Après sarko, villepin : l’attaque des clones
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Dans l’euphorie de la campagne du OUI NON au référendum, le ministre de Villepin essaie de combattre l’impopularité record du gouvernement en allant à la pêche aux voix d’extrême droite. Sa solution ? S’attaquer aux éternels boucs émissaires de la République : les étranger-e-s.
Mercredi 12 mai, le ministre de l’intérieur a annoncé les grandes lignes de son plan de lutte contre l’immigration irrégulière, adopté aussitôt par le conseil des ministres. S’il prétend dans un premier temps que la lutte contre l’immigration irrégulière est le seul moyen d’accélérer l’intégration des populations étrangères et de remédier à l’exploitation humaine qui est faite par les filières clandestines, on comprend mieux ses intentions lorsqu’il affirme que « la lutte contre l’immigration clandestine doit devenir la priorité de la sécurité publique et de la gendarmerie nationale ». Le discours est clair : immigration = délinquance + terrorisme.
L’intervention de Villepin débute par le constat d’une augmentation constante de l’immigration régulière en France : 217.000 titres de séjour ont été délivrés en 2004. Cette nouvelle semble beaucoup l’attrister. De même que la procédure de régularisation massive qui vient de s’achever en Espagne avec 690.000 régularisations, accusée de créer un appel d’air.
Dans la vision de De Villepin et dans la continuité de celle de Sarkozy, les étranger-e-s sur le territoire français sont systématiquement suspect-e-s de fraudes. Il est vrai qu’aujourd’hui entrer et se maintenir légalement sur le territoire français est quasiment impossible pour qui vient des pays « pauvres ». Arguant de la volonté de « parvenir à un meilleur équilibre entre les droits et les devoirs des demandeurs d’asile » (!!!), le ministre accuse les étranger-e-s des fraudes suivantes :
– Usage abusif des attestations d’hébergement (qui permettent d’obtenir des visas)
– Réalisation de mariages de complaisance (ou mariages « blancs », entre un-e sans papier-e et une personne en situation régulière) et de mariages forcés (réalisés à l’étranger : 42.000 demandes de trasncriptions de mariages en 2003).
– Refus des étranger-e-s en interpellé-e-s en situation irrégulière de déclarer leur nationalité et de fournir des pièces d’identité : si la police ne peut s’assurer de la nationalité de la personne, elle ne peut pas être expulsée. Egalement accusation de déclarer de fausses nationalités (Irakienne, Kurde, Afghane, Somalienne…) ou de mentir sur leur âge (un-e mineur-e n’est pas expulsable).
– Dépôt de demandes d’asile en dehors du département de résidence.
– « Détournement » de visas de courts séjours (2 milllions délivrés chaque année en France), lorsque la personne reste sur le territoire après expiration du visa.
– « Détournement » du statut d’étudiant-e. Il peut arriver qu’un-e étudiant-e se sente bien dans notre bon pays et souhaite donc s’y établir durablement. Le ministre note au passage que l’augmentation du nombre d’étudiant-e-s étranger-e-s (55.000 en 2003), qui l’attriste beaucoup, ne s’est pas accompagnée d’une « réflexion approfondie sur le profil de formation recherché » ni sur leurs « éventuelles perspectives professionnelles en France » : un pillage de cerveaux mal organisé, en somme. Soulignons que la hausse du nombre d’étudiant-e-s étranger-e-s est essentiellement due à l’afflux d’étudiant-e-s européen-ne-s, donc « blanc-he-s et riches ».
– Travail au noir : il faut bien manger, surtout que l’allocation pour les demandeur-euse-s d’asile (« allocation d’insertion ») est bien maigre : 295 euros par mois.
Dans sa litanie xénophobe, le ministre est accablé par les « dysfonctionnements » et la lenteur des administrations qu’il dirige et qui ne facilitent pas son boulot d’expulseur en chef. Le temps d’instruction des demandes d’asile est trop long et les débouté-e-s ont le temps de disparaître dans la nature, et les décisions d’expulsion sont souvent inapplicables. Ah, la bureaucratie !!!
Pour soulager ses tourments, De Villepin nous propose avant tout un flicage massif, déjà bien en route, et qui ne touche pas que les populations d’origine étrangère :
– Généralisation des visas biométriques (incluant des données comme la photographie de l’iris, les empreintes digitales, …) dans tous les consulats français d’ici 3 ans (expérimentés à Bamako, Minsk, Colombo).
– Mise en place dans chaque commune d’un fichier des attestations d’accueil. Cette mesure viendra compléter le décret du 23/11/2004 donnant pouvoir aux maires pour contrôler ces certificats. Il permet de vérifier les conditions concrètes d’accueil des visiteurs et prétend empêcher les détournements de procédure.
– Obligation d’accepter les hébergements proposés par les préfectures aux demandeurs-euses d’asile sous peine de ne pas bénéficier de l’allocation mensuelle de 295 euros. Notons au passage que le ministre ne propose rien pour pallier la pénurie de places en CADA (Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile), qui est pourtant criante.
– Contrôle des mariages. Rappelons qu’une circulaire de 2003 avait été rejetée par le conseil constitutionnel : elle devait permettre aux maires de refuser de célébrer un mariage jugé douteux. Par contre, le maire peut suspendre la cérémonie pour saisir le procureur en cas de doute et permettre aux parquets de vérifier la validité des mariages en interrogeant séparément les 2 conjoints sur la réalité de leur vie commune. Une nouvelle circulaire permet aux parquets de « mieux » contrôler cette validité. De Villepin envisage également de modifier le code civil pour mettre fin à l’automaticité de la transcription des mariages effectués à l’étranger.
Toutes ces mesures n’ont qu’un but : toujours plus de contrôles pour pouvoir suivre à la trace tous les mouvements des individu-e-s entré-e-s sur le territoire. Ce flicage, qui a pour conséquence immédiate une restriction drastique de la liberté de mouvement, vise à la fois à complexifier encore l’obtention de titres de séjour et, là aussi, à faire du chiffre en matière d’expulsions. On peut être certain-e qu’il ne diminuera pas le nombre de sans-papier-e-s sur le territoire, car aucune frontière n’est hermétique, et le patronat est toujours aussi avide de main d’oeuvre taillable et corvéable à merci. L’objectif annoncé par De Villepin est d’atteindre 20.000 « reconduites » (euphémisme d’« expulsions ») en 2005. Cet objectif était déjà celui que prévoyait Sarkozy en 2002. On est ainsi passé de 8.000 expulsions en 1998 à 11.000 en 2003 et à 15.000 en 2004. Au premier quadrimestre de l’année 2005, on comptait 6.259 expulsions, soit une hausse de 20%, s’enorgueillit le ministre. Dans ce dernier domaine, la volonté d’obtenir des résultats quels qu’en soient les moyens est plus que mise en avant par un certain nombre de mesures :
– Nouvelle réduction des délais d’instruction des demandes d’asile par l’OFPRA (Office de Protection [!] des Réfugiés et Apatrides) pour atteindre 6 mois, recours compris (en 2002, les délais étaient de 2 à 3 ans). Cette volonté ne s’est pas accompagnée de l’annonce de recrutements de personnel à l’OFPRA. On devine donc de quelle façon vont être traités les dossiers.
– Renforcement des contrôles d’identité « de routine » « dans les quartiers, les commerces et les squats » par toutes les forces de répression (police, gendarmerie, police aux frontières). Redéploiement des effectifs de la PAF (Police Aux Frontières) sur les lieux d’entrée et de passage de migrant-e-s sur le territoire. A titre d’exemple, à Calais, depuis début 2005, les autorités ont interpellé 5.983 clandestins de 94 nationalités et 128 passeurs de 22 nationalités. 122 membres des forces de l’ordre, PAF, sécurité publique, et CRS appuyés par hélicopère et gendarmerie étaient mobilisés mardi 18 mai dans cette même ville.
– Passage de 650 places à 1.600 dans les centres de rétention fin 2005 (Celle de Lesquin, près de Lille, va doubler). Ce programme est en cours (1.000 places pour l’instant). Rappelons que le délai maximal de rétention a été augmenté de 12 à 32 jours par Sarkozy, ce qui explique largement l’encombrement des centres et donc la nécessité de les agrandir. Suite à cet engorgement, des « chambres » sont fortement sur-occupées (ajouts de lits), alors que la loi précise que les centres doivent fournir « une prestation de type hôtelier ». Il existe aussi des locaux de rétention créés par arrêtés préfectoraux, par exemple dans des annexes de commissariats, hôtels, locaux de la Croix Rouge (comme à Amiens).
– Installation de tribunaux administratifs à l’intérieur des centres de rétention, comme à Coquelles (Pas-de-Calais), garantie d’opacité et d’inéquité du jugement.
– Multiplication par 3 du budget consacré à l’éloignement : de 35 à 100 millions d’euros, Augmentation du nombre de salarié-e-s de la PAF de 650 personnes en 2 ans. La PAF va voir sa mission évoluer dans le sens d’un recentrage sur la lutte contre l’immigration irrégulière et d’une fonction de coordination des différents services se consacrant au flicage et à l’expulsion des étranger-e-s. Cette évolution, revendiquée comme la création d’une véritable « police de l’immigration », accompagne une réorganisation administrative incluant la création d’un comité interministériel de contrôle de l’immigration et de pôles départementaux de lutte contre l’immigration irrégulière.
– Négociation avec les différents Etats pour faciliter l’obtention de laissez-passer consulaires. Délivré par son consulat en France pour l’étranger-e expulsé-e, ce laissez-passer constitue une reconnaissance de la nationalité de la personne et une autorisation de l’expulser. Aujourd’hui, seulement 2 à 4 demandes de laissez-passer sur 10 seraient satisfaites (selon le ministère).
– Etablissement d’une liste de pays tiers sûrs. Ce projet est porté depuis plusieurs années par les pays d’immigration de l’Union Européenne. Villepin pose un ultimatum au 15 juin : si à cette date l’UE n’est pas parvenue à un accord sur cette liste, la France annoncera la sienne et la mettra en application. Les étranger-e-s issu-e-s de pays dits « sûrs » verront leurs demandes d’asile traitées en 96h ! Autant leur signifier que c’est pas la peine de venir. Le choix des pays tiers sûrs sera très certainement l’objet d’intenses tractations diplomatiques : tu m’achètes des airbus alors je te trouve plutôt sûr, tu me laisses pas ton pétrole alors t’es pas sûr, etc. Une bonne solution pour accélerer les délais d’instruction à l’OFPRA ! Cette proposition est clairement en contradiction avec les principes de la Convention de Genève (selon l’article 3, les demandes d’asile sont personnelles et ne peuvent être établies en fonction de la provenance du demandeur).
– Intensification de la collaboration européenne en matière de contrôle des frontières extérieures et de vols groupés (les fameux charters). On se souvient que Sarkozy avait expérimenté ces charters multinationaux à grands renforts de publicité début 2003, notamment avec l’Espagne. En matière de contrôle des frontières, des patrouilles douanières mixtes sont mises en place, des officiers de plusieurs pays sont mis à disposition aux frontières, une Agence Européenne des Frontières est créée.
Ce branle-bas de combat annoncé par le ministre de l’intérieur ne constitue que la suite logique des politiques de l’immigration menées depuis plus de 30 ans par l’Etat français. On assiste cependant à des politiques et des discours de plus en plus ouvertement xénophobes.
Sous la gauche plurielle, on avait pu assister de la part des gouvernant-e-s à une perte progressive de leurs complexes vis-à-vis de l’immigration. Portés au pouvoir notamment par les vagues de protestations suscitées par le mouvement des sans-papier-e-s, l’occupation de l’Eglise Saint Bernard (Paris) et le rejet de la politique de Debré dans ce domaine, ils ont tôt fait de retourner leur veste grâce à l’action particulièrement volontaire de Chevènement. On avait quand même une certaine retenue à l’époque, puisque le ministre avait présenté une circulaire qualifiée – par lui-même – d’« historique » aménageant les conditions de régularisation. Elle s’était soldée par 80.000 régularisations et autant de demandes rejetées, et avait abouti à un fichage géant des étranger-e-s en situations irrégulière.
Arrive la droite et le flamboyant Sarkozy, qui fait lui aussi mine de souffler le chaud et le froid à grands renforts de coups de publicité et d’effets d’annonce : fermeture du centre de Sangatte, modification de la double peine pour le chaud – plutôt tiède ; renforcement des contrôles aux frontières, multiplication des bavures (ne nous dites pas qu’elles sont dues au hasard ou à la malchance), relance en grande pompe des charters, suppression de l’aide médicale gratuite, durcissement des critères pour les parents d’enfants nés en France, les mariages, etc. Le tout présenté avec une sorte d’empathie plutôt acrobatique : « c’est pour leur bien ».
Avec de Villepin, on assiste à un nouveau changement de registre. On entre carrément dans le racisme et la chasse franchement décomplexée à l’électeur-rice d’extrême droite. Plus de grande envolée lyrique sur la « tradition France Terre d’asile », pas la moindre évocation de la belle notion de Droits de l’Homme. De Villepin se lamente d’abord sur la quantité d’immigration régulière. Abusive, bien sûr : détournements de procédure, abus de droit, etc. On va surveiller ça de plus près… Mais voilà le grand cheval de bataille à venir : la lutte contre l’immigration irrégulière, qui nous envahit littéralement ! Pour la première fois, le ministère donne des chiffres, plus élevés que toutes les estimations réalisées jusqu’alors : 200.000 à 400.000 personnes en situation irrégulière ! Un seul but : faire peur. Pas un mot sur les causes de ce phénomène : pas un mot sur les lois et leur application de plus en plus restrictives qui compliquent la demande de régularisation et augmentent donc le contingent d’irrégulier-e-s, sur la difficulté d’obtenir des visas, presque pas un mot sur les causes des migrations (sauf une mention sybilline de la nécessité d’une aide au développement des pays d’origine). Pas un mot sur ses conséquences non plus : pourquoi faudrait-il lutter contre l’immigration ? Nul ne le sait. L’immigration est un problème, il faut lutter contre l’immigration, il faut créer une police de l’immigration.
On sort de l’expulsion un peu voilée, un peu honteuse, prétendûment couverte d’humanisme. On entre dans le domaine de la haine apparemment la plus irrationnelle. Disons bien apparemment, puisqu’il s’agit finalement, très rationnellement, d’aller chasser sur les terres de l’extrême droite pour lever son bouc émissaire préféré : l’étranger. L’étranger est tricheur, l’étranger est menteur, il est voleur, peu importe pourquoi il vient « chez nous ». Ce qui compte, c’est qu’on l’en dégage en gesticulant le plus possible.
Et pourquoi tous les êtres humains n’auraient-ils pas le droit de circuler et de s’installer librement, partout, tout le temps ?
{{{A BAS LES FRONTIERES !
A BAS LES MINISTERES !
LIBERTE DE CIRCULATION ET D’INSTALLATION POUR TOUS ET TOUTES !}}}
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