Appel à une « nuit des barricades » pour l’acte 45 des gilets jaunes
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Catégorie : Global
Thèmes : Gilets jaunes
Appelant à mettre fin à cette « naïveté », elle incite les gilets jaunes à prolonger la manifestation d’ampleur nationale du 21 septembre à Paris en « Nuit des barricades », en référence aux violents affrontements entre étudiants et forces de l’ordre la nuit du 10 mai 1968.
Cette tribune n’est pas un cas isolé. Une semaine avant sa publication, le groupe Résistance Gilets Jaunes France avait déjà organisé un évènement Facebook appelant à une« Nuit des barricades » le même soir. Il rassemble à l’heure actuelle près de 800 « participants » et de 3000 «intéressés ».Ce constat ne permet pas d’affirmer qu’il se passera effectivement quelque chose le soir du 21 septembre mais le moins que l’on puisse dire c’est que l’appel a beaucoup tourné sur les Facebook des gilets jaunes.
La manifestation de ce samedi se veut, en effet, à la hauteur de celle du 1er décembre 2018, où les forces de l’ordre avaient été surprises et parfois dépassées par l’ampleur de la mobilisation. Elle débutera à 10h du matin sur les Champs Élysées. Des appels à jonction avec la marche pour le climat ont également été lancés il y a quelques semaines.
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Nous avons reçu cet appel anonyme laissant à penser que certains gilets jaunes n’ont, cette fois-ci, pas l’intention de rentrer chez eux après la manifestation de samedi prochain…
Nous, les Gilets Jaunes, nous sommes trop gentils. On nous traite de violents, on cherche à nous animaliser, à faire de nous de féroces casseurs brutaux et avinés. Mais la réalité est que nous sommes gentils et naïfs. Nous avons le cœur sur la main, nous sommes trop faciles à émouvoir.
Sinon comment expliquer notre clémence le 1er décembre ? Ce soir-là, on contrôlait l’ouest de Paris. On pouvait se diriger vers les ministères, et les brûler un par un. On avait un pouvoir en panique, une police qui tirait dans tous les sens mais qui avait le dessous. Ce soir-là, on aurait pu aller beaucoup plus loin, et s’emparer de ce qui nous est dû.
Pourquoi avons-nous décidé de rentrer chez nous ? Il n’y a qu’une inexplicable gentillesse, une sorte de mansuétude de notre part qui peut l’expliquer. Si l’on était resté dans les rues, peut-être aurait-on gagné. Le gouvernement aurait démissionné. Ils se seraient tous lâchement enfuis, bureaucrates tremblants comme des feuilles, fuyant masqués dans des Uber banalisés. Nous avions une sorte de Varenne bis à portée de main. Mais nous sommes rentrés chez nous…
Nous, Gilets Jaunes, nous n’avons pas encore investi le domaine de la nuit. Et il est grand temps d’y remédier. C’est pourquoi les Gilets Jaunes appellent le 21 septembre à une grande nuit des barricades.
Pourquoi acceptons-nous toujours de nous disperser dès lors que 17h ou 18h ont sonné ? Dans ces cas-là, attendons que la nuit tombe, et repartons à l’assaut.
Car nous n’avons plus le choix. Trop de temps a passé, trop d’eau a coulé sous les ponts depuis le 17 novembre. Le mouvement des Gilets Jaunes est trop unique, trop plein de rage et d’enthousiasme pour le laisser mourir. C’est la seule flamme d’espoir. Nous sommes les Gilets Jaunes. Nous ne sommes pas un mouvement social mais un peuple en lutte.
Nous ne pouvons plus attendre le prochain coup : cet éternel grand soir qui arrivera toujours la fois d’après, quand toutes les conditions seront réunies, cette révolution toujours à venir. Non c’est pour maintenant, ce n’est pas à venir. Ce n’est pas à la prochaine crise économique, ni quand les syndicats le voudront bien, ni dans dix ou vingt ans. Ce genre d’idées relève d’une culture de la défaite, alors que les Gilets Jaunes ont une culture de la victoire. « Les Gilets Jaunes triompheront », c’était écrit sur l’Arc le 1er décembre. Et cela s’accomplira.
Car non, les conditions parfaites ne seront jamais réunies. Nous sommes dos au mur, et c’est à nous de provoquer l’urgence. Tous les ingrédients sont réunis pour une rentrée sociale explosive. Nous Gilets Jaunes devons simplement être le détonateur de la colère. Nous sommes l’avant-garde, les autres s’engouffreront dans la brèche.
Provoquons l’étincelle dans la nuit ! Par notre détermination et notre hargne à rester dehors coûte que coûte, comme nous avons passé l’hiver sur un rond-point à nous chauffer aux feux de pneus et de palettes. Envoyons un signal fort, destiné à tous les révoltés.
Nuit et jour. Jour et Nuit. Frappons partout. À partir du 21, Paris c’est Hong-Kong.
Dans cette société-là, si on ne parle pas de toi, tu es mort. Les médias ont beau être à la solde des puissants, et contribuer à nous invisibiliser, ils marchent au sensationnel. C’est leur drogue : ils ne résisteront pas à cette nuit des Gilets Jaunes. Il faut croire que la nuit nous remettra subitement au goût du jour…
Ne croyez donc pas que c’est de la poésie. Cette nuit des barricades est tactique, elle a un intérêt stratégique profond.
L’histoire nous l’enseigne. Le 10 mai 1968, le mouvement de contestation était encore cantonné aux étudiants et aux lycéens des grandes villes. À 21H30, les étudiants se rassemblent et édifient des barricades dans le quartier latin. Ils ne lâcheront le terrain qu’à 5h30. Cette nuit des barricades fut un événement décisif dans la généralisation de la contestation. En deux jours, les secteurs ouvriers qui ne bougeaient pas jusque-là entrèrent dans la danse, et une grève générale sauvage se déclarait à la surprise de tous le 13 mai.
La nuit a ce pouvoir de coaguler les colères, de faire se lever une rage, une soif de justice que la journée ensevelirait. Elle nous fascine, elle nous galvanise. Une nuit des barricades et toutes les colères sont libérées. Elles se sentent enfin justifiées et puissantes.
Lorsque la nuit tombera, prenons un moment de pause. Remettons-nous un temps des émotions de la journée. Buvons une bière ou un coup de vin à la santé de la révolution. Et sur les coups de 22h ou 23h, ressortons en masse là où l’on ne nous attend pas. Les mots d’ordre circuleront d’eux-mêmes, il suffira de les suivre.
Nous pouvons attaquer les commissariats et les dépôts comme celui de la rue de l’Évangile dans le 18ème où l’on entasse nos camarades injustement arrêtés.
Nous pouvons nous mêler aux fêtards du Marais, dans le centre de Paris, semer le chaos entre les terrasses bondées pour faire tourner en bourrique le dispositif policier.
Nous pouvons investir le 16ème et ses avenues mortes, ses caniches en laisse, pour que les riches ne dorment pas en paix, et qu’ils se repayent un petit coup d’adrénaline émeutière, comme au bon vieux temps de décembre.
Nous pouvons organiser des journées du patrimoine nocturne à l’Assemblée nationale.
Nous pouvons reprendre les champs à Minuit, et les renverser une seconde fois.
Les possibilités sont multiples. Nous nous déciderons pour l’une d’entre elles la nuit venue, en fonction du rapport de force et des événements de la journée.
Souvenons-nous en attendant qu’il n’y a rien de plus beau que des feux dans la nuit. C’est une vision qui réveille tous les révoltés.
LES GILETS JAUNES TRIOMPHERONT
Avec les mots on rêve……
– La seule marche pour le climat du monde attaquée et empêchée par la répression – https://www.nantes-revoltee.com/marche-pour-le-climat-journee-de-convergence-et-de-violences-detat/
La journée de mobilisation du 21 septembre était annoncée de longue date.
Elle devait être le jour des «convergences» tant attendues entre les nombreuses luttes en cours sur le territoire : Gilets Jaunes, marche pour le climat, grèves diverses, mouvements contre les violences policières … Cet Acte, qui se voulait « capital », devait donner le tempo d’une rentrée sociale haute en couleur.
Il aura été asphyxié par un État policier chaque jour plus violent. Quatre points à retenir.
1 – Une répression de nature fasciste
Le gouvernement a fait de chaque samedi un concours de barbarie policière. L’enjeu pour l’État est chaque semaine, de savoir comment museler le plus vite possible l’expression contestataire.
Dans les médias, il n’est plus question que de cela :
avec quelle efficacité «l’ordre» sera-t-il maintenu.
Le 21 septembre, Macron a mis les grands moyens.
7 500 policiers Des centaines de robots entièrement noirs, lourdement armés, patrouillant sur des motos. Des blindés et des canons à eau. Des milliers de contrôles préventifs sur tous les axes routiers et ferroviaires menant à la capitale. Et des dizaines de personnes déjà interpellées alors que le jour se lève à peine.
Le point de rendez-vous des manifestants, Place de la Madeleine, est une nasse géante dès 9H.
Quasiment impossible d’y accéder. Les première grenades sont tirées quelques minutes après l’heure officielle du rendez-vous.
Toute la matinée sera consacrée à frapper, blesser, pourchasser, enlever, dépouiller les Gilets Jaunes, où quiconque pourrait y ressembler.
La moindre grappe de plus de 10 personnes est chargée par des dizaines de policiers.
Un homme âgé est traîné par terre. Une journaliste gazée.
Des coups de matraque pleuvent pour scinder des petits groupes qui discutent.
A midi, le préfet annonce déjà fièrement plus de 100 arrestations. Pourtant, il n’y a pas eu le moindre affrontement.
Un bilan Poutinien.
2 – L’échec de la préfecture et le retour du cortège de tête
Malgré ce dispositif ahurissant, des Gilets Jaunes parviennent à force d’ingéniosité et de persévérance à se faufiler jusqu’aux Champs Élysées.
Ils ne sont que quelques centaines, mais dans ces conditions, c’est un exploit. Évidemment, alors qu’ils ne font que marcher à visage découvert, ils trouvent face à eux un mur noir, armé, d’hommes sans visage qui les arrosent de grenades.
Il y a des flux et des reflux, des arrestations et des blessés. Rien que cet envahissement éphémère de la plus belle avenue du monde est un échec pour les autorités.
Deuxième victoire, l’afflux massif au point de rendez-vous organisé l’après-midi pour le climat.
Des dizaines de milliers de manifestants.
Des banderoles inventives, des chars de carnaval, de la musique.
Une grande hétérogénéité qui rappelle les manifestations contre la Loi Travail.
En tête un cortège de plusieurs milliers de manifestants qui se positionnent devant les organisations, donnant un tempo clairement révolutionnaire à la manif.
Gilets Jaunes, verts, Kway noirs, personnes de tous horizons bien décidés à manifester bruyamment. Une rencontre inadmissible pour le préfet.
La manifestation est attaquée avec une extrême brutalité alors qu’elle vient de démarrer.
C’est le deuxième rendez-vous de la journée interdit par le gouvernement. C’est la seule marche pour le climat du monde empêchée par la police. Mais aussi un terrible aveu d’échec pour le pouvoir.
3 – Une propagande toujours plus hallucinante
«Nos envoyés spéciaux sur les motos de la police».
C’est, sans rire, ce qu’on entend sur plusieurs chaines d’information pendant la journée.
Les «journalistes» sont désormais directement dans le dispositif de maintien de l’ordre sur des motos de flics.
La propagande atteint des niveaux hallucinants. Les commentateurs parlent de «black bloc» et «d’affrontements» alors que les images en direct montrent des charges gratuites sur des foules familiales.
Les «experts» se succèdent sur les plateaux pour féliciter «l’efficacité» du maintient de l’ordre. La presse ne fait pas mieux. Un journaliste de Libération publie un tweet contre ces «immondices de black blocs» qui aurait infiltré la manif.
Un mensonge qui sera repris : celui de faire croire que la violence pourrait venir de certains manifestants plutôt que de forces armées et entraînées.
Tout le travail de cette propagande est précisément d’empêcher une manifestation plurielle et hétérogène d’avancer en conjuguant les modes d’actions.
Les médias, auxiliaire de l’Etat policier.
4 – Le naufrage des organisations classiques
Dès les premiers gaz, plusieurs organisations écologistes appellent à « quitter le défilé » car les conditions « ne sont pas réunies ».
Se préoccuper de la sécurité des manifestants est évidemment légitime, mais ces appels sonnent comme des reddition.
Se plier aux caprices des forces de répression n’est pas la solution, surtout en période de disparition accélérée des libertés fondamentales.
Greenpeace va même publier une dénonciation de la « violence des black blocs et des forces de l’ordre ».
Comme s’il était possible de mettre sur le même plan les oppresseurs et les opprimés. Des gens désarmés qui mettent leurs corps et leur liberté en jeu, au même niveau que celle d’agents armés, protégés, et couverts par l’Etat qui frappent les corps.
Le 1er mai dernier, alors que la police attaquait l’avant de la manifestation syndicale
– une situation jamais vue en temps de paix en France –
plusieurs organisations appelaient à quitter la manifestation.
Lors du G7 de Biarritz, même scénario :
le pays Basque étant militarisé, les organisations avaient annulé leurs actions. A chaque fois, le chantage fonctionne. On croirait que plus la répression est brutale, injustifiée et liberticide, plus certaines organisations donnent raison aux autorités en annulant les événements réprimés.
Une stratégie perdante.
Malgré tout, une manifestation nocturne aura lieu en musique. Seul moment d’apaisement et de fête de la journée. Plus tard, des Gilets jaunes réinvestissent les Champs Élysées.
Un feu de joie est allumé. Les charges sont à nouveau très violentes. C’est la dernière action de la journée, la nuit des barricade n’aura pas lieu, écrasée par la répression.
Quelles perspectives ?
Malgré tout, des mondes se sont rencontrés pour cet Acte 45.
Jeunes pour le climat, Gilets Jaunes, anticapitalistes.
Des dizaines de milliers de personnes ont tenu la rue ensemble.
Plusieurs tentatives de déborder les pièges ont eu lieu, parfois victorieuses, souvent défaites. Les marges de manœuvres se resserrent sous les coups de plus en plus affolants de l’Etat policier.
Il devient urgent de réinventer des manières de lutter, faute de voir disparaître définitivement le droit de manifester en France.
Ce 21 septembre était tellement attendu et porteur d’espoir qu’il avait toutes les chances d’être un grand défi. D’autant que le gouvernement avait saisi l’enjeu de ce rendez-vous et s’était donné les « moyens » de faire échouer toute contestation. Et pourtant… Compte rendu du groupe Cerveaux non disponibles ( https://cerveauxnondisponibles.net/2019/09/22/paris-tenu/ ) .
La matinée s’annonce difficile. Comme prévu, le dispositif répressif est démentiel. 7 500 forces de l’ordre mobilisées, des barrages, des contrôles, des interpellations, des amendes. La stratégie du pouvoir est simple : empêcher tout regroupement aux alentours des Champs-Élysées, mais pas seulement : son rôle n’est plus de protéger les manifestants, mais bien de leur faire peur en amont pour qu’ils ne viennent pas manifester. Certaines personnes se sont fait contrôler 5 fois en moins d’une heure, d’autres ont écopé d’amendes, pour regroupement non autorisé, alors qu’ils étaient cinq ou six, sans aucun gilet jaune ou matériel de protection ! « On nous contrôle à notre gueule de prolos. » Il faut bien voir là que le simple fait d’une expression collective et prolétaire dans la « plus belle avenue du monde » est réprimé afin d’isoler et d’empêcher les revendications là où elles font sens. Ce sont petit à petit des mesures d’apartheid social qui sont mises en place. À quoi s’attendre quand l’État ne tient que par sa police ? (En fin de journée le bilan légal faisait état de 168 interpellations et 120 GAV.)
La stratégie d’étouffement et d’asphyxie sécuritaire est la même juste à côté, à Madeleine, lieu du premier rassemblement du jour, celui d’une convergence GJ et écolos et altermondialistes pour ouvrir le bal d’une journée épique. Le rassemblement avait été interdit par la préfecture, mais à l’instar de nombreux groupes, ATTAC et Solidaires, ont eu l’audace de maintenir l’appel à se rassembler pour aller en groupe sur les Champs. Évidemment, la police en aura décidé autrement. Après une évacuation de la place, les esprits étaient suffisamment chauffés et joyeux pour partir en sauvage vers Saint-Lazare. Les « Paris debout soulève-toi » retentissaient à nouveau dans les beaux quartiers. Sur le chemin, charges, gazages et dispositif furieux des voltigeurs ultramobiles n’ont pas réussi à empêcher les manifestants de construire des barricades et de se diriger vers les champs.
La matinée sera ainsi faite de nombreux rassemblements improvisés, intuitifs, devenant des manifestations sauvages signant les premières alliances spontanées, prometteuses pour le reste de la journée. En effet, dès l’évacuation de la place de La Madeleine par la police, c’est ensemble que Gilets jaunes, Gilets verts et sans gilets démontrent au pouvoir en place qu’il ne pourra défaire ce qui fait désormais « commun », la lutte, tous ensemble.
À ce stade, il paraissait toujours incertain de pouvoir tenir dans ces quartiers et encore moins possible d’investir les Champs. Et pourtant… à force de détermination, plusieurs petits groupes de GJ ont réussi à franchir tous les barrages menant à l’avenue. Au fil de la matinée, le nombre de manifestants sur place ne cesse de grossir. Pour la plupart sans gilet, comme lors du 14 juillet, ils commencent à se regrouper et à chanter. À plusieurs reprises, les GJ arrivent à investir l’avenue et à couper la circulation. Difficile à compter, on peut tout de même estimer qu’entre 1 000 et 2 000 GJ auront réussi à investir l’avenue, mais il ne faut pas oublier que beaucoup plus de GJ étaient présents autour, invisibilisés par les flics qui n’ont eu de cesse d’essayer d’imposer leur terreur pour les tenir à l’écart. Ces manifestations sauvages, sur des Champs-Élysées bunkérisés, sont un énorme pied de nez au dispositif militarisé et guerrier du pouvoir. Même face au surnombre, face au rouleau compresseur policier, il aura suffi d’un peu de détermination pour atteindre un des objectifs de la journée. Cela devrait inciter à être plus nombreux les prochaines fois… À seulement plus d’un millier de Gilets jaunes, sans gilet, ils ont réussi à faire cela, quel exploit ! Et ressentir à nouveau ce sentiment de puissance collective dont le but est d’accéder à une justice sociale et climatique. Paris tenu !
Malgré les dizaines de milliers de blessés, d’interpelés et de condamnés, il reste encore de très nombreux Gilets jaunes prêts à faire des centaines de kilomètres pour venir sur Paris et risquer des GAV (voire pire) pour pouvoir crier leur colère sur l’avenue la plus inaccessible d’Europe. Macron, Castaner et Lallement peuvent parader, il n’en reste pas moins qu’ils devraient s’inquiéter d’un tel constat. La terreur n’a pas maté la colère d’une partie du peuple. Bien au contraire.
L’autre réussite de ce 21 septembre, c’est la réelle convergence sur la marche pour le climat. Car, assez vite, face à la situation irrespirable des Champs, de nombreux GJ font tourner le mot d’aller au rassemblement de Luxembourg. Avant même le départ de la manif, de nombreuses personnes décident de se placer à l’avant, faisant ainsi renaitre le cortège de tête. Un cortège composé d’environ 2 000 manifestants très divers, mais où les chants GJ étaient massivement repris (par des manifestants avec GJ, avec Kway noir ou sans aucun signe distinctifs). Dans ce cortège, de nombreuses personnes avec des pancartes pour le climat. Beaucoup de jeunes, des familles aussi. On est donc bien loin de l’image d’un vilain black bloc ayant vampirisé la gentille manif climat. Non, toutes les personnes présentes, en tête de cortège ou à l’arrière, sont là pour un monde meilleur, pour un avenir plus juste et pour sauver la planète. Aussi cela fait bien longtemps qu’ils ont acté le fait qu’on ne peut plus attendre, plus se permettre de manifester gentiment derrière des services d’ordre. Et la quasi-totalité a conscience que cela passe par un changement de système économique : aucune multinationale n’est écolo et aucune banque n’est populaire !
Alors oui, certaines des assos organisatrices n’ont pas vu d’un bon œil ces manifestants bigarrés et deter. Ils ont même tenté de laisser partir le cortège de tête devant pour se préserver d’éventuelles charges et gazages. Mais cela n’a pas marché, notamment parce que la violence de la première charge (suite à une vitrine de banque brisée) fut telle que des milliers de manifestants furent contraints de faire marche arrière, mêlant définitivement l’ensemble des personnes présentes !
Si certaines orgas comme Greenpeace ont rapidement communiqué pour appeler leurs militants à sortir au plus vite de la manifestation, car la sécurité n’était plus assurée, les autres ont eu l’intelligence de comprendre qu’il fallait condamner la répression aveugle et disproportionnée de la manif sans tenter de s’en désolidariser. Car si Greenpeace ne le savait pas, cela fait malheureusement plusieurs années que toute manifestation qui remet véritablement le pouvoir en cause est rendue dangereuse par une police qui a carte blanche et s’en prend à tous les manifestants, enfants compris…
Surtout, qu’importe les consignes, la très grande majorité des manifestants était décidée à rester debout et digne, à ne pas céder face à la terreur. Alors après un énorme reflux jusqu’à son point de départ, la manifestation est repartie vaillante ! Toujours joyeuse, avec des familles encore présentes et prêtes à affronter les gaz jusqu’à une certaine dose, mais pas moins déterminée. Alors que la préfecture s’enorgueillissait sur les réseaux sociaux d’avoir calmé les éléments violents, dans sa logique médiatique de cloisonner et de hiérarchiser les luttes, sur le chemin, la réalité était tout autre. Barricades et manifs sauvages semblaient éclore d’un peu partout et ne pas affoler les cortèges massifs.
En fin de journée, des groupes écolos ont réussi leur action secrète de la journée et ont posé une énorme banderole sur un pont parisien : « Macron Polluter of the earth ». Bravo ! Des groupes de manifestants étaient encore présents dans les rues de la capitale. Une manif sauvage à Bercy de plus d’un millier de personnes, plusieurs centaines au cœur du Quartier latin rue Mouffetard, pendant que des groupes de Gilets jaunes préparaient un retour aux Champs. Les gyros allaient dans tous les sens dans Paris. Police débordée ? En tout cas, la convergence en acte leur a fait tourner la tête.
Ultime affront pour le pouvoir : le 21 septembre s’est continué en soirée et dans la nuit, avec une manif non déclarée initiée par les écolos, mais allègrement renforcée par des Gilets jaunes. Et quelques affrontements sur les Champs-Élysées !
Si le pouvoir voulait casser la dynamique jaune et endormir la colère verte, il a surtout réussi à définitivement imbriquer les luttes en criminalisant tout mouvement tentant de près ou de loin de se solidariser avec les Gilets jaunes. On retiendra qu’à seulement quelques centaines, les Gilets jaunes ont réussi à investir les Champs en bravant la terreur imposée par la police et les interdictions politiques et qu’ensuite l’intelligence collective a permis une addition expérimentale entre une marche climat et un cortège de tête. Une question demeure, est-ce que ce mix amènera les écologistes à muter de l’indignation vers la révolte ? Ou se désolidariseront-ils comme la préfecture les y incite ?
Alors c’est sûr, le pouvoir n’a pas tremblé ce 21 septembre. Mais il n’a pas gagné non plus. Et à moyen terme, il a peut-être perdu beaucoup. Car la stratégie du pouvoir conduit de plus en plus d’individus et de structures à adopter des méthodes de luttes plus radicales. Ce gouvernement a réussi à pousser des milliers de Gilets jaunes à enlever leur gilet. Il a réussi à convaincre des citoyens à utiliser les méthodes de black bloc. Il a même poussé des associations bien installées comme Attac et Solidaires à assumer des appels à des rassemblements non déclarés et à rejoindre les Champs !
Car ce n’est pas les citoyens qui définissent le niveau de radicalité et d’illégalité de la lutte, mais le pouvoir par sa façon de réagir à la contestation sociale. Les milliers de personnes qui se rendent en manif non déclarée ou qui se prêtent à des actions de désobéissance ne le font pas par amour pour l’interdit, mais parce qu’ils n’ont pas d’autres choix pour réellement faire changer les choses.
Ce qui s’est joué le 21 septembre pourrait donc s’avérer potentiellement explosif pour le pouvoir et pour ceux qui profitent de cette société injuste. Peut-être bien plus néfaste qu’une banque brisée ou qu’un Fouquet’s cramé.
Encore à chaud, que peut-on penser de cette mobilisation du 21 septembre au format atypique et surprenant qui a « cassé » les codes établis des manifestations climat ? Une espèce d’hybridation nouvelle, entre offensivité propre aux rassemblements GJ et pacifisme des grosses marches climat autour d’un même objectif ? On en vient même à se demander s’il n’est pas désormais nécessaire de dépasser cette distinction, devenue inopérante, pour s’organiser sérieusement à l’avenir.
Belle réussite en ce début d’année pour ces deux journées de manifestation : le 20 septembre, marche et grève intergénérationnelles initiées par YFC, dans laquelle on a pu observer une bonne dynamique, ainsi que des discussions intéressantes autour de la convergence et des stratégies de lutte en général pendant le rassemblement à Bercy l’après-midi. Puis, le 21, manifestation de l’interorganisation climat et gros samedi jaune puisque tout le monde était appelé à converger vers Paris. On avait là la même configuration que le samedi 16 mars qui avait vu la manifestation climat partir d’Opéra et rejoindre République, alors que les Gilets jaunes étaient massivement sur les Champs-Élysées. En amont, cette fois-ci, un travail important a été mené entre tous les secteurs en lutte afin d’élaborer la convergence, qui a donné lieu à un rendez-vous à 9h Madeleine le samedi matin appelé par (presque) tou·te·s.
Encore à chaud, que peut-on penser de cette mobilisation au format atypique et surprenant qui a « cassé » les codes établis des manifestations climat : une espèce d’hybridation nouvelle, entre offensivité propre aux rassemblements GJ et pacifisme des grosses marches climat autour d’un même objectif ? On en vient même à se demander s’il n’est pas désormais nécessaire de dépasser cette distinction, devenue inopérante, pour s’organiser sérieusement à l’avenir.
Concernant la matinée du 21 septembre : plusieurs groupes de GJ et écolo se rassemblent autour de Madeleine. S’en suit une dispersion instantanée du rassemblement de 9h, le départ de plusieurs manifestations sauvages dans l’Ouest parisien dans le but de rentrer sur les Champs-Élysées, où les GJ étaient particulièrement présents malgré les difficultés d’accès, dues à une forte présence policière (7 500 policiers étaient mobilisés sur la capitale pour cette journée).
Le rendez-vous à Madeleine, bien que critiquable sur certains points, a tout de même incité les gens à venir dans le coin et a favorisé la convergence. Il était intéressant de voir les organisations des marches climat encourager leurs militant·e·s à venir alors que les rassemblements étaient interdits par la préfecture.
Critiquable puisque cette convergence ne l’était que dans les propos. Pour l’être en acte, il aurait fallu décider côté climat d’un parcours de manif qui passe près des lieux de pouvoir, comme les Gilets jaunes l’ont souvent fait auparavant. On aurait pu imaginer un départ de Concorde, par exemple. Si la convergence a pu être plébiscitée par les différentes orgas écolos, c’est qu’elle ne remettait a priori pas en question le bon déroulement de la marche prévue l’après-midi, au départ de Luxembourg – qui partait encore une fois, en sens inverse des Champs-Élysées. Il semble important de souligner qu’il n’y aurait jamais eu de convergence lors de la marche de l’après-midi si le rassemblement sur les Champs s’était déroulé comme souhaité, c’est-à-dire si les Champs avaient été occupés toute la journée, comme le 16 mars.
On peut se réjouir en tout cas de la bienveillance entre les manifestant·e·s qu’on a pu observer : même rage et volonté d’avancer, distribution de sérum phi, de tracts antirép, transmission d’infos, comme c’est souvent le cas dans ces circonstances.
Face à l’impossibilité de se rassembler en nombre sur les Champs, ce sont donc les GJ et jeunes écolos présent·e·s le matin qui ont pris la décision de converger avec la marche climat. Le rendez-vous de 13 heures à Luxembourg était sur toutes les lèvres. Force est de constater, donc, que ces différentes formes de manifestation ont désormais l’habitude de cohabiter dans l’espace de la ville : les GJ considèrent de plus en plus les militant·e·s écolos comme des compagnons plutôt que comme des concurrents ou des militants en carton. Et inversement, il est important de noter que le mouvement Youth for Climate IDF a été le premier mouvement à remercier, dans un tweet, les GJ de leur soutien au départ de Luxembourg. Seule l’association Greenpeace a demandé à ses militant·e·s de quitter la manif face aux violences, en renvoyant dos-à-dos manifestant-e-s du cortège de tête et porteurs de LBD ; toutes les autres orgas écolos ont repris la marche.
Avant le départ à 14h, de nombreux slogans ont été scandés par des manifestant·e·s de tous horizons, annonçant une convergence en acte : jaunes, verts et noirs. Au départ de Luxembourg, un cortège de tête s’est formé spontanément, composé autant de manifestant·e·s « climat » que de GJ.
Revenons sur ce que les médias ont décrit comme une « infiltration de la marche climat par les black blocks » : il y avait dans le « cortège de tête » — c’est-à-dire dans la masse de manifestant·e·s qui ne désire pas marcher au pas, à l’intérieur du cortège délimité par le service d’ordre des organisateurs — autant de militant·e·s habillé·e·s de noir que de personnes en gilet jaune, ou encore de militant·e·s à visage découvert qui souhaitaient simplement être libres de leurs mouvements. En effet, le rythme imposé par le cortège officiel peut être pesant et peu stimulant, laissant peu de place à des actions plus diverses.
Il n’y a donc, à proprement parler, aucun bloc qui s’est « constitué » pour « infiltrer » ou « parasiter » la marche climat, et nous sommes très critiques de la manière dont les médias, Greenpeace et les autorités tentent de diviser les manifestant·e·s en les distinguant pour mieux les retourner les un·e·s contre les autres. Il faut beaucoup de mauvaise foi pour appeler « infiltration » ou « parasitage » une convergence réjouissante de toutes les personnes déterminées à sauver la planète et vivre dignement, qu’elles soient jeunes ou moins jeunes, écolos ou Gilets jaunes, valides ou non.
Mais après quelques centaines de mètres, le cortège a été stoppé net par les forces de l’ordre dans sa progression, qui ont scindé ainsi les manifestants dans leur dynamique pourtant si prometteuse. Dans le mouvement de recul face aux gaz lacrymogènes, le service d’ordre géré par Alternatiba et ANV-COP21 a résisté à la marche arrière d’une partie du cortège de tête et n’a ouvert son petit cordon que sous la pression des manifestant·e·s. Cela a créé un effet de compression qui a rendu difficile le repli de plein de personnes vulnérables. Ces moments sont souvent très dangereux, l’envie de fuir pousse certain·e·s à pousser la foule, les palets de lacrymo peuvent arriver directement sur les gens, et le risque de se faire piétiner en tombant est toujours présent. C’est comme si le service d’ordre avait voulu punir celles et ceux qui ont dépassé la banderole de tête.
Comme pour le 1er mai 2018, l’objectif de la police était de faire refluer le cortège jusqu’à son point de départ. Certaines orgas climat, en « étroite collaboration » avec la préfecture de police, ont donc attendu patiemment la fin du reflux dans une des rues perpendiculaires au boulevard Saint-Michel, le temps que le cortège de tête finisse en queue. Cette temporisation a permis aux organisateur·rice·s de reprendre leur marche d’un pas décidé, laissant ainsi des personnes initialement présentes dans le cortège « officiel » avec les militant·e·s du désormais cortège de queue à la merci de la police, qui les a harcelées sur le boulevard Port-Royal. On peut rappeler par exemple que, peu de temps après les premières altercations sur le boulevard Saint-Michel, la police a gazé l’abeille géante (char mythique d’Attac), qui se repliait vers le point de départ de la marche. Ah bah bravo la police !
Le début chaotique a rendu impossible la reconstitution d’un cortège « officiel », ce qui a donné lieu à un mode de manifestation pour le moins nouveau en marche climat — un peu plus familier pour les gens qui ont déjà manifesté avec les Gilets jaunes. Plusieurs manifestations dites sauvages (en dehors du parcours déclaré) ont donc eu lieu autour du boulevard elles aussi visées par les incessantes interventions des forces de l’ordre ; notamment une rue Mouffetard, et une au parc de Bercy, qui était le terminus annoncé de la marche.
Ne pas respecter le parcours imposé par la préfecture a du sens, puisque cela a permis d’expérimenter des modes d’action et de déplacements collectifs inédits dans une marche climat. Plein de petits actes de sabotage et de désobéissance ont pu voir le jour sur le parcours plus ou moins respecté de la manif : constructions de barricade (pour entraver la circulation des forces de l’ordre et se protéger de la violence policière), actions antipubs systématiques, tags délivrant des messages politiques explicites, trottinettes électriques mises hors d’état de nuire, feux de joie allumés sur les boulevards, banques prises pour cibles de jets de peinture et d’autres projectiles… Mais aussi des manifestations de solidarité avec les urgentistes devant l’hôpital Cochin, où des personnels paramédicaux saluaient le cortège depuis un balcon, ou bien à chaque ambulance qui passait.
Au final, toutes les zones à proximité du trajet de la marche étaient sens dessus dessous, et donnaient du fil à retordre aux forces de l’ordre. Cette configuration semble offrir de belles perspectives en vue de la semaine de rébellion d’octobre organisée par Extinction Rebellion.
Une action de désobéissance civile devait avoir lieu à 17 heures, organisée par ANV-COP21. C’est ainsi qu’on a pu assister au blocage du pont de Tolbiac avec beaucoup d’enthousiasme, rajoutant un peu de désordre au désordre déjà ambiant.
Pendant plusieurs heures, la circulation a été bloquée : un camion sono diffusait de la musique, un DJ set enflammé, entouré de fumigènes jaunes et verts, ont donné lieu à une scène surprenante et pour le moins réjouissante. Des groupes discutaient et se reposaient après une journée somme toute éprouvante. Ce genre d’actions de désobéissance civile, totalement non violente, est intéressant, car il peut être envisagé comme un lieu de repli (et de repos bien mérité) destiné à tout type de manifestant·e·s, quel que soit son mode d’action militante. Cela dit, cette remarque en appelle une autre : pour que cette initiative puisse remplir ces conditions, il faudrait que l’occupation des lieux dure plus longtemps, afin de permettre à tou·te·s de rejoindre le blocage.
Après quoi, ANV-COP21 a décidé de lancer une « manif sauvage », selon leurs propres mots : un mode d’action mobile qui se rattache habituellement et davantage à des manifs offensives, puisqu’elle est par définition totalement spontanée, et donc non déclarée. ANV-COP21 tente des actions qui sortent de son répertoire habituel : ce genre de manifs mobilisant des méthodes de déplacement collectif.
De plus, la présence d’un camion sono qui balançait de la musique électro pouvait rappeler à certain·e·s le mouvement Reclaim the Street qui avait pour habitude de bloquer la construction de routes en se réappropriant les rues de façon festive, et réemployait intelligemment l’aspect subversif de certains milieux artistiques. Ce moment très convivial et davantage peut être salué pour son côté festif et rassembleur. Cet élargissement nous semble augurer de nouvelles possibilités d’agir, renforçant encore la complémentarité des modes de mobilisation militante. Cela dit, cette dernière remarque ne peut tenir la route que si les orgas d’ANV-COP21 décident de mettre leurs modalités d’action non violente au service des autres modes d’action, mais est-ce seulement envisageable ?
« Manif sauvage », certes, mais revisitée à leur sauce : c’est-à-dire domestiquée et pilotée par la police jusqu’à Bastille, où le service d’ordre a sommé les manifestant·e·s de se disperser (pour laisser la circulation reprendre son cours sur la place, et ainsi sonner la fin de ce week-end de mobilisation). Chose curieuse, ce même service d’ordre s’occupait pendant la manif « sauvage », par exemple, de remettre en place les poubelles déplacées sur leur chemin par les manifestant·e·s de tous horizons…
Si la volonté de diversifier leurs modes d’action est louable, force est de constater que ce nouvel acte de désobéissance civile est atténué par son aspect contrôlé et, par conséquent, diminué. Il s’agit bien plutôt d’une disciplinarisation de la manif « sauvage » : contact police qui négocie le passage de la manif, vélos et trottinettes remis·e·s en place sur le parcours, ligne de militant·e·s qui encadre le « cortège », trajet de la manif prévu à l’avance, animations bien rodées, slogans prévus eux aussi en amont, et dispersion ordonnée en fin de manifestation, ne laissant place à aucune spontanéité de la part des manifestant·e·s.
Si l’on peut douter de l’efficacité que peut avoir une manif qui n’a de « sauvage » que le nom, nous nous inquiétons surtout de la récupération de cette technique par des organisations qui la ramollissent. Cela ressemble quelque peu à la récupération par les puissants de techniques et vocabulaires militants pour les ramollir et leur faire perdre de leur sens révolutionnaire. Il ne faudrait pas que cette initiative se convertisse en campagne de « lutte-washing », c’est-à-dire qui permettrait de revendiquer la subversion en paroles, mais jamais en acte : la déclaration d’intention ne doit pas précéder l’action.
En outre, il est intéressant de noter que les militant·e·s d’ANV ont fait le même choix qu’Extinction Rebellion en juin dernier : bloquer un pont, et ce comme si il·elle·s cherchaient à montrer que eux aussi, en étaient capables. Ces initiatives des différents collectifs écolos sont bienvenues : elles vont dans le sens d’une montée en puissance dans les actes ; XR parviendra-t-elle à relever le défi imposé par ANV-COP21 samedi dernier ?
Pour conclure, certes ce qui s’est passé hier n’était pas le résultat d’une convergence parfaite et d’une solidarité à toute épreuve entre les différents mouvements en lutte ; néanmoins, l’expérience commune de la répression et le brouillage des lignes directrices des manifestations paisibles ont préparé chacune et chacun à ce qu’est véritablement une convergence en acte. Cette remise en question expérimentée aura sans doute satisfait les militant·e·s qui en ont assez de simplement marcher pour le climat. Il y aurait maintenant à s’organiser pour agir et non plus à marcher pour attendre.
Désobéissance Ecolo Paris
Note
NB : Nous ne prétendons pas ici produire un récit global, une vérité générale sur la manifestation. Ce compte-rendu est basé sur une expérience collective néanmoins subjective, car vécue depuis un certain point de vue. La multiplicité des événements rend complexe la synthèse de tout cela. De plus, personne ne peut prétendre détenir « la vérité », et nous condamnons totalement la manière dont la plupart des médias présentent les événements, toujours en des termes décalés, inexacts, voire erronés, pour la plupart. Cela nous a paru cependant nécessaire de le faire, au regard de la difficulté d’exprimer notre sentiment face à ce qui est survenu pendant la journée d’hier.
NB 2 : Nous reconnaissons volontiers l’utilisation problématique du qualificatif « sauvage » dans ce genre de circonstances, étant donné qu’il est généralement utilisé pour disqualifier les peuples autochtones, mais on se contente ici de réemployer les termes entendus pendant la journée du 21. On préférerait utiliser des expressions telles que manifestation « libre » ou « spontanée », mais ces termes n’ont pas encore assez de résonance dans la plupart des milieux militants.