La critique du dogmatisme néo-féminise est-elle tabou ?
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Catégorie : Global
Thèmes : GenreRacisme
La première dans laquelle Camille Froidevaux-Metterie règle des comptes avec Mazarine Pingeot et Belinda Cannone, Néoféminisme : « La morgue de Mazarine Pingeot ne nous tuera pas » et la seconde, dans laquelle Christine Bard omet d’exercer un regard critique sur les évolutions hasardeuses d’un féminisme de réaction.
Selon Camille FM, Mazarine Pingeot et Belinda Cannone développeraient un féminisme universaliste qui «refuserait de voir disparaître l’ancien monde de domination masculine». Les néo-féministes quant à elles, refuseraient de réduire le féminisme à l’égalité des droits et des chances alors que les femmes continuent de subir des violences physiques et sexuelles.
Ça commence mal. Je me demande ce que signifie féminisme universaliste pour Camille FM ? Pour rappel, le féminisme universaliste conformément au fondamentaux du féminisme, lutte contre un système patriarcal dans lequel les hommes s’approprient le corps et la vie des femmes pour la sexualité et la reproduction (transmission des gênes et du patrimoine) en les dominant, ET cette lutte est universelle puisque toutes les femmes subissent un corpus commun de discriminations et de violences (ce qui ne contredit en rien le fait que des spécificités se surajoutent).
Par quel curieux raisonnement le féminisme universaliste devient-il synonyme de simple égalité des droits ? Ça n’a aucun sens, l’égalité des droits consiste à reconnaitre des droits égaux à tous les citoyen.ne.s et à en garantir la stricte application, et puis il y a les libertés, la culture et ses représentations, la sexualité … A l’évidence, le féminisme est un projet de société humaniste qui va bien au-delà de la simple égalité de droits qui n’est qu’un préalable incontournable. Ce sont bien les rapports de force et de domination sociaux culturels qui sont en jeu. L’égalité des droits relève d’une exigence républicaine et progressiste. Il n’y a même pas besoin d’être féministe pour l’exiger.
Les néo-féministes n’ont donc strictement rien inventé et il est stupide d’opposer féministes universalistes et néo-féministes sur ce point.
Camille FM va plus loin : «Mais ce que les croisées de la vertu universaliste refusent surtout d’admettre, c’est le fait certain que, derrière chaque victime de violences, il y a un agresseur, un homme donc.» «Les croisées de la vertu universaliste» ?! Rien que ça ? Les féministes universalistes sont-elles désormais coupables de viser l’émancipation des femmes du monde entier et au-delà de l’humanité ?
Les féministes universalistes refuseraient de reconnaitre que derrière chaque victime il y a un homme ? C’est absurde. Aucune personne sensée, aucune féministe, aucun pro-féministe ne peut décemment nier que dans un système patriarcal, les violences sexuelles sont dans une écrasante majorité commises par des hommes. En tous cas, aucune féministe universaliste ne le fait. Nous nageons en pleine confusion des concepts.
En réalité, le problème est ailleurs : dans la manière d’agir et dans la récupération politique. Quand l’émotion l’emporte sur la raison et que l’outrance et la haine guident une lutte, et que des stratèges politiques sont en embuscade, que peut-il en sortir de constructif ? Le mouvement mainstream s’appuie sur l’émotion des féministes 3ème vague qui à bout, plongent sans analyse, recul ni perspective, dans la victimisation, le ressentiment, la vengeance. Rien de plus facile que de récupérer cette énergie et de la détourner à profit d’autres desseins.
Camille FM veut «démolir les fondements patriarcaux de notre société», très bien, les féministes universalistes aussi, elles s’y emploient d’ailleurs depuis toujours, Camille FM je ne sais pas. Mais démolir un système c’est le remplacer par un autre.
Justifier par ses blessures de mener des procès en place publique alors même que les désignés à la vindicte ne sont pas inquiétés par la justice (affaire Coffin/Girard), et tout en ménageant des T. Ramadan ou A. Traoré par exemple, n’est pas crédible et instaure une dangereuse violation de la présomption d’innocence. Brandir des pancartes d’appareils génitaux masculin tranchés, et sur lesquelles il est question de viol « génocide individuel », c’est surement jubilatoire, mais je doute que cela nous amène à envisager sereinement un projet de société alternatif et puis les mots ont un sens, il faudrait s’en souvenir. Enfin, tout ceci n’est pas sans risque d’un violent retour de bâton.
On s’en doutait, le mot universalisme n’était pas là pour la forme et le mot intersectionnel n’allait pas tarder à apparaître. Camille FM en fait la promotion et verse dans les passions racialistes du moment, racontant que les féministes universalistes « avaient mis des décennies à se débarrasser de leur solipsisme blanc ». Quel manque de culture féministe, quel manque de militantisme féministe. Toute féministe ayant milité dans le mouvement, une maison des femmes ou ailleurs, sait les liens, les campagnes, le solide travail de fond et de solidarité internationale tissé avec les féministes du monde entier ; sait tout le travail entrepris avec les femmes des quartiers, l’accueil des femmes émigrées, migrantes, sans papier, contre l’excision … De tels raccourcis sont inadmissibles et une insulte au mouvement féministe.
Grâce aux intellectuelles gavées de soupe intersectionnelle Social Justice Warriors, essentialiste et différentialiste, le féminisme victimaire qui manque cruellement d’analyse et de perspective est récupéré pour d’autres agendas par les mouvements identitaires ; aujourd’hui au nom de l’antiracisme, par les mouvements racialistes et indigénistes, obsédés par la race et l’épuration à la sauce cancelculture. Un gigantesque boulgi-boulga dans lequel le projet de société féministe sera rapidement dissous. L’intersectionnalité des luttes conduit toujours à affaiblir les luttes des femmes au profit d’autres causes jugées prioritaires.
Camille FM est philosophe et professeure de sciences politiques à l’université, on comprend mieux comment sont formatées les générations d’étudiant.e.s qui désormais semblent toutes sortir du même moule. Avoir son propre mode de raisonnement et d’analyse vous voue immédiatement aux gémonies.
Christine Bard quand à elle nous rappelle à juste titre que « le féminisme d’action a toujours été critiqué » et nous explique que les divisions sont inévitables dans le mouvement féministe.
Certes mais il y a une marge considérable entre une tendance et une imposture. Le féminisme à la carte où des femmes défendent l’apartheid sexiste du voile imposé par les religieux, tournent le dos aux femmes contraintes au port du voile obligatoire, au mariage forcé, au mariage des mineurs, à la polygamie, à la loi du père et des grands frères … ce n’est pas du féminisme, c’est une grossière imposture. Invoquer la sororité pour contraindre les féministes universalistes à accepter de tels dévoiements du féminisme est tout de même limite.
Des femmes qui se disent féministes mais s’engagent dans des idéologies différentialistes, racialistes, empreintes de relativisme culturel ne sont pas à mes yeux «engagées pour en finir avec les violences masculines et le patriarcat» et n’en déplaise à Christine Bard, ne sont pas mes soeurs. Il ne s’agit pas de bon ou de mauvais féminisme, c’est du féminisme ou ça n’en n’est pas.
Contrairement à Christine Bard, je ne pense pas que le féminisme d’action de la Barbe ait jamais été diabolisé, celui des Femen plutôt ; seulement ce type d’activisme qui fait plutôt consensus, porte en lui ses limites : quand on monte cent fois sur une estrade pour dénoncer l’absence des femmes à la tribune, à la cent et unième fois, ça n’intéresse plus plus grand monde. Selon moi, ce n’est pas ça le féminisme radical. Le féminisme radical ne fait pas de concession, il poursuit l’objectif d’émancipation de toutes les femmes partout dans le monde, et donc la fin de toute oppression patriarcale, communautaire et religieuse comprises. Avec la Barbe et bien d’autres, on en est loin. Comparer la Barbe des années 2000 aux suffragettes qui n’avaient ni droit de vote ni aucun droit à la moindre autonomie et un peu léger pour une historienne féministe.
Je suis en accord avec Christine Bard quand elle constate l’étendue des violences patriarcales et leur tolérance dans nos sociétés. Les femmes sont sans aucune contestation possible, toutes victimes de la domination masculine et de violences sexuelles, à des degrés différents, parfois à peine perceptibles (position sociale, professionnelle, éducation, … ), et cela doit prendre fin. Mais nous enfermer dans un féminisme victimaire qui maintient les femmes dans un statut de victime est une impasse.
Dans le sillage des mobilisations américaines, les dernières manifestations féministes sont certes plus massives mais les organisatrices de talent auxquelles Christine Bard fait référence font carrière dans le féminisme, elles disposent de moyens adéquates ; en revanche, elles choisissent soigneusement leurs mobilisations, on ne les entend guère condamner les pressions communautaires et religieuses auxquelles sont soumises des femmes, ni condamner certains violeurs ; on ne les entend pas plus soutenir les femmes Kurdes, Iraniennes, Pakistanaises… Elles tirent profit de l’élan des jeunes néo-féministes qui, on le comprend fort bien, n’en peuvent plus des violences sexuelles et se lèvent enfin.
Mais je regrette qu’une experte telle que Christine Bard, que je respecte pour son précieux travail, ayant l’occasion de prendre la parole dans Le Monde, ne dise rien des dangers de ce déferlement improvisé d’émotions instrumentalisé par des stratèges plus aguerries et par une extrême-gauche opportuniste. Je regrette que Christine Bard n’exprime aucune réserve sur des velléités de justice féministe spécifique et en dehors de tout principe de droit.
Cette génération « blessée » qui ne supporte plus rien, qui voudrait tout condamner et tout effacer de manière expéditive sait-elle seulement que la prochaine à en faire les frais sera d’ici peu, elle-même ?
Les universitaires et autres faiseurs et faisseuses d’opinion peuvent-ils encore exprimer leurs doutes et critiques ou sont-iels déjà tétanisé.e.s par le dogmatisme intellectuel qui, poussé par un mauvais vent venu d’outre atlantique, cherche à s’imposer partout ?
Il semble bien que garder un oeil critique sur les évolutions du féminisme soit devenu tabou.
Il y a des ruptures politiques assez forte au sein du mouvement féministe. L’auteure de cet article dénonce des attaques malhonnetes et infondées contre les féministes universalistes, alors qu’il y a déjà largement de quoi faire avec les vraies conflits politiques.
Ca mérite d’être dit, et pour ça, j’aurai bien aimé valider cet article. Mais à côté de ça, il y a des passages qui contreviennent à la charte d’indymedia :
Accusation de racialisme des groupes qui luttent contre le racisme en déclarant vivre une condition commune de personnes racisées, accuser ces groupes d’être « obsèdé par la race ».
En quoi cette critique est contraire a la charte
C’est argumenté et non insultant
Perso en temps que Racisées & Racisés peut aussi en avoir notre claque de tous et toutes ces universitaires bourgeois-es pur-es produits de la méritocratie qui du haut de leurs chaires parlent à notre place en divisant toutes les luttes sociales en voulant nous assigner d’offices a leurs fantasmes on ne peut plus douteux
Un Racisé comme vous dites que vous allez surement traiter de collabo et qui en a rien a carrer
Désolé j’ai pas Bac + 15
En interdisant la critique de ces groupuscules vous renforcez leurs positions de leaders communautaires pour mieux dissimuler d’autres voix qui ne se reconnaissent pas dans ces catégories de socio-flics.
C’est sûr qu’on a un parti pris de solidarité avec les groupes qui luttent contre le racisme. Malgré ce parti pris, on aimerait laisser de la place à plusieurs points de vu.
Ce qu’on ne veut pas, c’est laisser de le place pour les points de vu racistes, les points de vu qui banalisent le racisme, les points de vu qui minimisent le racisme, les points de vu qui dénigrent systématiquement les luttes contre le racisme.
Je ne dis pas que c’est le cas de ce texte là. Je dis que la frontière est fine et qu’on ne peut pas facilement déterminer quand c’est le cas ou pas.
Le droit à la critique, c’est bien, mais accuser des gens qui vivent le racisme au quotidien d’être « obsèdé » par la race, c’est méprisant. La question d’accepter ou non de publier de tels propos me semble légitime.
Vous avez (modos d’indynantes) pris parti avec les seuls groupes qui luttent contre le racisme en étant racialistes
… la encore, vous réduisez les luttes antiracistes à vos propres choix.
Pas de soucis cependant, cette mode du racialisme passera …
Non, j’ai bien dit qu’on a une solidarité avec « les groupes » qui luttent contre le racisme. Tous les groupes.
Peu nous importe que les gens veulent lutter contre le racisme à partir d’une condition commune de personnes qui le subissent, ou en tant que personnes qui ne reconnaissent pas l’existence des catégories raciales.
Dans la pratique, on est souvent confronté à des groupes qui luttent contre le racisme à partir de leur condition commune et à des gens qui les critiques sans lutter elleux même contre le racisme.
On est très heureux de publier des textes et commentaires anti-racistes, qu’ils viennent de gens qui se définissent comme personnes racisées où qu’ils viennent de gens qui pensent qu’il y a d’autres manières d’aborder le problème.
Nous ne trouvons pas acceptable de désigner les personnes racisées en lutte contre le racisme comme étant responsable de celui-ci.
Nous n’accepterions pas non plus qu’un texte anti-raciste parle des feministes comme étant des « obsedées du patriarcat ». Ce serait insultant.
Est ce que lea modo a une solidarité avec « les groupes » qui luttent contre le racisme en excluant, en insultant les métis-ses ?
avec les personnes qui utilisent le mot « racialiste » pour insulter les racisé-e-s
Modération
Publié: le vendredi 25 novembre 2016 à 22:50 par modo
« Les articles qui accusent de « racialistes » les personnes qui s’organisent en non-mixité/construisent collectivement des luttes autour de l’analyse de la société hiérarchisée en terme de race n’ont rien à faire sur indymedia nantes. Le site permet la publication d’articles venant de personnes et de groupes qui choisissent la non-mixité comme moyen d’auto-organisation, et c’est certainement pas aux personnes non concernées de venir publier des articles pour dire a quel point c’est contre-révolutionnaire. Une identité de lutte n’a rien a voir avec un mouvement identitaire.
Pour rappel le racialisme c’est un mouvement scientifique du 19ème et qui a créé des catégories sociales, raciales, de genre… et qui justifiait les systèmes d’oppression, la colonisation, l’exploitation de races, de classes, des femmes,… On notera aussi que ces racialistes – en plus de n »être que des blancs –, disposaient de canaux de communications larges et de positions de pouvoir comme par exemple être au gouvernement, dans les médias et facs réputées etc.
[…]
https://nantes.indymedia.org/articles/36245
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