Cette violence dont on ne veut plus
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Au Québec, décembre rappelle la violence faite aux femmes. En effet, il y a 16 ans, un 6 décembre, un jeune homme frustré de ne pas avoir été accepté à l’école Polytechnique de Montréal et qui, de son propre aveu,”haïssait les féministes”, est entré dans une salle de classe de Polytechnique, a séparé les garçons des filles et a tiré sur ces dernières. 14 jeunes filles sont mortes ce jour-là.
«Désormais, mémoire et temps se divisent pour moi en “avant” et “après” Poly, par la conscience à vif que plus rien ne sera jamais pareil, écrit l’essayiste et poète Élaine Audet. La colère m’habite comme une peine inconsolable. Après, je me suis improvisée journaliste parce que les féministes n’avaient plus de lieux pour se faire entendre et que dénoncer la haine des femmes, c’était aussi prendre soin de mes deux filles. Se taire, c’était laisser à d’autres le soin de décider de notre avenir. Où en sommes-nous seize ans plus tard? (“Le massacre de l’École polytechnique de Montréal pourrait-il se produire à nouveau en 2005?”).
Pour Marie-Ève Surprenant et Manon Monastesse, «le 6 décembre 1989 marque un point de rupture dans la société québécoise puisque que par cet acte d’une violence inouïe, la peur, la rage et le ressentiment d’une société s’exprimaient face à un changement social dont les bouleversements ébranlaient les fondements même des rapports sociaux de sexe. Si cet acte de violence a été fortement dénoncé, il n’a jamais été reconnu formellement comme sexiste à l’encontre des femmes. On parle plutôt d’un acte isolé, le dessein d’un fou, plutôt que d’y voir en filigrane le reflet du sexisme et de la violence faite aux femmes qui perdurent dans notre société. En effet, l’après-Polytechnique peut être qualifié de backlash ou de ressac à l’égard du féminisme et des acquis des femmes.» (“Contrer encore et toujours le ressac anti-féministe et la violence faite aux femmes”).
La violence se manifeste sous diverses formes et n’a pas de frontières. La violence domestique est devenue un fléau. Les racines de la violence se trouvent souvent dans la famille, un lieu qui offre de moins en moins de sécurité aux femmes et aux enfants. Une chercheuse suédoise, Katarina Weinehall, de l’Université d’Umeå, a interrogé des jeunes à ce sujet. Son étude est consacrée à des jeunes (13-19 ans) qui subissaient la violence dans leur milieu familial. Son objectif était d’acquérir des connaissances sur les conditions liées à la socialisation dans la proximité de la violence, en écoutant, en interprétant et en tentant de comprendre les récits que font les jeunes de la vie lorsque la violence est quotidienne. (“Grandir dans la proximité de la violence: des adolescent-es racontent la violence familiale”).
Si “Une femme meurt de violences conjugales tous les quatre jours en France”, la situation est pire dans certains pays. En prenant pour point de départ l’exemple du Salvador, notamment, l’historienne française Jules-France Falquet a analysé en parallèle la torture et la violence domestique, des phénomènes universels. L’article qu’elle propose aborde les ressemblances entre la violence domestique exercée contre les femmes et la torture dite politique.
«Au niveau des méthodes et de la structure des actes, écrit la chercheuse, on trouve d’étonnants points communs entre les deux phénomènes. En étudiant ensuite les effets psychodynamiques sur les personnes affectées, d’autres rapprochements inquiétants peuvent être faits. Enfin, quand on observe les résultats sociaux collectifs des deux phénomènes, on constate dans les deux cas une certaine démoralisation et une passivité induite chez les groupes sociaux affectés. Dans un deuxième temps, on étudie les parallèles qu’on peut tracer entre les techniques de guerre de basse intensité et la violence contre les femmes dans son ensemble. Il apparaît alors que la violence contre les femmes relie étroitement la sphère privée et la sphère publique et qu’il s’agit d’un rapport social central dans le maintien de l’oppression des femmes». Il s’agit d’une analyse remarquable, qui concerne la violence faite aux femmes où qu’elle se vive dans le monde, à lire absolument car elle éclaire sur la signification profonde de cette violence. (“La violence domestique comme torture: une guerre de basse intensité contre les femmes?”).
Violence envers des fillettes, également, surtout celles qu’on contraint au mariage. Sidécembre est un mois de joie et de festivités pour la plupart d’entre nous, c’est un mois de souffrance pour les fillettes Maasai, qu’on force à quitter l’école pour les marier à des hommes à l’aise financièrement.
De son côté, le sociologue Richard Poulin a lu le livre de Somaly Mam, “Le silence de l’innocence” (Éditions Anne Carrière, Paris, 2005). Somaly Mam lutte contre la prostitution. Elle préside l’Afesip, “Agir pour les femmes en situation précaire”, une association créée en 1997 au Cambodge grâce à laquelle elle a pu venir en aide à des milliers de fillettes et de jeunes femmes prostituées. “J’ai lu son témoignage poignant, écrit Richard Poulin. Je connaissais en partie les activités de l’Afesip au Cambodge, mais j’étais loin d’en connaître toutes les facettes et, surtout, leur dangerosité”. (“Le système de la prostitution au Cambodge: le témoignage de Somaly Mam”).
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