Incendie au Blayais – Tchernoblaye publie un document accablant pour EDF
_ Tchernoblaye (http://tchernoblaye.free.fr)
_ Communiqué du Mardi 22 novembre 2005:

Un dossier accablant pour EDF

Suite à l’incendie survenu ce jour à la centrale nucléaire du Blayais, l’association Tchernoblaye publie un document qui met en lumière les défaillances du nucléaire face au risque incendie.
_ Ce document montre :
_ – que les centrales nucléaires françaises ne répondront pas aux normes de sécurité incendie avant 2006 (si tout va bien),
_ – que les équipes d’intervention sur incendie dans les centrales nucléaires sont souvent défaillantes en particulier concernant la rapidité d’intervention (critère fondamental),
_ – qu’EDF n’a pas respecté d’importantes directives édictées par l’Autorité de sûreté nucléaire concernant la formation des personnels et la remise en conformité de clapets coupe-feu défaillants.

L’incendie de ce jour au Blayais, même s’il s’est produit dans les parties non nucléaires de l’installation, était susceptible d’aboutir à un accident majeur du fait de l’ « effet domino » qui peut propager l’incendie jusqu’aux réacteurs nucléaires.

Le risque d’incendie dans les centrales et autres installations nucléaires françaises, peut avoir des conséquences dramatiques : dissémination de matières radioactives dans l’environnement, atteinte à la sûreté de l’installation, voire même fusion du réacteur avec au pire une catastrophe comparable à celle de Tchernobyl.

Il est donc injustifiable qu’EDF (mais aussi la Cogéma) soit défaillante dans la gestion du risque incendie, une des raisons qui font du nucléaire une industrie qui met en permanence en danger la population française et même européenne.

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Nucléaire et risque incendie

Réévaluation

Fait incroyable, les systèmes de protection des centrales nucléaires françaises sont depuis longtemps inadaptés au risque incendie. La dépêche AFP du 5 septembre 2000 est explicite à ce sujet : « Les systèmes de protection, calqués à l’origine sur ceux des premières centrales américaines, ont dû être revus. Un programme de réévaluation de la sûreté contre l’incendie a été engagé par EDF sur huit ans (1998 à 2006), pour un coût de 2,8 milliards de francs. » Cependant, impossible d’être sûr que la situation soit rétablie : comment faire confiance à des gens qui ont mis si longtemps à s’apercevoir que la sûreté de leurs centrales n’étaient pas fiables en cas d’incendie ?

De toute façon, le plus grave semble être encore ailleurs : des exercices montrent que les équipe d’interventions sont souvent défaillantes et interviennent en retard, des documents montrent qu’EDF ignore les directives de l’ASN.

Directives

EDF a délibérément ignoré deux importantes directives édictées par l’Autorité de sûreté nucléaire concernant la formation des personnels et la remise en conformité de clapets coupe-feu défaillants.

Extrait : « L’ASN a constaté, au cours d’inspections sur les sites nucléaires, que deux actions prioritaires n’étaient pas menées avec la célérité requise sur tous les sites. Il s’agit d’une part de la formation pratique sur simulateur des agents de conduite des réacteurs aux nouvelles procédures de conduite applicables en cas d’incendie, d’autre part de la remise en conformité de clapets coupe feu qui ont été reconnus depuis 1997 comme pouvant être défaillants. » (cf www.asn.gouv.fr/data/information/decision8.asp). Comme d’habitude, aucune sanction n’a été prise. Impossible de savoir si EDF tient aujourd’hui compte des directives de l’ASN. L’expérience laisse craindre que non. Mais il y a toujours, pire.

Les Pieds nickelés de Nogent

De temps en temps, les inspecteurs de l’ASN organisent un exercice inopiné pour tester la réactivité des équipes de sûreté des installations nucléaires. Assez souvent, le résultat est mauvais, voire affligeant. Des consignes sont alors données pour tenter d’obtenir une amélioration et, quelques temps plus tard, le même exercice est organisé. Il ne s’agit plus véritablement d’une surprise pour l’exploitant qui se doute bien qu’il va être à nouveau testé. Pourtant, les progrès sont parfois difficiles à détecter. Le pompon revient de toute évidence à la centrale nucléaire de Nogent)

Faut-il se contenter de ce « progrès » de 5 minutes ? A ce rythme, il faut encore 6 inspections « inopinées » pour que le délai de 15 minutes soit tenu. A moins d’un rechute entre temps. Ou à moins. d’un véritable incendie, qui risque bien de régler définitivement le problème !

Certainement agacés d’être encore plus que d’habitude pris pour des imbéciles, les dirigeants de l’ASN se sont alors fendus d’une « mise en demeure » en avril 2002 : « Devant cette situation anormale et persistante, l’Autorité de sûreté a donc mis en demeure le site de Nogent-sur-Seine d’améliorer son organisation afin de pouvoir garantir l’engagement d’actions de lutte contre un incendie par l’équipe de deuxième intervention sur ces zones dans des délais acceptables ». Soit. Mais il n’y a pas là de quoi empêcher un directeur de centrale de dormir. Cette mise en demeure se contente en fait d’ « exiger » ce qui aurait dû être réalisé, et parfaitement, dès le premier exercice. Pourquoi, pour des défaillances aussi graves, EDF n’est-elle pas mise à l’amende ?

Tricastin : sûreté illusoire

La centrale nucléaire du Tricastin (Drôme) est certainement en concurrence avec celle de Nogent pour la palme de l’installation la plus dangereuse. L’ASN a ainsi rendu compte le 2 septembre 2004 d’une inspection inopinée menée le 2 juillet précédent, précisément sur le thème « incendie ». A nouveau, les constats sont impressionnants : « Cet exercice a mis en exergue un manque de pratique des agents, notamment pour faire face à un incendie se propageant, des erreurs commises par l’équipe de première intervention et l’absence de déploiement préventif de moyens lourds en soutien. Ainsi, l’attaque du feu par des moyens efficaces aurait pris 37 minutes. Ce délai, trop long, rend illusoire l’extinction d’un incendie bien développé. »

Chinon : pas mieux !

La centrale nucléaire de Chinon semble, elle aussi, participer au « concours » d’incompétence. Le 14 octobre 2004, l’ASN rend compte d’une inspection inopinée organisée le 7 septembre précédent. A nouveau, il apparaît que la situation est restée médiocre malgré les défaillances constatées à deux reprises auparavant : « Cette inspection inopinée s’inscrivait dans la continuité des deux inspections du 16 décembre 2003 et des 12 – 13 mai 2004 sur le même thème, qui avaient révélé des lacunes organisationnelles dans la lutte contre l’incendie. Cette troisième inspection, au cours de laquelle ont été réalisées deux simulations d’incendie, n’a pas mis en évidence de progrès significatif sur l’efficacité des moyens et l’organisation du site en terme de lutte contre un incendie, malgré la mise en place d’un plan local d’actions consécutif aux inspections précédentes. » On apprend aussi des choses « amusantes » comme celle-ci : « L’une des raisons pour lesquelles l’équipe de 2ème interventio n n’est parvenue sur le lieu du sinistre simulé que 53 minutes après l’alarme est que la porte d’accès matériel du Bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN), pourtant spécialement aménagée pour un accès rapide des équipes d’intervention, ne s’est pas ouverte. » Espérons que, depuis, quelqu’un a retrouvé la clef.

Chinon (bis) : les grands moyens

Certainement agacée, l’ASN a alors mené à Chinon, toujours sur le thème de l’incendie, une impressionnante inspection du 7 au 11 mars 2005. Le compte-rendu, daté du 19 mai 2005, est explicite : « Cette inspection de revue a été programmée par l’Autorité de sûreté nucléaire à l’issue d’insuffisances constatées lors de trois inspections sur le thème de l’incendie réalisées au cours des douze derniers mois. » L’ASN fait alors un aveu concernant l’ensemble du parc nucléaire ce qui, en fin de compte, n’est pas très surprenant vu le nombre de centrales pour lesquelles nous avons trouvé des défaillances dans la protection contre les incendies : « Comme sur la plupart des autres centrales nucléaires, les équipes locales d’intervention doivent améliorer leurs pratiques pour arriver au niveau d’exigence de l’Autorité de sûreté nucléaire, compte tenu des enjeux liés au risque incendie. Par ailleurs, les services centraux d’EDF doivent mettre à disposition des centrales nucléaires des direc tives et des guides méthodologiques de qualité en la matière, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui, comme ont pu le mettre en évidence les inspecteurs. L’implication des services centraux est en effet primordiale pour garantir un haut niveau de protection contre l’incendie dans les centrales nucléaires ». Suit alors une impressionnante liste de critiques sur pas moins de. 29 pages. Pas sûr que le directeur de la centrale ait pris le temps de lire un document aussi long. Y’a pas l’feu ?

Saint-Alban ne s’alarme pas

Le mercredi 11 mai 2005, l’Autorité de sûreté nucléaire (Division de Lyon) a adressé au Directeur de la centrale nucléaire de St-Alban (Isère) un courrier faisant suite à une inspection inopinée menée dans la nuit du 25 au 26 avril 2005 (soit… 19 ans exactement après la catastrophe de Tchernobyl). A la lecture de ce document, on comprend qu’une nouvelle fois, les inspecteurs sont tombés des nues : « De nombreux écarts aux règles de prévention du risque incendie : présence de potentiel calorifique inutile dans les secteurs de feu de sûreté ou dans les zones de dégagement, ruptures de sectorisation incendie non identifiées ou incorrectement traitées, permis de feu défaillants dans leur analyse, etc. » Pire : « Les inspecteurs ont procédé à un exercice incendie en activant un détecteur dans un local du bâtiment électrique. Le détecteur activé par les inspecteurs, neuf, n’a pas déclenché d’alarme incendie mais a déclenché l’apparition d’une alarme « défaut » en salle de commande. » Fort logiquement, les inspecteurs notent que cela « pourrait avoir de grave conséquence sur le lancement de l’alerte en cas de départ de feu. » Touchons du bois.

Cadarache : « Y’a pas l’feu à la piscine » !

Une inspection consacrée au risque incendie s’est déroulée fin 2003 au centre nucléaire de Cadarache (Bouches-du-Rhône). Une fois de plus, la « pêche » des inspecteurs fut miraculeuse. Extraits : « Les inspecteurs ont constaté un potentiel calorifique important et non justifié dans de nombreux locaux, aggravant notoirement le risque d’incendie. » Encore une illustration de la fameuse « rigueur » de la sûreté nucléaire. Mais ce n’est pas tout : « Le bâtiment 769 abritant notamment les piscines d’entreposage des éléments de combustibles irradiés ne possède pas de détection automatique d’incendie. » (cf : www.asn.gouv.fr/actualite/lds/maj/2003-12/INS_2003_41015.pdf). Les combustibles irradiés contiennent des matières aussi sympathiques que le plutonium, dont un millionième de gramme suffit à tuer une personne. A Cadarache, de toute évidence, et contrairement aux règles de sécurité qui exigent des alarmes, personne ne s’inquiète d’un possible incendie de ce fameux bâtiment 769. C’est pe ut-être parce que l’on y trouve des piscines : l’incendie s’arrêtera sûrement de lui-même.

Bugey dans la course à l’insécurité

La centrale de Bugey est aussi, de toute évidence, dans la course à la palme de l’insécurité nucléaire. Le 21 mars 2005, l’ASN rendait compte d’une inspection menée les 3 et 4 mars précédents. Edifiant : « L’exercice réalisé par les inspecteurs le 03/03/2005 au magasin général du site a été arrêté 45 minutes après le déclenchement de l’alarme alors que l’équipe de 2ème intervention n’était toujours pas opérationnelle suite à une difficulté pour ouvrir le poteau incendie (poteaux récemment remplacés sur le site). » Pas d’eau pour éteindre l’incendie, plutôt gênant. Mais ce n’est pas tout : « Lors de l’exercice réalisé par les inspecteurs le 04/03/2005 dans le local presse du bâtiment des auxiliaires nucléaires généraux (BANG), l’équipe de 2ème intervention n’a été opérationnelle que 38 minutes après le déclenchement de l’alarme. Un manque de coordination flagrant sur le point de rencontre entre 1ère et 2ème intervention a été constaté. L’équipe de 2ème intervention n’avait pas le bon plan des locaux et ne connaissait pas les lieux. » Il serait certainement utile d’organiser, pour les personnes chargées de la protection contre les incendies, une visite de leur propre centrale. Avant qu’il n’y ait un véritable « Bang ! » dans le BANG.

Sommeil paisible

Il existe de nombreux autres exemples de défaillance du nucléaire face au risque incendie. Comme par rapport au risque sismique qu’on leur vente, il est vrai, à longueur de temps.

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(Texte publié sur une des listes de diffusion)

Source : www.infonucleaire.net