Sieg = agcs
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SIEG, « service d’intérêt économique général. » Ces mots sont utilisés dans le traité constitutionnel européen.
Les socialistes et les Verts qui soutiennent ce traité affirment qu’ils signifient « service public » dans le langage européen. J’ai même été confronté à un Vert qui affirmait que « l’expression «service d’intérêt économique général » constitue un glissement sémantique pour service public» ! Ce qui permet à ces libéraux de gauche de prétendre que le traité protège les services
publics.
Il faut reconnaître qu’il y a de quoi être induit en erreur. Le texte du traité (articles 96 et 122) indique que les SIEG contribuent à la cohésion sociale et territoriale, qualités qu’on reconnaît généralement aux services publics. Mais nulle part dans ce traité, on ne trouve de définition précise du SIEG.
Ce que les partisans du texte omettent de signaler, c’est que le traité indique que l’Union veille à ce que ces SIEG puissent accomplir leur mission « dans le respect de la Constitution » (art. 122). Une Constitution qui par ailleurs martèle qu’elle instaure « une économie de marché où la concurrence est libre et non faussée. » Une Constitution qui ne reconnaît pas la notion de service, c’est-à-dire la mise en oeuvre de droits collectifs que tous peuvent exercer grâce à une mutualisation des coûts qui implique une intervention financière des pouvoirs publics. Or, cette intervention est incompatible avec les règles de la concurrence édictées par cette même Constitution. C’est d’ailleurs ce que précise le Livre Blanc de la Commission européenne qui indique que « les termes « service d’intérêt économique général » ne peuvent être confondus avec l’expression service public » (p. 23) et qui précise qu’un Etat peut mettre en place un SIEG à deux conditions : que le marché soit défaillant et que ce SIEG respecte les règles de la concurrence, respect également exigé par l’article 162 de la Constitution.
En fait, un SIEG, c’est une activité de service qui satisfait aux règles de l’AGCS, l’Accord général sur le commerce des services de l’OMC. Il ne s’agit plus de
réaliser l’égalité dans l’exercice d’un certain nombre de droits collectifs. Il s’agit tout simplement de réduire toute activité de service à une activité marchande qui répond aux règles de la concurrence afin que la recherche de la rentabilité puisse s’accomplir sans entraves et dans le respect d’une concurrence « libre et non faussée », comme le veulent les accords de l’OMC. Les services, avec l’AGCS comme avec ce traité constitutionnel, c’est pour ceux qui peuvent se les payer.
C’est d’ailleurs en cela que le traité constitutionnel européen représente une mise en conformité de la société européenne avec les règles néolibérales de l’OMC.
Les sceptiques seront convaincus dès qu’ils compareront les différentes dispositions de l’AGCS (en particulier les articles 1 et 19) avec les articles 144 à 148 de la
Constitution proposée. Les objectifs sont exactement les mêmes : libéraliser les activités de service en supprimant toutes les dispositions normatives qu’ont pu élaborer les pouvoirs publics locaux, régionaux ou nationaux et qui sont susceptibles de contrarier la libre concurrence dans le domaine des services.
C’est également l’objectif poursuivi par la « proposition de directive sur les services dans le marché intérieur », soutenue par la Commission européenne et mieux connue sous le nom de son auteur : Frits Bolkestein. On sait que pour ne pas éveiller les craintes légitimes des électrices et électeurs de France avant le référendum, cette proposition a été mise au congélateur, mais il ne fait aucun doute qu’une victoire du « oui » provoquera immédiatement un rapide passage de la proposition au four à micro ondes.
C’est en Europe, pour concrétiser la volonté des travailleurs et des salariés d’introduire des mécanismes de solidarité dans une société de liberté, qu’a été
élaborée la notion de service et qu’ont été conçus les services publics. Depuis une vingtaine d’années, la vague déferlante du néolibéralisme venue du monde anglo-saxon entend imposer au monde un modèle de société qui est à l’opposé du modèle peu à peu conçu en Europe au prix d’âpres luttes politiques et sociales. La social-démocratie a décidé que la bataille était perdue et elle a fait le choix de se résigner et de collaborer avec ses ennemis de toujours. Elle concrétise cette collaboration en soutenant un traité qui efface une des caractéristiques fondamentales du modèle européen.
Toutefois, après avoir subi le choc, les victimes de ce choix se relèvent et semblent de moins en moins disposées à en subir encore longtemps les conséquences.
Le 29 mai, une occasion qui ne se représentera plus, est donnée de bloquer la dérive de la société européenne vers le modèle américain du chacun pour soi. C’est en 2005 et non en 2007 qu’on peut arrêter la déferlante néolibérale. Après, plus rien ne pourra s’y opposer. Ce sera dans la « Constitution ». Il ne faut surtout pas manquer cette occasion unique. Et dire fermement et tranquillement NON.
Raoul Marc JENNAR
chercheur
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