L’obscurantisme beauf – à propos du tête-à-queue idéologique de charlie hebdo
Catégorie : Global
Thèmes : MédiasRacisme
Mercredi 19 novembre 1997, sous le titre « Les perroquets du pouvoir », Philippe Val consacrait la quasi-intégralité de son éditorial de Charlie Hebdo à l’enthousiasme délirant que lui inspirait la parution des Nouveaux chiens de garde de Serge Halimi. Il y évoquait les « BHL, Giesbert, Ockrent, Sinclair », etc., tous « voguant dans la même croisière de milliardaires qui s’amusent », et qui « n’ont aucune envie de voir tarir le fleuve de privilèges qui prend sa source dans leurs connivences ou leurs compromissions ». Il jugeait certains passages « à hurler de rire », en particulier le chapitre « Les amis de Bernard-Henri », qu’il conseillait de « lire à haute voix entre copains ».
Six mois plus tard, mercredi 27 mai 1998, sous le titre « BHL, l’Aimé Jacquet de la pensée » (c’était juste avant la Coupe du monde de football), il volait encore au secours du livre de Halimi, contre lequel toute la presse n’en finissait plus de se déchaîner. Il épinglait le chroniqueur du Point pour avoir, dans son « Bloc-notes », assimilé Bourdieu à Le Pen. Et le futur défenseur du « oui » à la Constitution européenne se désolait :
« Penser que le désir d’Europe sociale des uns est de même nature que le refus nationaliste de l’Europe des lepénistes ne grandit pas le penseur… »
En 2005, Philippe Val comparerait l’attitude des partisans du « non » à celle de Fabien Barthez crachant sur l’arbitre.
Mercredi 1er mars 2006. Continuant d’exploiter le filon providentiel des caricatures danoises, Charlie Hebdo publie à grand fracas un « Manifeste des Douze » (hou, hou ! morte de rire !) intitulé « Ensemble contre le totalitarisme islamique » (sur la prolifération actuelle du mot « ensemble » et sa signification, lire l’analyse d’Eric Hazan dans LQR, La propagande du quotidien, [2], signé notamment par Philippe Val, Caroline Fourest (auteure de best-sellers sur la menace islamique et membre de la rédaction de Charlie Hebdo), Salman Rushdie, Taslima Nasreen, et… Bernard-Henri Lévy. « L’Aimé Jacquet de la pensée » a droit, comme les autres signataires, à sa notice biographique (moins longue que celle de Caroline Fourest, quand même, hein ! Faut pas déconner !), qui commence ainsi :
« Philosophe français, né en Algérie, engagé contre tous les « ismes » du XXe siècle (fascisme, antisémitisme, totalitarisme et terrorisme). »
Ce coup des « ismes », le journal nous le refait dans son « manifeste » foireux, qui semble avoir été torché en cinq minutes sur un coin de table en mettant bout à bout tous les mots creux et pompeux dont se gargarisent en boucle, sur les ondes et dans la presse, les « perroquets du pouvoir » :
« Après avoir vaincu le fascisme, le nazisme et le stalinisme, le monde fait face à une nouvelle menace globale de type totalitaire : l’islamisme. »
Les opprimés ont une manière
tout à fait malséante
d’exprimer leur désespoir
Il en manque pas mal, des « ismes », dans cette liste : colonialisme, impérialisme, racisme, libéralisme… Autant de notions qui, à une époque, avaient pourtant droit de cité dans les colonnes de Charlie. Balayer d’un revers de main, ou ne même pas voir, depuis son pavillon cossu de la banlieue parisienne, les conditions de vie et les spoliations subies par les perdants du nouvel ordre mondial ; s’incommoder de ce que les opprimés, décidément, aient une manière tout à fait malséante d’exprimer leur désespoir, et ne plus s’incommoder que de cela ; inverser les causes et les conséquences de leur radicalisation (il n’y a pas d’attentats en Israël parce qu’il y a une occupation, mais il y a une occupation parce qu’il y a des attentats), et, au passage, accorder sa bénédiction à la persistance de toutes les injustices qui empoisonnent le monde ; parer l’Occident de toutes les vertus et l’absoudre de tous ses torts ou ses crimes : non, il fut un temps où on n’aurait jamais trouvé dans ce journal une pensée aussi odieuse.
Mais c’était à une époque où Charlie vivait et prospérait en marge du microcosme médiatique, qu’il ne fréquentait pas, et qu’il narguait de sa liberté de ton et de ses finances florissantes – quand il ne lui adressait pas de splendides bras d’honneur. L’équipe, dans sa grande majorité, se satisfaisait parfaitement de cette situation…. Mais pas Philippe Val, à qui la reconnaissance du méprisable ramassis de gauchistes que constituait à ses yeux le lectorat du journal suffisait de moins en moins – avant de finir par carrément l’insupporter. Son besoin de voir sa notoriété se traduire en surface médiatique devait le pousser d’abord à nouer un partenariat avec Libération, en convenant d’un échange d’encarts publicitaires entre les deux journaux. Pour justifier la chose aux yeux d’un lectorat très hostile à la publicité, il se livra à des contorsions rhétoriques dont la mauvaise foi fut impitoyablement disséquée par Arno sur Uzine.
Philippe Val, qui, par un hasard facétieux, venait justement d’être connecté à Internet, tomba sur l’article, et piqua une crise de rage dont ses collaborateurs se souviennent encore. Le mercredi suivant [3], les lecteurs de Charlie purent découvrir un édito incendiaire intitulé : « Internet, la Kommandantur libérale », qui fut suivi d’un autre, tout aussi virulent, quinze jours plus tard. On y lisait notamment que, si Internet avait existé en 1942,
« les résistants auraient tous été exterminés en six mois, et on pourrait multiplier par trois les victimes des camps de concentration et d’extermination ».
Il faut le savoir : contredire Philippe Val est aussi grave qu’envoyer un résistant en camp de concentration. Bien sûr, le « Kim Il-Sung de la rue de Turbigo », comme le surnomme aimablement PLPL, ne faisait nulle part mention de l’article d’Arno (il expliquait avoir choisi de traiter ce sujet cette semaine-là parce qu’on lui demandait souvent pourquoi Charlie n’avait pas de site !), et ne précisait pas que la seule forme de négationnisme à laquelle il avait été personnellement confronté dans ce repaire de nazis virtuel ne remettait en cause que son propre génie.
Flatter les plus bas instincts des masses
tout en se prenant pour Jean Moulin
S’étant peu à peu aliéné son lectorat d’origine, et ayant vu ses ventes baisser dangereusement, Charlie Hebdo en est désormais réduit, pour exister, à multiplier les coups de pub aussi lucratifs qu’insignifiants et à développer le « cobranding » tous azimuts. Après d’innombrables tentatives infructueuses pour créer un « buzz » médiatique autour du journal, comme en témoignaient semaine après semaine les titres d’un sensationnalisme maladroit étalés dans l’encart publicitaire de Libération, avec les caricatures danoises, enfin ! ça a pris. Le créneau ultra-vendeur de l’islamophobie, sur lequel surfe déjà sans vergogne l’écrasante majorité des médias, permet de copiner avec les puissants et de flatter les plus bas instincts des masses tout en se prenant pour Jean Moulin : bref, c’est idéal. Sauf que, en s’y précipitant comme sur une aubaine, le journal achève sa lente dérive vers un marécage idéologique dont la fétidité chatouille de plus en plus les narines.
Dans son éditorial de ce fameux numéro publiant les caricatures danoises, Philippe Val écrit doctement que
« le racisme s’exprime quand on rejette sur toute une communauté ce que l’on reproche à l’un des membres »
Ce qui lui permet de conclure que
« quand un dessinateur danois caricature Mahomet et que dans tout le Moyen-Orient, la chasse aux Danois est ouverte, on se retrouve face à un phénomène raciste comparable aux pogroms et aux ratonnades »).
Or, « rejeter sur toute une communauté ce que l’on reproche à l’un des membres », c’est exactement ce que fait le dessin danois représentant Mahomet avec un turban en forme de bombe. Par une amère ironie du sort, Charlie Hebdo, ancien journal du combat antiraciste, a donc érigé en symbole de la liberté d’expression une caricature raciste. Dans Le Monde diplomatique de mars 2006, Alain Gresh cite le journaliste Martin Burcharth :
« Nous, Danois, sommes devenus de plus en plus xénophobes. La publication des caricatures a peu de relations avec la volonté de voir émerger un débat sur l’autocensure et la liberté d’expression. Elle ne peut être comprise que dans le climat d’hostilité prégnante à tout ce qui est musulman chez nous. » Il précise aussi que le quotidien conservateur Jyllands-Posten, qui a fait paraître les caricatures de Mahomet, « avait refusé, il y a quelques années, de publier une caricature montrant le Christ, avec les épines de sa couronne transformées en bombes, s’attaquant à des cliniques pratiquant l’interruption volontaire de grossesse ».
Et c’est dans ce journal-là que Charlie Hebdo vient de publier la version anglaise de son « manifeste » [4] !
Mais peu importe, car le créneau islamophobe a un autre avantage, qui, dans le cas de nos amis, s’avère particulièrement précieux : il est tellement en phase avec la bien-pensance majoritaire qu’il permet de raconter plein de conneries, ou de recourir au terrorisme intellectuel le plus éhonté, sans jamais être discrédité ou sérieusement contesté. S’il en allait autrement, Val pourrait-il affirmer par exemple à la télévision que, si on fait l’amalgame entre islam et terrorisme, c’est de la faute des terroristes islamistes – un peu comme si on rendait responsables du vieux cliché sur les juifs et l’argent, non pas les antisémites, mais les juifs riches ?! Ou pourrait-il se féliciter, dans son édito, de ce que le dessin avec le turban en forme de bombe ne soit « pas très bon », car cela permet « d’exclure du débat sa valeur esthétique pour le recentrer sur la question de la liberté d’expression » – un sophisme qui, comme toutes ces pirouettes dont il est coutumier et dont il semble retirer une fierté sans bornes, est remarquablement débile ?
Sur ce dernier point, d’ailleurs, Caroline Fourest donne une version un peu différente de celle de son patron. Dans la page de publicité gratuite offerte par Libération [5] à ce numéro spécial de Charlie, elle commentait :
« On ne s’est pas lâché cette semaine. Le dessin qui nous a fait le plus rire n’est pas passé. C’était trop facile, gratuit et sans message derrière. »
Parce que, derrière le turban en forme de bombe, il y a un « message » ? Tiens donc ! Et lequel ? (Au passage, cet article de Libération était cosigné par Renaud Dély, qui est, ou en tout cas a été, chroniqueur politique à Charlie Hebdo sous un pseudonyme : le cobranding, ça marche !) Il semblerait qu’on rie beaucoup aux dépens des Arabes – pardon, des « intégristes » – à Charlie Hebdo en ce moment.
Ça ne date d’ailleurs pas d’hier : il y a quelques années, quand Nagui était arrivé sur Canal Plus pour présenter Nulle part ailleurs, Cabu l’avait caricaturé en Une de Charlie Hebdo en chameau des publicités Camel. Canal Plus avait alors fait livrer par coursier à la rédaction un montage dans lequel, au-dessus de ce dessin, le titre « Charlie Hebdo » avait été remplacé par « National Hebdo ».
« Esprit des Lumières »
ou bombe éclairante ?
Le plus comique, c’est peut-être les tentatives désespérées de l’équipe pour nous faire croire que, malgré tout, elle reste de gauche. Dans son dernier opus, La tentation obscurantiste, consacré à l’épuration de la gauche telle qu’elle la rêve (168 pages avec que des listes de noms, un livre garanti sans l’ombre du début d’une idée dedans !), Caroline Fourest se désole parce que, dans un article, j’ai osé douter de sa légitimité à prétendre incarner la « vraie » gauche (par opposition à celle qui refuse de partager ses fantasmes d’invasion islamique).
Outre le fait que la pensée qu’on a décrite plus haut, et que propage désormais Charlie, est une pensée d’acquiescement passionné à l’ordre du monde, ce qui n’est pas très « de gauche », nos vaillants éradicateurs devraient examiner d’un peu plus près le pedigree de leurs nouveaux amis. Caroline Fourest et Fiammetta Venner – elle aussi « journaliste » à Charlie – sont adulées par Le Point et L’Express (lequel publie lui aussi le « manifeste »), deux titres, comme chacun sait, furieusement progressistes. Elles sont copines avec Ayaan Hirsi Ali, députée néerlandaises, amie de Théo Van Gogh intronisée en politique par le très libéral Frits Bolkestein, qui
« fut le premier [aux Pays-Bas] à déclarer incompatibles, au début des années 1990, les valeurs des immigrés musulmans et celles de son pays » [6] – Ayaan Hirsi Ali a elle aussi signé le « manifeste ». Fiammetta Venner ne voit aucun problème à donner une interview à un site répondant au doux nom de « Primo-Europe », créé par des « citoyens qui considèrent que l’information sur le Moyen Orient est, en Europe en général et en France en particulier, diffusée en fonction de préjugés manichéens où le commentaire l’emporte sur le fait », et sur lequel elle figure aux côtés d’un Alexandre Del Valle, par exemple.
Mieux : comme l’a relevé PLPL, Venner et Fourest écrivent désormais aussi dans le Wall Street Journal, « organe de Bush, des néoconservateurs américains, de la droite religieuse et de Wall Street » ; elles s’y alarment de l’« incapacité des immigrants arabes à s’intégrer » et de la « menace pour les démocraties occidentales » de les voir rejoindre des « cellules terroristes islamistes » [7]. La tribune dont sont extraites ces lignes s’intitule « War on Eurabia », « Eurabia » (« Eurabie ») étant l’un des termes de prédilection d’Oriana Fallaci (dont le livre avait d’ailleurs été encensé dans les colonnes de Charlie par Robert Misrahi).
Quant à Philippe Val, la même page de PLPL nous apprend qu’en août 2005, un hommage lui a été rendu dans un discours par un dirigeant du MNR de Bruno Mégret : `
« Les musulmans sentent bien la force de leur nombre, ont un sentiment très fort de leur appartenance à une même communauté et entendent nous imposer leurs valeurs. En ce moment, des signes montrent que nous ne sommes pas seuls à prendre conscience de ce problème. (…) J’ai eu la surprise de retrouver cette idée chez un éditorialiste qui est à l’opposé de ce que nous représentons, Philippe Val, de Charlie Hebdo, dans un numéro d’octobre 2004. »
Commentaire perfide du mensuel :
« Il y a dix ans, Philippe n’avait qu’une idée : interdire le Front national, dont Mégret était alors le numéro 2. Désormais, Val inspire certains des chefs du MNR. »
Enfin, le 2 mars 2006, dans Libération, Daniel Leconte vient d’offrir à ses amis une tribune d’une page intitulée « Merci Charlie Hebdo ! ». Le présentateur-producteur d’Arte [8] y rend hommage à ses confrères qui ont « refusé de céder à la peur », et se répand au passage en lamentations sur l’injustice dont la France a fait preuve à l’égard des Etats-Unis après le 11-Septembre, et sur les errements dont elle s’est rendue coupable lors de la guerre d’Irak, en les isolant devant le Conseil de sécurité de l’ONU et en « laissant entendre que, de victime, ils étaient devenus les fauteurs de troubles ». On se demande effectivement où on a bien pu aller chercher une idée pareille. Il conclut en réclamant sans rire le prix Albert-Londres pour Charlie Hebdo, estimant que le journal a défendu un « esprit des Lumières » qu’il confond visiblement avec la lueur des bombes éclairantes de l’armée américaine.
Cadeau un brin empoisonné que cette tribune. On commence par prétendre ne faire que critiquer la religion musulmane, opium de ces pouilleux d’Arabes, en se prévalant de son passé de bouffeurs de curés, et on finit intronisé journal néoconservateur par des faucons à oreillette ! Mince, alors ! Quelque chose a dû merder en chemin, mais quoi ? Les voies de l’anticléricalisme sont parfois impénétrables.
Tu la sens, ma défense de la démocratie ?
Leconte se félicite de ce que Charlie ait témoigné de ce que « la France n’est pas seulement cet assemblage de volontés molles ». Déjà, la déclaration de Luz (attribuée par erreur à Philippe Val) selon laquelle la rédaction de Charlie, dans son choix des caricatures qu’elle allait publier, avait « écarté tout ce qui était mou de la bite », avait mis la puce à l’oreille du blogueur Bernard Lallement :
« Toute la tragédie est là. Faire, comme du Viagra, de l’islamophobie un remède à son impuissance, expose aux mêmes effets secondaires indésirables : les troubles de la vue ; sauf, bien sûr, pour le tiroir caisse. »
La volonté agressive d’en découdre, de « ne pas se dégonfler », suinte de partout dans cette affaire. Val affirme que ne pas publier les dessins serait aller à « Munich » – comme le faisait déjà Alain Finkielkraut, dont il partage la paranoïa identitaire, lors des premières affaires de voile à l’école. On n’est pas dans la défense des grands principes, mais dans cette logique d’escalade haineuse et guerrière, « œil pour œil dent pour dent », qui constitue le préalable indispensable de tous les passages à l’acte, et les légitime par avance. Tout le monde, d’ailleurs, fait spontanément le rapprochement entre les dessins danois et certains feuilletons antisémites diffusés par des chaînes arabes, admettant ainsi implicitement qu’ils sont de même nature. Le journal allemand Die Welt a par exemple publié les caricatures en les assortissant de ce commentaire :
« Nous attacherions plus d’importance aux critiques musulmanes si elles n’étaient pas aussi hypocrites. Les imams n’ont rien dit quand la télévision syrienne, à une heure de grande écoute, a présenté des rabbins comme étant des cannibales buveurs de sang. »
Une telle attitude dénote en tout cas une mentalité à des années-lumière de la sagesse philosophique dont voudrait par ailleurs se parer le Bourgeois gentilhomme du marigot médiatique parisien. Répéter toutes les deux phrases, d’un air sinistre et pénétré, le mot magique de « démocratie », suffit peut-être à Philippe Val pour se faire adouber par ses compères éditorialistes, mais, pour prétendre au statut de penseur, il faudrait peut-être commencer par envisager le monde d’une manière un peu moins… caricaturale.
En témoigne le tableau grotesque qu’il nous brosse du Danemark, merveilleuse démocratie peuplée de grands blonds aux yeux bleus qui achètent un tas de livres, ont une super protection sociale et ont refusé de livrer leurs ressortissants juifs aux nazis, tandis que le monde musulman se réduirait à un grouillement de masses incultes et fanatiques qui n’ont même pas la carte Vitale. Peu importe si par ailleurs la presse regorge d’articles sur la prospérité du racisme et l’actuelle montée de l’extrême droite au Danemark (bah, si on a sauvé des juifs pendant la guerre, on a bien le droit de ratonner un peu et de profaner quelques tombes musulmanes soixante plus tard, tout ça n’est pas bien méchant !). Et si on nous rappelle ici et là que le Danemark est un pays où l’Eglise n’est pas séparée de l’Etat :
« Il existe une religion d’Etat, le protestantisme luthérien, les prêtres sont des fonctionnaires, les cours de christianisme sont obligatoires à l’école, etc. » [9].
Mais notre va-t-en guerre des civilisations ne s’encombre pas de tels détails. Lors de l’éclatement de la seconde Intifada, déjà, il avait décrété que Charlie devait défendre la politique israélienne, parce qu’Israël était une démocratie et parce que tous les philosophes importants de l’Histoire étaient juifs, tandis que son équipe effarée – il faut dire que sa composition était alors assez différente – tentait d’évaluer en un rapide calcul le nombre d’erreurs grossières, de raccourcis vertigineux et de simplifications imbéciles qu’il était ainsi capable d’opérer dans la même phrase. Pour ma part, abasourdie de devoir en arriver là, je m’étais évertuée à le persuader qu’il existait aussi des « lettrés » dans le monde arabe ; je m’étais heurtée à un mur de scepticisme réprobateur. Prôner la supériorité de sa propre civilisation, et faire preuve, par là même, d’une vulgarité et d’une inculture assez peu dignes de l’image qu’on veut en donner : c’est le paradoxe qu’on avait déjà relevé chez Oriana Fallaci, qui écrivait dans La rage et l’orgueil :
« Derrière notre civilisation il y a Homère, il y a Socrate, il y a Platon, il y a Aristote, il y a Phidias. (…) Alors que derrière l’autre culture, la culture des barbus avec la tunique et le turban, qu’est-ce qu’on trouve ?… »
Eh bien, je ne sais pas, moi… Ça, par exemple…?
Comme on le disait à l’époque, en voilà, un argument hautement « civilisé » : « Dans ma culture il y a plein de génies alors que chez toi il n’y a que des idiots, nana-nè-reu ! » Les civilisations n’ont rien à s’envier les unes aux autres, ni du point de vue des connaissances, ni de celui des valeurs. Comme écrivait le prix Nobel d’économie Amartya Sen :
« Tenter de vendre les droits de l’homme comme une contribution de l’Occident au reste du monde, n’est pas seulement historiquement superficiel et culturellement chauvin, c’est également contre-productif. Cela produit une aliénation artificielle, qui n’est pas justifiée et n’incite pas à une meilleure compréhension entre les uns et les autres. Les idées fondamentales qui sous-tendent les droits de l’homme sont apparues sous une forme ou une autre dans différentes cultures. Elles constituent des matériaux solides et positifs pour étayer l’histoire et la tradition de toute grande civilisation. »
Non seulement le discours des Val et des Fallaci témoigne d’une méconnaissance crasse des autres cultures, mais il néglige aussi le fait que, comme n’a eu de cesse de le rappeler un Edward Saïd, aucune civilisation n’a connu un développement étanche, et toutes se sont constituées par des apports mutuels incessants, rendant absolument vain ce genre de concours aux points.
Défendre la démocratie,
ne serait-ce pas plutôt
refuser la logique du bouc émissaire,
si utile aux démagogues
qui veulent la subvertir à leur profit ?
Par les temps qui courent, raisonner à partir de telles approximations, en se contentant de manier des clichés sans jamais interroger leur adéquation au réel, peut s’avérer rien moins que meurtrier. Il est stupéfiant que, dans un « débat » comme celui suscité par les caricatures danoises, tout le monde pérore en faisant complètement abstraction du contexte dans lequel il se déroule : un contexte dans lequel un certain nombre d’instances de par le monde tentent de dresser les populations les unes contre les autres en les persuadant que « ceux d’en face » veulent les anéantir. En Occident, ces instances sont celles qui tentent de faire du musulman le bouc émissaire de tous les maux de la société, la nouvelle menace permettant d’opérer une utile diversion.
Dès lors, de deux choses l’une : soit on adhère à cette vision, et alors on assume sa participation active à cette construction, avec les responsabilités que cela implique ; soit on la récuse, et on estime que la nécessité de l’enrayer – ou d’essayer de l’enrayer – commande d’observer la plus grande prudence. Laquelle prudence ne signifie pas qu’on est « mou de la bite », mais plutôt qu’on a peu de goût pour les stigmatisations déshumanisantes, sachant à quoi elles peuvent mener. Le courage ne commanderait-il pas plutôt de résister aux préjugés majoritaires, et la véritable défense de la démocratie, de refuser cette logique du bouc émissaire si utile aux démagogues qui veulent la subvertir à leur profit ? Ce qui est sûr, c’est qu’en aucun cas on ne peut se dédouaner en écrivant, comme le fait Philippe Val, que
« si la Troisième Guerre mondiale devait éclater, elle éclaterait de toute façon », et que « l’amalgame entre racisme et critique de la religion est à peu près aussi cohérent que l’était, à l’époque de Franco, l’amalgame entre critique du fascisme et racisme anti-ibérique »
Voilà vraiment ce qui s’appelle jouer au con.
En décembre dernier, toujours pour essayer de faire parler du journal, les caricaturistes de Charlie Hebdo avaient postulé par dérision à la succession de Jacques Faizant. Qu’ils se rassurent, ils ont toutes leurs chances : en matière d’ethnocentrisme rance, ils n’ont déjà plus rien à envier au défunt dessinateur du Figaro. Ils ont seulement un peu modernisé le trait…
p.-s.
Ce texte est paru en mars 2006 sur le site Périphéries. Sur « l’affaire des caricatures danoises », lire aussi Domenico Joze, « Quand des médias caricaturaux pérorent sur des caricatures »
notes
[1] Le Crapouillot fut un journal anticonformiste fondé au début du 20ème siècle, et qui a connu, à partir des années 60, une dérive droitière voire d’extrême droite
[2] E. Hazan, LQR, La propagande du quotidien, Raisons d’agir
[3] 17 janvier 2001
[4] Pour lire cette version, cliquer ici
[5] Le 9 février 2006
[6] Lire l’article d’Alain Gresh, « Bernard Lewis et le gène de l’islam »
[7] Fourest, Wall Street Journal, 2 février 2005
[8] lire « Quand Arte dérape », paru dans Le Courrier, 10 mai 2004
[9] Alain Gresh dans Le Monde Diplomatique de mars
Dans un éditorial du Figaro (19 septembre), « Islamisme : le devoir de réagir » (accessible aux abonnés), Yves Thréard conclut par ces mots : « les pouvoirs publics doivent interdire [les prochaines manifestations], s’interposer, condamner leurs instigateurs », avant de lancer son cocorico : « La France ne peut se laisser marcher sur les pieds. » Et le quotidien titre sur trois colonnes à la « une » : « Les islamistes veulent encore manifester à Paris. »
Paradoxalement, les mêmes qui se mobilisent pour la liberté de la presse et pour Charlie Hebdo appellent à interdire les manifestations des « islamistes ». Rappelons que le petit rassemblement tenu devant l’ambassade des Etats-Unis a regroupé à peine deux cents personnes, pour la plupart de jeunes Français qui ont fini au poste ; qu’il n’y a eu aucune violence. C’est vrai, il n’était pas autorisé. Mais est-ce si grave, au point de justifier ce déferlement médiatique ? N’y a-t-il jamais eu en France des manifestations non autorisées d’ouvriers en grève ou de porteurs de multiples revendications ? Je confesse que ma première manifestation non autorisée a eu lieu en 1965 devant l’ambassade des Etats-Unis justement, sur cette même place de la Concorde, contre les bombardements américains sur le Nord-Vietnam. Elle m’a valu un coup de matraque et m’a coûté une paire de lunettes…
Mais, bien sûr, dans ce cas il s’agit d’« islamistes », terme assez vague pour englober les Frères musulmans et les salafistes, le Hezbollah et Al-Qaida. « Ils » sont donc coupables parce qu’ils sont islamistes, clament ceux-là même qui défendent la liberté d’expression, le blasphème et toute idée iconoclaste. Il est vrai que ces islamistes « menacent Paris d’une nouvelle manifestation », toujours selon Le Figaro. Et le droit de manifester ?
Décidément, la liberté d’expression et de manifestation est à géométrie variable. Charlie Hebdo, qui s’en réclame pour publier de nouvelles caricatures (quel courage !), a viré un de ses dessinateurs vedettes, Siné, sur des accusations mensongères d’antisémitisme. On peut retrouver le dossier dans « Affaire Siné : les points de vue de Charb et Cavanna, historiques de “Charlie Hebdo” » (Le Nouvel Observateur, 27 juillet 2008). Et lire, en particulier, les pitoyables arguments de Charb pour expliquer et justifier le licenciement de Siné.
Ivan Rioufol, dont les chroniques dans Le Figaro et sur son blog sont une défense et illustration des thèmes de l’extrême droite anti-immigrés et islamophobe, explique dans son dernier opus du 19 septembre pourquoi « “Charlie Hebdo” sauve l’honneur de la presse ». Pourtant, même en acceptant l’idée que l’islamisme (au singulier) est une idéologie totalitaire, faut-il interdire « les démonstrations de force, comme celle qui s’annonce sur le Net pour samedi à Paris en défense du Prophète » ? Et pourquoi laisse-t-on un parti comme le Front national, bien plus influent que les quelques groupes radicaux islamistes, s’exprimer librement et sans contrainte ? Qui menace vraiment la démocratie ?
Pour éviter tout procès d’intention, je tiens à dire que l’on ne saurait tolérer des menaces contre quelqu’un qui a usé de la liberté d’expression, même à mauvais escient. Les lois protègent ce droit et il n’est pas question d’accepter leur remise en cause. Même les imbéciles ont droit à la parole…
Mais laissons là l’hypocrisie d’une droite et d’une gauche qui agitent le chiffon rouge de l’islamisme depuis des années à longueur de déclarations et de colonnes de journaux, mais qui n’expliquent pas comment les quelques millions de musulmans (trois, quatre, cinq ; personne ne sait vraiment, parce que personne ne sait définir un « musulman ») pourraient menacer la République, eux qui sont ostracisés, dont une fraction est reléguée dans de lointaines banlieues, qui sont en plus profondément divisés (socialement, politiquement et même religieusement). Dans un pays qui connaît un chômage et une pauvreté de masse, où le gouvernement socialiste accepte les politiques d’austérité, où les riches s’enrichissent, comme il est commode de retourner la colère populaire contre ces gueux, qui ne sont même pas de « vrais » Français. Rappelons que la première mesure prise par la nouvelle majorité socialiste du Sénat avait été une loi contre les nounous voilées…
Le tollé autour de Charlie Hebdo est bien sûr une autre diversion, mais peut-on laisser sans réponse ce type d’attaques ?
Imaginons, en 1931 en Allemagne, en pleine montée de l’antisémitisme, un hebdomadaire de gauche faisant un numéro spécial sur le judaïsme (la religion) et expliquant à longueur de colonnes, sans aucune connotation antisémite, que le judaïsme était rétrograde, que la Bible était un texte d’apologie de la violence, du génocide, de la lapidation, que les juifs religieux portaient de drôles de tenues, des signes religieux visibles, etc. Evidemment, on n’aurait pas pu dissocier cette publication du contexte politique allemand et de la montée du nazisme, et écarter d’un revers de main, comme le fait Charb dans Libération du 20 septembre, les conséquences de telles prises de position.
Nous vivons en Europe la montée de forces nationalistes, de partis, dont l’axe de bataille n’est plus, comme dans les années 1930, l’antisémitisme, mais bien l’islamophobie. Un climat malsain s’est installé et les idées hostiles à l’immigration et particulièrement aux musulmans se répandent dans les formations de droite comme de gauche. Notre ministre de l’intérieur Manuel Valls ne se différencie que peu de son prédécesseur. Bien sûr, tout cela ne prouve pas que l’on est à la veille de la prise de pouvoir du fascisme, et en dehors de quelques illuminés (comme Breivik), personne ne réclame un génocide des musulmans. Mais peut-on faire comme si ces forces n’existaient pas ? Peut-on reprendre le discours et les propositions de ces groupes, accepter le terrain sur lequel ils se placent, sans risques sérieux ?
Je reviendrai dans un autre billet sur la dimension internationale de cette crise.
http://blog.mondediplo.net/2012-09-20-Charlie-Hebdo-la-…-et-l
Quand Charlie Hebdo fait de l’humour…
On lit des fois, chez Wikipédia, d’intéressantes contributions, qui éclairent l’actualité d’une lumière nouvelle.
C’est le cas, par exemple, de celle qui narre que les auteurs des illustrations – et autres infectes « œuvres » – antisémites du Moyen-Âge ne dédaignaient point d’user du « thème du cochon », qui visait « à humilier », puisque, dans la religion juive, « le porc est considéré comme un animal impur et interdit à la consommation selon les lois de la cacherouth ».
On lit là que les productions de ces caricaturistes remplissaient « trois fonctions principales ».
Il s’agissait, d’abord, et « cela supposait déjà des préjugés anti-Juifs chez le spectateur », de « livrer les Juifs à la dérision de la population, tout en faisant allusion à leurs soi-disant comportements typiques ».
Mais aussi – deuxièmement – de « stabiliser ces préjugés en les limitant envers les Juifs », et d’«encourager de façon indirecte des actions contre ceux-ci ».
Et encore, troisièmement : d’« attaquer les Juifs eux-mêmes dans leur propre image religieuse de soi et les blesser intérieurement ».
À cette fin : « Ces caricatures grossières représentaient une intimité entre l’animal et les personnes avec fréquemment des phénomènes de sécrétions et de digestion, visaient une calomnie efficace par une aggravation extrême et symboliquement réduite du message « typique » à faire passer ».
De telle sorte que : « L’obscénité des images conduisait le spectateur à un sentiment de dégoût, de honte et de haine. Ceci avait pour but de dénigrer en public les fidèles de la religion juive de façon particulièrement humiliante, et à les exclure de la communauté des humains. »
Cette imagerie médiévale montrait, dans la plupart des cas – il convient d’y insister un peu –, « un cochon en contact intime avec des gens. Les figures humaines » étaient « très identifiables » et portaient « des indices permettant d’identifier les Juifs, tels que le chapeau juif de l’époque ».
Dans certaines de ces représentations : les Juifs caricaturés chevauchaient un « cochon à l’envers, avec le visage tourné vers l’anus de » l’animal, « et recevant en plein visage l’urine qui gicle ».
Dans d’autres variantes : « Ils enlaçaient et embrassaient le cochon ».
Ainsi, « pour le spectateur, l’image suggérait que les Juifs, en faisant ces choses repoussantes, n’étaient plus des êtres humains, mais d’une espèce voisine de celle du cochon. Cela leur déniait la dignité d’homme. »
Par la suite – dans de plus tardives époques : la tradition de ces abjectes caricatures s’est renforcée.
Et bien sûr : les nazis l’ont perpétuée – dans les pages, notamment, de l’hebdomadaire Der Stürmer, qui ne dédaignait point d’user, pour mieux diffuser son venin antisémite, de la « pornographie » et des « caricatures ».
Aujourd’hui, ces atrocités tombent évidemment sous le coup de la loi, qui les punit sévèrement (1).
MAIS HEUREUSEMENT, IL RESTE LES MUSULMANS : ÇA SERAIT QUAND MÊME DOMMAGE, QUE CHARLIE HEBDO NE PUISSE PLUS FAIRE D’HUMOUR…
Massacres quotidiens en Syrie, fermetures d’usines en France, peu importe, les médias en rajoutent chaque jour une couche pour stigmatiser les musulmans et l’Islam.
Dans Charlots-Hebdi, un dessin de Luz, en page deux, s’en prend, non à des extrémistes, mais à l’Islam, comme Houellebecq, Breivik, Fourest, Camus(Renaud), Richard Millet, le FN, Riposte laïque, la « gauche » laïcarde ou les Identitaires.
La bulle de Luz dit: « Les nominés pour le meilleur film antimusulman sont…« .
Quant au directeur, Charb,, qui a pris la place de Siné, il ment comme il respire, écrivant ceci:
« Caroline Fourest n’a pu s’exprimer parce que des fachos beuglant ‘Fourest, raciste, dégage!’, l’en ont empêché.« .
Certes, la liberté d’expression existe et doit être défendue, même quand elle conduit à exprimer des conneries.
Aucune religion n’a le droit, dans nos contrées, de se mettre à l’abri de la critique, derrière le « sacrilège » ou le « blasphème« , (sauf, il faut le rappeler aux commentateurs de la France de l’intérieur, en Alsace-Moselle!).
Mais on voit bien que la cible préférentielle des caricaturiste est plus l’Islam que les autres religions du Livre.
Et ceci au moment où, depuis des années, depuis un certain 11 septembre, cette idéologie a été désignée comme « le mal » dans une criminelle « guerre des civilisations« , prenant la succession, dans la série des boucs émissaires, au communisme, et sur un autre plan aux Juifs.
On doit s’étonner qu’une manifestation, non déclarée, de 200 personnes, ait été si violemment réprimée à Paris la semaine dernière, les deux tiers des participants ayant été interpellés.
Et ça risque de recommencer ce samedi. Même une manifestation déclarée régulièrement au Trocadéro est interdite. Que devient, avec les « socialistes » la liberté de manifester?
Quant au premier ministre Jean-Marc (Z) Airault, après avoir sèchement justifié l’interdiction, il se ridiculise en déclarant qu’il n’y a « pas de raison qu’on laisse dans notre pays venir des conflits qui ne concernent pas la France.« .
Ah bon? La France compte plusieurs millions de musulmans, français ou étrangers, mais elle serait un îlot dans la mondialisation de l’information?
Comme disait autrefois, Raymond Cartier, en une de Paris-Moche, « La Corrèze avant le Zambèze!« ?
Il y a de quoi rigoler, plus qu’en lisant Charlots-Hebdi, en voyant les incroyables précautions prises à l’étranger pour « nos » ambassades, consulats et écoles. Ah, on peut dire qu’ils sont très forts les ennemis de la France. Mais rassurez vous, on n’ira pas bombarder l’Arabie saoudite. Ce sont « nos » alliés…
Les médias décidément nous feront toujours rire, comme dans cet article, non signé, probablement de l’AFP, qu’on trouve en page 3 des DNA, ou l’ex « très controversé intellectuel musulman Tariq Ramadan« , s’est transformé tout à coup en » l’influent intellectuel Tariq Ramadan« !
Aucun miracle là-dessous, ni auto-critique des médias psittacistes, seulement le contenu de sa déclaration selon laquelle il ne « fallait absolument pas manifester« …
Comme quoi, il y a un bon usage des intellectuels musulmans, même les plus contestés…
http://la-feuille-de-chou.fr/
Il est difficile de se positionner et surtout de réagir face aux nouvelles caricatures de Charlie Hebdo. Tout d’abord les nouvelles caricatures sont bel et bien différentes des dernières caricatures publiées. Les dernières étaient racistes, assimilant toutes les personnes musulmanes à des terroristes. Cette fois, les caricatures (en tous cas celles que j’ai pu voir) semblent plutôt être insultantes.
Doit-on censurer des caricatures racistes ou insultantes ? Non, non et encore non, pour moi la liberté d’expression n’a aucune limite mais nous devons refuser le deux poids, deux mesures actuel. Il y a bien aujourd’hui des limites à la liberté d’expression. Légalement on interdit d’avoir des propos négationnistes, xénophobes ou homophobes aujourd’hui. Et il n’y a pas que ces sujets qui sont censurés..
En 2002, le président Sarkozy n’a t-il pas mené une bataille de 10 ans contre le groupe de rap la Rumeur pour censurer l’une de leurs chansons sur la police ? En 2007, trois rappeurs sont passés en procès à Bobigny pour « injures » avec une amende de 1000 à 3000 euros à la clé. En novembre 2005, le député UMP François Grosdidier porta plainte contre divers groupes de rap français en invoquant leur caractère d’incitation au racisme et à la haine. Les groupes concernés sont : Monsieur R, Smala, les groupes Lunatic (dissou), 113, Ministère Amer (dissou) et les chanteurs Fabe (retiré du rap) et Salif. La censure peut aussi prendre d’autres formes comme la mise à l’écart légitime de Dieudonné depuis quelques années. Est-ce que l’actrice Véronique Genest sera aussi mise à l’écart après avoir tenu des propos islamophobes dans la presse ces derniers jours ? Nous en doutons fortement…
Ce sont souvent les mêmes personnalités et journaux qui s’auto-proclament protecteurs de la liberté d’expression. Elisabeth Levy, Alain Finkielkraut, Caroline Fourest ou Zemmour passent leur temps à dénoncer le danger que représentent les musulmans pour la liberté d’expression, mais ils étaient les premiers à demander la censure de nombreux rappeurs. Caroline Fourest a porté plainte contre les Indivisbles pour avoir reçu un « Y’a bon award », prix humoristique récompensant des « propos, dispositifs, idées, visuels et lois racistes de tous horizons ». C’est aussi elle qui a fait une chronique où elle s’est dite outrée par le plus grand des blasphèmes : une horde de maghrébins a hué l’hymne national français lors d’un match de football. Par contre, elle a oublié d’être outrée de la même manière quelques mois auparavant lorsque des supporters franco-portugais ont hué l’hymne français lors d’un match France-Portugal. Depuis 2010, l’outrage au drapeau français en public ou en privé est passible d’une amende de 1500 euros après la polémique sur une photographie, primée lors d’un concours à Nice montrant un homme s’essuyant le postérieur avec le drapeau français.
Oui, la liberté d’expression ne devrait avoir aucune limite. Il n’y a donc aucune raison de trouver si bizarre que les personnes caricaturées décident de s’exprimer et se mobiliser. Ils usent du même droit à la liberté d’expression. C’est pour cela que face au racisme, j’en appelle à la liberté d’expression et d’action. Oui, l’extrême droite a le droit de manifester mais nous avons le droit d’organiser une contre-manifestation. On a même le droit d’essayer d’empêcher leur départ. On a donc aussi le droit d’essayer d’empêcher Charlie Hebdo de diffuser les premières caricatures racistes en bloquant les camions par exemple. N’a-t-on pas essayé de saboter la diffusion du premier loft story sur M6 en bloquant les entrées avec des ordures, en balançant des objets dans le loft etc… Aujourd’hui Manuel Valls empêche les manifestations contre des caricatures insultantes d’avoir lieu. Il y a encore bel et bien un deux poids deux mesures à la liberté d’expression.
Je vais tout de même terminer mon coup de gueule en saluant le courage de Charlie Hebdo. Le courage de faire revivre les caricatures antisémites de l’avant-guerre en changeant juste la population visée. Les caricatures antisémites de l’époque remplissaient « trois fonctions principales ». Il s’agissait, d’abord, et « cela supposait déjà des préjugés anti-Juifs chez le spectateur », de « livrer les Juifs à la dérision de la population, tout en faisant allusion à leurs soi-disant comportements typiques ». Mais aussi – deuxièmement – de « stabiliser ces préjugés en les limitant envers les Juifs », et d’« encourager de façon indirecte des actions contre ceux-ci ». Et encore, troisièmement : d’« attaquer les Juifs eux-mêmes dans leur propre image religieuse de soi et les blesser intérieurement ». Tristement d’actualité..
Avoir du courage politique, c’est s’attaquer aux personnes de pouvoir. Personne n’a oublié le renvoi du caricaturiste Siné du Charlie Hebdo pour avoir fait un petit texte humoristique, soi disant antisémite, sur le fils de Sarkozy. Charlie Hebdo ne s’attaque pas aux dirigeants ou aux organisations d’extrême droite musulmanes, il décide de s’attaquer à toute la population musulmane. Qu’est-ce qu’on aurait dit si on avait caricaturé tous les « occidentaux » comme étant des Breivik ? Le voile dans les écoles, la burka, le prix de la circoncision pour la sécurité sociale, le hallal, les prières de rue… tant de sujets qui permettent aux politiques de masquer les réels problèmes socio-économiques… Charlie Hebdo joue la surenchère sur la guerre des civilisations, nous faisant craindre les barbus qui demain attaqueront nos démocraties… Mais aujourd’hui qui attaque qui ? Qui a attaqué l’Iraq et l’Afghanistan ? Qui colonise la Palestine ? Qui appauvrit les pays du Sud ?
Ces caricatures insultantes ne sont-elles pas finalement le prolongement des caricatures racistes d’il y a quelques années ? On doit donner la possibilité à ceux qui se sentent insultés de réagir. Et c’est notamment le rôle de toute la gauche de réagir. On ne peut accepter que des camarades musulmans soient insultés de manière permanente car nous devons travailler à l’unité, lutter contre le racisme et empêcher les musulmans blessés de rejoindre le camp de la réaction.
Coup de gueule
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article130201
Après les caricatures danoises et le spécial « Charia Hebdo », « Charlie Hebdo » publie de nouvelles caricatures de Mahomet et de musulmans. Pour Pascal Boniface, directeur de l’Iris, le journal a définitivement abandonné sa tradition libertaire au profit d’une ligne « beauf-raciste ».
Le principe de liberté fondamentale de caricature ne se discute pas, il faut l’affirmer clairement. Le nouveau numéro de « Charlie Hebdo » offre néanmoins l’occasion de s’interroger sur (au moins) deux dimensions dans les choix de sa rédaction.
1- Le moment choisi : de l’opportunisme
Dans le contexte actuel – des manifestations dans le monde musulman contre un film anti-islam, une ambassade américaine incendiée et des diplomates tués –, « Charlie Hebdo » fait de la pure provocation. Il joue à la fois sur la peur des Français non musulmans et sur celle des musulmans, qui craignent la stigmatisation et la prise à partie.
Il est important de préciser que les récentes manifestations violentes ne concernent que quelques centaines d’individus et sont condamnées par les gouvernements, y compris ceux issus des Frères musulmans. Elles sont le fruit d’une minorité d’excités, qui ne représentent en rien l’ensemble des musulmans. Il faut se garder de tout amalgame entre cette image minoritaire et déformée de l’islam et la réalité. Or le numéro de « Charlie Hebdo » de cette semaine fait tout l’inverse et participe à l’amalgame.
Le moment me semble donc particulièrement mal choisi, « Charlie Hebdo » aurait pu faire ce type de numéro dans une période plus calme. Tout ça ne va pas faciliter la tâche de nos diplomates à l’étranger et il faut souhaiter que nos ambassades ne soient pas prises à partie.
Si le moment est mal choisi, il est bien sûr très opportun pour l’intérêt commercial de « Charlie Hebdo ». Ce journal sait que quand on tape sur l’islam, on vend du papier. L’intérêt est donc bien plus commercial qu’une recherche de liberté.
2- Absence de courage et fin de la tradition libertaire
Il est très différent de se moquer de la mort de De Gaulle dans une France gaulliste, où l’opposition était faible et la liberté de la presse pas aussi conséquente qu’aujourd’hui, et se moquer de nos jours des musulmans, qui ne sont pas en position de pouvoir en France, n’ont pas d’appuis dans la presse, sont montrés du doigt et connaissent des difficultés d’intégration. Autrement dit, ce n’est pas la même chose de taper sur le fort ou sur le faible. Le premier cas de figure relève du courage, pas le second.
Les vrais dissidents ne tapent pas sur les faibles, mais sur les puissants. Là est le courage.
De plus, si « Charlie Hebdo » a des soucis à la suite de ce numéro, la rédaction est certaine de bénéficier de la solidarité des autres médias. Si l’on mesure les risques et avantages, la balance est vite faite.
Notons au passage que c’est en tapant sur l’islam qu’il a obtenu une reconnaissance institutionnelle dans les médias traditionnels et au sein de la classe politique. De journal un peu dégoutant et méprisé par ces catégories, il a acquis respect et bienveillance par ce biais-là.
La tradition libertaire de « Charlie Hebdo » appartient depuis plusieurs années déjà au passé du journal, qui joue maintenant à fond la carte « beauf-raciste ». Il ratisse ainsi un nouveau type de lectorat, bien éloigné à mon avis des libertaires du début.
Quelle critique ?
« Charlie Hedbo » est multi-récidiviste contre les musulmans. En 2006, il avait publié les caricatures danoises de Mahomet. En 2011, sorti un numéro spécial « Charia Hebdo », suivi d’un attentat contre leurs locaux (voir à ce sujet mon billet « Charlie Hebdo, pas islamophobe, simplement opportuniste et faux-cul »). Cela leur avait permis de se faire inviter au Festival de Cannes et à l’Elysée, summum de la dissidence.
Si « Charlie Hebdo » est à nouveau pris à partie, il pourra se délecter de dire : « On vous avait prévenu que c’était des fous ». C’est un cercle vicieux qu’il ne faut surtout pas entretenir.
Le pire service à rendre à ce journal serait qu’un acte violent soit commis contre lui. Il faut donc opter pour la critique politique.
Il faut faire tomber les masques et dire que « Charlie Hebdo » est devenu journal populiste et non plus libertaire. Il n’y a rien de courageux à taper sur les musulmans en France à notre époque.
L’argument mis en avant par rédaction est celui de la liberté d’expression, l’objectif réel est de relancer les ventes en baisse du journal, en faisant des coups réguliers contre les musulmans.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/628627-charlie….html
Copé, le MRAP et le racisme anti-Blancs
par Alain Gresh
Lors de son congrès du 30 mars-1er avril, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), une organisation qui avait été tout au long de son histoire à l’avant-garde du combat contre les discriminations, adoptait un texte surprenant :
« Promouvoir des identités artificielles et “uniques”, qu’elles soient nationales, religieuses, ethniques ou raciales, conduit inéluctablement au racisme. Ces enfermements identitaires émanent des groupes dominants, mais se reproduisent dans les groupes dominés : le racisme anti-blanc en représente un avatar. Le MRAP le condamne à ce titre d’autant plus qu’il apporte une inacceptable et dangereuse non-réponse aux méfaits et aux séquelles de la colonisation. »
Cette référence au « racisme anti-Blancs », une première pour l’organisation, suscitait une réponse sur le site Rue 89, « “Racisme anti-blanc” : le texte du MRAP “préoccupant” ». Les signataires notaient :
« L’emploi de manière a-critique d’une telle notion, comme si elle allait de soi, soulève en effet nombre de problèmes. Sans en faire la généalogie, comment toutefois ne pas tenir compte des conditions dans lesquelles elle est apparue en France dans le lexique politique, portée par les mêmes personnalités qui n’ont eu de cesse depuis quelques années de stigmatiser l’immigration et les populations des quartiers populaires ?
Comment ne pas voir que la notion de “racisme anti-blanc” a émergé dans le débat politique français pour inverser les rapports de responsabilité : la “victime” ne serait plus l’immigré ou le descendant d’immigrés mais le Blanc, inversion que l’on peut exprimer d’une autre manière ; si l’hostilité à l’immigration progresse, c’est la faute aux immigrés, ou encore : si les immigrés vivent et travaillent dans de terribles conditions, eh bien, c’est de leur faute. »
Le MRAP répondait dans une tribune « Non à la racialisation de la société française ! » :
« Si le MRAP ne fait qu’évoquer le racisme anti-Blancs comme l’une des composantes du racisme, les signataires du texte font, par contre, de la “non-existence du racisme contre des blancs” un élément déterminant de leur pensée.
Ce qui implique, selon leur logique, que seul le blanc peut être raciste et seuls les non-blancs peuvent être victimes de racisme. C’est là une réécriture raciale du racisme et cela entre en contradiction avec les fondamentaux du MRAP qui lutte contre tous les racismes. »
Cette argumentation du MRAP est pour le moins curieuse. Qu’il existe, dans tous les groupes de la société, des préjugés à l’égard de l’Autre n’est pas nouveau ; que puissent dominer des visions essentialistes plus ou moins dangereuses, plus ou moins répandues (les juifs sont riches ; les Bretons sont têtus ; les Auvergnats sont avares ; les roms sont des voleurs, etc.) non plus. S’il faut combattre ces préjugés, on ne peut les mettre sur le même plan qu’un système organisé d’oppression d’une catégorie de la population.
Le MRAP s’est illustré au cours de l’histoire, notamment durant la lutte contre la ségrégation aux Etats-Unis. Aurait-il été imaginable, à l’époque, qu’il dénonce « le racisme anti-Blancs » chez les Noirs ? Bien sûr, il existait à l’époque des visions racistes aussi chez les Noirs.
Le MRAP s’est aussi illustré dans la lutte contre l’apartheid. Aurait-il été imaginable, à l’époque, qu’il dénonce « le racisme anti-Blancss » qui existait dans les townships ?
Il ne s’agit pas, quand on dénonce le racisme dans tel ou tel pays, d’évoquer les préjugés des uns ou des autres, mais un système de domination et d’oppression. C’est ce que le MRAP semble avoir oublié.
Ce thème du racisme anti-Blancs est celui de l’extrême droite, suivie désormais par la droite traditionnelle. L’article de Wikipedia consacré au sujet offre quelques informations intéressantes :
« En 1983, l’écrivain Pascal Bruckner avait déjà utilisé le terme de “racisme anti-Blancss” dans son livre Le Sanglot de l’homme blanc. Mais selon le Dictionnaire de l’extrême droite du psychosociologue Erwan Lecoeur, la notion de “racisme anti-Blancs” aurait été introduite à l’origine par l’association d’extrême-droite, l’AGRIF, au côté de termes comme “racisme antifrançais” et “racisme antichrétien”. D’après cet ouvrage, l’emploi de ces notions s’inscrit dans une stratégie de “retournement victimaire” contre l’antiracisme pour “sortir du piège de l’accusation récurrente de racisme” et “la retourner par tous les moyens possibles”. La notion a été largement propagée et instrumentalisée par l’extrême droite (notamment dans le sillage de la nouvelle droite), en réponse à l’émergence du thème de l’antiracisme. Jean-Marie Le Pen le leader du FN affirmait à ce propos :
“L’antiracisme, instrument politique d’aujourd’hui, comme le fut l’antifascisme avant guerre n’est pas un non-racisme. C’est un racisme inversé, un racisme antifrançais, anti-Blancs, antichrétien” »
Mais, le plus inquiétant, est que certains intellectuels aient aussi rejoint ce combat.
« Un certain nombre de personnalités de gauche comme Ghaleb Bencheikh, Alain Finkielkraut, Bernard Kouchner et Jacques Julliard ont lancé, le 25 mars 2005, un Appel contre les “ratonnades anti-Blancss”, appel soutenu et relayé par le mouvement sioniste de gauche Hachomer Hatzaïr et la radio communautaire juive Radio Shalom. L’appel formulait le problème en ces termes :
[A]ujourd’hui les manifestations lycéennes sont devenues, pour certains, le prétexte à ce que l’on peut appeler des “ratonnades anti-blancs”. Des lycéens, souvent seuls, sont jetés au sol, battus, volés et leurs agresseurs affirment, le sourire au lèvres : “parce qu’ils sont Français”. Ceci est un nouvel appel parce que nous ne voulons pas l’accepter et parce que, pour nous, David, Kader et Sébastien ont le même droit à la dignité. Écrire ce genre de textes est difficile parce que les victimes sont kidnappées par l’extrême droite. Mais ce qui va sans dire, va mieux en le disant : il ne s’agit pas, pour nous de stigmatiser une population quelle qu’elle soit. À nos yeux, il s’agit d’une question d’équité. On a parlé de David, on a parlé de Kader mais qui parle de Sébastien ? »
C’est là le plus grave. Désormais, ce concept de racisme anti-Blancs a largement dépassé les frontières de la droite et gangréné une partie de la gauche. Le texte du MRAP reflète cette dérive.
Cette vision reçoit un appui de poids avec Jean-François Copé qui décide, à son tour, de « briser un tabou » (« Copé et le “racisme anti-blanc” : Hortefeux et NKM parlent de “tensions””, lemonde.fr, 26 septembre). http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/09/26/cope….html
« Jean-François Copé, candidat à la présidence de l’UMP, a anticipé la polémique : il dit lui-même vouloir “à dessein” “briser un tabou” en dénonçant l’existence d’un “racisme anti-blanc” dans certains quartiers difficiles, dans son livre Manifeste pour une droite décomplexée (Fayard), dont Le Figaro Magazine, à paraître vendredi, publie des extraits. »
http://blog.mondediplo.net/2012-09-26-Cope-le-MRAP-et-l…lancs
Tu es musulman, Mohammed.
Déjà : c’est pas une très bonne idée, par les temps qui courent – avec tous ces salafistes. Mais : admettons. Après tout : on a tous nos petites manies.
Le problème vient de ce que, non content d’être musulman – et comme si vraiment tu cherchais à te faire remarquer : tu souhaites des fois organiser des manifestations.
Mauvaise pioche : ça va pas du tout être possible.
Parce que bon, la liberté d’expression, c’est bien joli, tant que ça consiste à dégueuler tous les matins sur l’islam.
Mais il ne faut pas non plus en abuser : ce n’est pas comme si nous allions tolérer que des mahométans expriment publiquement – dans un odieux happening communautariste – qu’ils en ont un peu ras le Coran d’être quotidiennement détestés par des cons.
On est républicains, nous, Mohammed. Donc : responsables. Voltaire, d’accord, mais pas plus d’un comprimé par jour. (C’est pour ça qu’on a mis monsieur Valls au ministère de l’Intérieur – et force est de constater qu’il s’acquitte de sa tâche avec un dévouement qui ne s’était plus vu depuis la fin du règne de son prédécesseur.)
Par conséquent : samedi dernier, la préfecture de police (PP) t’a interdit de manifester devant la Grande mosquée de Paris, où tu prétendais – ton arrogance défie l’entendement – dire un peu nettement ton refus de te laisser jour après jour ensevelir sous des tombereaux de guano.
Mesure nécessaire, mais insuffisante – car les mahométans sont, chacun le sait, d’une fourberie qui les prédispose à contourner les prohibitions.
Par un surcroît de précaution qui doit être mis au crédit de son exemplaire vigilance : la police a donc raflé, sur la place du Trocadéro, les musulmans d’apparence.
Les musulmanes, surtout, facilement reconnaissables au fichu qu’elles se chiffonnent sur la tête – n’importe quoi, les pauvres femmes, et pourquoi pas un voile, tant qu’on y est ?
C’était chouette : on se serait cru au Chili, circa l’automne 73. (La veille, la Pen avait demandé l’interdiction du port du foulard dans l’espace public : elle a quand même du être vachement contente que monsieur Valls obtempère si promptement.)
Et donc, Mohammed, je veux croire que tu as compris le message du gouvernement « socialiste » : les manifs, pour toi, c’est fini. Verboten. T’as qu’à pas être si muslim, putain de provocateur.
Tu serais plutôt néo-fasciste, par exemple ?
Là, oui : tu aurais ta chance.
Après-demain, tiens : les Jeunesses nationalistes ont prévu de défiler à Paris, place de la République, « contre les zones de non-droit et le racisme anti-blanc ». (Sait-on jamais : peut-être que monsieur Copé, qui veut lui aussi briser le tabou de la whitophobie, se joindra à leur joyeux cortège ?)
Les mecs viendront, c’est à parier, avec leur banderole, frappée de leur « emblème » : un « aigle d’or tenant dans ses serres » leur « oriflamme noir et or », symbole « de beauté, de force, de grandeur et de prestige ». (Ça te rappelle rien, Mohammed ?)
Et si ça se trouve : leur chef prononcera, comme il fait parfois, un crâne discours, pour dénoncer la « propagande démocratique et mondialiste », et pour défendre la France contre les « hordes » d’étrangers musulmanisés qui lui souillent la « grandeur ». (Là, Mohammed, je crois que c’est de toi qu’il parle.)
Leur chef, tu en as peut-être entendu parler : c’est Alexandre Gabriac.
Il était naguère chez la Pen – où il candidatait sous la flamme tricolore.
Mais elle l’a viré, après que le site du Nouvel Observateur avait diffusé une photo de quand il avait une crampe au bras droit .
Est-ce que la PP a interdit ce défilé ?
Point du tout : elle «ne s’est pas encore prononcée» – huit jours après qu’elle t’a refusé, à toi, le droit de manifester.
Je serais toi, Mohammed, j’en tirerais l’évidente conclusion qu’il me faut changer de convictions.
Plutôt que de te sédimenter dans ta foi mahométane : tu devrais me raser cette vilaine barbe et te laisser pousser un brassard faf.
Plutôt que de t’irriter (vainement, puisqu’elles continuent et redoublent) des saloperies dont la presse dominante (liste non exhaustive) te gratifie journalièrement : tu devrais apprendre à vomir la démocratie mélangée.
Parce que si tu restes musulman sous régime « socialiste », Mohammed – je préfère t’en prévenir : ça te sera difficile de te réunir à plus d’un. (Car on sait, place Beauvau, et d’assez longue date, que dès que vous êtes plusieurs, vous autres : il y a des problèmes.)
Alors que si tu te convertis au néo-fascisme : tout devient possible.
À bon entendeur, mon frère.
http://www.bakchich.info/societe/2012/09/27/mets-ton-br…61722