Fsa – caracas 2006: expression de la gauche anti-autoritaire
Catégorie : Global
Thèmes : Actions directesArchives
Le FSA était une réponse à l’institutionnalisation progressive du Forum Social Mondial (FSM). Au cours de sa demi décennie d’existence, le FSM a en effet renié son principe fondateur de convergence des luttes les plus diverses et contradictoires au sein d’un «mouvement des mouvements». Dans les faits, le FSM a servi comme rampe de lancement et comme légitimation de leaders, de gouvernements, d’institutions, d’ONG et de partis de «gauche» en mal de pouvoir et de ressources. Finalement, le FSM a favorisé les logiques du lobby au détriment de pratiques plus critiques, radicales ou provenant de mouvements dits « minoritaires ». Mais aussi, et surtout, le FSA était une réponse au panorama politique vénézuélien. Il se voulait l’amorce d’un espace autonome partagé par des mouvements sociaux variés et dont les revendications sont loin du manichéisme qui a dominé ces dernières années au Venezuela.
Le FSA s’est tenu en trois lieux de Caracas, l’Université Centrale du Venezuela (UCV), le Collège des Ingénieurs et l’Organisation Nelson Garrido (ONG). Il concernait trois types d’activités : des conférences/débats, des ateliers théoriques et pratiques et un festival de vidéo-activisme. Les conférences virent des interventions diverses et internationales : l’irlandais John Holloway : «Changer le monde sans prendre le pouvor» et un débat de plus de 4 heures devant un public attentif ; Daniel Barret (Uruguay) : « Quels changements entrevoir en Amérique Latine »; Ezequiel Adamovsky (Argentina) : « Mouvements sociaux et anticapitalisme au 21ème Siècle » ; Frank Fernández (Cuba) : « L’Anarchisme à Cuba » ; Cristian Guerrero (USA) : « Ecologisme radical aux Etats-Unis » ; Javier Garate (Chile) et Andreas Speck (UK) : « Course à l’armement et transnationales » ; Crítica Radical (Brasil): « Les politiques de gauche en Amérique Latine » ; Ricardo García (México) : « Autonomie et Magonisme au Mexique » ; Rob Block (USA) : « Mouvements anticarcéraux aux USA » ; Kristina Dunaeva (Russie) « La guerre de Tchétchénie et le mouvement antimilitariste russe ». On assista aussi bien sûr à des interventions de militants vénézuéliens. La semaine s’ouvrit sur la conférence de Domingo Alberto Rangel « Fondamentalisme islamique et globalisation ». Les autres interventions furent : Humberto Decarli « Militarisme et changement social au Venezuela »; Francisco Prada « Invasion étrangère et protectionnisme »; Ricardo Benaím « Xénophobie et antisémitisme »; Lenin Ovalles « Cultures urbaines » et Alfredo Vallota « Bases du socialisme du 21ème Siècle ». Maria Pilar García et le collectif Amigransa assurèrent la coordination d’une journée de conférences sur les luttes écologiques et les communautés indigènes au Venezuela et dans le monde ; la Croix Noire Anarchiste (CNA) du Venezuela organisa un forum sur la situation dans les prisons. On ne put que regretter l’absence de Douglas Bravo, dont l’intervention « Propositions pour aujourd’hui et demain » dût être annulée pour cause de drame familial.
º Activisme et pratiques
Les ateliers du FSA offrirent la possibilité d’échanges de pratiques et d’outils entre activistes de tous les horizons. «Introduction au vidéo activisme» était animé par Sonya Angelica Diehn, co-fondatrice d’Indymedia Arizona et productrice de Pan Left Productions (USA). Elle y donna les notions basiques pour réaliser un projet audiovisuel indépendant. « Droits humains en temps de crise » était proposé par Carlos Nieto, du collectif vénézuélien « Une fenêtre sur la liberté » en coordination avec la CNA-Venezuela. Cet atelier à caractère juridique proposait des outils pour se défendre dans le cas d’atteinte aux droits humains. L’atelier « les bases du son » était à la charge de Fabien, du groupe français Unlogistic. Il donna les grands principes du chemin du son de son enregistrement à sa restitution. Deux ateliers furent présentés par l’Internationale de Résistance à la Guerre (IRG), une des associations antimilitaristes internationales les plus anciennes. Leur premier atelier s’intitulait « Action directe non violente ». Sur deux jours, il fût l’occasion d’apprendre à construire une action de désobéissance civile. Le second atelier « Objection de conscience et antimilitarisme » avait pour objet de mieux faire connaître les enjeux et les formes de ces luttes.
Et durant toute la semaine eut lieu le premier festival de documentaires indépendants et de vidéo activisme. A part une session à l’UCV, les projections eurent lieu tous les soirs à l’ONG dans deux salles différentes. Ce fût l’occasion de découvrir une œuvre documentaire et militante en provenance de 8 pays différents. Le documentaire le plus applaudi et commenté fut certainement « Notre pétrole et autres contes » (Nuestro petróleo y otros cuentos), un film censuré par le gouvernement vénézuélien à propos de sa politique pétrolière. Il fût ainsi projeté à trois occasions devant salle comble.
º Tisser un réseau, construire l’autonomie
Pendant cette semaine, l’ONG a réellement été l’épicentre du FSA, évènement dissident et contre-culturel. Initialement, il était prévu de servir un petit-déjeuner et un déjeuner pour 60 personnes. Mais dans la pratique, et avec un peu plus d’eau dans la soupe, ce furent plus de 100 couverts qui furent servis chaque jour. L’affluence était en partie constituée par des damnés du FSM qui fuyaient pour quelques heures la militarisation du forum officiel. Quitte à rentrer dans les détails culinaires, le menu était mixte végétarien-carnivore et les aliments venaient dans une grande mesure de coopératives paysannes ou de petites entreprises familiales. A l’ONG eut lieu finalement pendant cette semaine une réunion de l’Action Mondiale des Peuples et la rencontre internationale anarchiste (18 pays et plus de 60 personnes présentes). De cette dernière est issue la « Déclaration Libertaire de Caracas ».
L’ONG proposait aussi un espace de distribution de matériel indépendant. Ce fût notamment l’occasion pour l’organisation de récupérer quelques 2000 dollars par la vente de bouquins, de revues, de t-shirts, de vidéos, de musique. Cela a fait partie des moyens mis en place pour autofinancer le FSA. L’autonomie du FSA n’aurait en effet pu se faire sans une infinité d’apports matériels et financiers. On peut citer la donation de publications destinées à la vente par la Fondation Era Ecológica (Mérida-Venezuela), la Fédération Libertaire Argentine, le collectif Autonome Magoniste (México) ou le cadeau de dizaines de t-shirts et d’un vidéoprojecteur par Brennan Wauters (Canadá). Earth First! (USA) céda aussi une bonne partie du bénéfice de ses ventes de matériel. Sans parler des autres collectifs ou individuEs comme la Fédération Anarchiste Ibérique (FAI), le groupe Los Dólares ou la Foire du Livre Anarchiste de Montréal qui réalisèrent diverses activités pour collecter de l’argent. Tout ceci, ajouté aux fonds récoltés lors d’activités organisées à Caracas pendant les 4 mois précédents le FSA, a permis de couvrir les frais qui se sont élevés à près de 3000 dollars. Un tiers a été utilisé pour l’impression d’ALTERFORO, un journal gratuit publié dans le cadre du FSA. Tiré à 10000 exemplaires, il a été très largement diffusé, au-delà même de toutes espérances.
Le FSA a aussi appuyé et participé à la manifestation convoquée le vendredi 27 par divers organisations indigènes et écologistes de l’Etat de Zulia (ouest du Venezuela) pour protester contre l’exploitation des mines de charbon. La manifestation a surtout été l’expression autonome des groupes indigènes contre l’Etat Vénézuélien et sa politique de développement minier, et ce malgré quelques tentatives d’intimidation de la part de groupes chavistes. Ce ne fût d’ailleurs pas la seule intimidation du gouvernement contre le FSA puisque toute la semaine, la DISIP (la police politique) roda autour de l’ONG.
L’objectif de construire un espace dissident du gouvernement vénézuélien, de la gauche étatique locale, des partis politiques traditionnels ou du Capital fut largement atteint. Il permit la diffusion d’une multiplicité de visions et de propositions, sans logistique ou espaces cédés par l’armée, sans promotion ou gestion par la bureaucratie officielle. Le second objectif de reconstruire un tissu social à la base, de monter des réseaux, de développer des mouvements autonomes et offensifs aurait nécessité bien sûr largement plus d’une semaine pour être atteint. L’autonomisation tous les mouvements sociaux (communautaires, de jeunesse, écologistes, féministes, indigènes, du travail, urbains, paysans, culturels, étudiants) est pourtant le défi à relever dans le futur car aujourd’hui la réalité politique est polluée par les calendriers électoraux et par les stratégies issues des différents cercles du pouvoir.
[Plus d’informations sur www.fsa.contrapoder.org.ve et www.nodo50.org/ellibertario]
Equipe média du FSA
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