Bilan du rassemblement du 5 novembre 2022 à CALLAC
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Category: Local
Themes: Antifascisme
Places: CallacCôtes-d'Armor
I- Retour sur la journée mobilisation antifasciste du 5 novembre
A l’appel d’habitantEs, associations, organisations politiques et syndicales, collectifs antifascistes, c’est près de 1 000 personnes qui se sont rassemblées le 5 novembre pour s’opposer à la tenue du meeting de “ténors” de la supercherie du “grand remplacement” pour la majeure partie issue de Reconquète. Les participantEs arrivent dès la première heure après avoir dû montrer “patte blanche” pour accéder au site kan an dour ; dès 10h30 tous les accès à Callac sont bouclés et les véhicules arrétés : contrôles et scan des pièces d’identités, fouilles des véhicules jusqu’à vider les glacières… La mobilisation de 200 gendarmes est annoncée dont une majorité de GM. Dès 12 h, les halles commencent à s’animer autour des différentes tables de presse militantes. Avant le lancement du fest deiz, un temps dédié aux prises de paroles, volontairement restreint pour mettre en avant principalement les initiatives de terrain (soutien aux exilé.e.s, défense des services publics, des conditions de travail, création de jardins solidiares…), est lancé après lecture du texte d’appel en breton et français. La plupart des prises de paroles rappellent que lutte antifasciste et anticapitaliste vont de pair et insistent sur l’importance d’occuper le terrain social pour lutter contre l’extrême-droite. La parole de la municipalité est portée par la voix de la troisième adjointe entourée des nombreuses élues présentEs : elle aura ainsi démontré la volonté des éluEs de continuer à travailler sereinement sur le projet malgré les nombreuses menaces et intimidations. Un passage rendant hommage au travail des forces de l’ordre aura un écho mitigé (peu compréhensible au regard du dispositif répressif déployé) : s’agissait-il de louer le travail des agents assurant une protection des éluEs menacéEs, positionnement légitime de la part d’une des principales personnes ciblée par l’extrême droite ? Enfin, les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence clôtureront en rappelant, avec satire et ironie, les menaces que l’extrême droite fait peser sur les droits LGBTQ+ .
Vers 14h30, les premières notes de musique commencent à ambiancer les halles et les rondes de danses se forment. Vers 15h, environ 300 personnes se rassemblent pour former un cortège, ambiancé au rythme de la batucada et coloré de fumigènes autour des banderoles revendicatives, en vue de défiler dans Callac et rendre inaudibles les thèses haineuses déversées devant la mairie. Dès la sortie du parking, les gendarmes mobiles bloquent les trois directions possibles avec des véhicules en travers des rues. Demi-tour donc, le cortège contourne le dispositif en passant par le lotissement adjacent et arrive à atteindre le bout de la rue des fontaines. Un barrage empêche toute remontée à gauche vers la place de la mairie mais il semble possible de continuer dans le sens opposé. L’initiative est stoppée nette par une grande salve de lacrymos, répliquée notamment par des jets de pommes pourries… Toutefois, à la faveur du vent, les nuages sont repoussés vers la place de la mairie… Le cortège a reculé et se rassemble quelque temps devant l’entrée du site de Saint Laurent dont la réhabilitation au cœur du projet horizon. CertainEs prennent le temps d’en faire le tour extérieur. La situation se tend à nouveau d’un coup lorsqu’une personne colle un autocollant “repuidi deut mat” (réfugiéEs bienvenuEs) sur un fourgon de GM. La réponse est immédiate, un gendarme dégaine sa matraque et un autre pointe son LBD sur les personnes toutes proches se protégeant derrière une banderole et des parapluies. Les gendarmes noient la rue sous les gaz et chargent à plusieurs reprises jusqu’à venir au contact pour tenter d’arracher les banderoles et certainement tenter quelques interpellations jusqu’à l’entrée du site de kan an dour. Le cortège se replie tranquillement tout en restant groupé et dynamique en scandant des slogans.
Le fest deiz continue de battre son plein. Les discussions reprennent, les rondes se gonflent et s’enchaînent. Rapidement, nous apprenons qu’un groupe de fachos,notamment composé d’anciens de l’alvarium (ancien local et groupuscule identitaire angevin responsable de différentes actions violentes contre des minorités), s’est formé autour d’un bar avec pour projet de venir attaquer l’évènement . Ces mêmes individus,qui arboraient des symboles suprémacistes, tentent également d’agresser un journaliste.
Les rumeurs d’attaque et volonté d’intimidations n’empêcheront pas le fest deiz de continuer dans une ambiance sereine et festive. De nombreuses personnes se sont montrées solidaires jusqu’à la fin et au démontage de la scène.
II- Quel bilan tirer ?
A- Double défaite politique pour Reconquête ?
Nous retenons en premier lieu la forte mobilisation autour du site de Kan an dour -autour de différentes initiatives et composantes politiques- réunissant plus du double de manifestantEs que l’extrême droite …. qui annonçait pourtant en amont au moins 800 personnes, en mobilisant des troupes issues de toute le grand ouest, notamment de Vendée et du Pays Angevin avec une grosse campagne de rabattage. Aussi, on notera la quasi absence dans cettte audience de CallacoisEs mettant en exergue qu’il s’agit bien là d’une manipulation de Reconquête autour du projet Horizon comme prétexte pour essayer d’illustrer leur seule obsession politique du “grand remplacement”. Cet échec est aussi directement pointé en
interne, durant la tenue même de leur rassemblement, sur twitter par le responsable de reconquete_off 22, Fabrice Lopez, engageant dans le même texte la responsabilité de la principale instigatrice, Catherine Blein.
Nous noterons aussi qu’Edwige Vinceleux, candidate Reconquête aux dernières législatives et jusque là très impliquée dans l’opposition au projet Horizon avait publiquement fait part de sa non participation à l’évènement sur fond de discorde et conflit avec la même Catherine Blein.
Pouvons nous en conclure que le parti zemourien, sur fond de guerre d’égo (et d’ambitions ?) serait déjà en train d’imploser dans le kreiz breizh alors qu’il tente à peine vainement de s’y implanter tout en faisant face une forte opposition ?
L’échec cuisant du rassemblement fasciste du 5/11 mettra t’il un point d’arrêt aux tentatives de mobilisation de ce groupuscule sur Callac ? Nous constatons pourtant que que leurs basses manœuvres d’intimidation perdurent sous forme d’attaques sur internet et menaces directes.
Comme point noir, nous ne pouvons pour autant que regretter que ce rassemblement ait tout de même pu se tenir, principalement grâce à l’action de la préfecture, offrant ainsi tribune à un oratoire largement condamné pour incitation à la haine raciale et/ou apologie du terrorisme, et malgré les diverses annonces publiques de venues de groupuscules identitaires adeptes des attaques de rue.
B- Quelles perspectives pour lutter efficacement et durablement face à l’entrisme de l’extrême-droite en Bretagne ?
Si l’on peut globalement tirer un bilan positif de la forte mobilisation du 5 novembre qui aura permis de se rencontrer ou retrouver, d’apprendre à travailler ensemble, dans le déroulement de l’événement comme dans la rue, il importe tout autant de pouvoir en tirer des axes d’amélioration.
Ainsi, les conditions de préparation, notamment délai et implantations géographiques des différentes parties prenantes à l’évènement a pu impacter en amont les capacités de communication entre celles-ci pouvant générer par moments certaines incompréhensions. Toutefois, il est aujourd’hui plus que nécessaire de les analyser, isolément et communément pour en tirer collectivement des leçons, notamment en favorisant les échanges, pour améliorer nos capacités de communication entre toutes les forces se revendiquant de l’antifascisme. L’heure n’est pas au repli sur soi et il est encore plus nécessaire de maintenir une vigilance et une capacité de réaction à toutes les activités de l’extrême droite à Callac comme ailleurs pour continuer de les tenir en échec. Cela est tout aussi valable pour le gouvernement en place, qui met chaque jour en œuvre les propositions de l’extrême droite contre les plus précaires et les personnes racisées, sauf lorsqu’il s’agit d’utiliser la misère humaine pour porter secours au capitalisme en général, et certains secteurs économiques en particulier.
Pour conclure, réponse du CVA aux dernières actualités :
Enfin, le CVA apporte tout son soutien aux membres du conseil municipal de Callac subissant différentes attaques et de sérieuses menaces auxquelles elles et ils doivent faire face de la fachosphère et quelques nervis. Nous apportons particulièrement notre soutien à l’adjointe lourdement visée dernièrement par certains sites fascistes sous de bases formes outrancières et répugnante : nous condamnons ces actes avec la plus grande fermeté et nous tenons prêtEs à répliquer. Toujours vigilantEs et prêtEs à réagir, nous aspirons à ce que Callac reprenne une vie quotidienne et politique locale apaisée, débarrassée des campagnes de manipulations de l’extrême droite à coup de mouvementisme complotiste et raciste jusqu’aux
basses menaces directes.
http://www.cva22.lautre.net/communiques/retour-rassemblement-5-novembre-callac
https://www.mediapart.fr/journal/france/201222/contre-l-accueil-de-refugies-l-extreme-droite-seme-la-terreur-dans-un-bourg-des-cotes-d-armor?utm_source=article_offert&utm_medium=email&utm_campaign=TRANSAC&utm_content=&utm_term=&xtor=EPR-1013-[article-offert]&M_BT=4970107024743
À Callac, des élus favorables à un projet d’installation de réfugiés, initié par un fonds privé, sont menacés de mort ou de viol. « Ils ne peuvent pas nous comprendre s’ils ne nous connaissent pas… », s’étonne Mariam, originaire du Darfour. « Quand on perdra une classe d’école, ce seront les premiers à râler », s’agace un adjoint au maire.
” Dans le salon de sa maison, Laure-Line Inderbitzin s’efforce de sourire. En cet après-midi de début décembre, elle prépare le dîner, accompagne ses enfants à leurs activités extrascolaires, s’amuse des ardeurs du chiot qu’elle a adopté trois mois plus tôt. Mais elle finit toujours par revenir à ce qui lui vaut des crevasses en guise de cernes sous les yeux. L’adjointe au maire de Callac est en arrêt maladie car elle ne supporte plus le flot de haine qui se déverse sur sa commune, ni le « harcèlement » de Riposte laïque qui la jette en pâture sur Internet, la qualifiant d’« immigrationniste », d’« âme damnée du maire à migrants » ou d’« inconsciente illuminée ».
L’élue confie ne plus dormir la nuit. « Je suis obligée de vivre comme une recluse alors que je suis victime ». En pointant une pochette posée sur la table, elle lâche : « Voilà le dossier ». Tout y est. Les nombreuses plaintes qu’elle a déposées. Le sticker retrouvé sur sa boîte aux lettres et estampillé Furie française, un groupuscule d’extrême droite. Les commentaires sur le site de Riposte laïque qui appellent à une « tournante » sur sa personne. Mais Laure-Line Inderbitzin insiste : elle n’a « pas peur » et ne pliera pas face à l’extrême droite. ”
“Tout a commencé lorsque la presse locale a annoncé l’arrivée de « 70 familles » d’exilés à Callac, alors qu’il s’agissait d’en accueillir une poignée dans le cadre d’un projet baptisé Horizon et porté par le fonds de dotation Merci (un fonds privé à but non lucratif qui finance aussi, grâce à des dons, des projets d’accès à l’éducation ou d’inclusion sociale).
Déjà douze plaintes déposées
Depuis cette annonce, les sites Riposte laïque et Breizh-info, puis les militants du Rassemblement national (RN) et de Reconquête, ont fait de Callac « la mère des batailles » contre le « grand remplacement ». Aux manettes du fonds Merci, la famille Cohen est de son côté victime d’antisémitisme. Deux rassemblements se sont succédé à Callac, les 17 septembre et 5 novembre, réunissant des centaines d’opposants au projet venus des quatre coins de la France.
« Pierre Cassen [membre fondateur de Riposte laïque – ndlr] fait des conférences sur ça, appelant à la “résistance à Callac”. Ils en ont fait un laboratoire », relèvent deux militants syndicaux de gauche, mandatés par leur fédération pour observer l’évolution de l’extrême droite en Bretagne. « Les fascistes sèment la terreur. Des élus ont vu des hommes cagoulés passer en voiture devant chez eux pour les intimider. » Et d’alerter sur la « pression permanente » pesant sur les élus, dont le maire : « Les gendarmes lui ont dit de flouter ses fenêtres à la mairie pour qu’on ne lui tire pas dans la nuque. »
Ils décrivent un agrégat de groupuscules d’extrême droite et néonazis qui se mobilisent sur ce dossier « pour donner un effet de masse » : une forte représentation de l’Action française, de l’Alvarium (un groupuscule identitaire dissous en 2021 et qui se réactive) et de groupes nationalistes bretons.
« Les Callacois sont peu nombreux parmi les opposants. »
Le dernier tract contre le projet Horizon, distribué à Callac fin novembre. © Nejma Brahim / Mediapart
Lorsque le premier collectif « d’anti » est créé au printemps dernier, il compte trois membres, tous callacois : Danielle Le Men, Moulay Drissi et Michel Riou. Mais l’arrivée de Catherine Blein, figure de l’extrême droite condamnée pour apologie du terrorisme et exclue du RN (originaire de Moustéru, à 20 kilomètres de Callac), a poussé certains à s’en éloigner. C’est elle qui préside aujourd’hui « Les Amis de Callac », aux côtés de Danielle Le Men, que Laure-Line Inderbitzin accuse dans le harcèlement qu’elle subit.
Elle l’a signalé à la gendarmerie, à qui elle a fourni ce qu’elle considère comme les « preuves » de ce qu’elle avance, telle une photo de Danielle Le Men distribuant le dernier tract contre Horizon à Callac. « J’ai encore déposé plainte le 19 novembre, mais je n’ai aucune nouvelle du procureur ou du préfet. C’est fou, on est face à des menaces sur une élue par ailleurs enseignante. »
Elle y voit un « mépris » pour les élus ruraux et se sent « abandonnée ». Le maire de Callac, Jean-Yves Rolland, a refusé de nous répondre et se serait terré dans le silence. Il a porté plainte le 16 avril en son nom et celui de ses adjoints pour « menace, violence ou acte d’intimidation envers un élu public pour qu’il accomplisse ou s’abstienne d’acte de son mandat », après avoir reçu des courriers, que Mediapart a pu consulter, le qualifiant de « criminel en puissance » qui sera tenu pour « responsable en cas de viols dans la commune » et de « bon camarade avec les mafieux qui font venir tous ces clandestins ». Un autre lui souhaite d’avoir « une bonne assurance incendie ».
Contacté, le parquet de Saint-Brieuc indique que douze plaintes ont été déposées en lien avec cette affaire. Selon le procureur de la République, Nicolas Heitz, la plainte déposée par le maire de Callac pourrait « caractériser l’infraction de menaces, violences ou actes d’intimidation envers un élu ». « Une enquête a été ouverte et une procédure distincte a été diligentée pour chaque plainte. »
Déjà deux rassemblements d’extrême droite
Les militants déjà cités accusent la préfecture d’avoir laissé l’extrême droite organiser deux rassemblements, alors que le maire de la commune aurait réclamé, selon plusieurs sources, leur interdiction. « Le préfet minimise les faits et fait le distinguo entre menaces virtuelles et réelles », affirment-ils. Sollicitée, la préfecture répond que « ces rassemblements ont été autorisés par le maire » et met en avant « la liberté de manifester ». Elle assure que le maire aurait lui-même « informé la préfecture qu’il n’envisageait pas de les interdire ».
Quant aux élus faisant l’objet de menaces, « leurs craintes sont prises très au sérieux par les autorités », poursuit la préfecture, qui dénonce une « mise en cause infondée ». « Le préfet et son cabinet ont été et sont en contact régulier avec le maire. Le préfet a exprimé publiquement, à plusieurs reprises, son soutien aux élus callacois. » Le procureur précise de son côté que les infractions dénoncées sont « régulièrement évoquées avec le préfet ». Dans cette commune aux quelque 2 200 âmes, où un tiers de la population a plus de 70 ans, l’accueil des réfugiés, avant même le projet Horizon, n’a pourtant jamais été un problème : de premières familles sont arrivées du Kurdistan syrien dès 2018, puis du Nigeria, du Soudan et de Syrie de manière continue jusqu’en 2022. Callac, c’est un chiffre qui jusqu’ici semblait ne pas déranger : 10,2 % d’étrangers venus de Bulgarie, Géorgie, Tunisie ou Pologne.
« On a une tradition d’accueil, qu’il s’agisse des Espagnols ou des Britanniques ; et ça se passe très bien », défend Laure-Line Inderbitzin. Dans une commune ayant perdu un tiers de sa population en trente ans, l’idée de redonner du souffle à l’économie locale et aux services publics l’a vite convaincue.
Denis Lagrue, membre d’un collectif qui propose aux familles réfugiées, depuis les premières arrivées, des cours de français ou un accompagnement aux rendez-vous médicaux, a pensé que « cela pourrait faciliter [leur] action ». Ce vétérinaire à la retraite, responsable des Restos du cœur à Callac, se souvient de quelques rares critiques au début : « Un bruit de fond disant que les réfugiés prenaient nos logements. » En réalité, insiste-t-il, les HLM qu’ils ont obtenues étaient toutes vacantes.
Les réfugiés déjà présents préfèrent ignorer la menace
Avec la polémique autour du projet Horizon, il a le sentiment que Callac a été « salie ». « Comme s’il n’y avait que des racistes ici. Je ne dis pas que tout le monde est pour l’accueil des réfugiés, mais en cinq ans, on n’a jamais vu de manifestation hostile à leur égard. » Il y a selon lui une méconnaissance du sujet, instrumentalisée par l’extrême droite et certains médias.
« Le travail de sape de CNews est catastrophique. Dans son public, il y a des personnes en grande précarité qui peuvent se tromper de cible. » Son épouse Sylvie a choisi de ne plus alimenter la guerre que l’extrême droite livre à Callac. Elle n’ira pas contre-manifester si l’extrême droite organise de nouveaux rassemblements. « On est dans un climat de terreur, on doit préserver les réfugiés déjà présents et laisser la justice faire son travail. »
Ce week-end-là, Denis Lagrue rend visite à Ibrahim Zakaria et Mariam, un couple de réfugiés originaires du Darfour et leurs six enfants. Dans la chambre où le père révise le code en vue de passer son permis, des dictionnaires de langues s’amoncellent sur la table basse. Ibrahim Zakaria a appris le français – il parlait déjà son dialecte, l’arabe et l’anglais. À 50 ans, il est inscrit au Greta pour suivre des cours de langues, avant de se lancer dans l’informatique.
« J’aimerais travailler dans l’agriculture », dit en souriant Mariam, qui se rend souvent au jardin partagé. Après avoir passé seize ans dans un camp de réfugiés au Tchad, la famille a pris ses marques à Callac. Mais elle a compris, depuis quelques mois, que certains « voulaient bien des étrangers et d’autres pas ». « Ils disent que les réfugiés sont des incapables, mais ils ne peuvent pas nous comprendre s’ils ne nous connaissent pas. »
Ibrahim Zakaria, réfugié originaire du Darfour installé à Callac, se confie à Mediapart. © Nejma Brahim / Mediapart
Ils ont préféré, lors des rassemblements, rester en sécurité à la maison, bien qu’ils soient conscients d’être « dans la légalité ». « Il ne devrait pas y avoir de souci pour nous. »
Mais en septembre, les noms des réfugiés vivant dans leur immeuble ont été retirés des boîtes aux lettres – une information dont la préfecture des Côtes-d’Armor affirme n’avoir pas eu connaissance. « Ça ne nous a pas fait peur, affirme en souriant le couple. Les locaux sont gentils et les méchants ne sont pas nombreux. »
« Voilà mon ressenti vis-à-vis des réfugiés, conclut Denis Lagrue en les quittant. Des familles qui s’intègrent, participent à la vie locale, dont les enfants réussissent à l’école. »
Dans la nuit noire, les lumières de la maison de Michel Riou, l’un des premiers opposants au projet, apparaissent au loin. Le septuagénaire vit à Callac depuis 2006 et se décrit comme un « enfant du canton ». À notre arrivée, nous l’interrompons alors qu’il achève son dîner, mais il ne se fait pas prier pour exprimer sa position.
Vous savez comment ça se passe dans les grandes villes, il y a des ghettos à cause des réfugiés, on le voit tous les jours à la télé.
Michel Riou, opposant au projet Horizon
Il ne saisit pas pourquoi « plein d’infos ont été balancées », d’abord « 70 familles », ensuite 30 ou 40. Ce qui l’effraie en premier lieu, c’est que la ville de Callac ait racheté l’ancienne école Saint-Laurent alors qu’elle est « en ruine », pour y créer le village Horizon, censé abriter des logements, une crèche ou une maison des associations. « On nous dit que la fondation va donner un apport, mais la municipalité est incapable de donner un chiffre. Je sais ce que ça coûte, ce projet ne peut pas marcher dans ce bâtiment », décrète cet ancien élu à l’urbanisme.
Et puis, le discours anti-migrants jaillit. « Moi, c’est pas une ou deux familles qui me dérange, faut rester humain. Mais faut pas qu’on nous les envoie en nombre. Vous savez comment ça se passe dans les grandes villes, il y a des ghettos à cause des réfugiés, on le voit tous les jours à la télé. On ne veut pas que ça arrive à Callac. » Sa ville est à l’abandon, poursuit-il, désolé de voir des squats « partout » ou la toiture du gymnase Albert-Monfort toujours inachevée.
S’il admet que tout se passe bien avec les familles réfugiées déjà présentes ici, « après, faut faire attention à tout ce qui se greffe autour ». « Je suis contre l’afflux des réfugiés. Pourquoi ils ne règlent pas leurs problèmes chez eux ? » Dans son salon, où se mêlent un drapeau breton, un bateau à voiles et une photo de Johnny Hallyday, il saisit une mallette où il déniche des courriers d’admirateurs venus lui adresser leur soutien : « Je suis bretonne et je connais Callac. Résistez. Nous sommes envahis en ville et maintenant c’est la campagne ! »
Michel Riou a quitté le premier collectif « anti-Horizon », après qu’un mail aux relents nazis, adressé en son nom depuis l’adresse mail – piratée – du fonds de dotation Merci, a été envoyé à la ville de Callac. Il l’a quitté, aussi, parce que Catherine Blein commençait à prendre trop d’importance au sein du collectif. Depuis, il poursuit sa lutte, au sein d’un autre groupe qu’il a monté mais dont il refuse de donner le nombre de membres.
Les menaces que subit Laure-Line Inderbitzin, il estime qu’elle les a « bien cherchées ». « En politique, il faut s’attendre à des coups durs. C’est de sa faute, elle aurait dû calmer le jeu », ose-t-il. Puis ajoute : « Moi, c’est pas écrit fasciste sur mon front. » Michel Riou est un ancien communiste. Désormais sans parti, il vote « comme [il] veut ». Reconquête ou RN ? « Et pourquoi pas. C’est peut-être ce qu’il faut pour remettre un peu d’ordre en France. »
Un projet mené par l’État lui aussi menacé
Que l’extrême droite passe aux commandes, c’est la crainte de Patrick Morcet, adjoint au maire à Callac. Ce matin-là, dans la maison qu’il occupe avec son épouse, une alarme retentit pour signaler notre arrivée. Pour « protéger [sa] famille », l’élu a installé des caméras dans son jardin, après avoir été réveillé, dans la nuit du 11 au 12 novembre dernier, par une présence dehors détectée par son chien. « J’ai vu deux hommes cagoulés dans l’allée, avec du matériel, qui se sont enfuis en courant. »
Ils voulaient sans doute faire un saccage et avaient repéré les lieux, estime-t-il, expliquant avoir vu plus tôt des hommes s’aventurer dans l’impasse menant à son domicile. Patrick Morcet n’a pas porté plainte.
« Je l’ai signalé au maire qui l’a dit à la gendarmerie, et depuis, ils font des rondes devant chez moi. »
L’homme au visage rond refuse d’abandonner le projet Horizon malgré ce climat de « peur », et même si certains élus veulent reculer.Fin novembre le maire de Callac aurait organisé un vote informel pour demander à sa majorité si elle souhaitait poursuivre le projet. « Il y a eu huit “contre”, quatre demandes de suspension et deux “pour” », révèlent plusieurs sources.
« Même si le projet est abandonné, ça ne s’arrêtera pas, on sera attaqués sur tout ce qu’on fera ensuite », souligne Patrick Morcet, en évoquant un projet – cette fois de l’État – pour l’accueil de réfugiés à Callac, géré par Viltaïs.
Le fonds de dotation Merci a été invité à coordonner son action avec celle menée par l’opérateur de l’État.
Préfecture des Côtes-d’Armor
Des maisons devaient être rachetées par cette association pour les exilés, mais la pression de l’extrême droite aurait contraint une propriétaire à faire machine arrière. Sur le dernier tract distribué par les opposants, ils promettaient de « continuer à combattre les projets Horizon et Viltaïs jusqu’à la victoire ».
Si l’arrivée de deux familles aurait été repoussée en raison des événements, la préfecture des Côtes-d’Armor indique que le projet Viltaïs « n’est pas remis en cause ». « Le fonds de dotation Merci a été invité à coordonner son action avec celle menée par l’opérateur de l’État », ajoute-t-elle, sans donner de précisions sur l’avenir du projet Horizon. Mais ce dernier, qui était inscrit à l’Opération de revitalisation de territoire (ORT), n’en ferait plus partie.
Patrick Morcet regrette un problème de communication dès le départ et explique avoir plaidé pour passer par un cabinet spécialisé, sans être entendu. « J’avais peur qu’un simple mot soit détourné. » La première réunion publique, en avril 2022, aurait été selon lui « trop parisienne ». « Avec une meilleure présentation des choses, on aurait pu rassurer la population locale. »
Il aurait aimé dire combien ce projet pouvait profiter à « tout le monde » et aider à revitaliser sa commune. « Quand on perdra une classe d’école demain, les opposants à Horizon seront les premiers à râler. » Il y a, songe-t-il, tout ce qu’il faut pour les accueillir. Il suffit de se balader pour constater les commerces fermés et « qui ne demandent qu’à être repris ». « Le dentiste s’en va aussi en fin d’année. »
Nejma Brahim
C’était hier à la Chapelle neuve, tout près de Callac où la mairie soutient un projet de réhabilitation de bâtiment pour accueillir des personnes issues de l’immigration, le projet Horizons. Une manifestation à déjà eu lieu à Callac, réunissant anti et pro-accueil.
Cette fois c’est un dîner débat qui était organisé dans la salle des fêtes de la Chapelle Neuve avec pour invité, Guillaume Peltier Vice-président de Reconquête le parti d’Eric Zemmour.
Rencontre qui a suscité une manifestation de personnes pro-accueil qui accusent le parti « Reconquête » de récupérer le dossier callacois à des fins électoralistes, et se mobilisent pour lutter contre la montée des idées d’extrême droite en Centre Bretagne
Une co-réalisation signée Marion Pivert et Morgan Large
https://www.rkb.bzh/actus/un-face-a-face-tendu-a-la-chapelle-neuve-entre-les-partisans-de-reconquete-et-les-manifestants-pro-accueil-de-refugies/