La main arrachée à redon est «inexpliquée» selon le procureur de rennes
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Local
Thèmes : RépressionZad
Lieux : Redon
Phillipe Astruc, le procureur en charge de l’enquête sur les circonstances de la mutilation d’un jeune rennais lors de la free party réprimée à Redon annonce sereinement dans la presse que la main arrachée restait « inexpliquée ». Il est pourtant évident qu’en tirant plus des centaines de grenades en pleine nuit dans un champ, les gendarmes ont pris le risque de mutiler voire de tuer. Encore une fois, le procureur couvre les forces de l’ordre qui ont mutilé à vie le teufeur de 22 ans. Une indécence sans borne quand on connaît les dégâts irrémédiables que peuvent causer les armes de la police. Sale maquillage, étant donnée la force brutale déployée pour tenter d’anéantir la rave party en hommage à Steve.
Les chiffres officiels sont éloquents. Ils font état de 48 tirs de LBD, et de plus de 1400 de grenades tirées en quelques heures. Dans le flot de cartouches, des grenades dites lacrymogènes de type « explosives ». L’une d’elle a arrachée la main du jeune homme. Des compagnies de Gendarmes Mobiles intervenaient sur place ce soir là : la gendarmerie est coupable. Laisser planer le doute. Faire porter la responsabilité des blessures ou des décès aux victimes de crimes policiers est un exercice de communication bien rodée.
Lors de violences policières, c’est toujours la même histoire avec la justice et les médias aux ordres. Les syndicats policiers d’extrême-droite ont eu beau organiser un rassemblement nauséabond devant l’Assemblée Nationale en fustigeant l’appareil judiciaire d’être trop laxiste, la réalité est exactement inverse. Si la justice est laxiste, c’est bien à l’égard des policiers ultra-violents. Pire, avec les médias, ils sont doublement protégés. Steve Maïa Caniço, Rémi Fraisse, Adama Traoré, Zineb Redouane … La liste est longue. À chaque fois le même scénario : la justice tente de désengager la responsabilité de ces criminels en uniforme, les mêmes mensonges.
Adama meurt asphyxié sous le poids de trois gendarmes à Beaumont sur Oise. Les juges d’instruction commandent une multitude d’expertises médicales pour inventer une « maladie cardiaque » qui serait, en fait la cause de la mort du jeune homme. Rémi Fraisse meurt après un assaut ultra-violent sur la ZAD de Sivens, tué par une grenade offensive encore plus puissante que la GLI-F4 ou la GM2L – grenade responsable de la mutilation à Redon – lancée par les gendarmes mobiles qui lui arrache une partie du dos. Là encore le pouvoir gagne du temps. Les représentants de l’État suggèrent que Rémi avait « peut-être » des « explosifs artisanaux » dans son sac. Qu’il serait responsable de sa mort. Un mensonge abjecte.
Dans le cas de la mort de Steve, Le procureur et les médias relaient en boucle la thèse fallacieuse de l’IGPN. Steve serait tombée dans l’eau « sans doute avant » l’opération policière. Malgré les témoignages accablants de personnes ayant vu un individu tomber et disparaître dans la Loire au moment de la charge. Malgré le téléphone de Steve qui s’arrête de borner quelques minutes seulement après le début de l’intervention des flics cette nuit là. Tout le monde savait qui avait tué Steve, mais il aura fallu attendre deux ans pour que le commissaire Chassaing, responsable de la charge policière le soir de la fête de la musique soit convoqué par le juge d’instruction. Et devinez qui est le procureur qui dirige les actes de l’enquête ? Philippe Astruc encore lui. Philippe Astruc qui a également mis des moyens délirants pour arrêter et poursuivre une autre free party, organisée à Lieuron pour le Réveillon. Couvrir la police, persécuter la fête, à chaque fois. Gagner du temps pour décourager les familles de victimes de s’organiser contre la machine répressive.
Laisser planer l’incertitude pour éteindre les colères et les révoltes. Instiller le doute dans la tête de l’opinion publique. Voici l’infâme manège que nous rejoue le pouvoir lors de chaque affaire.
A la suite des tragiques évènements survenus lors du « Teknival des Musiques Interdites » en hommage à Steve, le monde des Free Party, soutenu par l’ensemble des acteurs et actrices des musiques électroniques ainsi que par une large partie de la population, s’est réuni afin de ne pas rester impuissant face à la violence subie à de trop nombreuses reprises ces dernières années. Dans toute la France et ailleurs, ces violences ont choqué bien au-delà des amateurs de free party.
Loin de se laisser terroriser par la violence, les sound-systems ont choisi d’organiser de nombreux évènements cet été en réaction afin de soutenir les sound-systems et les personnes impactées. Nous avons toujours été réceptifs au dialogue, mais nous n’avons jamais cédé face aux menaces et nous sommes toujours restés solidaires dans l’adversité.
De nombreuses procédures juridiques sont en cours de préparation et d’autres suivront :
Concernant la destruction illégale du matériel par les forces de l’ordre, plusieurs dizaines de plaintes seront déposées, que ce soit par les artistes qui ont vu leurs instruments de musique détruits, par les propriétaires de matériel de sonorisation qui ont acquis ce matériel avec leurs économies pour offrir gratuitement des concerts à la jeunesse ou par les loueurs, pour qui la « neutralisation » du matériel engendre des difficultés économiques pour leurs entreprises.
L’association Freeform a saisi l’IGGN (Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale) concernant la destruction du matériel, avec pour objectif une saisine de l’IGA, et invite l’ensemble des participant.es de la fête de Redon à faire de même concernant l’usage disproportionné de la violence par les gendarmes dont ils et elles ont été victimes ou témoins.
Une plainte devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme est en cours de préparation.
Des plaintes vont également être déposées par des personnes blessées pour violences volontaires ou usage disproportionné de la force.
Enfin, Amnesty International, après avoir écrit au ministère de l’intérieur, envisage de son côté également de porter plainte contre les violences à l’encontre du public et communiquera sous peu à ce sujet.
Par ailleurs, la CNS a pu consulter deux témoignages de personnes ayant assisté à la scène de la main arrachée. Toute deux affirment clairement avoir vu la grenade atterrir et exploser au niveau de la main du blessé, apportant ainsi la preuve que la mutilation était le fait d’une grenade lancée par les gendarmes en pleine nuit. Ces témoignages seront transmis au procureur de la République en charge de l’enquête. Nous apportons tout notre soutien au blessé ainsi qu’à ses proches dans cette difficile épreuve.
Mercredi 7 juillet, une réunion interministérielle sous l’égide de l’Elysée et à la demande de Technopol, accueillera une délégation composée de la Coordination Nationale des Sons et de Techno +, aux côtés de Technopol et de Freeform. Cette délégation sera présente pour porter des revendications claires :
La suppression de l’amendement Mariani afin de sortir du régime d’exception des rave party et rentrer dans le droit commun comme tout autre événement festif et culturel.
La reconnaissance des pratiques culturelles amateurs
L’arrêt des saisies illégales (plus de 95 % des saisies sont restituées lors des passages au tribunal)
L’arrêt immédiat des violences envers un public qui vient pour danser
Une garantie d’accès au site pour les associations de Réduction Des Risques en milieu festif.
Nous déplorons que le dialogue ait été rompu par les autorités depuis le début de ce quinquennat, avec les conséquences tragiques que l’on connaît aujourd’hui. L’escalade de la répression envers notre culture ne peut continuer. Nous condamnons fermement les violences commises et attendons un geste fort de l’État pour y mettre fin.
LA COORDINATION NATIONALE DES SONS
– Intervention des forces spéciales de la gendarmerie, flics infiltrés, ministère impliqué –
Mediapart s’est procuré les notes produites par la gendarmerie nationale lors de la free party réprimée de Redon. Elles reviennent sur le week-end cauchemardesque qui a vu un jeune homme perdre sa main à la suite de l’intervention des forces de l’ordre. Ces notes accablent toutes la chaîne de commandement de la préfecture d’Îlle-et-Vilaine au ministère de l’intérieur.
Extraits :
– Plusieurs services de renseignements mobilisés tout le week-end sur place avec des agents des infiltrés parmi les teufeurs :
« Au cours de cette intervention, dans la nuit du 18 au 19 juin, un jeune homme de 22 ans a eu la main arrachée. Ces notes évoquent un dispositif totalement disproportionné et révèlent l’impassibilité, voire l’indifférence des forces de l’ordre, pourtant informées en temps réel de l’état d’urgence vitale du jeune teufeur. Lorsque celui-ci a la main arrachée, des agents d’un service de renseignement, infiltrés parmi les jeunes, informent leur hiérarchie. Pour autant, aucune assistance ne lui est portée. »
– Des grenades tirées en quantité astronomique dont la GM2L : « À minuit trente, les gendarmes, rejoints par un quatrième escadron composé de 55 hommes, opèrent des « tirs nourris de grenades », ainsi qu’il est retranscrit dans le compte-rendu des opérations. Alors que les premières interpellations ont lieu, l’usage de grenades lacrymogènes, de désencerclement et de GM2L, est fait massivement et sans interruption. Un haut gradé de la gendarmerie nous explique que les grenades GM2L, qui remplacent les GLI-F4, à charge explosive, ont une composition pyrotechnique susceptible d’arracher un membre. Et comme nous l’avons indiqué dans un article, leur bouchon allumeur présente des dysfonctionnements qui ont contraint le ministère de l’intérieur à interdire leur lancer à la main, depuis le 1er juillet. »
– Intervention du GIGN : cette unité « d’élite » de la gendarmerie nationale est formée pour intervenir généralement sur des opérations antiterroristes ou lors de prises d’otages. À Redon les fonctionnaires du ministère les ont mandaté de détruire le matériel sonore. « Le 19 juin, « en liaison étroite avec le cabinet du ministre de l’intérieur », ainsi qu’il l’a précisé à la presse, le préfet d’Ille-et-Vilaine, Emmanuel Berthier, a fait intervenir 14 militaires de l’antenne du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (AGIGN) de Nantes pour saccager tout le matériel (enceintes, tables de mixage, groupes électrogènes) prévu pour la fête. »
– Un déploiement policier complètement disproportionné et ahurissant : « Outre l’antenne du GIGN, près de 11 escadrons de gendarmerie se sont relayés, venant notamment de Blois, du Havre, de Satory, de Pontivy ou de Cherbourg, ainsi que trois compagnies de CRS, dont celles de Mulhouse et de Saint-Brieuc. »
Comme le confirme Médiapart « rien n’a été fait pour secourir ce jeune homme. Néanmoins, les services de gendarmerie sont restés actifs pour fournir des renseignements le concernant. » C’est tout l’appareil policier qui a du sang sur les mains. Une tentative de meurtre en bande organisée. Du gendarme tireur de la grenade GM2L qui a déchiqueté la main du jeune teufeur à la plus haute hiérarchie policière, ils sont tous coupables.
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L’article complet :
https://www.mediapart.fr/journal/france/080721/redon-des-notes-de-gendarmerie-accablent-le-prefet-et-le-ministere