Messieurs les coprésidents de la mal nommée “Bretagne Réunie”,

C’est en tant qu’ancien adhérent du CUAB et de ce qui fut, jadis, sous le nom de “Bretagne réunie”, une organisation unitaire et démocratique œuvrant efficacement à la réunification administrative de la Bretagne historique, que je vous adresse cette lettre ouverte.

Votre communiqué de ce jour, 27 septembre 2017, annonçant l’annulation du rassemblement prévu à Nantes samedi prochain est en effet d’une lâcheté et d’une hypocrisie consommées. En effet, en vous présentant comme les victimes de comportements extrémistes que vous vous refusez à identifier clairement :

1° Vous continuez à faire l’impasse sur les responsabilités de “Bretagne réunie” elle-même, à l’origine de la division actuelle du mouvement pour la réunification de la Bretagne, en particulier sous la présidence du très contestable Jean-François Le Bihan. Qui, en effet, peut oublier l’alignement, en 2013-2014, de la direction de “Bretagne réunie”, sur l’appel du patronat breton, incarné par Alain Glon, à une journée pour “libérer les énergies en Bretagne”, autrement dit :

  • pour remettre an cause aussi bien les quelques normes environnementales qui protègent tant bien que mal la Bretagne des ravages de l’agriculture intensive et de l’agro-chimie, incarnés justement par M. Glon et ses compères de l’institut de Locarn,
  • pour remettre en cause les cadres juridiques qui préservent encore le droit des salariés à des conditions de travail et à des revenus récents (Alain Glon, université d’été de l’Institut de Locarn, septembre 2013, en réponse à un journaliste qui lui demande s’il ne faudrait pas instituer un Smic régional : «?J’irai plus loin. Il faudrait rendre la liberté au travail et pour autant qu’employés et employeurs se mettent d’accord sur des dispositions qui leur conviennent, ça peut se faire au cas par cas, ou entreprise par entreprise. » Chacun pensera ce qu’il voudra d’un tel point de vue qui trouve aujourd’hui sa concrétisation dans la loi El Khomry et dans les ordonnances Macron. Mais il s’agit là d’un positionnement politique de fond, d’un choix de société sur lequel il était totalement déplacé qu’une association comme Bretagne réunie prenne position, dans un sens comme dans l’autre.
  • En rejoignant le très confus mouvement des “Bonnets Rouges”, au point de s’y fondre presque, Bretagne Réunie a alors apporté sa caution à un discours, pour ne pas dire à un programme économique (libéral et productiviste), outrepassant le cadre très strict qui fut toujours celui de l’ancien et regretté CUAB,
  • Cette inscription de Bretagne Réunie dans une logique libérale fut alors confirmée par le soutien affiché de son président en exercice Jean-François Le Bihan à Marc Le Fur, candidat UMP aux élections du conseil régional de Bretagne en 2015 et grand défenseur de toujours de l’élevage porcin intensif… JF Le Bihan dont l’apparition publique sur la liste de le Fur fut à peine consécutive à sa démission de pure forme et très provisoire de la présidence de Bretagne Réunie…
  • Enfin, le ponpon de cette dérive fut certainement l’entré au CA de Bretagne Réunie, sans aucune opposition de ses co-lisiers,  du néo-nazi Kevin Blackwell, ancien membre du PNFE, célèbre depuis sa condamnation pour la tentative d’incendie et l’agression violente dont il se rendit coupable, contre des militants de l’UDB sur le stand qu’ils tenaient lors du festival de Lorient en août 1999. Comment s’étonner alors de la présence de plus en plus visible, agressive et structurée d’énergumènes issus de l’extrême droite, xénophobe et raciste, dans les manifestations organisées par Bretagne Réunie, tandis que de nombreux démocrates les désertaient et que des adhérents de longue date du CUAB, et c’est mon cas, mettaient fin au paiement de leur cotisation.

C’est bien la direction de Bretagne Réunie qui, depuis 4 ans, porte l’entière responsabilité de la profonde division qui est aujourd’hui celle du mouvement pour la réunification de la Bretagne historique.

Il n’y a donc rien de surprenant à ce que des organisations proches de la gauche indépendantiste bretonne aient estimé nécessaire de mettre fin à cette hypocrisie et appellent à un cortège distinct, au sein du rassemblement prévu samedi prochain, pour dénoncer la récupération de notre mouvement commun par les forces politiques au service du capitalisme sauvage et par l’extrême droite xénophobe, dont la seule présence est haïssable en ce qu’elle dénature et discrédite les fondements démocratiques qui inspirent notre revendication.

Les termes-mêmes de votre communiqué sont en effet un illustration éclatante de la mansuétude avec laquelle vous accueillez l’extrême-droite à vos côtés, réservant, sans avoir la franchise de les nommer, la qualification d’extrémistes aux seuls mouvements de la gauche indépendantiste bretonne et du mouvement antifasciste en Bretagne : “ces groupuscules extrêmes ont décidé avec détermination d’exploiter notre rendez-vous annuel à des fins partisanes et ont la vive intention de scander des slogans n’ayant rien à voir avec la réunification de la Bretagne. Ils entendent récupérer et instrumentaliser notre manifestation festive pour la placer dans le contexte des mouvements sociaux en germination.

Ce ne sont donc pas ces militants anti-fascistes qui doivent être tenus pour responsable du fiasco de votre appel au rassemblement du 30.09.2017, mais bien vous-mêmes et votre honteuse indulgence envers les récupérations les plus nauséabondes de notre mouvement démocratique. C’est aussi pourquoi, tout en déplorant la division de notre mouvement, j’avais choisi d’apporter ma pierre à la dénonciation de l’omerta dont bénéficient vos turpitudes depuis 4 ans, en participant, moi aussi, au cortège pour une Bretagne anti-fasciste et anti-capitaliste.

Jean-Do ROBIN, le 27.09.2017,

ancien adhérent du CUAB,

ancien président de l’Union des Enseignants de Breton,

ancien vice-président du Conseil Culturel de Bretagne.