Antiterrorisme : le fijait, un fichage pendant vingt ans et des obligations pendant dix ans
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La juridiction antiterroriste est avant tout un instrument politique utilisé selon les priorités du moment. Derrière ce terme repoussoir de « terrorisme » se trouvent des profils très variés tels que des djihadistes, des indépendantistes basques, corses, kurdes ou des « anarcho-autonomes », pour reprendre la terminologie de l’Etat. On se souvient de « l’affaire de Tarnac » dans laquelle plusieurs camarades, initialement poursuivis pour terrorisme, ont finalement obtenu une relaxe. Une autre affaire sous juridiction anti-terroriste concernant la dite « mouvance anarcho-autonome » s’est soldée par cinq condamnations en 2012, pour « association de malfaiteurs en vue de commettre un acte de terrorisme », «fabrication d’engins incendiaires ou explosifs » et « refus de se prêter aux prises d’empreintes digitales et aux photographies ». Les faits reprochés concernaient la découverte d’un engin incendiaire sous une dépanneuse de la police nationale à Paris, la détention de fumigènes aux abords d’une manifestation et la participation à un sabotage d’une armoire électrique proche de voies ferrées, tout cela dans le contexte des luttes contre le CPE en 2006, de l’arrivée au pouvoir de Sarkozy en 2007 et des révoltes dans les centres de rétention en 2008 (pour un rappel plus détaillé de ces affaires, voir : https://infokiosques.net/mauvaises_intentions)
Au-delà des condamnations, le pouvoir cherche en permanence à accroitre le fichage de toutes celles et ceux qu’il juge menaçant. Dans le contexte émotionnel des attentats de 2015, il était aisé de créer un nouveau fichier comprenant des obligations et des interdictions s’appliquant pendant des années après la fin des condamnations. Une personne peut aussi être inscrite au FIJAIT lors de sa mise en examen au cours d’une instruction anti-terroriste, donc avant même son éventuelle condamnation. Ce fichier, initialement présenté pour lutter contre les djihadistes, englobe tous les individus condamnés pour terrorisme et a donc immédiatement concerné des militants politiques basques, corses et kurdes ainsi qu’au moins un des camarades de la dite « mouvance anarcho-autonome » condamnés en 2012, et donc de manière rétroactive. Ce camarade a entamé des recours afin de sortir de ce fichier, pour l’instant sans succès. Des luttes existent également en Corse et au Pays Basque contre l’inscription dans ce fichier.
Concrètement, l’inscription au FIJAIT dure 20 ans après la condamnation, il empêche l’exercice d’un certain nombre d’emplois. De plus, pendant 10 ans, toute personne au FIJAIT doit pointer tous les trois mois au commissariat, justifier de son domicile et prévenir au moins 15 jours par avance tous ses déplacements à l’étranger. Le non-respect peut entrainer une peine jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Autant dire qu’il s’agit d’une forme de contrôle judiciaire qui se rajoute à la peine initiale et qui dure dix ans. Comme on le sait, ce genre de fichage et d’obligations présentés comme « exceptionnels », rappelons-nous du fichage ADN, s’étend et s’applique bien souvent par la suite à de nouveaux types de condamnations. D’ailleurs la récente loi sur le séparatisme prévoit d’élargir l’inscription au FIJAIT au délit d’ « apologie du terrorisme » et nul doute que ce n’est que le début de l’offensive du pouvoir pour élargir l’application de ce fichier et les obligations qui vont avec. Restons vigilants et solidaires contre tous les fichages de l’Etat !
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