Le récit pourrait s’arrêter là. Mais, ce soir, il s’est passé plein de choses qui, n’en doutons pas, engendreront un certain nombre de représailles contre ceux qu’il faut bien dorénavant et définitivement classer dans le camp de nos ennemis à part entière et égale avec d’autres courants de droite : les « socialistes ».

Le collectif est ce qu’il est. Il rassemble une cinquantaine de personnes et 30 à 40 personnes se retrouvent, chaque semaine, dans ses AG pour organiser des actions au consensus. Le collectif n’utilise pas la violence car son usage – pour l’instant – ne fait pas consensus. Le collectif est considéré par bien des militant-e-s dit-e-s « radicaux » comme une organisation molle, planplan, ritualisée. C’est vrai mais c’est notre manière de faire tenir ensemble des personnes très diverses.

Mais, du même coup, ce que nous allons raconter ci-dessous révèle combien la réponse policière « socialiste » fut disproportionnée et, surtout, révélatrice d’un état de la situation qui laisse présager le pire si jamais les policiers passent aux mains d’un pouvoir encore plus répressif. Tant ces policiers auront été préparés à faire un sale boulot, à obéir connement, à empêcher la liberté d’expression (car, oui, il s’agit bien de privation de liberté d’expression).

En effet, ce soir, pour la quatrième fois de son histoire (dont trois fois sous Hollande !), le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes a vu plusieurs de ses membres se faire priver de liberté pendant plusieurs heures. Aucune personne – sauf une après intervention de notre RG chéri – n’a eu le droit de sortir de la cage pendant tout le temps du meeting. Même lorsque nous nous sommes avoué-e-s vaincu-e-s, disant que nous renoncions à manifester et promettant de rentrer chez nous, on nous a empêché-e-s de partir. A noter que nous n’avions même pas le droit – sauf une personne après négociations – de nous asseoir sur les bancs ou les plots de parking à proximité. Deux personnes ont même dû s’abaisser à uriner au milieu de nous et à la vue des flics. L’hallu totale !

Plus grave : ce soir, pour la quatrième fois de son histoire (dont trois fois sous Hollande), le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes a subi ce que la police appelle « allez, on pousse », c’est-à-dire que les manifestant-e-s sont déplacé-e-s de force à plusieurs dizaines de mètres de l’endroit où illes manifestent. Lors de ce déplacement forcé, on nous encercle de manière serrée et, bien sûr, on trébuche, on se bouscule, on s’affole. Parmi nous, des gens ont craqué sous des formes diverses. Et c’est bien l’action policière qui a engendré ces craquages parce que nous ne savons pas gérer la répression.

Plus grave encore : pour la première fois de son histoire, en pleine manifestation en plein jour, le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes s’est vu dérober de force par des CRS très nerveux trois banderoles – dont la célèbre banderole orange réalisée en 2002 « Non aux expulsions » – qui seraient actuellement dans un « commissariat » (mais on ne sait pas lequel). La droite avait osé jeter nos banderoles dans une poubelle avant de nous les rendre mais elle ne nous avait jamais privé de nos « drapeaux », de nos « roses » à nous, et donc de nos revendications. Ce vol constitue, à mon sens, la pire violence de la soirée mais c’est l’avis personnel d’un « vieux » mélancolique qui a vu naître la banderole orange…

Plus grave encore : pour la première fois de son histoire, en pleine manifestation en plein jour, le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes s’est vu dérober de force par des CRS très nerveux son mégaphone. Le militant qui criait au méga, pendant qu’on se faisait pousser et dérober nos banderoles, a vu surgir comme des lions deux CRS qui lui ont arraché le mégaphone de force. Nous avons ainsi été privé-e-s pendant tout notre encageage de tout moyen sonore de crier qu’on voulait des logements et des papiers. Pendant ce temps, « la manif pour tous » a eu le droit de rester juste devant le meeting pendant au moins une heure, pour finir encagée elle aussi (image surréaliste de voir, ce soir, la résistance à Valls incarnée seulement par eux et nous).

Plus grave encore : les CRS ont donc gardé notre mégaphone tout le temps du meeting pour nous le rendre à la fin avec le sourire et en nous disant « bonne soirée ». Nous ne l’avons pas vu tout de suite mais, une fois rentré-e-s chez nous, nous avons découvert que les ressorts de contact avec les piles avaient été tordus et s’avéraient inutilisables. Aucune preuve que ce sont les CRS qui ont fait ça mais il marchait très bien jusqu’à ce que les obéissants nous le volent de force.

Plus grave encore : comme nous avions manifesté, les policiers étaient sur les dents. Quelle ne fût pas notre surprise de voir arriver deux habitant-e-s de Betton qui revenaient de la pharmacie et qui, sans que personne ne comprenne pourquoi (notamment elle et lui), ont été encagé-e-s avec nous une demi-heure après notre propre encageage. Illes ont tenté de se justifier, de montrer leurs médocs mais que nenni : les deux sont resté-e-s encagé-e-s avec nous dans le plus total arbitraire.

Plus grave encore (quoique) : lorsque nous avons eu la force de nous remettre à crier des slogans lors de la sortie du meeting, le dispositif policier a repris son « allez, on pousse » et a éloigné de 50 mètres de plus notre immense manifestation. A noter aussi qu’une dizaine de camarades du collectif qui avaient échappé à l’encageage car arrivé-e-s en retard (préparez-vous au tribunal populaire camarades…) ont sans cesse été invité-e-s à rester à l’écart et à ne pas nous parler. A noter que nous avons interpellé une bonne centaine de militant-e-s – dont des élu-e-s qui nous connaissent bien et qui ont même manifesté à nos côtés dans un lointain passé – et sympathisant-e-s « socialistes » qui venaient chercher leur voiture : une seule personne a daigné faire un détour pour nous parler.

Belle soirée dans le pays de la « liberté d’expression », non ?

Bon, autant vous dire que les troupes sont survolté-e-s. Tout le monde voit bien que la répression s’est durcie et intensifiée dans les dernières semaines. Il y aura sans doute deux types de trajectoires militantes face à ce durcissement : certain-e-s vont renoncer ; les autres vont se durcir. RG chéri, j’espère que si un jour on fait une connerie, tu rappelleras que le processus de « radicalisation » s’est aussi beaucoup renforcé ce soir-là…

« Socialistes » de Betton, de Rennes, etc…à très bientôt…