L’enquête judiciaire a révélé que le religieux, soupçonné de « terrorisme international », fut neutralisé, poussé dans un fourgon et conduit à Aviano, base militaire américaine dans le nord-ouest de l’Italie, puis transféré en Égypte

dans le cadre du programme « extraordinary rendition » (transferts extraordinaires) à l’origine de nombreux cas de « disparitions » de « terroristes présumés » partout dans le monde. D’après plusieurs témoignages, Abou Amar, qui avait déjà subi de mauvais traitements à Aviano, a été torturé dans une prison du Caire, vraisemblablement par le même groupe de barbouzes qui l’avaient enlevé.

Bob Lady n’était plus là Le parquet milanais ayant demandé l’assistance d’Eurojust, les treize agents peuvent être arrêtés dans tous les pays de l’Union européenne. Le chef présumé du commando s’appelle Robert Seldon Lady, responsable du détachement de la CIA de Milan jusqu’à ldernier et connu tout simplement comme « Bob Lady » par les nombreux fonctionnaires de la Digos (police politique italienne) et des services de renseignements avec lesquels, on vient de l’apprendre, il collaborait étroitement.

Abou Omar était aussi, en février 2003, sous le contrôle de la Digos et du parquet antiterroriste de Milan, mais les Américains décidèrent d’agir de leur propre chef. Il apparaît que Bob Lady aurait aussi accompagné l’Égyptien jusqu’au Caire.

Ce spécialiste de la guerre secrète, né au Honduras, Bob Lady, et pere Billy Lady (Google: “Mr. Bill” Honduras) il y a cinquante et un ans, participait dès les années quatre-vingt aux opérations de la CIA au Salvador et dans l’Amérique centrale. Ses liens avec l’Italie sont tellement forts qu’en 2004, après avoir quitté l’agence, il a décidé de s’établir pour sa retraite dans la campagne piémontaise, près d’Asti.

Ses anciens amis de la Digos de Milan sont allés le chercher dans sa villa pour l’arrêter, vendredi dernier, suite à l’émission d’un mandat du juge chargé de l’affaire, mais Bob Lady n’était pas à la maison. relations très tendues Cette affaire devrait ajouter un chapitre à la détérioration des relations entre Rome et Washington ; relations de plus en plus tendues suite à l’assassinat par une patrouille de l’US Army du dirigeant des services de renseignements, Nicola Calipari, à Bagdad, le 4 mars dernier, après la libération de notre consoeur Giuliana Sgrena. Pour l’enlèvement de l’imam égyptien, le gouvernement italien se refuse cependant, pour l’heure, à tout commentaire : pas de protestations, pas de demandes d’explications aux Étas-Unis.

Silence absolu sur les médias et dans le Parlement, où l’opposition de centre gauche réclame tout de même, depuis quelques jours, que Silvio Berlusconi et les siens réagissent. Ce silence pourrait bien indiquer que le commando de la CIA a pu disposer, le 17 février 2003, d’une autorisation, tacite ou implicite, de la part des autorités italiennes. Et à plusieurs reprises, l’administration Bush et la CIA ont assuré que le programme « Extraordinary rendition » implique que les gouvernements alliés soient prévenus des opérations planifiées sur leur territoire.

Ceci et cela expliquerait les erreurs et les « gaffes » des agents emmenés par Bob Lady qui se croyaient sans doute protégés. Les magistrats du parquet ont ainsi pu reconstruire l’enlèvement suivant les traces des téléphones mobiles italiens utilisés par les membres du commando, pour retrouver ensuite les photographies déposées dans les meil- leurs hôtels milanais où les agents avaient logé. À l’évidence, la CIA peut faire beaucoup mieux quand elle a besoin de se camoufler. Mais la recherche de complicités italiennes, pour l’instant, n’a… pas donné de résultats.