Je pense que mettre sur le même plan, l’impact d’un élevage « paysan » dans le bocage ou dans les Pyrénées et les dévastations liées à l’industrialisation de la filière « viande » en Amérique du sud procède de la mauvaise foi. Pour moi, c’est assimiler l’impact d’une Amap libertaire à celle de « Monsanto » ou mettre la librairie libertaire Publico et Amazon dans le même sac au prétexte qu’elles vendent toutes les deux des livres.

En tant qu’anarchistes, nous sommes pour une agriculture paysanne collectivisée et respectueuse des Hommes, de la nature. Une agriculture qui contribue au bon état de la biodiversité de notre planète.
L’élevage fait partie intégrante de cette agriculture.

Le bocage. C’est un espace entièrement façonné par l’Homme et qui pourtant est un des habitats riches en espèces sauvages en Europe. Le bocage est un régulateur climatique et hydraulique. La haie bocagère abrite plus d’espèces d’arbres et d’arbustes qu’une forêt « normale » française [note] . Des feuillus qui participent à la respiration de la planète et à la production locale de bois. Ces haies et fossés constituent un maillage de corridors verts et bleus qui permettent à la faune de se reproduire ou de traverser la France et une partie l’Europe de l’ouest.

Les prés, prairies et autres espaces ouverts font partie des habitats terrestres où la biodiversité est la plus riche sur notre planète. Dans 1m2 de pré on peut compter jusqu’à deux fois plus d’espèces végétales différentes qu’en forêt (hormis les 4 ou 5 grandes forêts primaires de notre planète), or, le bocage a d’abord été conçu pour l’élevage. Sans l’entretien des troupeaux, le bocage disparaît et sa biodiversité avec [note] .

Si les prairies abritent autant de flore et de faune sauvage, c’est grâce à l’activité des troupeaux. Comment ?

Un troupeau participe à la bonne conservation des espaces et à la bonne santé des espèces animales sauvages parce qu’il est respectueux des êtres vivants et de leurs relations réciproques et ce, principalement par trois actions différentes :
– Leurs déjections participent directement à la fertilisation des sols et indirectement permettent aux insectes et autres espèces invertébrées de se développer. Ils constituent les premiers éléments de la chaîne alimentaire des espèces sauvages « supérieures » : batraciens, petits mammifères, oiseaux, etc.
– Le piétinement des troupeaux participe à l’aération et à la fertilisation naturelle des sols, ils permettent à des micro-organismes vivants de remonter à la surface du sol (et inversement). C’est un des principes de la permaculture. Le piétinement est aussi à l’origine de la formation de mini flaques d’eau où se développent des batraciens et participent à la trame « bleue » dans les espaces ruraux (et péri-urbains).
– Par leur alimentation. En mangeant tout ce qui est feuilles, herbacées et autres végétaux, ils régénèrent ces habitats et permettent la diversification des espèces végétales. Ils nettoient la nature et empêchent par exemple la fermeture des habitats tels que le maquis et la forêt méditerranéenne. Nous savons que la principale action préventive contre les feux « méditerranéens » est le débroussaillage des sous-bois, des éboulis et autres espaces étroits. Or, ce sont les troupeaux de chèvres et de moutons qui sont les plus efficaces pour faire ce travail.

On pourrait aussi parler du rôle essentiel des troupeaux en montagne. Ce sont eux qui maintiennent les prairies d’altitude qui empêchent l’érosion et les conifères de tout envahir. La réintroduction des grands rapaces dans les Causses et dans les Pyrénées n’aurait pas été possible sans les troupeaux de moutons et de chèvres. Les vautours et autres gypaètes sont spécialisés dans l’élimination des cadavres. Or ce sont les cadavres des moutons du Larzac ou du Pays basque qui fournissent l’essentiel de cette nourriture.

Pas de miel, pas de légumes !

Les végans ne mangent pas de miel. C’est l’exemple type de la schizophrénie de cette mode. Il est vrai qu’en matière de taylorisation de la production, le miel est ce qui se fait de pire dans la nature. Néanmoins, l’abeille (avec quelques autres insectes) est un maillon essentiel de la biodiversité de notre planète et surtout de l’agriculture. Domestiques et sauvages les abeilles sont indispensables à la pollinisation et à la fécondation de la grande majorité des plantes, des arbres et des cultures. Sans les abeilles, plus de graines de tournesol, de colza, etc. La plupart des légumes et la quasi-totalité des fruits disparaîtraient des assiettes véganes. L’élevage des abeilles est donc essentiel à notre alimentation et à la bonne santé de notre planète.

Vive les poules et les canards !

Les déchets, générés par notre société, sont une plaie pour la planète. Pour les détritus organiques, il existe des solutions de proximité : le compost (individuel ou collectif) et le poulailler. Les poules recyclent tous les déchets organiques. Certaines communes subventionnent l’implantation de poulaillers collectifs ou individuels, réduisant ainsi drastiquement le volume des ordures partant dans des incinérateurs qui participent largement à la pollution de l’air. Les poules luttent ainsi contre le réchauffement climatique.

De même, on connaît, maintenant, le rôle important que jouent les troupeaux de canards dans l’entretien des rizières en Asie et en Camargue. Les canards débarrassent les rizières des résidus végétaux et des « mauvaises herbes ». Ils améliorent la qualité de l’eau et permettent ainsi aux agriculteurs de supprimer l’emploi des pesticides [note] . Merci aux troupeaux de canards !

Je ne dis pas qu’il faut continuer à surconsommer de la viande, je prétends qu’il faut débarrasser l’élevage du capitalisme et que ce n’est pas la consommation raisonnée de viande qui est à combattre mais le capitalisme dans sa totalité. C’est lui qui pourrit la terre et détruit nos vies.

Quant au problème climatique, il existe de nombreuses solutions pour réduire drastiquement les effets de la pollution. Qui sait que les 8% les plus riches polluent 8 fois plus l’air que les 10% les plus pauvres. On ne peut séparer les enjeux écologiques des problèmes liés aux inégalités sociales. C’est ce qui nous proposions – au début des années 2000 – avec la campagne pour « les transports gratuits pour toutes et tous » !