Quimper : retour sur l’actualité antifa des derniers mois
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Category: Local
Themes: AntifascismeImmigration/sans-papierEs/frontieres
Places: Quimper
Le 30 juin 2015 était organisée à Quimper une manifestation d’Adsav, épaulée par plusieurs autres groupuscules à la droite du FN (les militants d’un groupe à l’autre étant souvent les mêmes). Comme en octobre 2014, c’était pour eux l’occasion de prôner xénophobie et rejet de la laïcité, sous couvert de liberté d’expression et de lutte contre Daech. A cette occasion se tenait un rassemblement antifasciste spontané, 1h plus tôt, au même endroit. Le but de cette action était de contester le choix des autorités de laisser des groupes ouvertement racistes, si ce n’est fascistes, bénéficier d’une tribune publique en détournant les lois. Car la liberté d’expression est bien mal en point si, se contentant d’une déclaration de manif, les Préfectures offrent l’immunité à des discours haineux que la loi condamne en temps normal. A l’opposé, les gendarmes mobiles ne se sont pas fait priés pour disperser les antifascistes afin de laisser le champ libre à tout juste une vingtaine d’islamophobes. En 2015, il semble plus facile d’être un fasciste «démocrate» qu’un antifasciste adepte de la désobéissance civile.
Bien qu’aucune violence n’ait eu lieu, notre mobilisation s’est soldée par l’arrestation immédiate de 2 d’entre nous, qui ont passé les 22h suivantes en GAV pour une simple «participation délictueuse à un attroupement illégal et refus (après sommation) de se disperser». Leur jugement s’est tenu le 12 novembre. Le premier interpellé a écopé de 6 mois de sursis car il avait le visage dissimulé au moment des faits. Le second, qui n’était pas masqué, a préféré 60h de TIG plutôt que 3 mois de sursis. Par ailleurs, les casiers judiciaires étaient vierges dans les 2 cas. Pas très informé, et peu disposé à écouter notre version des faits, le juge était convaincu que notre collectif est consacré à l’action violente. A l’issue du jugement, un journal local a même été jusqu’à parler de «port d’armes» parmi les chefs d’accusation. Afin de dénoncer ces propos diffamatoires, un droit de réponse leur sera très prochainement adressé. Rappelons aussi que les militants politiques auxquels nous nous opposons n’ont aucun scrupule à identifier leurs «ennemis» à l’aide de photos prises en manif et diffusées sur le net, notamment sur le site Breiz Atao. Dans ce contexte, et quoi qu’en dise la loi, se masquer le visage est donc tout à fait légitime.
Certaines actualités de l’automne 2015 nous confortent dans l’idée que nous avions raison de nous faire entendre cet été, même hors du cadre légal. L’exemple le plus flagrant est la relative impunité dont bénéficient certains acteurs de l’extrême-droite finistèrienne, comme Boris Le Lay (soit-disant domicilié au Japon alors qu’il se trouve dans la région de Rosporden) ou la bande de boneheads résidant à Quimper, qui se sont illustrés dans de nombreuses agressions. Malgré de lourdes amendes et la promesse répétée de mettre fin à cette nuisance, les autorités se sont montrées inaptes à régler le problème. On aura remarqué l’apparition de tags nazis du côté du Rouillen et d’Ergué Gabéric en octobre dernier, seulement quelques jours après le jugement des boneheads pour l’affaire de Lestonan (mai 2015). On sait aussi que différentes victimes ayant porté plainte contre eux sont ciblées par des menaces téléphoniques anonymes. Difficile de ne pas faire le rapprochement…
Le palais de justice, la municipalité et la presse savent parfaitement qu’il y a un lien direct entre cette bande et un certain salon de tatouage situé rue Jean Jaurès. Avant de s’installer à Quimper, la propriétaire de ce commerce militait à l’extrême-droite sur Douarnenez. La plupart du temps, c’est aussi elle qui lance les hostilités lorsque la bande décide d’agresser quelqu’un. Son associé est quand à lui un spécialiste du double-discours, réfutant toute affiliation politique malgré de multiples propos et attitudes confirmant ses opinions intolérantes. Ces deux-là sont les «cerveaux» de la bande et s’entourent principalement de gens plus jeunes. Pour beaucoup de professionels du tatouage, c’est même une évidence que cette boutique sert de boite postale au milieu néo-nazi. L’apparition d’un tel groupe de haine à Quimper est en bonne partie due à l’existence de cette façade légale, qui sert de point de ralliement à des militants venus des régions voisines. Soucieux d’assurer la continuité de leur gagne-pain, ils s’en prennent avant tout aux personnes qui démontrent le rapport entre leur salon de tatouage et la venue de nouveaux néo-nazis à Quimper. Précisons au passage que certains bistrots ont fait faillite à cause de cette bande, leur omniprésence dissuadant la clientèle de revenir. Les violences racistes à Quimper ne s’arrêteront que quand les adeptes de la modification corporelle décideront de soutenir des tattoo-shops plus respectables, ou quand la Préfecture aura pris ses dispositions…
Les problèmes liés à la montée de l’extrême-droite ne se font pas sentir qu’à Quimper, mais aussi ailleurs en Bretagne. Le 10 octobre, la fachosphère rassemblait cette fois-ci 100 à 150 personnes à Brest. Ce chiffre n’est pas significatif d’une hausse de popularité de l’extrême-droite, car il s’agit toujours des mêmes militants d’une manif à l’autre. Seul leur argument de propagande change en fonction du lieu de manifestation. A Brest, l’argumentation islamophobe se base sur les propos aberrants d’un imam local au sujet de la musique. Bien que les points de vue de cet imam soient loin de faire l’unanimité au sein même du culte musulman, ils suffisent à l’extrême-droite pour réclamer la fermeture de toutes les mosquées et l’expulsion immédiate et totale des muslims de France.
Finalement peu préoccupés par l’objectif officiel de leur mobilisation, les militants identitaires venus à Brest étaient surtout là pour invectiver la centaine d’antifascistes qui leurs tenaient têtes, et glorifier en chanson le meurtre de Clément Méric. Profitant d’être présents en grand nombre et encadrés par la police dans une ville considérée comme «territoire antifa», ces militants ont provoqué des altercations dans différents quartiers brestois, à l’aide de fumigènes et de saluts nazis.
En de nombreux aspects, la manif de Brest donnait un avant-goût de celle de Pontivy, le 14 novembre. Les attentats de Paris s’étaient produits moins de 24h plus tôt et l’Etat d’urgence fraichement déclaré interdisait toutes les manifestations jusqu’à nouvel ordre. Cela n’a pas empêché les 150 sympathisants habituels d’Adsav de défiler dans les rues de Pontivy. Même si cette mobilisation était déclarée de longue date, un minimum de respect aux victimes de Paris aurait motivé son annulation, autant par les autorités que par les organisateurs. Pour assurer la «sécurité» dans cette petite ville du centre- Bretagne, 30 gendarmes étaient mobilisés (contre 70 mobiles à Quimper cet été), autant dire que l’issue de la journée était totalement prévisible. C’est ce laxisme de la Préfecture du Morbihan qui a permis à l’extrême-droite bretonne, au plus fort de sa mobilisation, de transformer la ville en terrain de chasse. Par la suite, les médias nationaux ont concentré leur attention sur le lynchage d’un homme d’origine maghrébine, ce qui revient à occulter le reste des violences commises ce jour-là. Car cette milice néo-fasciste improvisée n’a pas eu besoin d’un motif politique, racial ou religieux pour déchainer sa haine sur quiconque croisait son chemin. Plusieurs témoignages s’accordent aussi sur la complicité qu’il semblait y avoir entre des militants Adsav et certains membres du cordon de gendarmerie… Nous n’en concluons pas pour autant que tous les policiers ou gendarmes sont des fascistes comme Adsav, mais le nombre de votes FN dans les casernes, la traque aux sans-papiers (et par extension toute personne de couleur), ou encore la criminalisation de l’antifascisme, sont autant de raisons d’établir un lien entre les flics du pouvoir actuel et les chemises brunes de l’extrême-droite. D’autant plus que le rôle oppressif des gardiens de la «paix» ne fait que se confirmer à travers l’application de l’Etat d’urgence.
Au vu des nombreux évènements graves qui ont eu lieu ces dernières semaines en France comme à l’international, beaucoup de choses sont encore à dire. Mais afin d’éviter un texte trop long, nous aborderons les sujets auxquels nous pensons (Etat d’urgence, COP21, lutte contre Daech) dans nos prochaines lettres d’infos. Pour l’heure, nous devons finir de rembourser les frais judiciaires de nos 2 camarades. Aussitôt cela fait, nous pourrons consacrer nos modestes économies à des choses plus constructives. Une caisse de soutien est mise à disposition des personnes souhaitant faire un don, et le Collectif Antifasciste du Pays de Quimper est désormais doté de son propre stand. Cet automne, diverses associations nous ont convié à leurs évènements musicaux, où nous avons à chaque fois reçu un accueil très favorable. Cela nous a rappelé que même dans cette société égoïste, tout le monde n’a pas encore troqué la solidarité contre le repli sur soi. Pour cette raison, nous allons renouveler nos déplacements dans les soirées-concerts, et tâcher de nous montrer dignes de l’aide dont nous avons bénéficié.
Plus que jamais, le but de notre collectif est de rassembler autour des valeurs de solidarité, de respect et de vivre ensemble. Nous refusons de porter des jugements selon le sexe, l’âge, l’origine, la sexualité ou les croyances. Parce que l’antifascisme ce n’est pas seulement être «contre», nous poursuivons nos activités sur les bases positives du dialogue et de l’amusement, notamment à travers de l’information, des ateliers et des concerts.
Collectif Antifasciste du Pays de Quimper
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