Serge a été grièvement blessé le 25 mars 2023 à Sainte Soline. Six mois après les faits, voici où nous en sommes.

Passé le soulagement après le temps de l’incertitude du réveil, de nouveaux champs d’incertitudes sont apparus, sur ce que notre camarade allait pouvoir récupérer, comment, en combien de temps etc. Nous avons eu la joie de le retrouver, lui et ses souvenirs, ses convictions et sa détermination.

Pourtant, chaque jour, l’étendue des dommages s‘est révélée à petits bruits. Le choc cérébral, qui a a entrainé le retrait d’une partie de sa boîte crânienne pour maîtriser un œdème qui lui aurait été fatal, a laissé des traces importantes. Le traumatisme crânien a causé une paralysie faciale et des difficultés de mobilité des membres, des troubles importants de la vision qui fragilisent sa capacité à se déplacer seul sans risquer l’accident, des difficultés de concentration et une fatigue chronique. La grenade qui l’a percuté a détruit une oreille interne, mettant à mal son équilibre et provoquant une surdité définitive de l’oreille impactée ainsi qu’une baisse de vision. Nous ne sommes pas en mesure de dresser un constat définitif. Il a fait des progrès notables grâce à la rééducation et nous espérons qu’il parviendra à récupérer ce qui n’est pas définitivement perdu.

Il a récemment subi une opération visant à reconstituer sa boite crânienne (pose d’une prothèse appelée volet), une opération cruciale pour estomper tout risque de dommage cérébral supplémentaire.

Malheureusement, cette opération a échoué. En effet, après un mois d’infection, de fièvre, de galères de cicatrisation, d’antibiotiques, d’entraves dûes à des cathéters et d’ennui, le volet a dû lui être retiré. Il est aujourd’hui encore gardé sous surveillance et nous espérons qu’il pourra sortir rapidement pour reprendre le travail de rééducation. Il devra subir à nouveau cette opération chirurgicale dans quelques mois, sans garantie de réussite.

En définitive, depuis sa sortie du coma, Serge n’aura connu que 3 semaines hors de l’institution hospitalière.

Nous y avons donc passé suffisamment de temps pour constater à quel point ici comme ailleur le capitalisme poursuit son écrasement en quête de marge financière et les patients comme les travailleuses et travailleurs du soin en sont la variable d’ajustement. Malgré la bienveillance du personnel hospitalier, l’hospitalisation reste une situation d’enfermement, avec son lot de dépossession, d’entrave et d’isolement, qui s’ajoute au traumatisme de la blessure initiale. Y faire face n’est pas toujours facile et le soutien est une ressource primordiale.

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui se sont mobilisées et se mobilisent encore : concerts de soutien, visites quotidiennes à l’hopital, compils de soutien, tags, banderoles, actions, les logements prêtés, les affiches, les collectes de thunes, les dons, qui permettent notamment d‘assumer sereinement les frais médicaux (hospitalisation, prothéses auditives) et les aménagements nécessaires à la vie quotidienne, mais aussi d‘amortir l’impact financier pour Serge et ses proches.

Merci aussi à toutes celles et ceux qui, 2 fois par jour depuis 5 mois, préparent des repas pour Serge et lui apportent à l’hosto. Merci à ceux qui l’ont accompagné marcher, à tous ceux qui ont été présents pour le soutien moral. Merci à ses collègues, qui lui envoient quotidiennement des photos, lui rappelant une partie de sa vie d’avant. Merci pour les messages de soutien, les chansons, les vidéos, qui donnent de la force.

Cette solidarité est exemplaire. Nous avons conscience d’être bien lotis, comparés à toutes celles et ceux qui subissent seuls la répression , à l’ombre des chaumières, sans force collective pour contrecarrer toutes les misères qu’elle charrie.

Parce que nous pensons qu’il est primordial de prendre collectivement en charge la répression qui s’abat sur les mouvements révolutionnaires, nous proposerons bientôt un retour sur notre expérience propre autour de la blessure de Serge. Nous y présenterons les différentes questions logistiques et politiques auxquelles nous avons été confrontés et comment nous avons su ou non y répondre. Ce bilan n’est qu’un bilan d’étape, dans la mesure où nous sommes bien loin d’en avoir fini et où aucun retour à la normale ne se pointe à l’horizon.

Et ce n’est certainement pas le règlement judiciaire de l’affaire, quelle que soit l’issue de la plainte qui vise l’action de l’Etat à Sainte Soline, qui y mettra un terme.

Depuis que l’Etat existe, sa police mate, fracasse, tue, en un mot terrorise. Un seuil a probablement été franchi en France au moment où les blindés des forces spéciales ont tenté de prendre le contrôle de la rue sans hésiter à tirer sur la foule au petit malheur la chance pour éteindre la révolte déclenchée par le meurtre de Nahel. Ainsi, depuis les émeutes de 2005, combien d’yeux crevés, de membres fracassés, de cas de surdité, d’assassinats plus ou moins légaux, de viols, de vies réduites en miettes au nom du maintien – coûte que coûte – d’un monde d’exploitation ? Combien de séquelles et d’années de rééducation reste-t-il une fois que les médias ont fait leurs choux gras ?

La solidarité doit se poursuivre pour que les blessés et enfermés de nos luttes se relèvent de la meilleure des manières et pour que nos morts ne se soient pas fait tuer pour rien. Les capitalistes n’ont qu’un objectif : faire du fric en nous abîmant, en nous detruisant et en détruisant tout ce qui est viable sur le globe.

Plus que jamais, la lutte des prolétaires du monde entier est vitale pour trouver le chemin de ce foutu monde meilleur.

Les camarades du S

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