La violence de la police
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Quelques réflexions proposées aux débats dans le réseau Résistons Ensemble contre les violences policières et sécuritaires par quatre membres du réseau
Ces quelques courts textes de réflexion ont été élaborés par un groupe de participants au réseau Résistons Ensemble contre les violences policières et sécuritaires ([!]le lien spip suivant n’a pas ete importe correctement dans oscailt: www.resistons.lautre.net [!]), regroupés autour du titre
et proposés aux débats dans le réseau.
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Comme un récent rapport de l’ONG Amnesty International le notait, les violences policières sont en augmentation constante. Nous proposons quelques réflexions quant à l’origine et à la nature de ces violences, et quelques pistes sur la manière de réagir.
Une bavure, au sens propre, c’est quand, sur un dessin ou un texte calligraphié, un peu d’encre a coulé : bref, c’est une tache. La bavure est la petite saleté sur la feuille bien écrite du maintien de l’ordre. Comme si tout allait bien, sauf la bavure. Quand on utilise ce mot, on sous-entend que la police ferait bien son travail et que tout irait pour le mieux s’il n’y avait pas les ” bavures “.
Pourtant, loin d’être exceptionnelles, les violences sont au cœur de la pratique courante de la police. Certes, elles n’aboutissent pas toutes à la mort ou à la blessure grave, elles ne font pas tous les jours, sous leur nom de ” bavures “, les gros titres des journaux, mais elles sont en revanche constantes et quotidiennes : manière de parler, contrôle arbitraire, baffes, harcèlement, racisme, etc. La violence ne réside pas uniquement dans les coups, mais aussi dans la manière dont les policiers cherchent à humilier ou à stresser les personnes qu’ils interpellent. Ces méthodes poursuivent un double objectif : d’abord elles sont une part non judiciaire de la ” punition ” que la société désire infliger à ceux qui contreviennent à ses lois, et elles sont assumées comme telle. Même lorsque la procédure ne s’achève pas par des poursuites, l’idée est que le passage par le poste de police soit un moment suffisamment désagréable pour dissuader d’y retourner. D’autre part, les mauvais traitements visent à faire fléchir la résistance des suspects pour obtenir leurs aveux ou leur coopération à l’enquête – ce qui, en vocabulaire policier, s’appelle “attendrir la viande”.
Il ne saurait donc être question de bavures, mais de ” violences policières ” au sens large, et de bien comprendre que les cas extrêmes de mort ou de blessures graves ne sont que la face visible et médiatique d’un phénomène permanent.
Quand les associations comme le MRAP ou la LDH dénoncent les ” bavures “, elles semblent croire le plus souvent que, si la police respectait le ” droit “, sa violence disparaîtrait, que la police deviendrait une institution démocratique, au service des ” citoyens ”
Ce point de vue ignore, ou minimise, le fait que, comme on vient de le voir, la violence de la police est nécessaire à son fonctionnement même. Mais il se trompe surtout lourdement sur la nature du ” droit “.
Le droit, contrairement à ce qu’on dit en général, n’est pas un ensemble de règles qui s’imposent à tous et qu’on doit observer à tout instant. Le droit ne devient réel qu’à travers les institutions qui le font exister : l’État, la justice, la police.
Dans un tribunal, ce n’est pas la ” vérité ” qui compte, mais la ” vérité judiciaire “. La vérité et la ” vérité judiciaire ” sont deux choses très différentes ; la vérité judiciaire est ce que décide le tribunal, sur la foi des témoignages ou des preuves matérielles, mais aussi en fonction des présupposés des juges, du rang social de ceux qui sont jugés, etc. Ce qui compte devant un tribunal, ce n’est pas la théorie, c’est à dire ce que le droit prétend être ou devrait être, mais comment les choses se passent pratiquement. Par exemple la parole d’un policier n’a en principe pas un poids plus important que celle d’un simple témoin, ou d’un accusé : dans les faits le policier est presque systématiquement cru, du seul fait qu’il est policier. Cela n’est pas dû au fait que les policiers sont méchants et mentent pour le plaisir et que les juges croient les policiers aussi par méchanceté. Il est simplement logique que, dans la perspective judicaire, le témoin a priori le plus fiable soit cru : or, un collaborateur de la justice doit être plus fiable qu’un autre, sinon le système se condamne lui-même. Ce n’est pas la police qui est un outil au service du droit : c’est le droit qui est un outil au service de la police (voir : ” La justice peut-elle empêcher les violences policières “).
Les syndicats policiers ont cet avantage sur des associations comme le MRAP ou la LDH qu’ils savent mieux que quiconque que la violence est indissociable de la pratique de la police. Ils ne se cachent pas devant la réalité : ils avouent que faire respecter l’ordre suppose une certaine dose de contrainte, même s’ils cherchent parfois à la minimiser.
Toutefois, ces mêmes syndicats estiment cette violence légitime. En gros, ils nous disent qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. Certains vont se trouver la cible de ces violences, mais c’est pour le bien de tous, la défense de la veuve et de l’orphelin passant par ce sacrifice nécessaire.
Toutefois, les vraies questions, à savoir qui sont réellement les ” œufs “, et ce qu’est ” l’omelette “, les syndicats de flics ne les posent jamais.
Les ” œufs ” qu’il faut casser, pour les flics, ce sont les ” délinquants “. Un article tiré du journal d’un syndicat de police (le Trait d’union n°166, pp. 18-19) l’explique ainsi :
Les victimes des violences policières l’ont bien cherché : certes, il est regrettable qu’elles soient frappées, mais si elles ne commettaient pas d’infraction, il ne leur arriverait rien. Ce que le même article résume en disant :
En réalité, là n’est pas le problème : ceux qui font l’objet de violences policières peuvent avoir commis une infraction, évidemment, comme ils peuvent ne pas en avoir commis. Des ” innocents ” (si tant est que ce mot ait un sens) sont constamment l’objet du mépris, de la hargne ou de la violence policière.
Mais qu’ils respectent ou non les lois, ceux qui sont traités ainsi appartiennent à des populations considérées comme suspectes par nature. Ceux qui sont les premières victimes de la violence de la police sont aussi ceux dont on pense qu’ils sont les plus susceptibles de transgresser des lois qui servent à les maintenir dans leur état d’exploités.
” L’omelette ” qu’il s’agit de défendre n’est évidemment pas le bien commun de tous les citoyens, mais le gâteau que ceux qui dominent la société doivent prendre garde de ne pas trop partager. Voilà ce qui demande que soient sacrifiés sur l’autel de la violence de la police ceux qui précisément sont les perdants du système.
Un système inégal se perpétue par la violence : c’est là la seule conclusion qu’on puisse tirer de l’existence des ” bavures ” et de la violence policière.
Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme, relève, dans un article du
daté du 17 février 2005, que “
. Ammesty, dans son rapport, fait le même constat.
Toutes ces organisations institutionnelles demandent à ce que la justice exerce un meilleur contrôle sur la police. Cet argument repose sur un principe, celui de l’indépendance de la justice, qui ne résiste pas à l’épreuve des faits.
Le juge étant le seul garant de la liberté individuelle, le citoyen n’a pas le droit d’intervenir lorsqu’une opération policière a lieu, et ce quelles que soient les violences exercées. La Cour de cassation a même pris la précaution de préciser que
. (Cour de cassation, 7 février 1995). L’individu qui essaierait de se soustraire ou de s’interposer face à un contrôle policier pourtant reconnu comme illégal par la justice risquerait donc d’être quand même condamné.
Seul le juge peut, une fois saisi, donc forcement après les faits, et souvent quelques mois voire quelques années plus tard, décider si une intervention policière était légale ou non. Si un individu se fait lyncher par des policiers, voire tuer, comme ces sans-papiers morts étouffés par les flics lors de leur expulsion, personne ne doit intervenir, l’autorité de la police doit demeurer absolue. Les policiers ont la libre appréciation de la situation.
N’ayant pas eu le droit de réagir sur le moment, un individu victime ou spectateur de violences policières va donc peut-être (c’est souvent une bataille procédurale) être amené à témoigner devant la justice. Encore faut-il, s’il est un passant, que les policiers ne l’aient pas obligé à ” circuler ” en prétextant un périmètre de sécurité qui leur permet d’éviter les témoins gênants.
Comment ce témoignage va-t-il être pris par la justice ? Un arrêt de la cour d’appel de juillet 1999 offre des indications quant aux conditions de crédibilité des témoignages portés à la connaissance de la justice. Cet arrêt commence par énoncer que
. Il faut entendre par là que de manière générale la parole d’un fonctionnaire assermenté est plus crédible que celle du simple citoyen surtout s’il a fait l’objet d’une intervention ( contrôle d’identité) ou d’une poursuite ( outrage et rébellion). Les dires des policiers ne peuvent être remis en cause que si certains éléments sont réunis : il faut que les déclarations du ” délinquant ” (” un citoyen ” aux mains de la police devient un ” délinquant “) soient confortées par des éléments extérieurs : constations médicales, contradictions dans le PV et plus rarement , aveux de certains des policiers. Pouvoir réunir ces éléments est rarement possible. Une personne ayant déjà un casier judiciaire n’aura de crédit que dans des cas exceptionnels. Même lors d’un décès le passé judiciaire de la personne est mis en avant pour justifier le meurtre, comme pour Mourad à Nîmes. En cas de violences policières ce n’est pas le comportement des policiers qui est étudié mais le profil de l’individu ( quelle situation familiale, quel niveau d’études, quel emploi, quelle domiciliation) qui est mis en avant pour déterminer sa crédibilité. En l’absence de témoins considérés comme fiables et de contradictions dans les procès-verbaux, les keufs sont assurés de ne pas être inquiétés pour les violences qu’ils auront commises. Si les flics sont assez malins, maquiller les procès-verbaux et veiller à ne pas se contredire rend leur version inattaquable.
Pour donner plus de poids aux paroles de victimes de violences policières, les associations de défense des droits de l’homme voudraient que les juges cessent d’accorder toute confiance aux procès-verbaux policiers. Or, ceci paraît structurellement impossible : sans la confiance dans ses auxiliaires, c’est le fonctionnement de la justice qui n’est plus assuré. Si les manœuvres ou le maquillage d’une faute ne sont pas démesurément grossiers, les éléments du procès-verbal sont toujours considérés comme établissant la vérité. (voir Fabien Jobard,
, p. 250). S’il vient à l’idée d’un keuf de contredire les autres flics , il peut se faire rappeler à l’ordre par son supérieur et subir les brimades de ses collègues. Agir ainsi c’est risquer d’être mis au placard. Les juges n’ont qu’une version biaisée des faits et ce n’est pas eux qui protègeront les citoyens. Lorsque des vices de procédure ou des violences policières leur sont rapportés il est loin d’être systématique que les juges annulent les poursuites ni qu’ils sanctionnent les fonctionnaires de police. En effet, les policiers font un travail nécessaire aux juges, sans lequel aucun dossier ne serait sur leurs bureaux. Et ils ont conscience que souvent les aveux et les preuves ne sont établis que si des pressions sont exercées notamment lors des interrogatoires. Ils ferment donc les yeux sur les pressions exercées, pour autant qu’elles ne soient pas exorbitantes.
Il existe plusieurs recours juridiques. Il est possible de déposer une plainte, en se portant partie civile, dans un commissariat de police, à la gendarmerie nationale ou en écrivant directement au procureur de la République. On peut aussi saisir l’IGPN/IGS, la police des police, et dans un autre genre la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
La réalité du terrain, pour peu que l’on s’y attarde, achève le travail des flics. Dans la plupart des cas, L’IGPN ne retient pas le caractère illégitime des faits qui lui sont soumis. La CNDS qui ne peut être saisie que par l’intermédiaire d’un élu (un parlementaire, sénateur ou député) ne connaît pas beaucoup plus de résultats… et les difficultés rencontrées dans le cadre d’une défense juridique sont nombreuses.
(voir ” La justice peut-elle empêcher les violences policières? “)
S’il est vrai que la machine judiciaire se révèle être un outil au service de la police, la lutte contre les violences policières peut et doit être quand même menée. Ne pas avoir d’illusions, être conscient qu’il y a peu de chances que la justice reconnaisse comme victime de l’arbitraire policier celui qui s’est fait tabasser ne veut pas dire qu’il faille se résigner ou délaisser la lutte sur un plan juridique. (voir ” Est-ce que le droit permet d’éviter les violences policières ? “)
D’une part, il s’agit de répondre à l’urgence de la menace d’une sanction judiciaire qui accompagne souvent les violences policières. Si l’expérience montre que l’on n’arrive que très exceptionnellement à faire reconnaître par la justice l’existence des violences policières, la stratégie offensive de la mobilisation, éventuellement accompagnée par une plainte contre les brutalités policières peut aboutir à des peines moins graves. En revanche, toute autre stratégie de défense, du genre ” je fais confiance à la justice de mon pays “, et en particulier celle qui s’imagine que ” faute avouée est à moitié pardonnée ” conduit en général aux peines les plus lourdes.
D’autre part, la lutte contre les violences policières et sécuritaires, en étant conscient de la connivence entre la police et la justice et du rôle social de ces outils de répression de l’État peut passer par la mise à nu de ces mécanismes (voir ” Comme la nuée porte l’orage, l’État porte en lui même la violence “).
Il n’existe pas de recette toute faite. Chaque histoire est unique et la manière d’y répondre dépend d’abord de la volonté des premiers concernés, les personnes qui ont subi les violences policières, puis des conditions dans lesquelles se sont déroulés les événements, de l’envie de réagir, de l’inventivité face à ces situations… Les conseils qui suivent ont pour vocation d’ouvrir des pistes d’organisation et de faire partager quelques bilans d’expériences passées.
Un comité de soutien est une manière de s’organiser pour briser l’isolement et ne pas se laisser enfermer dans la toile d’araignée de la violence judiciaire. Il permet de développer la mobilisation en veillant à rester indépendants, construire un rapport de force qui seul pourra faire rempart contre la toute puissance de la justice. Mais il peut aussi poser le débat des violences policières dans un cadre plus large…
Le premier conseil serait de commencer par compter sur soi-même, les proches de la personne qui a subi les violences policières et la famille. Un comité de soutien peut commencer à peu de gens, car c’est moins le nombre qui va compter que l’implication du noyau initial, sans se cacher que c’est une activité qui demande pas mal de temps et d’énergie.
Par ailleurs, la rédaction d’un texte qui résume l’affaire et pointe les violences de la police, ses accusations mensongères, la situation médicale du détenu… en essayant d’être court et argumenté, peut servir à faire connaître l’affaire autour de soi, les connaissances, même lointaines, le milieu professionnel, associatif ou dans le quartier… Il peut servir à convoquer une réunion d’information auprès des gens à qui il a été distribué. Il permet aussi de contacter des associations de défense des droits de l’homme d’autres collectifs et réseaux de lutte contre les violences policières.
Sur le plan pratique, le comité de soutien peut, si nécessaire, servir à discuter collectivement la stratégie judiciaire à adopter, trouver un avocat qui accepte la stratégie choisie par le prévenu. Il va aussi s’intéresser aux témoins qui ont vu la scène. Il faut savoir que l’avocat n’est pas supposé rencontrer les témoins, encore moins aller les chercher : on pourrait le soupçonner de s’être entendu avec eux sur la version à livrer au tribunal. C’est donc au comité de soutien de faire ce travail : bien entendu il ne doit ” trouver ” que des gens qui témoignent dans le sens favorable. Il va aussi ramener à l’avocat les pièces nécessaires lors du procès (attestation de logement, de stages, d’études, de séjour…).
Si une plainte contre les flics a peu de chance d’aboutir, elle peut fournir un argument au procès pour soutenir la thèse de la défense.
Une fois sur pied, un comité de soutien peut aussi organiser d’autres réunions voire envisager d’autres types d’action : présence à l’audience, appui d’associations, tracts, conférence de presse, affiches, réunions de quartiers, manifestation ou autres apparitions publiques dans la rue sous forme de rassemblement, de table sur un marché… C’est une stratégie offensive dont l’expérience montre qu’elle peut être efficace.
C’est lorsque qu’un rapport de force se construit, que le comité se solidifie que nous vous conseillons de prendre contact avec la presse, les journaux locaux en priorité. Trop tôt cela ne sert à rien, ils ne vous écouteront que s’ils ont des relations… mais si le comité rencontre un certain soutien, ils ne pourront pas l’ignorer.
Au-delà de la menace immédiate d’une sanction judiciaire, et parallèlement à la réaction à un cas concret de violence policière, la lutte contre les violences policières passe aussi par la mise à nu du rôle social des outils de répression de l’État, la police, la justice… Dans ces conditions la lutte sur le plan juridique peut trouver sa place, mais encore une fois il est illusoire de penser qu’elle puisse être une fin en soi. Résister, démasquer, dénoncer, ne pas se laisser faire, enrayer la machine chaque fois que cela est possible. Organiser la solidarité autour des victimes, agir collectivement, d’une telle bataille, on sortira plus fort, plus unis… et c’est cela qui compte.
(voir ” Comme la nuée porte l’orage, l’État porte en lui même la violence “)
L’État ici l’État là, État policier, État providence, État de droit… Qu’en est-il vraiment? A-t-on vraiment un État à double face, une face qui distribue, qui garantit la santé et les services publics, qui assure les libertés publiques et l’autre, celle de la matraque et des prisons ? Dr. Jekyll ou Mr. Hyde ?
La société capitaliste repose sur une loi fondamentale : c’est le droit d’exploiter son prochain. Celui qui possède l’usine, l’entreprise, les capitaux a le droit de gagner de l’argent sur le dos de l’autre. C’est vrai dans les sociétés dites démocratiques ou dans les dictatures, que ce soit en France ou dans les usines délocalisées dans les pays où l’exploitation est encore plus juteuse. Ce droit d’exploiter est la loi
de la société capitaliste. L’armée des chômeurs, des précaires, des rmistes n’est pas en dehors de l’exploitation générale. Son existence participe à son efficacité et à sa bonne marche.
Souvent on nous parle d'” État de droit “, comme une référence pour définir un État démocratique, égalitaire, juste, opposé aux dictatures, à l’État répressif. Tous les États sont de ” droit “, en ce sens qu’ils sont fondés sur le droit de propriété des usines, des banques, des actions etc. La loi ordonne la marche de la société, la légalité, en fonction de la bonne marche de l’exploitation… Ceux qui parlent de l’État en général omettent le point fondamental : pour mettre en pratique ce droit fondamental à l’exploitation de l’homme par l’homme, il faut un appareil de contrôle social. Cet appareil c’est l’État. Selon Marx, l’État n’est “
. Ce qui veut dire que l’État est une machinerie, qui, pour organiser l’exploitation, assure des fonctions complexes, enchevêtrées, allant de la répression au maintien de la santé publique, l’éducation, au niveau socialement tolérable… De là vient la confusion, souvent bien volontairement entretenue, selon laquelle l’État aurait une ” double nature ” : une nature régalienne et répressive et une autre positive et ” utile ” (santé, éducation, services publics). Et de là, les organisations syndicales, politiques, à quelques rares exceptions près, prônent un attachement à l’État, croient, ou veulent faire croire à la possibilité que sous la pression il est possible de faire reculer, sinon supprimer le ” côté répressif ” de l’État. Derrière cette idée de démocratisation de l’État se cache l’idée de s’adapter, d’accepter l’exploitation de l’homme par l’homme comme une situation ” naturelle, inévitable “.
Dans un État plus démocratique les conditions d’exploitation sont certes plus douces que dans une dictature. Il est évident que la France d’aujourd’hui et par exemple la Chine, avec ses conditions d’exploitation dignes du XIXe siècle, ce n’est pas la même chose. Mais constater cela ne suffit pas. D’autant moins que la tendance générale du capitalisme ne va pas vers une amélioration globale des conditions des exploités (ceux qui ont du travail et ceux qui n’en n’ont pas).
L’État de droit est un
. En partant de cette définition toutes les sociétés capitalistes, allant de diverses formes de démocratie jusqu’aux dictatures sont des États de droit, la seule différence est que le droit sur lequel l’État, la ” puissance publique ” s’appuie est défini en fonction des circonstances. C’est le droit qui varie, mais le droit fondamental, celui d’exploiter, ne varie pas, c’est le socle social. La grosse escroquerie de cette société dans laquelle nous vivons consiste à cacher ce fait et à présenter la loi et les ” bandes d’hommes en armes ” (la police, la justice) comme des institutions pour sauvegarder le ” bien être public ” face aux délits et crimes découlant de la ” faiblesse humaine “, alors qu’il s’agit des organes nécessaires pour maintenir l’exploitation et l’oppression. C’est
de la police, de la justice qui sont déterminants, et non la qualité individuelle de tel juge, maton ou policier. On trouve de rares (trop rares) policiers ou magistrats qui essayent de faire preuve d’esprit d’indépendance et de courage individuel, parfois même au détriment de leur carrière. Mais ces éventuelles résistances individuelles changent-elles la nature du corps auquel ils appartiennent ? Non, à moins de démissionner ils sont obligés de faire leur boulot, avec plus ou moins de zèle, avec plus au moins d’humanité. L’expulsion d’un sans-papiers, d’un gréviste, d’un squatter, la dispersion d’une manifestation à coups de matraque restent des actes de défense de l’exploitation capitaliste même si la main du justicier est gantée de velours. C’est la violence étatique, la seule qui soit légitime. Du point de vue légal, il n’y a pas d’injustice commise, l’État de droit est respecté.
La justice et la police, l’administration pénitentiaire, accomplissent leurs œuvres avec la marge d’appréciation et d’erreur que la société leur laisse. Demander à la police qu’elle soit policée et à la justice qu’elle soit juste c’est demander à un homme de se couper un bras pour améliorer le fonctionnement de son corps. Faire croire que la société actuelle serait capable d’une telle automutilation, d’un tel hara-kiri c’est semer des illusions mortelles.
On peut poser la question : puisque ces violences étatiques constituent le propre de la société, est-ce qu’il est possible, nécessaire, de lutter contre ces violences ou bien faut-il changer de société d’abord ? La vérité est que la lutte contre les violences policières et sécuritaires est un des chemins qui permettent de démasquer le mythe de l’État de droit, le mythe de l’inévitabilité de l’exploitation capitaliste.
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