Matraques défonçant la liberté de manifester, occupations sauvages, blocages de négociations, défonçage de locaux syndicaux, et enchaînement de désinformations continuelles annihilant de fait la liberté de penser…

La liste est longue des exactions intervenues à l’occasion du récent épisode de « mouvements sociaux », qui vont bien au-delà de l’exercice normal du droit de faire un projet de loi. Cet ensemble d’incidents a révélé qu’une sorte de fascisme bleu s’est durablement et profondément inscrit dans le paysage idéologique français. Si en effet on détache la notion de fascisme de son contexte italien d’origine pour en retenir les caractéristiques formelles, à savoir le recours d’une minorité organisée à la violence physique brutale pour imposer sa volonté, impossible de s’y tromper : par la nature de ses actions et de ses mots d’ordre, la mouvance d’extrême-droite a adopté un comportement de style fascisant. Il n’y a rien là d’ailleurs qu’une confirmation. Depuis les grèves de 1995, et avec l’irruption réitérée de contre-manifestants anti-sociaux déchaînés, les cohortes d’anti-sociaux défendant la politique des faucons du Pentagone et auparavant les foules hystériques du 16 juin 2003 (voulant faire croire à l’arrivée imminente de hordes de gauchistes assaillant la démocratie alors qu’elles incarnaient elles-mêmes ce danger…) – tous ces gens sont en fait les mêmes ! – il a fallu en France se résoudre à prendre acte de la remontée en puissance continue, vérifié par le résultat des élections de 2002 (18% de voix au président sortant ), d’un réactionnisme radicalisé dont les éléments les plus durs ont tout d’une milice privée et des ligues factieuses d’avant-guerre. Mais assaisonnés à la sauce sympa-Copé…

Alors qu’on s’époumonait à droite il y a encore peu de temps à brailler pour un rien « L’extrémisme ne passera pas ! », le voici qui s’installe benoîtement parmi nous, ayant viré du brun au bleu (sans oublier le blanc des quartiers « anoblis ») sans que les professionnels du libéralisme s’en émeuvent. Alors que partout on appelle à résister à un fantasmatique « socialo-communisme », une trop réelle furia antisociale se déverse dans les rues et prétend dicter sa loi. Le tout bénéficiant de la complicité morale active d’une nébuleuse d’organisations et d’associations à vocation charitables ou sécuritaire, mais aussi et pendant trop longtemps de la tolérance molle d’une bonne partie de l’opinion publique contaminée par le syndrome de Maxime Bruneri. Tout se passe comme si, après un temps de latence ayant suivi l’effondrement électoral du RPR, la tentation antisociale avait repris vigueur mais désormais sous les traits d’un néo-conservatisme militant et activiste, connecté à des appareils syndicaux ayant tout de mafias acharnées à préserver rentes de situations et positions de pouvoir.

Cet état de choses vérifie le pronostic de Karl Popper : sur un mode récurrent, la société ouverte (même sous sa forme française tout juste…entrouverte) est vouée à subir les assauts d’ennemis animés par la haine de la liberté et de l’égalité et avides de saisir n’importe quel prétexte pour parvenir à leurs fins. Puisqu’en se proposant seulement de « sauver le modèle social français » d’inspiration en grande partie collectiviste, la très dangereuse pente vers la capitalisation de Raffarin provoque de telles réactions de rage, on imagine à quoi il faudra s’attendre lorsque tôt ou tard, il faudra bien en venir à envisager les solutions qui seules respectent la liberté et l’égalité en même temps que le droit de vivre décemment : la taxation de la finance . Autant s’y préparer dès maintenant, d’abord en identifiant bien la nature de l’ennemi et en le dénommant pour ce qu’il est : l’antisocialisme.