ac-info
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Madame de PANAFIEU
Rapporteure de la Commission « Affaires Sociales
de l’Assemblée Nationale.

Paris, le 3 novembre 2004

Madame,

Vous avez proposé de nous rencontrer préalablement au débat à
l’Assemblée nationale du Plan BORLOO.

C’est en effet la moindre des choses – malheureusement fort peu pratiquée-
qu’une Commission de l’Assemblée Nationale se propose de rencontrer les
principaux intéressés préalablement à un débat qui les concerne
directement.

Cependant la forme de rencontre que vous nous proposez ne nous convient
pas du tout:

– depuis plusieurs semaines en effet nous nous efforçons, de
concert avec les autres organisations et associations de lutte
contre le chômage et la précarité ainsi qu’avec les
organisations de salariés -elles aussi visées au premier chef
par le Plan BORLOO- qui le souhaitent, de développer une
analyse commune de ce plan. Nous souhaitons donc avoir la
possibilité de vous développer notre point de vue commun dans
la cadre d’une délégation commune et représentative, plutôt
que d’être reçu à la queue-leu-leu, quasi-clandestinement(1)

– nous pensons aussi que nos idées et propositions méritent de
la part de la représentation nationale une audience bien plus
large que la présence de la seule rapporteure. D’autant que
l’Assemblée nationale est très loin d’être unanime sur cette
question. Nous souhaitons donc -puisque nous nous sommes
efforcés d’être représentatifs – être officiellement
auditionnés par la Commission des Affaires Sociales.

Nous aimerions aussi que soient abordés au cours de notre rencontre les
points suivants, qui pour nous revêtent un caractère de réelle urgence,
et sont directement reliés à la question de la « cohésion sociale »:

1. Nous ne comprenons pas pourquoi les engagements du Président de la
République du 1er avril concernant l’abolition des mesures prises par le
Ministre FILLON sur l’Allocation Spécifique de Solidarité (ASS) n’ont
pas été tenus : le plafond familial de ressources n’a pas été relevé à
son ancienne valeur, le versement supplémentaire aux allocataires de
plus de 55 ans n’a pas été rétabli, le décret du 31 décembre 2003 n’est
toujours pas abrogé précarisant encore les allocataires actuels.

2. Nous ne comprenons pas pourquoi votre Gouvernement, comme les
précédents, refuse l’individualisation des minima sociaux et leur forte
revalorisation.

3. Nous dénonçons la pratique d’anti-« cohésion sociale » qui consiste à
envoyer en prison celles et ceux qui ne peuvent plus avoir accès aux
Services Publics (les Transports en particulier)

4. Nous ignorons encore tout cette année de la « prime de Noël »:
sera-t-elle versée ? par qui ? à quelle hauteur ? quand ? Nous la
voulons de 500 euros pour TOUS les chômeurs et précaires.

Dans l’attente d’une réponse favorable à nos propositions, nous vous
prions d’agréer, Madame, l’assurance de notre détermination à poursuivre
la lutte contre le chômage et la précarité, pour une véritable « cohésion
sociale ».

La coordination des collectifs AC !

(1) : Vous trouverez, ci-joint, la déclaration commune que nous avons
présentée en conférence de presse le mercredi 27 octobre, jour
d’ouverture du débat au Sénat.

Plan BORLOO : Solidarité en baisse et coercition sociale en hausse
Le plan Borloo est dangereux : il représente un pas important de plus
dans le sens du renforcement de la gestion capitaliste libérale et
coercitive de notre Société.

Deux séries de mesures convergentes le sous-tendent :

– l’accentuation de la libéralisation du marché de l’emploi et de la
formation, déjà bien avancée par les gouvernements précédents :

– les contrats d’avenir, les contrats d’accompagnements vers l’emploi
annoncés comme novateurs ne sont au final que des copies de contrats
aidés existants actuellement mais qui permettront de nouvelles
subventions au patronat (contrats d’avenir = transfert des allocations
RMI et ASS au patronat ).
– l’introduction au cœur du Service Public de l’Emploi d’organismes
privés dont l’Assedic mais aussi les entreprises de travail
temporaires, les cabinets de placements privés va introduire les
logiques pures de marché.
– accentuation des emplois précaires, en grande partie réservés au
femmes (service à la personne, module d’ingénierie familiale).
– la création des  » Maisons de l’Emploi  » va encore fragiliser la
situation des chômeurs par l’irruption d’un nouvel acteur. Les Maisons
de l’emploi auront pour rôle de formater les demandeurs d’emploi aux
besoins des entreprises locales par des formations / adaptation aux
postes de travail.

– la mise en cohérence et le renforcement des dispositifs de contrôle
des marchés de l’emploi et de la formation :

– intégration aux  » logiques d’entreprises  » de la totalité des
acteurs : dans les maisons de l’emploi, concurrence entre le
public et le privé. Les contrats d’avenir seront gérés par les
communes ce qui annonce une gestion clientéliste du dispositif.
– renforcement du contrôle de la recherche de l’emploi des
chômeurs et précaires et poursuite de la destruction de leurs
droits par des sanctions  » justes et graduées « .
– création de plates formes pour les jeunes afin de les
contraindre à accepter les métiers en pénurie de main d’œuvre.

Les volets  » logement  » et  » égalité des chances  » prolongent ces
orientations de fond et vont renforcer les inégalités et les outils de « 
contrôle social  » dans tous les compartiments de la Société :
Le  » volet logement  » veut tenter de faire oublier le contexte général
de privatisation et de dérégulation du logement social, de spéculation
foncière et immobilière, et de faire  » accepter  » l’éloignement des
couches populaires et précaires vers la périphérie. Ainsi ce prétendu « 
plan de relance du logement social  » prévoit-il surtout :
– plutôt que de vrais logements sociaux accessibles à tous, de réaliser
des logements pour les classes moyennes aisées, tout en facilitant les
démolitions de quartiers populaires HLM et le développement de
logements précaires et de foyers d’urgence favorisant le développement
du contrôle social
– d’accroître les subventions publiques aux bailleurs privés

Dans ces conditions la  » prévention des expulsions dans les HLM  » n’est
qu’un habillage qui n’aura que très peu d’impact sur le nombre de
jugements d’expulsion.

– Comment prétendre à  » l’égalité des chances  » :
– quand sont progressivement détruits ou transformés dans le sens de la
concurrence généralisée, les outils de solidarité sociale que sont les
Services Publics, au premier rang desquels l’Education Nationale ?
Ainsi, par exemple, les  » collégiens repérés en grande difficulté…du
fait de leur comportement ou de leur environnement  » se verront
proposer des  » internats de réussite éducative « , version Borloo des
anciennes maisons de redressement ?
– quand sont réduits les droits des  » maillons faibles  » de la Société,
en particulier les immigrés et les femmes :
Le plan Borloo va ainsi permettre d’accroître le contrôle social de
l’immigration par le nouveau contrat d’accueil et d’intégration, et
d’organiser la précarisation des immigrés, en faisant de la carte de
résident de 10 ans l’exception et les titres de séjour précaires la
norme.
– Quand se développe une tendance lourde au contrôle, voire à la
criminalisation des pauvres ?

A l’opposé des mesures préconisées par BORLOO, nous exigeons :

– de transformer l’ensemble des emplois précaires existants et ceux
prévus dans les différents programmes en emplois statutaires
(respectant les normes légales d’emploi, les statuts et les
Conventions Collectives des institutions publiques et secteurs
marchands concernés), assortis des moyens en formation nécessaires.

– de renforcer les moyens d’intervention et de contrôle du Service
Public de l’Emploi :
– en utilisant en ce sens les milliards du plan Borloo (locaux, salaires,
conditions d’accueil…)
– en renforçant les services de l’inspection du travail (à ce jour 1300
contrôleurs et inspecteurs pour 1,5 millions d’entreprises !) afin que
le droit du travail puisse être respecté : combattre tout le travail
non déclaré, le renouvellement abusif de cdd….
– en donnant une place à part entière aux représentants des usagers
chômeurs et précaires dans le Service Public de l’Emploi

– de renforcer les moyens d’intervention et de contrôle des salariés sur
la gestion des entreprises : en particulier sur l’utilisation des
subventions publiques, l’organisation du travail, les mécanismes de
formation et d’attribution des salaires (salaire total et part
mutualisée servant à la protection sociale solidaire)

– de renégocier de fond en comble les règles de l’indemnisation du
chômage, de la formation, et de l’ensemble de la Protection Sociale de
manière à assurer :
– la garantie d’un revenu suffisant pour vivre tout au long de la vie,
avec ou sans emploi
– le libre accès à tout moment à une formation choisie
– la gestion réellement démocratique, par les représentants de tous les
intéressés, de tous les volets du système de Protection Sociale
solidaire

– de garantir le droit au logement pour tous par :
– l’arrêt des expulsions sans relogement
– la réquisition des logements vacants
– la construction d’un million de vrais logements sociaux accessibles
aux plus modestes
– l’obligation de reloger les sans-logis et les habitants des taudis et
des bidonvilles
– l’arrêt de la privatisation du logement social

– de garantir et faciliter l’insertion économique et sociale des
résidents étrangers :
– en assouplissant au lieu de les durcir les conditions d’attribution de
cartes de résident,
– en cessant de maintenir dans la précarité et l’absence de droits (au
travail, à la santé…) de nombreuses catégories de migrants étrangers :

– d’établir et garantir l’égalité réelle des droits des femmes et des
hommes dans tous les secteurs d’activité de la société.

Premiers signataires (au 27/10/04) :
AC !, APEIS, CGT-CHÔMEURS, GISTI, Collectif National des droits des
femmes, DAL, RAJFIRE, Emancipation, SUD-ANPE, SNU-TEFI (secteur ANPE) /
FSU, Collectif non-titulaires SNES / FSU, SNPTAS CGT ; Union
syndicale-G10 Solidaires, Convergence des Luttes, STOP Précarité…