Beaucoup se sont demandés au moment du procès Papon comment la France, celle de la Révolution Française, celle des Lumières, des Droits de l’Homme avait pu tomber aussi bas dans la Collaboration la plus vile avec un régime abject. Ses fonctionnaires n’étaient-ils pas issus de l’avant guerre et même pour certains du Front Populaire ? En voyant ce qui se passe aujourd’hui on comprend mieux comment cela a été possible.

Pendant la guerre d’Algérie, alors que la République avait été rétablie et que la Gauche était au pouvoir (rien que ça !), l’institutionnalisation de la torture avait été couverte par les politiques et pratiquée par les militaires… qui plus tard ont été amnistiés.

DES PERSONNAGES AU DESSUS DE TOUT SOUPCON

Ces personnages arrogants dans leur uniforme de la République, en gants blancs et à l’air grave, qui n’hésitent pas à commémorer les exploits de la Résistance, à saluer en écoutant le chant des Partisans, qui se proclament les défenseurs de la démocratie, des libertés publiques et des valeurs de la République (ce dont se réclamait PAPON) qu’auraient-ils été entre 1940 et 1944 ? Personne ne peut évidemment répondre, pas même eux (quoique dans leur tête ils auraient été, ils en sont persuadés, tous des « Jean MOULIN »), mais à la vue du comportement actuel de quelques uns que peut-on en penser ?

Tous étaient humains avec leur chien, leur chat, leur poisson rouge, tous étaient d’excellents maris, pères et fils… Tous avaient eu une excellente éducation et avaient fait de brillantes études. Tous avaient la Légion d’Honneur et autres breloques. Tous étaient efficaces et avaient une carrière irréprochable… Demandez à PAPON avant qu’il ne meure. Bref des gens comme il y en a aujourd’hui.

Que valent pourtant des individus qui chassent, qui pourchassent des êtres sans défense, sans papiers, ou avec papiers, qui séparent des familles, qui arrêtent des enfants, qui séquestrent dans des locaux administratifs, qui les renvoient dans des pays qu’ils ne connaissent pour certains pas du tout,… Ah mais vont-ils rétorquer, ils ont « reçu des ordres »,… la belle excuse ! mais c’est exactement ce qu’ont répondu tous les criminels contre l’humanité ! Tous avaient d’excellentes raisons. Tous ont plaidé « non coupable ».

ILS SONT PRETS A REMETTRE CA !…

Ces personnages efficaces sont prêts, dans leur grande majorité, à mettre cette efficacité au service de n’importe quelle cause. J’exagère ? Mais l’Histoire en fourni une démonstration incontestable. Combien de hauts fonctionnaires ont-ils refusé de prêter serment au Maréchal ? Et comment ont fini les rares qui ont eu le courage de refuser ?

« La situation était différente » dira-t-on. Mais la situation est toujours différente dans l’Histoire, il n’y a jamais deux situations identiques. Je dirai même que la situation étant moins dramatique que pendant l’Occupation certains ne vont pas hésiter à faire du zèle… ils ont d’ailleurs déjà commencé. Et quand on met le doigt dans cet engrenage on sait trop jusqu’où cela mène.

Mais va-t-on dire « les ordres émanent d’une autorité qui a le soutien de la population ». Il est exact que PETAIN n’avait pas été élu, quoiqu’il avait obtenu les pleins pouvoirs du Parlement, mais qui pourrait dire aujourd’hui sérieusement que la majorité du peuple français, à l’époque, n’était pas derrière lui ?

Il ne s’agit pas ici d’un problème de légitimité mais d’un problème de valeur, d’éthique. Et oui, il peut y avoir contradiction entre les deux, et encore faut-il avoir le cran, le courage, la conscience de faire la différence entre les deux et de savoir s’opposer à des ordres inhumains même s’ils émanent d’une autorité légitime. Bref savoir refuser, résister. Mais celles et ceux qui prennent ces décisions (et qui honorent la Résistance, pas la leur, celle des autres) ont-ils ce courage ? J’en doute.

Si demain un parti fasciste (c’est « impossible » bien sûr comme on disait en 1939) prend le pouvoir que feront-ils ? Combien auront le courage de refuser, de s’opposer, de risquer leur carrière et leur vie ? Si je m’en réfère à l’Histoire, bien peu.

Il n’est pas improbable qu’un jour à venir nous retrouvions quelques uns de ces sinistres personnages sur les bancs d’un tribunal. J’exagère ? Mais qui aurais cru en 1942 et même bien plus tard, alors qu’il était ministre de la République, que Maurice PAPON aurait été traîné par ses victimes devant un tribunal ? Personne.

… ET NOUS ?

Et nous, abrutis de sport, de tiercé de télé débile, de propagande démagogique, pris de vomissements et secoués de sanglots lorsqu’on nous passe en boucle (toujours au moment des repas), les victimes d’inondations et de tremblements de terre, nous qui nous précipitons sur notre carnet de chèque pour faire une bonne action, qui donnons quelques pommes de terre pour les Resto du Cœur, mais qui détournons les yeux quand les mercenaires du pouvoir traquent, raflent, arrêtent, expulsent les « délinquants » – que peut-être d’autre quelqu’un qui se fait arrêter ? – Nous « ne savons pas » c’est ce que nous disons à nos enfants et dirons à nos petits enfants… …comme nos parents nous ont dit pour justifier leur propre lâcheté.

Et puis « que pouvons nous faire ? » « Ca ne dépend pas de nous », c’est « là-haut » que ça se décide. Citoyens oui, pour aller voter, mais irresponsable pour les saloperies commises en notre nom par celles et ceux que l’on a élu et leurs mercenaires. Voter est un extraordinaire moyen de se défausser, de se déresponsabiliser.

Combien sommes nous quand il s’agit de se mobiliser pour empêcher des expulsions, certainement moins que si un quelconque chanteur, sportif ou vedette de la télévision vient « faire le beau » dans un grand magasin.

On m’accusera de mettre tout le « monde dans le même sac ». Non, il y a eu un Jean MOULIN, mais aujourd’hui je vois plus de « Maurice PAPON » que de « Jean MOULIN ». S’il y a des « Jean MOULIN », il feraient bien de se manifester… demain il sera trop tard.

Attention, les lâches se donnent parfois des allures de héros…

Patrick MIGNARD