Contrairement à une opinion trop répandue, le suffrage universel n’est pas uniquement le droit qu’a le citoyen de désigner un homme politique ou un parti. C’est surtout, et c’est ce que défend le système clérocratique, le droit qu’il a d’indiquer à un gouvernement quelles sont les priorités auxquelles il doit s’atteler. Choisir un homme ou un parti, c’est élire un maître ou un groupe de maîtres qui vont décider ce qui est bon ou mauvais pour la nation. Alors que définir les missions de ses dirigeants, c’est faire acte de citoyen responsable qui confie la réalisation de ses volontés à des personnes compétentes. Dans le premier cas, le citoyen obéit : il est sujet. Dans le deuxième, il décide : il est souverain. C’est ce qui fait la différence entre la démocratie actuelle et la clérocratie.

Aujourd’hui, en démocratie, l’électeur se prononce essentiellement pour donner le pouvoir pendant quelques années à Pierre, Paul, Jacques ou à tel ou tel parti politique. Pourtant, que connaît-il de Pierre, Paul ou Jacques ? Que peut-il savoir des véritables intentions des partis politiques qui se présentent à son suffrage ? Du jeu de ping-pong qui permet à la caste politique de se partager et de garder jalousement le pouvoir ? Quelques images bien choisies dans la presse, une émission de télévision peaufinée au millimètre, les commentaires de journalistes souvent partisans, des déclarations tellement convenues qu’elles en deviennent insipides. En résumé, rien qui puisse réellement l’informer, lui donner la possibilité de se forger une opinion. Bien sûr, certains électeurs connaissent toutes les arcanes du pouvoir. Mais combien sont-ils ? Combien peuvent consacrer du temps à comprendre ce jeu où même la caste politique finit par se perdre ? Pour les autres, qui représentent l’immense majorité, tous ceux pour qui la politique vient après leur famille, leur travail, leurs amis, leurs loisirs, bien loin après ! pour tous ceux-là, peut-on qualifier ce vote de décision en connaissance de cause ? N’est-ce pas uniquement un bon moyen pour permettre la confiscation du pouvoir par une minorité à son seul profit ? N’est-ce pas la meilleure méthode pour dégoûter la majorité d’un peuple des élections comme on le voit actuellement ? Et surtout, à quoi ça sert de voter pour le programme de Pierre, Paul ou Jacques ? N’est-il pas plus important pour un citoyen de définir ses priorités et de demander à ses dirigeants de les mettre en oeuvre ? N’est ce pas cela, et uniquement cela, le véritable pouvoir populaire ?

Demain, en clérocratie, le citoyen gardera évidemment le suffrage universel. Mais un vrai suffrage, celui qui consiste à donner son avis sur des sujets que l’on connaît, que l’on maîtrise, ou à voter pour des personnes qui sont suffisamment proches pour savoir qui elles sont vraiment. D’abord, il y aura le vote au niveau des élections municipales, mais à la manière clérocratique : un découpage de la France en petites unités – les bases – dans lesquelles les électeurs pourront choisir leurs futurs dirigeants en connaissance de cause. C’est ce qui se passe actuellement dans les petites communes où chacun se connaît et peut se faire réellement connaître, et c’est là, et seulement là, qu’il y a le plus grand pourcentage de participation. Ensuite, les électeurs seront régulièrement consultés par référendums. Pas une mascarade à la mode d’aujourd’hui, non ! Mais de véritables référendums où l’on demandera aux électeurs quels sont leurs souhaits, leurs priorités. Et ces priorités là, les électeurs les savent forcement. Elles sont leur quotidien, leurs aspirations de tous les jours. Dans ce cas de figure, et dans celui-ci seulement, les électeurs peuvent se prononcer en connaissance de cause. Et ce sont ces priorités qui serviront de programme aux dirigeants politiques.

En clérocratie, le citoyen ne vote pas pour donner à untel ou untel une espèce de mandat en blanc pour décider à sa place, comme on procède avec un être incapable. Non ! Le clérocrate choisit ses futurs dirigeants en connaissance de cause et leur indique les missions qu’ils devront accomplir. Comme procède un citoyen responsable.