Récit de la sorbonne occupée
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Le vent tourne
La moitié des universités est occupée en France.
Vendredi après-midi, une vitre brisée a suffi à ce que des centaines de personnes se réapproprient la Sorbonne enfin débarrassée des vigiles et des appariteurs. Des chômeurs, des précaires, des intermittents et autres damnés de la terre ont alors pu nous rejoindre. À la tombée de la nuit, des centaines d’autres personnes participaient également à l’occupation de l’extérieur : entre barricades, fanfares et feux de joie le mouvement prenait un nouveau souffle.
À l’intérieur le vent était en train de tourner. Déjà, un peu plus tôt dans la journée, des tentatives de récupération étaient déjouées. Mélenchon (PS) en visite, fut contraint de quitter l’amphi. Mais, il a fallu du temps pour que quelqu’un se dresse sur une table et prenne la parole. C’est alors que les apprentis bureaucrates ont flanché, eux qui voulaient voter jusqu’à l’absurde et encadrer à tout prix.
Vers 1h00 du matin nous avons pu nous déprendre définitivement des formes usées de la tribune, des prises de parole contrôlées. La discussion s’est enfin libérée, personne ne parlait pour personne, toute représentation est devenue impossible. Les contradictions de classe ont traversé l’assemblée. Il y a eu des embrouilles, des tensions, des prises de gueules, des conneries et des montées de testostérone. Pourtant l’assemblée a continué. Les points de vue n’étaient pas homogènes, mais on a tenté de penser et s’organiser collectivement.
Les revendications se sont multipliées, et pas simplement contre le cpe ou la loi sur l’égalité des chances, certains ont évoqué les sans papiers et la répression contre les émeutiers de novembre. La liste s’est allongée jusqu’à rendre vaine toute idée de revendication. Non pas que les discussions devenaient absurdes, au contraire elles gagnaient progressivement en contenu. Nous avons alors parlé du partage du savoir et de l’évidence de la sélection sociale. Certains ont évoqué le fait que toutes les formes de travail salarié posent problème, et que le CDI c’est aussi l’exploitation.
Le vent tourne : c’est un Tout que nous refusons, le retrait du cpe ne suffira pas.
Les dirigeants et journaleux de tout bord l’ont bien perçu. Ils s’acharnent à séparer étudiants et vandales, casseurs et non-violents. Pourtant, de l’intérieur, nous avons senti que cette distinction ne pouvait pas exister à ce moment-là.
Ce vendredi soir, beaucoup se sont débarrassés de leur peur et de l’infantilisation.
Le mouvement prend de l’ampleur et dépasse les clivages ,ne nous laissons pas imposer ces distinctions,nous avons des choses importantes à faire ensemble.
Des étudiantes.
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