveau des jambes et du visage, à cause des grenades de désencerclement et des tirs de LBD. Une dizaine de blessés graves ont même été transférés au CHU. Un manifestant est dans le coma avec son pronostic vital engagé, deux autres ont leur pronostic fonctionnel engagé. Cette violence est absolument criminelle quand on sait qu’il s’agissait pour la police d’uniquement protéger un cratère vide et de garder la face. Elle fait largement écho à la répression brutale subie par le mouvement social contre la réforme des retraites.

Pire, la police a retardé la prise en charge des blessés en bloquant le Samu à Sainte-Soline, alors que celui-ci avait été appelé par les manifestant-e-s dès 13h. Une personne en urgence vitale a du attendre plus d’une heure avant que la prefecture autorise le Samu à passer après des appels de la Confédération paysanne et Marine Tondelier – un blocage confirmé par les observateurs de la Ligue des Droits de L’Homme dans un communiqué : https://twitter.com/LDH_Fr/status/1639650502395699200?s=20

Les organisateurs dénoncent les graves violences aux personnes, menées une fois de plus par la police et qui nous remémorent le drame de Sivens. Nous sommes inquiets pour ces blessés, la priorité est et doit être à leur prise en charge. Il faut aussi dire qu’en amont de la mobilisation, la préfecture, le gouvernement et même Emmanuel Macron ont multiplié les éléments de langage visant à criminaliser le mouvement antibassines et ainsi justifier les violences dont les manifestant-e-s ont fait l’objet aujourd’hui.

Avant de repartir du chantier, les manifestant-e-s ont excavé et désarmé une pompe et une canalisation centrale de la bassine de Sainte-Soline, la mettant définitivement hors d’état de nuire. En parallèle, la Confédération paysanne a également monté une serre maraichère afin d’aider à l’installation d’un paysan sur une parcelle proche de la bassine. Ces actions montrent qu’au delà de l’opposition aux méga-bassines, c’est bien un autre modèle agricole plus résilient, partageur des ressources en eau et à taille humaine qui est défendu dans cette lutte.

Les manifestant-e-s rentrent ce soir et dimanche à Melle, commune militante où des festivités sont prévues. La lutte pour le partage de l’eau se poursuit, avec des tables rondes sur les ravages de l’agro-industrie, les luttes à l’international et l’agriculture paysanne, mais aussi des reflexions sur la suite et les alliances du vaste mouvement populaire contre l’accaparement de l’eau. Des spectacles tous publics et des concerts sont prévus dans les deux prochains jours.

Nous continuerons le combat, malgré les intimidations et la brutalité extrème dont a fait usage le gouvernement. Cette date marque une nouvelle avancée déterminante qui doit annoncer l’arrêt des travaux et l’ouverture d’un dialogue sur la préservation et le partage de l’eau pour la fin prochaine des projets de méga-bassines. Nous sortons renforcés par ce soutien massif et 4 fois plus nombreux qu’à la dernière mobilisation pourtant très importante à Sainte-Soline.

No bassaran !

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