ADRESSE A TOUS LES GREVISTES DE RENNES, ET DE PARTOUT
A TOUS CEUX QUI REFUSENT DE LAISSER LA REACTION S’INSTALLER

L’Université de Rennes II entamera mardi 18 avril sa onzième semaine de grève. Quoiqu’en disent certains medias ouvertement en guerre contre nous, parce qu’une telle décision les scandalise, c’est bien la reprise du blocage de l’Université qui a été décidée par une majorité d’étudiants lors de l’A.G* du mercredi 12 avril.

Personne n’a eu le front d’affirmer que les anti-blocages étaient ce jour plus nombreux, que le bureau qui présidait l’A.G ait falsifié les résultats. Les anti-bloqueurs, la présidence, l’administration, les medias, même certains grévistes attendaient la défaite du parti de la grève, et ils ne l’ont pas eue. Là réside le seul scandale : que plus de 3500 étudiants (sur 7000) aient voté contre la « sortie de crise », rendue honorable par le retrait du CPE, contre la suspension du blocage décidée deux jours plus tôt, contre le retour à la normale tant attendu ; que plus de 3500 étudiants aient voté pour cette idée si simple que c’est quand nous commençons à gagner qu’il nous faut être, plus que jamais, déterminés. Pour cette idée si simple que le retrait du seul CPE ne changera rien à nos conditions de vie qui vont, avec l’entrée en vigueur de la loi d’ »égalité des chances », continuer à s’aggraver.

Jeudi 13 avril au matin, quelques deux cents grévistes ont fait face à un millier d’étudiants ayant répondu à l’appel de la présidence à venir en cours malgré le vote de l’A.G, bref, à venir briser la grève. Nous sommes parvenus à les repousser définitivement vers 11 heures, après que le noyau dur des anti-bloqueurs se soit introduit dans les bâtiments en cassant des fenêtres ; il n’y a pas eu d’affrontements sérieux, mais la situation était compliquée par la fermeture administrative décidée par la présidence vers 9 heures – fermeture qu’aurait pu annuler un rapport de force favorable aux jaunes – , qui a d’abord découragé certains anti-bloqueurs puis certains grévistes ayant relâché leur vigilance. Par la suite nous avons pu garder le contrôle du bâtiment B et de son hall, qui est depuis le début du mouvement le QG des grévistes.

Tout pourparler est aujourd’hui rompu avec la présidence, qui a déclaré illégitime la décision de la dernière A.G, et appelé les étudiants à venir en cours mardi dès 8 heures (alors que le blocage doit continuer jusqu’à la prochaine A.G mardi à 16 heures). Pour l’administration, la grève est terminée. Certains professeurs évoquent à demi-mot, en plus d’une possible intervention des forces de l’ordre, l’action probable de commandos pour débloquer la fac et casser du gréviste. La situation est à un tel degré de conflictualité, qu’il est impossible à rennes II de penser pouvoir, comme dans d’autres villes, « finir en beauté » « sans vainqueur ni vaincu ». Ou nous laisserons agir les briseurs de grève, les laissant communier dans leur joie fascistoïde de rétablir l’ordre, ou nous imposons la décision de l’A.G, et nous devrons nous attendre à un conflit qui n’aura plus rien de théâtral. A une guerre de positions éthiques et politiques.

Tous les grévistes de Rennes II, et tous ceux qui veulent lutter à leurs côtés sont invités à se réunir mardi à 7 heures devant le bâtiment B, pour décider ensemble de la meilleure manière de faire face à cette situation. Si nous sommes nombreux et déterminés (et cette adresse vise d’abord les gens déterminés) il sera envisageable d’imposer le blocage total ; autrement il s’agira de blocage partiel ou d’occupation. Il faut également compter avec la manifestation prévue à 11 heures. Dans tous les cas, nous n’appelons pas à venir enterrer le mouvement pour garder soi-disant la tête haute, mais à élaborer contre la normalisation opérée par toutes les forces conservatrices coalisées, non seulement la continuité mais une mutation offensive du mouvement.

Un village autogéré s’est déjà constitué sur les pelouses du campus. Quoiqu’il advienne mardi, nous lançons un appel à tous les grévistes et autres réfractaires à venir défendre et élargir ce lieu qui doit devenir un foyer permanent d’expérimentations collectives et d’élaboration politique, d’où puisse partir à nouveau une offensive en direction des quartiers populaires, des entreprises, du centre-ville. Pour nous l’esprit du mouvement réside d’abord dans l’alliance, ponctuelle, hasardeuse, mais réelle qui s’est formée dans la rue, par le blocage, entre étudiants, lycéens, précaires, jeunes des quartiers et ouvriers en lutte. Cet esprit doit non seulement se perpétuer, mais être au fondement du processus politique irréversible qu’il s’agit d’engager : mettre en faillite la société entreprise qui en nous imposant le CNE, en répondant à la révolte de novembre par la loi d’ « égalité des chances », élargit encore son empire sur nos vies.
BLOQUONS TOUT ! GREVE GENERALE !

Des grévistes de Rennes II

* Bien évidemment, la logique majoritaire des A.G peut se retourner contre nous : nous n’attendons pas d’elle qu’elle confère une légitimité à notre désir -légitime en lui même- de continuer la lutte. Cependant, sans nous comporter à l’égard de l’A.G comme à un surmoi politique absolu, nous retenons de cette instance ce qu’elle a de réellement démocratique : sa capacité à déposer l’autorité universitaire en reliant délibérations et décisions collectives. Non ce qui en elle favorise l’ordre établi : sa capacité d’inhiber toute résistance à une majorité convoitée par les professionnels du discours politique.

IL EST POSSIBLE DE CAMPER LUNDI SOIR AU VILLAGE AUTOGERE (près du bâtiment Ereve)
RENDEZ-VOUS MARDI 7 HEURES DEVANT LE BATIMENT B DE L’UNIVERSITE RENNES II CAMPUS VILLEJEAN