Quelques considérations sur la manif du 19 mars
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Catégorie : Global
Thèmes : Racisme
Suite au dernier texte « Pour un black bloc qui n’a plus rien à prouver », nous souhaîtons apporter quelques réflexions sur les perspectives stratégiques de la marche pour la justice et la dignité, contre les violences policières et le racisme d’État de dimanche 19 mars à Paris.
Le texte, après avoir rappelé l’aspect « non-violent » de l’appel à la marche, nous invite à constituer un cortège de tête qui ne cassera pas « toutes les incarnations de ce que l’on déteste (banques, commissariats, agences d’intérim’, etc.) » afin de respecter les volontés des « familles de victimes de crimes policiers », de laisser « les flics médusés devant l’absence de baston » et de construire « la jonction tant attendue des deux côtés du périph’ ».
Si l’on relit attentivement l’appel premièrement paru sur Paris-Luttes Info, aucun mot d’ordre quant au niveau d’intensité n’est donné. Ces dernières semaines ont été marquées par des épisodes de révolte partagés par les jeunes émeutiers des banlieues parisiennes et les militants nostalgiques du cortège de tête. Le viol de Théo a marqué le début d’une nouvelle séquence qui a permis à un champ de plus en plus élargi d’individus de prendre acte de la violence de l’État. Les moments d’insoumission se sont multipliés, comme des caillassages de flics, des autoréductions dans le centre de Paris ou des barricades érigées dans les rues de Nantes.
Nous pensons que c’est en continuant à transmettre un répertoire de gestes communs que nous constituerons une force. Laisser les flics médusés ne nous intéresse pas, tous les jours nous sommes dans nos quartiers. La révolte est légitime, l’Ennemi est désigné: tenons-le en respect.
Des membres déterminés du cortège de tête
Bref, on peut s’la jouer comme vous, mais on peut aussi dire qu’on emmerde vos considérations à deux balles, et la justice tant qu’à faire. Une quelconque volonté générale est imaginaire, elle n’existe que dans vos circulaires. Évidemment, il y aura des apôtres de la pacification sociale (comme toujours). Chacune est libre de faire ce qu’elle veut.
Nous ne nous soumettrons pas.
Il y a un aspect qui est évacué ici : comment faire pour ne pas imposer au reste de la manif certains modes d’action ? Parce qu’il faut bien avoir conscience que cela peut avoir des répercussions, par la répression qui s’abat de façon indifférenciée, sur tout le monde. Et empêcher d’autres participants à ces manifs de mettre en oeuvre leurs modalités d’action.
Je ne dis pas que les « blacks blocs » sont responsables de la répression, je suis moi même halluciné de voir la violence que les flics peuvent déployer pour défendre de simples vitrines, je dis qu’il faut prendre conscience de cette répression et prendre en considération les attentes de tous dans ce genre d’événement. Pour être plus concret : comment profiter des temps de manifs pour créer du lien, des initiatives d’auto-organisation, des alternatives, quand l’espace public est envahi par les gaz lacrymo et par les flics ? C’est grave frustrant et des situations comme ça, il y en a eu pas mal depuis un an, le mouvement social aurait pu donner des choses bien plus intéressantes, diversifiées et bien plus fortes si tout n’avait pas été accaparé par l’aspect affrontements avec les flics.
je trouve ça plutot poétique de voir de la casse ne manif, et plutot réjouissant de voir que les banques passent leur temps barricadés derrière leur contreplaqué ces derniers mois… maintenant y a un truc qui me dérange dans les manifs, et ça depuis un paquet de temps, c’est que si t’es pas capable de courir, et ben tu vas souffrir. si t’es asthmatique, tu vas galérer. si t’es sur roulettes (que t’aie 3 mois ou 40 ans), on va te paternaliser la gueule à te dire que t’as rien à foutre ici.
si j’ai bien compris, l’argument « les flics arrêtent/matraquent en général plus facilement les jeunes, pas blancs, en survêtement, etc. » n’a pas l’air de vous donner envie de réfléchir aux conséquences de vos actions, si détonnantes et émotionnantes soit-elles (suivant le contexte, la poésie c’est aussi de la merde élitiste, t’as vu ?).
alors voilà, je suis pas handi, mais quand je vais en manif, je sais que ça va partir en cacaouette, que je vais devoir courir, que j’ai les ménisques niqués, les poumons qu’ont passé plus de la moitié de leur vie enfumés, une tendinite chronique et des hémoroïdes. bref je suis pas un vaillant soldat en basket et kway quechua, je peux pas être plus prêt que ma condition physique ne me le permet. et ça me fait chier quand je vois plein de rigolos qu’ont l’air d’être méga prêts méga organisés, en « groupes affinitaires », bref, des gens qui sont prêts à la cacaouette, ça me fait chier d’en voir si peu se préoccuper de la merde autour d’eux… ça me fait chier de voir que les vieux cons se retrouvent gestionnaire malgré eux du caca derrière les jeunots en mal d’émotions fortes. parce que c’est ça aussi, soyons honnête, tu pete rarement parce que tu pete un cable, t’as réfléchi, pensé les choses… sauf apparement à la suite pour le reste du monde. « les lacrymo c’est comme la pluie qui tombe, m’en fout j’ai un masque à gaz et des lunettes ». « la charge des keufs qui matraquent à tout va dans la fumée, m’en tape, j’ai des baskets, je cours plus vite ». « la traque de la bac après la manif ? pas de problème, j’ai jeté mon kway, et sorti la veste de costard, avec ma gueule de premier de la classe ça passe tout seul ».
je dis pas faut rien casser ou je ne sais quoi, je pense qu’éclater un truc parce que t’as la rage c’est une chose, que t’organiser avec d’autres pour le rendre possible c’en est une autre, mais qu’à partir du moment ou c’est systématique, c’est une institution. si quand on te dis « samedi y a manif » tu te demande ce que tu vas peter avant de te demander pourquo iles gens y vont ça craint, quoi. ça devient « la manif, tu l’aime ou tu la quitte ». alors si au moins ça marchait bien comme technique, je dis pas, mais là ça fait un an que ça nage dans la nasse… je pense que ça fait juste tourner le marché de la vitrine, celui du contreplaqué et ça fait courrir (ou du moins, me trainer en suffocant pour ma part) les gens.
du coup, ce que je trouverais génial un jour, ce serait de voir dans une manif une action où, de même qu’on a pris en compte comment on apporte le matos, comment les actionnistes apparaissent, comment illes disparaissent, comment on les protège des citoyen véhéments, et bien soit pris en compte « comment vont réagir les flics et comment protéger les gens autour », parce que ouais, tout le monde fait pas de footing, tout le monde a pas des vetements de rechange et du serum phy, tout le monde a pas vingt ans.
à transformer toutes les manifs en émeutes, on pousse les gens pas capables de s’émeuter (physiquement ou autre) à rester chez eux, et on se retrouve à 50 entre 4 cars de mobiles.
enfin de toutes façons tu fais bien ce que t’as envie, on se connait pas.
Le genre de commentaire que j’aimerai bien voir en article.
Par ailleurs le texte se réfère à l' »appel » paru sur paris-luttes, sauf que les familles ne communiquent pas sur paris-luttes, hein, mais sur le blog de la marche et les réseaux sociaux (ce qu’on peut déplorer pour ces dernier mais c’est comme ça)
Bref qu’iels appellent à pas foutre le dawa, c’est leur droit, le respecter ou non est un choix. Mais le nier c’est juste lamentable.
Sérieusement, arrêtez de dire que l’appel à la manif est non-violent ou je sais pas quoi et qu’il est caché juste sur Facebook et autre réseau social secret ! L’appel à la manif a été signé par des dizaines d’assos, orgas et par PLEIN de familles de victimes de violences policières. Il a été diffé largement de la main à la main et sur internet. Cet appel a effectivement été publié sur Paris-Luttes, et sur Facebook, etc. et à aucun moment il ne dit que c’est une manif « non-violente »:
https://paris-luttes.info/le-19-mars-une-marche-pour-la-7301
Salut les jeunes,
j’ai bientôt 45 ans et je me porte assez bien, je vous remercie.
Je peux m’habiller en noir comme un-e « jeune » et casser des trucs et courir et échapper aux flics comme il y a 20 ans. J’en ai l’habitude, l’expérience, et ça me fait toujours plaisir.
Alors j’ai pas besoin de la condescendance d’un « vieillissant » pour sous-entendre que j’aurais passé l’âge de l’émeute.
J’ai déjà vu des vieux, et des vieilles, de plus de 60 piges, en émeute. J’espère que j’en serai, même si c’est pas mon objectif ultime. L’avenir nous le dira, dans tous les cas.
Ensuite, pas de souci, les gens qui n’ont pas les conditions physiques requises, ou qui simplement ne se le sentent pas, il n’y a AUCUNE obligation à participer activement à une ma nif émeutière. De tous âges et de toutes conditions physiques, il y a des gens qui se masquent et se mêlent aux émeutier-e-s par solidarité active, quitte à s’esquiver plus vite que la moyenne, quitte à se mettre un peu en retrait quand ça devient compliqué, parce que faut arrêter d’halluciner, personne n’est pris en otage et chacun-e a la possibilité de s’adapter à la situation. Dans la mesure où l’État et ses flics ne décident pas de nous défoncer sans aucun crescendo ni rien, m’enfin en général c’est ce qui se passe.
Et puis pendant le mouvement contre la loi Travail, sur Paname, j’ai vu/vécu beaucoup de solidarités entre manifestant-e-s de toutes sortes, quand on était noyé-e-s dans les gaz lacrymogènes notamment.
Ce qui importe le plus, ce n’est pas tant nos conditions physiques respectives, c’est l’entraide réelle, les moyens qu’on se donne collectivement pour ne pas se laisser tomber les un-e-s les autres. Et je trouve que souvent c’est assez beau ce qui se passe, et bien au-delà des groupes affinitaires. Il y a de la « rencontre » dans l’entraide, dans la lutte, dans l’émeute. Que ça perdure, que ça continue, que ça s’accroisse !
alors dis-moi, sunglasses at night, si ma condescendance te dérange, tu pense quoi de la tienne ? tu la vois pas à cause des lunettes de soleil, ou c’est la presbytie qui te guette ?
d’une, j’ai jamais parlé de prise d’otage, je suis pas la sncf, arrête d’insulter mon intelligence.
de deux, j’ai jamais dit qu’il fallait être jeune pour être en forme, j’ai juste rappelé que plus t’avances en âge moins t’es en bonne santé, et moins t’as la condition physique pour les manifs qui secouent. c’est un fait. passé trente ans, tu vois tes potes, faire des gosses, développer un cancer, se planter en moto, ramasser leurs intestins à la petite cuiller après des années de came, se découvrir une maladie génétique invalidante, ou une sclérose en plaques.
alors tous ces gens, (et franchement y en a plein), peuvent avoir envie de changer les choses, mais ta seule proposition pour eux apparament c’est « restez en retrait » pour laisser la place à toi et tes copains. je persiste, c’est élitiste, voire eugéniste. et que tu le veuille ou non, comment tu traite les gens aujourd’hui c’est comment le monde que tu construit les traitera demain. je suis pas loin de te traiter de nazi qui veut foutre les pas normaux-comme-toi dans des camps pour qu’ils « restent en retrait » pendant que tu t’occupes des choses importantes.
encore une fois, tout ce que je dis, c’est que si vraiment ton trip c’est l’organisation collective dans l’émeute, c’est important de penser au gamin rebeu en airmax vertes fluo qui va se faire gauler à ta place parce que les flics sont ce qu’ils sont, à la mamie qui rentre des courses à pieds et qui se retrouve au milieu d’une charge, aux parents encombrés de gosses qui sont pas/plus les pros de l’emeute et qui n’ont pas assez anticipé, à gérard qui boite depuis 1995, quand les flics lui ont cassé la gueule et qui peut plus courir comme avant… bref, à tous ceux qui, contrairement à toi, n’ont pas la joie d’avoir traversé la vie sans accroc. Parce que, que tu le veuille ou non, et ben ils font partie du monde, en fait…
ouais les gens prennent leurs responsabilités en venant dans une manif, mais déjà, y a ceux qui savent pas qu’il y a manif, ceux qui ne savent pas ce que c’est une manif en 2017, et surtout, les arguments « chacun sa gueule, z’ont qu’à faire gaffe » ou « c’est la guerre, robert, on fait pas d’omelette sans casser des oeufs » sont très, très, mais alors, vraiment, très loin d’un embryon de prise en compte collective du problème. l’émeute, c’est pour les valides, comment dépasse ça ? la réponse c’est certainement pas « on a qu’à transformer toutes les manifs en émeutes + tir au lapin, de toutes façon chuis chaud, j’ai piqué quinze kway à decat’ la semaine dernière. et les autres on qu’à faire pareil ou c’est pas des vrais ».
là c’est une vrai citation de toi : « Ce qui importe le plus, ce n’est pas tant nos conditions physiques respectives, c’est l’entraide réelle, les moyens qu’on se donne collectivement pour ne pas se laisser tomber les un-e-s les autres. » Autant je suis super d’accord avec la seconde partie de ta phrase (et c’est même tout mon propos), autant la première partie la contredit intégralement. la condition physique (et psychique en fait) et sa perception (jusqu’où on peut aller…) sont differentes d’un individu à l’autre. c’est pas universel. dans le monde, t’es pas traité pareil quand tu peux et quand tu peux pas. y a pas de compromis possible quand tu *peux pas*. alors ton « entraide réelle » elle vaut plus grand chose si elle prend pas en compte les gens qui peuvent pas, parce que « la condition physique importe peu ».
alors imaginons, avec tes potes, vous favorisez un partage en cacaouette, participant activement à la création une situation où simone, 63 ans, se retrouve obligée de courir pour fuir les gaz, alors qu’elle a les poumons défoncés par ses 40 ans dans une usine pétro-chimique. Jaqueline *peut pas* courir. elle marche aussi vite qu’elle peut dans le nuage en suffocant. l’un ou l’une d’entre vous la voit et pige la situation, ille va aller la « prendre en charge » (reparle moi de condescendance, tu vas voir…), lui foutre du serum phy dans les yeux et lui apprendre qu’on peut plus venir en manif sans citron ou masque à gaz. l’un d’entre vous ira ensuite raconter dans les commentaires d’indymedia qu’il a vu une « vieille » dans l’emeute, même pas impressionée par les keufs, qui marchait simplement au milieu du nuage (tu t’es reconnu, gros malin ?). donc, ton « entraide réelle », c’est juste aider (pas forcément très bien) des gens que tu as participé à mettre dans la merde (ne serait-ce que parce qu’être dans une émeute ça à l’air de te réjouir). c’est pas de l’entraide, c’est de l’assistance, et c’est bien le putain de minimum !
encore une fois, tu fais bien ce que tu veux, mais arrête de te la raconter avec tes légendes émeutières sur l’entraide et la joie de l’émeute. c’est pas le ressenti d’un paquet de gens, alors le minimum c’est de les prendre en compte quand ils viennent te dire « faites gaffe à nous dimanche avant de rentrer dans le tas » au lieu de monter sur tes grands chevaux « on veut m’empécher de m’émeuter ».
d’ailleurs si on revient à l’étymologie du mot « émeute », c’est la même qu’émotion… on ressent certainement des émotions dans une émeute, pour autant, j’ai l’impression que faire en sorte que dimanche, y ait une emeute, c’est pas de l’emotion, c’est de la mécanique. dire « samedi dernier on a fait une teuf » c’est pas la même chose que de dire « samedi dernier on était heureux ».
cette phrase de Louise Michel me plaît bien : « Les bouleversements sociaux, comme les tremblements de terre, suivent une même ligne volcanique ; ils se propagent surtout par l’électricité de la pensée ainsi que par des fils conducteurs ». Ainsi, même dans un face à face tendu, il faut garder notre fil conducteur, la cause qu’on défend, et se servir de notre cerveau pour rester solidaires et groupés, refuser les provocations…