Un autre regard sur la situation en bolivie
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Racisme
Chasse aux indigènes en Bolivie
Le 20 octobre dernier, il y a eu des élections sur le territoire contrôlé par l’Etat plurinational de Bolivie, un jour après, face à l’imminente fraude électorale favorisant le parti d’Evo Morales, le MAS (Mouvement vers le Socialisme) –parti au gouvernement de 2006 jusqu’à il y a quelques jours– apparaissent deux groupes de masse: le premier correspond à ceux qui s’opposent au maintien d’Evo Morales au Pouvoir, ils s’identifient avec la droite, les seconds sont ceux qui nient qu’il y ait eu fraude et veulent qu’Evo s’éternise au Pouvoir, ils sont de la tendence de gauche. Les affrontements entre ces deux groupes vont en s’intensifiant chaque jour, la police se met du côté des sympathisant-e-s d’Evo Morales et réprime le groupe qui s’oppose à son maintien au gouvernement. À mesure que les jours passent, le binarisme gauche-droite montre un autre facteur plus fort dans les affrontements : le racisme, ceux de droite sont dirigés par des citoyens de différents départements, entre autres Luis Fernando Camacho, président du comité Cívique de la ville de Santa Cruz, un millionaire de l’élite entrepreunariale de Bolivie, et Pumari de la ville de Potosí. Ils mettent en place des cabildos dans différentes villes et l’ultra-droite s’empare des protestations, des groupes fascistes de classe moyenne-haute et de la classe supérieure se constituent dans les principales capitales, dans la ville de La Paz la “Résistance Civile Démocrate”, dans la ville de Cochabamba la “Jeunesse Cochala” et les “Motoqueros”, à Santa Cruz l’“Union de Jeunesse Cruceñista”, ces groupes de choc accaparent principalement de jeunes universitaires de classe moyenne, les plus âgés s’occupent de l’articulation avec des organisations sociales qui sont contre le maintien d’Evo mais pas forcément de droite. Les fascistes attaquent des personnes pour leur couleur de peau brune, les désaccords liés aux divergences avec les militant-e-s du parti d’Evo passent au second plan, le racisme est manifeste dans ces aggressions. Le 11 novembre, l’OEA [Organisation des États Américains] déclare que le système informatique électoral a été manipulé et qu’il y a donc eu fraude dans la victoire d’Evo face à son adversaire Carlos D. Mesa, à cela s’ajoute la déclaration du commandant des Forces Armées réclamant qu’il démissionne, tandis que les flics avaient commencé à se mutiner deux jours avant. En revenant un peu en arrière, en février 2016 avait eu lieu un référendum révocatoire pour qu’Evo puisse se présenter aux élections du 20 octobre de cette année, ayant perdu, il se retire avec son vice-président Álvaro García Linera, mais par diverses manoeuvres judiciaires, puisque tous les pouvoirs d’État sont sous son contrôle, il est requalifié de manière “illégale” par le tribunal Électoral et se présente comme candidat aux élections générales. Ce précédent a provoqué la baisse de popularité d’Evo, venant en plus s’y ajouter différents événements répressifs contre des mouvements sociaux, des peuples indígènes et l’enrichissement de la direction de son parti. Les projets extractivistes ne sont pas en reste, comme l’imposition de centrales hydroélectriques, de centres miniers, de la déforestation pour la production de coca destinée au narcotrafic, principalement dans la région du Chapare, les incendies de la selva de la Chiquitanía, de la région amazonienne, de Villa Tunari et el Madidi, provoqués par l’autorisation du gouvernement de brûlage “contrôlé”, finalement incontrôlé qui a dévasté plus de 5.000.000 hectares, il a aussi été le plus intéressé aux projets d’“intégration” routiers du COSIPLAN (IIRSA), portant atteinte à l’existence des communautés de la forêt de Bolivie par la construction de la route traversant le TIPNIS. Le soi-disant indígène, vivant dans le luxe et qui se déplaçait en hélicoptère et en avion privé, est en réalité le pire dévastateur de la nature et des populations indígènes. Il a gouverné comme un monarque, provoquant plus de quatre-vingt morts lors de conflits sociaux, privilégiant économiquement les secteurs de son choix, il a laissé autant de pauvreté que n’importe quel autre gouvernement, il nous a endetté vis-à-vis des entreprises chinoises qu’il a fait venir pour exploiter les “ressources naturelles”, Evo avec sa coupole de ministres bourgeois a poursuivi, incarcéré et réprimé des milliers de personnes en désaccrod avec ses politiques, y compris des personnes avec handicap.
Le 13 novembre, Jeanine Añez de l’ultra-droite assume la présidence, profitant du vide gouvernemental après la démission d’Evo, celui-ci s’enfuit avec son vice-président et la majorité de son cabinet ministériel composé d’une vingtaine de personnes, partant en exil au Mexique en emportant des millions de dollars.
La nouvelle présidente de Bolivie, Jeanine Añez du parti de droite Unité Démocrate, s’installe au pouvoir accrochée à sa bible, elle élit son cabinet composé entre autres de misogynes et de machistes; la police, peu de temps après avoir défendu Evo, soutient maintenant la nouvelle présidente et met fin à sa mutinerie, l’armée se joint au “rétablissement de l’ordre” et sort patrouiller dans les rues. Dans l’une de ses déclarations, Jeanine avait exprimé son mépris pour le drapeau Whipala qui représente les peuples indígènes des tierras altas y vallunas, manifestant le racisme envers les gens de la campagne, à présent elle a approuvé la Gachette Facile par la répression militaire.
Un jour avant l’entrée en fonction de Jeanine, Camacho était entré dans le palais gouvernemental et, la bible à la main, avait déployé le drapeau de la Bolivie en affirmant que la Pachamama (Terre Mère) et le drapeau Wiphala ne seraient plus jamais pris en compte. Conscients d’être mis de côté tant par le gouvernement antérieur que par le nouveau, des secteurs sociaux indígènes, de la ville de El Alto, de La Paz, ainsi que des secteurs ruraux et miniers, commencent à marcher en défense de la Wiphala, contre le fascisme, contre la discrimination, contre la répression et la mort de leurs frères et soeurs sous les balles de l’armée et de la police, les mineurs se sont défendus avec de la dynamite contre les tirs de l’armée et de la police. Lorsqu’avant la démission d’Evo, cette dernière a réprimé les jailones [mot d’argot pour désigner les riches] (bourgeois), elle n’a pas fait preuve de la même haine qu’elle exprime aujourd’hui contre les indiens. Les partisans d’Evo tentent de s’approprier cette protestation en mobilisant leurs troupes, en utilisant des mécanismes d’obligation avec des amendes et des menaces de la part de leurs dirigeants au sein de leurs secteurs, certains sont chargés de recruter des personnes que leur gouvernement a laissées dans la misère et qui, s’exposant sans expérience pour moins de trente dollars, sont sacrifiées, arrêtées et poursuivies par l’ (in)justice du Pouvoir.
L’objectif d’Evo Morales est de tirer parti des protestions sociales et que la situation devienne incontrôlable dans un scénario confus qui parvienne à générer la désinformation pour que les gens l’acclament et réclament son retour comme sauveur et pacificateur. La presse, le MAS et l’ultra-droite ont contribué ensemble à dénaturer la lutte indígène, ils les montrent comme si les protestations étaient en faveur d’Evo, pourtant le mécontentement n’est pas pour son retour, mais contre le fascisme de l’ultra-droite, la mobilisation n’est pas pour le MAS. Si à Cochabamba huit cocaleros qui marchaient en faveur d’Evo ont certes été criblés de balles ce 15 novembre, à l’heure actuelle des centaines de personnes ont été arrêtées et 18 sont mortes, au delà de la couleur politique, ILS NOUS TUENT DU FAIT D’ÊTRE INDIGÈNES.
Evo a quitté la Bolivie avec une dette extérieure de 10.000.000.000 dollars, laissant des millions de personnes dans la pauverté, il prétend maintenant revenir en s’appuyant sur le refus de sa démission par l’assemblée plurinationale, puisqu’il y compte encore sur les deux-tiers [des sièges], ni lui ni Jeanine ne vont pacifier la situation, il existe une guerre raciale qui se superpose –du moins pour le moment– aux couleurs politiques.
Tout au long de notre histoire, la droite et la gauche ont utilisé les luttes indígènes et sociales pour s’emparer du Pouvoir, pour piétiner nos têtes empilées et s’en servir comme marche-pieds, nous les indiens y laissons les morts, avec ce gouvernement ou n’importe quel autre, nous serons de la chair à canon, car pour l’État/Capital nous ne sommes que de la main d’oeuvre, c’est pourquoi, rejet total de toute forme de Pouvoir et d’autorité.
16 novembre 2019
Traduit de l’espagnol de https://anarquia.info/bolivia-caceria-de-indigenas-en-bolivia/
Les arguments sont assez misérables : c’est un « soulèvement populaire » qui aurait obligé à partir Evo Morales, dont la particularité était d’être contre les indigènes et les féministes ! De qui se moque-t-on ?
Les indigènes se font massacrer par les nouveaux maîtres au service de l’extrême droite, quand aux féministes, elles trouveront certainement un grand réconfort avec le nouveau régime soutenu par Bolsonaro !
Dire n’importe quoi pour conforter l’impérialisme, ça commence à devenir répétitif chez des « libertaires » dont le seul rôle semble être de conforter les systèmes dominants.
« Ce qui se passe depuis une semaine en Bolivie présente toutes les caractéristiques classiques des coups d’Etat « civico-militaires » d’Amérique Latine contre les gouvernements qui refusent de s’aligner sur les Etats-Unis.
La seule différence est que les secteurs les plus réactionnaires et fascisants de l’armée n’ont plus besoin de monter seuls en première ligne pour assurer la reprise illégale du pouvoir par la Droite comme autrefois dans le Chili d’Allende: les violences physiques et les intimidations racistes orchestrées par des réseaux se réclamant de la « société civile » et opérant en synergie avec les médias nationaux et internationaux aux mains des puissances d’argent s’appuient sur la passivité puis la complicité active des forces policières afin de permettre la mise en oeuvre des mêmes processus de renversement des gouvernements en place, de répression sauvage contre ceux qui tentent de résister au coup de force, et finalement de persécution et de proscription des structures politiques et mouvements sociaux dans lesquelles se reconnaissent les groupes ethniques et sociaux dominés, comme en témoignent les annonces agressives faites par Añez et Murillo.
En réalité, le coup d’Etat contre Morales a été préparé de longue date par une alliance d’oligarques locaux, de politiciens en exil et d’extrémistes religieux tant catholiques qu’évangéliques, avec aussi le soutien des gouvernements néo-libéraux de la région et l’appui des instruments habituels de l’impérialisme américain (CIA, USAID, DEA. OEA…).
Les enregistrements audios auxquels fait brièvement et elliptiquement allusion l’article de F. Bougon ont été révélés par le site Behind Back Doors dès le 8 octobre et ils montrent que la coordination entre les acteurs visibles et invisibles du putsch battait son plein depuis plusieurs mois et que le centre nerveux du complot se trouvait à Miami.
Selon Pagina/12 du 18 novembre, les principaux organisateurs de l’opération étaient l’ancien président Sanchez de Losada et son ancien ministre Carlos Sanchez Berzain, ainsi que les moins connus Manfred Reyes Villa, ancien militaire, ancien gouverneur de Cochabamba et ancien candidat à la présidence condamné en 2016 pour enrichissement illicite, et Mario Cossio, ancien président de la Chambre des Députés, tous exilés aux USA (sauf Cossio, réfugié au Paraguay depuis sa condamnation à 6 ans de prison pour enrichissement illicite), d’où ils se coordonnaient avec des militaires en retraite boliviens constituant l’armature logistique locale des putschistes sous l’appellation de Coordination Nationale Militaire.
C’est sur la base de ces révélations de Behind Back Doors que Morales dénonça le 23 octobre le coup d’Etat en cours de préparation.
Sanchez Berzain dirige un certain « Institut Interaméricain pour la Démocratie » qui coordonne tout ce que l’Amérique Latine comporte de propagandistes du néo-libéralisme et de relais politico-médiatique de l’impérialisme, incluant quelques dinosaures venant de l’époque des dictatures militaires et de la Guerre Froide comme l’Argentin Guillermo Lousteau-Héguy, qui fut ministre de la dictature en 1981-82 ou l’anticastriste Armando Valladares; on peut aussi y noter la participation active d’éditorialistes de la presse de droite comme l’Argentin Alfredo Leuco (qui déverse quotidiennement sur Radio Mitre la propagande la plus partiale) ou le journaliste bolivien Erick Foronda Prieto, depuis vingt ans au service de l’ambassade américaine et qui fut le principal diffuseur d’une infox ayant contribué à la victoire de l’opposition lors du référendum de 2016 (la révélation mensongère que Morales aurait eu un enfant naturel avec une jeune mineure, typiquement le genre de sordide manipulation médiatique de dernière minute qui nous rappelle le montage en épingle mensonger d’un fait-divers sécuritaire par TF1, le jour même de l’élection de 2002, ultime contribution de télé-Bouygues à la présence de Le Pen au second tour de la présidentielle).
D’après les enregistrements divulgués, Reyes Villa fit part à ses acolytes du soutien des sénateurs américains de l’ultra-droite religieuse Bob Menendez, Ted Cruz et Marco Rubio ainsi que de la représentante de Floride Ileana Ros-Lehtinen.
Ce réseau putschiste piloté depuis les USA bénéficiait également du soutien des gouvernements argentins, paraguayens et brésiliens: les diplomates améicains en poste à La Paz Mariane Scott et Rolf Olson organisèrent des réunions avec de hauts responsables diplomatiques de ces trois pays pour préparer des actions de destabilisation du gouvernement bolivien et coordonner le financement de l’opposition à Evo Morales par des fonds américains.
Dès le mois de mai, le chancelier brésilien Araujo avait reçu l’encore peu connu futur putschiste Camacho (nformation révélée par le journal Forum). Quant au président argentin Macri, il avait été contacté une semaine avant le coup d’Etat par le même Camacho qui voulait s’assurer de pouvoir se réfugier en Argentine en cas d’échec du putsch (cette dernière information a été donnée dimanche par H.Verbitzky sur son site El Cohete A La Luna). Il est d’ailleurs possible que la sévère défaite électorale de Macri fin octobre ait précipité la décision de lancer le putsch au plus vite, avant la fin de son mandat (le 10 décembre) et avant la fin officielle du mandat de Morales (le 20 décembre).
https://blogs.mediapart.fr/michel-delarche/blog/191119/quand-mediapart-joue-les-idiots-utiles-de-limperialisme