Ce n’est pas en manif qu’on se fait spécialement chier…C’est dans la vie de tous les jours.
La manif ne peut pas constituer, quand bien même on le voudrait, une instance de libération spontanée. Et les tentatives de décoinçage, avec des masques de mickey ou des quilles de jongleur, ont souvent un coté « amusement forcé » aussi sinistre que les banderoles bien plombantes des organisations. (Plus exactement, pour décoincer la multitude que nous formons dans une manif, il faut des moyens assez lourds, à commencer par une sono performante..C’est loin d’être toujours le cas)
Enfin, la manif n’est pas une réalité que l’on pourrait isoler du moment historique qui la contient. Ce n’est pas une réalité que l’on pourrait isoler de son processus de formation même ; ce n’est pas un sujet que l’on pourrait traiter sans se poser quelques bonnes questions : qui décide des manifs, qui en préconise l’ordonnancement, qui va plomber la sono avec du Jean Ferrat,(ou la chanson des Motivééés, motivéééés ) ?

Subvertir la manif, ça commence peut-être par se trouver là où la manif se décide, se forme : souvent dans des collectifs. Et là, il y a du boulot, une pâte dure à travailler, celle des habitudes, des réflexes, des différences…Mais ça suppose en préalable d’être d’accord avec les buts généraux du collectif.
L’autre mode de subversion, c’est effectivement de s’installer dans la manif, d’y jouer son propre jeu ; avec le risque énorme de sombrer dans une forme de provocation insidieuse, de se la jouer « supérieur », de s’auto-contempler, de finir dans une symétrie de l’identitaire.
Mais subvertir la manif, c’est surtout y mettre de la capillarité par rapport aux gens qui la regardent passer ; c’est travailler sur la coupure acteurs-spectateurs. (Entre parenthèses, rien de pire que le tract de 3 kilotonnes distribué à tout va, avec la pêche que l’on met pour se débarasser d’une corvée de vaisselle.)Parce que la manif, au départ, est un gigantesque noyau de cerise que la rue finit par recracher…