Au bal des faux culs les révoltés n’étaient pas invités RESISTONS ENSEMBLE – bulletin numéro 213 – du 3 octobre 2023
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Contrôle socialRépression
Lieux : France
Au bal des faux culs les révoltés n’étaient pas invités
Des dizaines de milliers de manifestants dans une centaine de villes, à l’appel d’une centaine de collectifs, familles et organisations ont exigé le 23 septembre, la fin des violences policières et du racisme institutionnel… Dans chaque tête de cortège, d’importantes représentations des familles de victimes. Quelque chose de positif se développe. Il était temps car la répression policière et judiciaire a pris une ampleur sans précédent après le meurtre de Nahel, même comparé aux révoltes de 2005. En 2005 il n’y a pas eu de morts, nettement moins de blessés, mutilés, on était loin du chiffre de 400 incarcérations donné dès fin juillet et les procès continuent. Oui, cette manif a été un succès, mais comment transformer la haine du pouvoir raciste et oppresseur en une lutte qui le fera reculer ? Ce n’est pas gagné. Il suffit de se pincer le nez et regarder le bal des faux culs à Saint-Denis le 30 août. Comme de gentils toutous, tous les partis parlementaires, dont le PC, PS, les Verts et Les Insoumis y sont accourus. Ils se sont enfermés avec Macron de 14 heures à 3 heures du matin, pendant 13 heures, svp, ils ont accepté le secret du conclave, ils ont même docilement remis leurs portables aux huissiers. Les Insoumis avaient juré qu’ils ne dîneraient pas avec Macron. Eh bien, ils sont restés et ils ont participé à dorer le blason du grand manipulateur. On ne sait pas ce qui s’est passé, mais ce qui est sûr, c’est que les révoltés n’étaient pas invités. Il s’avère, une fois de plus, que c’est dans la rue que l’avenir se joue. Face à cette embrouille, la Coordination nationale contre les violences policières, quant à elle, formule au nom des victimes, des familles et des collectifs des revendications claires et nettes : interdiction des LBD, dissolution de la BAC et les BRAVM, l’amnistie des révoltés, la condamnation sans concessions des policiers tueurs et mutileurs, mais aussi à bas l’islamophobie, non à la chasse à l’abaya alors que Macron se présente comme le chevalier blanc de la laïcité tout en participant à la messe à Marseille. Ils ne s’agit pas pour les familles et les collectifs de faire la révolution, mais tout simplement de proposer des objectifs démocratiques (https://www.youtube.com/watch?v=BUKBnhb3QwU). Pour les faux culs de gauche de Saint Denis c’en était trop. Le PS était absent, le PCF, par la voix de son chef, a justifié son absence : on va pas marcher le 23 à côté des gens qui crient : tout le monde déteste la police, tout en lançant un appel inconséquent à « envahir » les préfectures et les supermarchés…contre l’inflation. Quant aux deux autres convives de Macron, La France Insoumise et les Verts , ils ont signé » un « appel light »pour le 23, plein de bonnes choses, mais flou et ont participé à la marche. Alors que dire ? Nos rangs se sont étoffés. Mais vigilance, les faux culs nous guettent au coin de la rue.
Face aux révoltes, un niveau inédit de violence de l’Etat
La répression en réponse aux émeutes suite à la mort de Nahel a marqué les corps : blessures, mutilations, jusqu’à la mort… Des affaires qui remontent progressivement à la surface, comme au moment des GJ. Le soir du 1er juillet les flics interviennent pour des dégradations dans un tabac à Marseille et tombent sur Otman, 36 ans, le brutalisent à coups de matraque dans la tête lui causant de multiples fractures. Un policier est depuis poursuivi pour « violences aggravées » avec une circonstance aggravante : l’un des policiers rencontré alors qu’Otman cherchait à récupérer ses affaires, lui a offert du travail, un smartphone et proféré des menaces pour éviter d’éventuelles poursuites comme le prouve un coup de fil enregistré. La liste des éborgnés ne cesse de s’allonger : dans la nuit du 28 au 29 juin Nathaniel, 19 ans, à Montreuil, et Mehdi, 21 ans, à Saint-Denis ; dans la nuit du 29 au 30 juin Virgil, 24 ans, à Nanterre ; dans la nuit du 30 juin au 1er juillet Abdelkarim, 22 ans (cousin germain de Mohamed Bendriss mort le lendemain) ; dans la nuit du 1er au 2 juillet Jalil, 15 ans, à Chilly-Mazarin. Un certain nombre de cas déjà évoqués dans le précédent no de RE ont connu des éclaircissements. Dans l’enquête sur la mort de Mohamed Bendriss à Marseille les médecins légistes ont confirmé deux « traumatismes balistiques » causés par des projectiles de type LBD. Celui au thorax et la contusion au cœur associé expliquerait la défaillance cardiaque. Les images de vidéosurveillance ont permis de remonter jusqu’aux policiers du Raid en action ce soir-là, sur décision de Darmanin. Une première pour ces flics de choc spécialisés dans les prises d’otages et les interventions antiterroristes. Depuis, 3 d’entre eux ont été mis en examen. « Mohamed a été tué par une balle de LBD 40, tirée avec une arme non adaptée et illégale, par une unité spéciale inadaptée au maintien de l’ordre, couverte par la hiérarchie du Raid qui a dissimulé le crime en connaissance de cause » résume l’avocat de sa veuve. C’est aussi le RAID qui intervenait le 30 juin à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle). Aimène Bahou parti en voiture acheter des cigarettes a reçu un tir de « bean bag » en pleine tête le plongeant dans le coma. Depuis l’enquête a constaté qu’Aimène ne participait pas aux émeutes et identifié l’auteur du tir : un agent du RAID qui ce même soir causait une blessure à un adolescent de 15 ans à vélo, « une plaie purulente d’environ 5 cm » dans le dos causée par un « bean bag ». Aimène est sorti du coma après 25 jours avec des séquelles, mais aucune mise en examen du côté de la justice… Hédi aussi a frôlé la mort. A Marseille dans la nuit du 1er au 2 juillet il a reçu un tir de LBD à la tête avant d’être roué de coups et abandonné à son sort. Miraculé, il a subi l’amputation d’une partie du crâne. Omerta totale du côté de la BAC qui nie en bloc malgré les vidéos, les témoignages. Les agents sont pourtant clairement identifiés, et même connus pour des faits de violence (notamment sur une jeune femme qui a eu le crane fracassé en marge d’une manifestation de GJ). Face à l’émergence des preuves un des policiers a fini par reconnaître avoir tiré, son placement en détention provisoire a déclenché un mouvement de fronde dans la police. A leur sortie de l’IGPN, les agents auteurs de l’agression d’Hédi ont été accueillis par une haie d’honneur de leurs collègues. Une semaine de grogne suffira pour faire plier Darmanin aux exigences des flics en promettant la création d’un statut juridique spécial pour les forces de l’ordre, notamment pour les exempter de faire de la détention provisoire en cas de mise en examen. Du côté de la justice on pense aussi que la police fait bien son travail puisque les juges ont docilement doublé la répression policière d’une répression judiciaire d’une sévérité là encore inédite. Un exemple relaté par le CAIII d’Issy-les-Moulineaux qui a assisté aux procès des 8 et 10 août au tribunal de Versailles : 9 jeunes hommes, Rayan, Maxime, Adama, Amadou, Mamadou, Wissem, Alexandre et Lassana qui subissent déjà de plein fouet la violence sociale ont tous été condamnés. Qui à porter un bracelet électronique et payer des amendes parce que suspecté d’être un pilleur et accusé de rébellion pour avoir « gesticulé » lors de son arrestation hyper violente, qui à de la prison (jusqu’à trois ans dont 2 fermes) pour s’être trouvé à l’intérieur d’un Darty ou y avoir volé des écouteurs et un tapis de souris. Darty s’est associé à la plainte et leur a réclamé 300 000 euros. Ce soir-là, ils l’ont dit ils étaient « sorti(s) pour la révolte » et « aller là où il y a de l’argent ». Des procès de révoltés étaient encore prévus fin septembre… Et la répression joue aussi à la sortie du tribunal. Sous l’impulsion de Darmanin, le préfet des Yvelines, en collaboration avec les HLM, a fait expulser la famille d’un jeune condamné pour « pillage ». Père, mère, enfants, tous responsables et jetés à la rue.
> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]
On n’oublie pas, on ne pardonne pas ! Il y a presque 5 ans, un gendarme du GIGN a abattu Henri Lenfant, qui n’avait aucune arme, d’une balle dans la nuque à bout portant. La juge d’instruction a décidé, il y a un an environ, qu’il serait jugé en assises. Ce gendarme a alors fait appel puis est allé en cassation, contre cette décision de la juge, et… il a perdu en appel comme en cassation. Il sera donc bien jugé en assises. A suivre. Un rassemblement a eu lieu devant le tribunal de Reims pour demander que l’ancien militaire armé qui a tiré deux balles dans le thorax de Mahamadou Cissé en décembre 2022 et est poursuivi pour homicide volontaire ne soit pas remis en liberté alors que l’enquête est encore en cours. Ce crime aux motifs racistes selon les nombreux témoins, ne doit pas rester impuni. Une marche a eu lieu fin juillet à Dijon pour Chekh Camara,18 ans, retrouvé mort le 10 juillet après avoir été poursuivi par la police deux jours auparavant. Les proches demandent à tous ceux qui auraient des informations d’écrire à gauthiermanon21@gmail.com. Le 1er septembre les gendarmes qui ont tué Adama Traoré ont bénéficié d’un non lieu malgré l’expertise médicale qui contredit la version policière des faits et les nombreux manquements dénoncés par la Défenseure de Droits. La famille a fait appel et immédiatement appelé à une mobilisation qui signifie que la lutte continue. Le 9 septembre c’est à Lyon que s’est tenue une marche pour exiger justice et vérité pour Idir Mederess, 22 ans retrouvé mort dans sa cellule de Lyon Corbas en 2020, il devait sortir quelques jours plus tard, la version officielle dit qu’il s’est pendu alors que ses co-détenus témoignent des maltraitances et du tabassage qu’il a subi. La marche a été l’occasion de parler d’Ahmed qui a subi exactement le même sort le 16 août dernier à la prison de Villefranche-sur-Saône et des 250 personnes qui meurent en prison chaque année dans des circonstances obscures.
Encore des morts pour « refus d’obtempérer » A Limoges, dans la nuit du 5 au 6 août deux jeunes hommes de 16 et 23 ans sont pris en chasse par un véhicule de la BAC après un « refus d’obtempérer ». Selon la police le scooter aurait grillé un feu rouge avant de percuter un autre véhicule. Des émeutes ont alors éclaté dans le quartier de Beaubreuil où vivaient les deux victimes. La compagnie CRS 8, unité spéciale Darmanin, et un escadron de gendarmes mobiles ont été déployés. Le 8 août une marche réunissait prés de 200 personnes derrière une banderole « A nos frères Mohamed et Ayoub partis trop tôt ». Le 6 septembre en fin d’après-midi à Élancourt dans les Yvelines, Sefa, 16 ans, un autre adolescent au guidon d’une motocross, fuit une patrouille de police sans que l’on sache précisément s’il a été pris en chasse. Sur sa course il croise un autre véhicule de police à une intersection. Il ne portait pas de casque, le choc le blesse, il décède le 12 septembre. Tentative d’interception ? La famille pose la question remettant en cause l’hypothèse de l’accident. Selon l’avocat, la voiture de police n’était pas là par hasard, mais en intervention suite au refus d’obtempérer et des traces sur la carrosserie montrent que le véhicule des flics a heurté la moto. Une plainte est déposée pour « tentative d’homicide volontaire »…
Racisme partout Du côté de l’éducation nationale, des proviseurs zélés se sont empressés de faire appliquer la circulaire sur l’interdiction des « abayas » pondue par Attal le jour de la rentrée, n’hésitant pas pour cela à user de violences sexistes (voir par exemple la vidéo https://www.youtube.com/watch?v=aEP4aOsmFvM). Du côté des préfectures, le préfet de l’Hérault a volé au secours de Robert Ménard, maire d’extrême droite de Béziers, qui avait refusé le 7 juillet de marier un algérien à une bitteroise alors même que le procureur lui en avait intimé l’ordre : il a déterré une OQTF expirant fin août, pour faire enfermer l’homme dans un CRA avant de l’expulser. Enfin en Moselle des chasseurs ont été associés par les autorités aux 400 gendarmes déjà prévus pour surveiller un rassemblement évangélique tzigane.
Suite de la répression de Sainte Soline Le procès à Niort de 8 manifestants poursuivis pour avoir organisé des rassemblements contre des méga-bassines a été reporté au 28 novembre en raison de la longueur des débats. Le juge des référés du Conseil d’Etat a quant à lui suspendu, vendredi 11 août, la dissolution des Soulèvements de la Terre décrétée en conseil des ministres le 21 juin, il faut maintenant attendre le jugement sur le fond.
> [ A G I R ]
Le gouvernement de Macron avance doucement et sûrement sur le terrain du SNU, ce service national universel pour l’instant courts séjours pendant les vacances sur la base du volontariat mais destiné à s’étendre à tous les élèves en les « engageant » dans des activités encadrées par des militaires sur le temps de la scolarité et aux frais de l’éducation nationale. Pour comprendre les enjeux écouter l’émission « les Amis d’Orwell » du 22 septembre : https://radio-libertaire.org/podcast/z_commun/emission_aff.php?id_e=55&id_c=43. Pour écrire au collectif « Non au SNU Ile de France » : collectifnonsnu-rp@mailo.com. Réunion publique le 18 novembre après-midi à l’annexe de la Bourse du Travail de Paris, bvd du temple.
Du 3 au 27 octobre se tiendra au tribunal de Paris porte de Clichy le Procès des inculpés du 8 décembre 2020, personnes ciblées pour leur engagement par une opération antiterroriste (plus de détails ici https://soutien812.blackblogs.org). Mobilisations prévues à partir de fin septembre dont deux rassemblements devant le tribunal à l’ouverture et à la fermeture du procès.
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