CONCURRENCE = EXCELLENCE ?

L’un paraît-il ne saurait aller sans l’autre, du moins dans le cadre de la pensée libérale. C’est l’accouplement de ces deux termes qui justifie tous les excès de l’économie de marché et ce, dans l’objectif de faire « toujours mieux » ( ?).

Examinons ça de plus prêt….

LES FAUX SEMBLANTS DE LA CONCURRENCE

Pour bien combattre un adversaire il faut se placer dans son système de pensée et essayer de comprendre comment il raisonne, comment fonctionne sa logique.

Eliminons le fait que les libéraux (avoués ou camouflés – style sociaux libéraux) ont fait le choix idéologique de défendre l’économie de marché… c’est un a priori – quoi qu’important certes – qui n’explique pas le mécanisme de leur pensée.

Restons en à la clef de voûte du raisonnement résumé par l’affirmation : « La concurrence oblige à l’effort… donc à la recherche de la qualité pour pouvoir vendre ». Affirmation qui peut se décliner dans l’autre sens : « S’il n’y a pas de concurrence, il n’y a pas nécessité de l’effort, donc relâchement ». Dis comme cela c’est d’une logique formelle particulièrement convaincante. Et pourtant, en examinant de près cette affirmation elle n’est pas aussi évidente.

Ce brillant raisonnement oublie juste un détail non négligeable, c’est qu’il concerne une situation marchande, c’est-à-dire une situation ou la concurrence intègre certes la qualité, du moins jusqu’à un certain niveau, nous allons le voir, mais surtout des contraintes liées au coût de production. En effet, la sélection de la marchandise par l’acheteur, sur le marché, se fait d’abord par le coût… surtout, et c’est vrai pour le plus grand nombre, lorsque les budgets sont limités. Or, réduction des coûts n’est pas forcément compatible avec « qualité », à fortiori « excellence ». Pour bien comprendre, raisonnons jusqu’à l’absurde : imaginons qu’une entreprise fabrique une marchandise d’une telle qualité qu’elle soit quasiment inusable… la conséquence est évidente : au bout d’un certain temps elle n’en vendra plus.

Le maintien d’un marché, et donc d’une production, exige une marchandise à durée de vie limitée. Il faut que le cycle de la marchandise soit compatible avec le fonctionnement de l’entreprise… c’est donc consciemment que l’on produit à basse qualité, du moins à qualité limitée… c’est un des paradoxes, non avoué et non avouable, du système marchand.

Mais il n’y a pas que ça. Les exigences de la concurrence marchande qui se traduisent par une standardisation de la production, une utilisation de moyens de production toujours plus aux rabais ont également des répercussions sur la qualité de la production.

C’est cette situation qui nous fait constater la mauvaise qualité des marchandises, comparée par exemple à celles d’une époque où la concurrence était moindre. C’est cette situation qui a engendré les énormes scandales de ces dernières années : veau aux hormones, vache folles, grippe aviaire, accident dans le chemin de fer, le transport aériens,…

UNE LOGIQUE MORTIFERE

La concurrence marchande ne porte pas atteinte qu’à la qualité de la production, elle est source de déviances autrement plus graves au niveau économique global.

Elle est à l’origine d’un gaspillage inouïe de force de travail, de matières premières, d’une dégradation, sans commune mesure avec le passé, de qualité de vie sur la planète.

L’objectif de la concurrence marchande n’est pas de satisfaire des besoins, mais surtout et d’abord, de faire de l’argent…. Ce qui est le fondement même du système marchand. Pour ce faire, tous les moyens sont bons, aussi bien les doubles, triples, quadruples et plus, processus de production pour un même produit. Processus qui demandent la mise en place d’une mobilisation considérable, en énergie, en force de travail, en infra structures, en prospection, en études de marché, en marketing-publicité, en traitement des déchets,…. Mais chaque processus, qui peut disparaître soudainement, sur simple décision des actionnaires, conséquence de la lutte acharnée qu’ils se livrent, réduit à néant des projets individuels et collectifs, désorganise des régions entières laissant des zones saccagées, polluées, désertifiées,…

La concurrence marchande n’est, en effet, cohérente qu’au niveau de l’entreprise, et encore, à celui des actionnaires, jamais au niveau de l’économie globale. Exemple : le démantèlement hospitalier dans les régions, soit disant pour des questions de sécurité ( ?) en fait pour des raisons de rentabilité des unités, place les futurs malades dans des situations impossibles et dangereuses.

Enfin, la logique de la concurrence marchande incite au viol (le mot n’est pas trop fort) des consciences. L’incitation à l’achat, à la consommation quasi forcée conditionne l’ensemble de la population, l’incitant à toujours plus consommer et toujours plus de manière futile et dérisoire… portant ainsi atteinte à la santé et à l’environnement. La publicité tient une telle place stratégique qu’elle en devient le support des relations de communications autour de laquelle la culture, la connaissance et la véritable information essayent de se frayer difficilement le chemin (voir les médias).

La concurrence fait partie du spectacle du système marchand, il en est avec le profit l’ « adrénaline » Elle donne un « look moderniste », dynamique, entraînant. Elle fait croire par un raisonnement ridicule que le consommateur a tout à gagner à la mise en concurrence, y compris des entreprises de services publics, les anéantissant au passage. Or l’expérience montre qu’il n’en est rien, bien au contraire. D’ailleurs, même les libéraux les plus acharnés savent que la logique de la « concurrence » à tendance à aboutir au monopole… ce qui est un comble… et la négation même de la concurrence. Et que faire dans cette situation ? Rétablir la concurrence… Et qui peut le faire ? L’Etat pardi.

Autrement dit, et pour nous résumer : la concurrence aboutit à sa négation, et pour l’éviter, le libéralisme n’a rien trouvé de mieux que faire intervenir l’Etat, institution à qui il dénie par principe tout droit à l’intervention dans le domaine de l’économique.

Les libéraux n’en sont pas, non à une, mais à deux contradictions prés !

Toute concurrence est-elle condamnable ?

Tout dépend de l’objectif fixé. S’il s’agit d’une confrontation fondée sur la recherche du bien être commun, même si elle permet une compétition entre individus ou équipes, alimentant même un certain narcissisme… pourquoi pas ? Le plaisir de bien faire, et même d’être le meilleur, d’être reconnu dans ses capacités et compétences ne saurait être socialement condamnable et est une des composantes de ce qu’est l’être humain. L’enjeu de la concurrence ne saurait être le rabaissement voire l’élimination de l’autre, et c’est à cet objectif que le groupe doit être attentif.

Patrick MIGNARD

Voir aussi les articles :

« LA PUB OU LA VIE »

« L’ECONOMIE DU GASPILLAGE »