Il faut avoir, un jour, demandé à coller une affiche sur une vitrine, ou à laisser un paquet de tracts sur un comptoir, pour comprendre le phénomène. D’abord, le sourire est de rigueur : « C’est bien d’informer les clients et puis, ça anime le quartier !» Ensuite, la question d’un air mi-gêné, mi-dégoûté : « Ah ! C’est de la politique ? Eh bien là, ça va pas être possible ! La clientèle, elle aime pas. »
Et c’est inutile d’insister. La place que vous convoitiez entre, le récital de la chanteuse vue à la télé du temps du noir et blanc, le vide grenier en nocturne-merguez et entrée gratuite, le match de foot, de basket, de rugby… enfin de ballon du samedi soir, le perdu Miminette, petite chatte très câline, robe grise, grosse récompense, merci de prévenir sa mamoune qui est très inquiète, eh bien cet emplacement là n’est pas pour vous. L’information finit où commence la politique. L’indécence aussi.
Et si vous pensez que les lieux du savoir sont plus ouverts à vos affiches que les lieux mercantiles, détrompez-vous. Car là aussi « La clientèle, elle aime pas !». Marchands, enseignants, même combat !

Pourtant, tout est prévu pour former et instruire notre belle jeunesse. Éducation civique, car il faut bien qu’elle sache qui sont les chefs, et à qui obéir. Éducation routière aussi, c’est vital pour un permis qui tend à remplacer avantageusement celui de chasse un peu tombé en désuétude. Éducation sexuelle, bien sûr, faut vivre avec son temps et puis, imaginez qu’ils quittent le lycée sans connaître ça… ! Éducation religieuse ( bientôt ? ) pour que les enfants sachent, enfin, pour qui et pourquoi les Hommes continuent toujours de s’entretuer. Tout cela est parfaitement légitime.
Sa panoplie du petit citoyen en poche, le nouvel électeur peut affronter la vie qui s’ouvre devant lui… sauf pour ce qui est de la connaissance de la politique.
Car, savoir ce qu’est un système, un mouvement ou un parti politique, comment ils se sont créés et pourquoi, à quoi servent-ils, quels sont leurs risques, leurs avantages, leurs inconvénients ? Là, c’est le grand flou, la grande débrouille. Un peu comme la sexualité il y a quelques années. Un truc indispensable, dont on parlait à mots couverts, entre initiés. Quelque chose d’un peu glauque, d’un peu sale. Un sujet qui, ignorance aidant, permettait tous les phantasmes, toutes les aberrations.
Alors, savoir lire, écrire, compter, parler une langue étrangère, connaître le code de la route, connaître la chimie et la physique de l’amour c’est essentiel avant de quitter l’école. Mais savoir voter en connaissance de cause, savoir comment fonctionne le système qui nous gouverne, connaître les tenants et aboutissements de la politique, cela devrait l’être aussi. Et pourtant non !
Mais sans doute vaut-il mieux garder le sujet tabou, des fois que certains se rendent compte que notre démocratie n’est qu’un conte inventé pour endormir les citoyens.