Il ne s’agit pas seulement d’une question de divergences avec la confédération CFDT. Elles pourraient s’exprimer librement et être prises en compte dans une organisation syndicale démocratique. Il s’agit de désaccords de fond avec une confédération CFDT qui a fait le choix d’abandonner les revendications syndicales, d’accepter le carcan des règles économiques libérales, de rompre l’unité d’action, de s’affronter à un mouvement social d’une ampleur historique défendant un des principaux acquis sociaux obtenus par les salarié(e)s : les retraites ! La CFDT a franchi la ligne jaune. Elle a renchéri avec ses critiques envers le régime de retraite des cheminot(e)s, avec le soutien à la réforme du régime d’assurance chômage des intermittents, puis récemment – comme présidente de l’UNEDIC – avec la décision de diminuer les allocations chômage versées aux chômeurs(ses). Son soutien, de fait, à la politique d’un gouvernement ouvertement ultra-libéral en dit long sur la dérive confédérale.

Est-il encore possible d’afficher une étiquette CFDT pour défendre les salarié(e)s, pour les organiser de manière autonome face aux gouvernements et au patronat, pour résister à la concurrence, au libéralisme qui font des dégâts dans les transports, pour lutter contre les inégalités, conjointement avec tous les “sans droits” générés par le système capitaliste (chômeurs-ses, sans papiers, sans logement, …), pour essayer de construire une société plus juste, bref, pour pratiquer le syndicalisme auquel nous croyons et que nous voulons développer ? Nous ne le pensons pas. Mais quitter la CFDT, pour nous, ne doit pas conduire à abandonner le combat syndical. Pour les nombreux syndicats, les collectifs, les militant(e)s CFDT partie prenante de cette démarche, il s’agit de pouvoir le mener ailleurs. Dans une organisation syndicale proche qui souhaite cette arrivée tant localement que nationalement, il sera possible de faire partager idées et expériences dans un processus d’enrichissement commun, indispensable à un syndicalisme rénové, revivifié, reprenant toute sa place et son rôle de défense des intérêts immédiats des travailleurs(ses) et de transformation sociale. CGT, FO, UNSA, CFDT-en colère, FSU, G-1O-Solidaires (Sud), nous nous sommes retrouvé(e)s côte à côte dans la mobilisation sur les retraites. Ce camp de la mobilisation s’est affronté à celui du patronat allié à la CFDT.

Elles peuvent rejoindre Sud-Rail

Si nous nous accordons sur une démarche d’intégration des syndicats, collectifs, adhérent(e)s CFDT-cheminots dans Sud-Rail c’est pour des raisons essentielles : elles sont fondées sur la politique syndicale, le type de syndicalisme que nous pratiquons et voulons développer ; elles doivent se traduire, en terme de fonctionnement, par des mesures répondant à la situation particulière que nous rencontrons et respectant les principes démocratiques que nous défendons. Deux principes essentiels guident l’ensemble de notre démarche :
– Elle se situe dans la perspective de la recomposition syndicale plus globale qui nous paraît nécessaire pour lutter efficacement contre le libéralisme. En ce sens, Sud-Rail nous parait l’outil le plus approprié aujourd’hui. Le renforcement actuel de cette organisation au-delà des seul(e)s “ex-CFDT” est un signe encourageant. Pour autant, il s’agit bien d’un mouvement en marche et il n’est pas question de se renfermer sur la défense d’un sigle, d’une organisation en tant que telle car c’est la pertinence de l’outil collectif qui prime.
– Nous refusons les tractations secrètes, sources d’incompréhensions ultérieures. Elles ne correspondent pas au syndicalisme que nous voulons pratiquer. C’est pourquoi nous nous sommes toujours exprimé(e)s publiquement sur cette question concernant tous les salarié(e)s.

Le syndicalisme que nous voulons

Peu de choses différencient les deux cahiers revendicatifs des deux organisations que nous avons contribué à construire, CFDT-cheminots et Sud-Rail. Par exemple nous est commune, la revendication fondamentale des “augmentations des salaires en sommes uniformes”, revendication emblématique qui traduit une même conception du partage des richesses comme base essentielle de toute vraie réforme sociale. Cette proximité n’est pas le fruit du hasard. La création de Sud-Rail, issue de la CFDT-cheminots, ne s’est pas effectuée contre les positions politiques de la FGTE/CFDT mais parce que des équipes syndicales CFDT pensaient qu’il n’était plus possible d’arrêter la dérive de la confédération CFDT. La rupture organisationnelle ne s’est pas accompagnée d’une rupture sur les revendications. Ce n’est pas un hasard si la CFDT-cheminots et Sud-Rail ont été les seules fédérations syndicales à condamner, dès le début, la création de RFF, alors que d’autres hésitaient entre soutien total ou critique.

D’autres exemples montrent que la CFDT-cheminots et Sud-Rail se sont souvent rencontrées dans des pratiques communes, notamment dans les mobilisations contre la mondialisation libérale (Forums Sociaux Européens, ATTAC, …), aux côtés des sans-papiers, des associations de chômeurs(ses), etc. Preuves que nos deux organisations défendent des valeurs identiques et dépassent le catégoriel, le corporatisme. Le combat contre le racisme et l’extrême droite appartient à nos valeurs communes. Il ne faut pas baisser la garde. Réunir les salariés, combattre le racisme et les idées du FN dans l’entreprise font partie intégrante de notre activité syndicale. L’appartenance à nos structures est incompatible avec l’adhésion à des idées d’extrême droite. Plus souvent encore, nos militant(e)s sont ensemble sur le terrain, pour défendre les revendications des cheminot(e)s. Bien sûr il y a des difficultés ; il ne faut ni chercher à les gommer, ni les surestimer. La plupart sont la conséquence de la façon dont Sud-Rail s’est créée, en rencontrant, pour Sud-Rail, l’opposition des autres organisations, et en vivant, à la CFDT-cheminots, impliquée dans une construction fédérale FGTE, les départs comme un affaiblissement de son combat contre la confédération CFDT ; ce qui laisse des traces, ce qui a produit des dérapages sectaires réciproques. Il est plus important de chercher à les comprendre, à les dépasser qu’à les ruminer sans fin.

L’intégration collective des équipes syndicales cheminotes CFDT à Sud-Rail est l’occasion de dépasser le passé. Cette intégration est un enjeu majeur. Par la dynamique que cela créera, l’impact en dépasse le cadre de nos seules équipes syndicales. Cela donne des responsabilités aussi bien aux équipes venant de la CFDT qu’à celles déjà à Sud-Rail dans la mise en œuvre de l’intégration pour qu’elle soit un succès. Plus fondamentalement, l’intégration réussie de milliers de militant(e)s CFDT dans Sud-Rail sera un apport inégalé depuis la création de Sud. La mise en commun de nos pratiques, de nos méthodes de travail aura des conséquences sur le paysage syndical à la SNCF. Ce choix d’intégrer Sud-Rail plutôt que de créer une neuvième organisation syndicale à la SNCF est une volonté affirmée de refuser l’éparpillement syndical, en rassemblant nos forces respectives pour défendre les revendications des cheminot(e)s et des salarié(e)s des activités ferroviaires dans leur ensemble (nettoyage, CE/CCE, filiales, …).

A la SNCF, des divergences demeurent, notamment sur la question de l’appréciation de l’accord 35 heures. La CFDT elle-même était divisée lors de la signature de l’accord. Ensuite, cet accord approuvé majoritairement par les adhérent(e)s, toutes les équipes CFDT-cheminots ont cherché à négocier au mieux pour les cheminot(e)s ses déclinaisons locales ou régionales. Après un même processus démocratique interne, Sud-Rail a rejeté très majoritairement cet accord, a lutté pour tenter d’imposer une meilleure application des 35 heures. Avoir eu des avis divergents ne saurait être une obstruction pour un regroupement dans une organisation qui est démocratique. D’autant que sur nombre de dossiers nous nous retrouvons, depuis des années :
– Contre la libéralisation du secteur ferroviaire, tant à l’échelle européenne que française, nous nous opposons à l’éclatement de la SNCF, à la gestion par activités, à la filialisation de multiples domaines, à toute précarisation de l’emploi. Le combat syndical doit aussi se mener à l’échelle internationale ; c’est pour nous incontournable. Sur ce plan, le modèle de syndicalisme incarné par la CES ne nous convient pas, mais cela ne retire rien à l’importance d’une structuration syndicale européenne qui puisse peser face aux gouvernements et institutions européens et qui coordonne les luttes, en impulse au plan international. Un débat est en cours dans Sud-Rail sur l’action syndicale européenne. Depuis des années Sud-Rail travaille avec des organisations syndicales au plan européen, certaines sont membres d’ETF, d’autres non. Le Bureau Fédéral est mandaté pour renouveler la demande d’adhésion à ETF, en espérant que cette fois-ci aucune organisation syndicale française ne mette son veto.
– Nous sommes fermement attaché(e)s à la démocratie. Dans les luttes, nous privilégions les assemblées générales représentatives et recherchons l’unité syndicale.. De même, nous sommes persuadé(e)s qu’il n’y a pas, a priori, des formes d’action à rejeter, d’autres à porter aux nues.
– Plus globalement, nous réaffirmons notre volonté d’articuler action syndicale et projet de transformation sociale, ce qui, dans une période où le patronat est à l’offensive et où se multiplient les mouvements sociaux, est plus que jamais indispensable.
– Notre volonté commune de prendre en compte les aspirations des salarié(e)s rend indispensable un cadre interprofessionnel. Indépendant des pouvoirs et partis politiques, mu par une volonté de transformation sociale, ce syndicalisme est à construire. C’est le sens de notre combat permanent pour une recomposition syndicale. De grandes difficultés sont rencontrées pour satisfaire cette exigence. Difficultés dues au cadre légal qui favorise les confédérations “établies” indépendamment de leur représentativité locale ou sectorielle, crispations de chaque organisation syndicale autour de “son outil”, faiblesse des mobilisations sociales trop souvent, faible taux de syndicalisation, etc. Mais l’objectif est d’actualité.
– Les équipes CFDT-cheminots et Sud-Rail tiennent à ce que, dans la gestion des activités sociales des cheminot(e)s, les salarié(e)s des CE et du CCE ne soient pas une main d’œuvre méprisée ou une variable d’ajustement. Il ne suffit pas de se réclamer d’un syndicalisme interprofessionnel ; encore faut-il défendre tous les salarié(e)s, notamment celles et ceux qui sont les plus proches, par exemple pour ce qui nous concerne dans les CE/CCE ou la sous-traitance.
– La dotation aux activités sociales s’avère insuffisante et, de ce fait, les CE et le CCE ne sont pas en capacité de répondre pleinement aux attentes des cheminot(e)s. Il faut donc poursuivre les interventions auprès de la direction SNCF et les actions pour que cette dotation soit augmentée. Dans le cadre d’un accord interfédéral qui, pour nous, doit reposer sur la représentativité accordée à chaque organisation syndicale par les cheminot(e)s lors des élections, nos équipes continueront à assumer toutes leurs responsabilités dans les CE, au CCE.

Une organisation qui favorise notre activité syndicale

La CFDT-cheminots et la fédération Sud-Rail ont des systèmes d’organisation proches. C’est la marque d’une histoire commune jusqu’en 1996 ; histoire qui s’est enrichie du côté de Sud-Rail par l’arrivée de nombreux(ses) adhérent(e)s d’autres origines (CGT ou non syndiqué-e-s principalement) et que la dynamique actuelle va encore enrichir ! La CFDT-cheminots s’est toujours située dans un cadre fédéral “transports”, au sein de la FGTE. La volonté affirmée par Sud-Rail de faire évoluer les structures syndicales afin d’améliorer l’efficacité de l’action revendicative et de la réflexion sur les transports, avec dans l’immédiat le développement de l’union syndicale Solidaires Transport, est une attente forte des équipes CFDT et Solidaires. L’union syndicale Solidaires, dont Sud-Rail est membre, est présente dans d’autres secteurs du transport (Aériens, urbains, routiers voyageurs, …), mais cela représente une force sans commune mesure avec celle de la FGTE. L’intégration des équipes CFDT dans Sud-Rail est une chance d’utiliser les compétences de ces collectifs syndicaux (participation ou animation de syndicats généraux des transports) pour renforcer l’union syndicale Solidaires Transports.

La structuration de Sud-Rail et de la CFDT-cheminots repose sur les mêmes principes : syndicats régionaux (ou par zone géographique) composés de sections syndicales d’établissement. C’est fondamental pour donner aux adhérent(e)s, aux militant(e)s, aux équipes syndicales les moyens de défendre efficacement les salarié(e)s, évitant ainsi l’éparpillement des équipes d’établissement secteur par secteur ou gare par gare. La CFDT-cheminots et Sud-Rail ont toujours combattu l’idée que les intérêts des maîtrises et cadres seraient différents de ceux des autres salarié(e)s. C’est la raison pour laquelle les sections syndicales sont composées des adhérent(e)s de tous les collèges. L’existence de syndicats séparés pour les maîtrises et cadres d’une part, pour l’exécution d’autre part ne peut nous convenir. Pour autant, comme les autres catégories de cheminot(e)s, ces personnels ont des problèmes spécifiques qui doivent être pris en compte ; c’est le rôle de l’UFC à la CFDT-cheminots et de la liaison nationale encadrement à Sud-Rail. Notre conception commune du fédéralisme autorise les structures syndicales à développer en leur nom des positions qui ne sont pas automatiquement celles de l’option majoritaire dans la fédération. Il ne saurait y avoir de préfet régional ou national statuant sur chaque prise de position publique.

Pour que chacun(e) prenne toute sa place dans Sud-Rail

L’intégration des équipes CFDT qui quittent cette organisation est une question importante, qui par ses conséquences dépasse le seul cadre des collectifs concernés, aujourd’hui à la CFDT-cheminots et à Sud-Rail. Il importe de la réussir au mieux.. Bien évidemment, elle se fait dans le respect des statuts et règles collectives qui s’imposent à chaque adhérent(e) Sud-Rail à compter de son adhésion. Pour que les ex-adhérent(e)s CFDT prennent toute leur place, découvrent et participent activement à la vie de Sud-Rail, il est indispensable de s’entendre pour que Sud-Rail, et donc les salarié(e)s dans leur ensemble, profitent des compétences, de l’expérience acquises par les militant(e)s CFDT. C’est pour cela que nous privilégions une adhésion collective car elle permet de mettre en commun des habitudes de travail, des réflexions, tout en confrontant nos expériences et cultures respectives, que nous savons proches, mais qui peuvent encore s’enrichir mutuellement. Par adhésion collective, nous comprenons les adhésions d’équipes, sections syndicales, syndicats, structures locales ou régionales. Une adhésion collective discutée et organisée collectivement, localement et nationalement, publiquement, entre les équipes CFDT partantes et Sud-Rail est un message fort, porteur d’espoir de recomposition syndicale. C’est un signe important pour l’ensemble des organisations syndicales et des cheminot(e)s.

Collectif national des partants à Sud-Rail.