Nouvelle version du texte arroseur arrosé.
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« Inadmissible*! »
Vraiment je ne sais pas pourquoi je suis si triste,
ça me pèse et voici que ça vous pèse aussi ;
Mais comment j’ai gagné, trouvé, reçu ça,
De quelle étoffe c’est fait et d’où ça m’est né
Il me reste à l’apprendre : (…)
Acte I, scène1
William Shakespeare, Le Marchand de Venise :
(…) Donc, or brillant,
Dur pain du roi Midas, je ne veux pas de toi-
Non plus de toi, tâcheron blême et vil.
Courant d’un homme à l’autre :
au moins toi pauvre plomb
Qui menaces plus que tu ne promets,
Ta franchise, plus que l’éloquence, m’émeut,
Et moi je te choisis –
viens m’apporter la joie !
Id., ibid., Acte III, Scène 2.
Le matin du jeudi 17 Mars, quelques étudiants ont jugé bon de contribuer, à leur manière, au clou des « journées portes ouvertes » de la toute neuve « Maison des étudiants » ou Ereve, sur le campus de Villejean à Rennes.
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Il s’agissait lors de ces journées de poursuivre la restructuration de l’identité étudiante par l’agitation culturo-festive dans une ville qui combat les débordements nocturnes d’abord par les C.R.S. puis, lorsque cela s’avère insuffisant, par l’organisation monstre de pseudo – fêtes autogérées et associatives « Dazibao ». On avait donc la veille dignement fêté la St Patrick dans le nouvel édifice, au cours d’une soirée rebaptisée St Pat’ick. Et pour égayer cette désolation, les participants étaient invités à s’y présenter vêtus de rouge.
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Au petit matin, peut-être au moyen d’un extincteur, furent habillés de peinture rouge écarlate les orgueilleux, distributeur bancaire, vitrines du crédit agricole (banque qui n’ayant pas assez produit de désastres dans les campagnes, vient « investir » les universités), de la mutuelle étudiante ainsi que les ridicules pictogrammes qui ornent la façade d’un bâtiment dont tous s’accordent à reconnaître combien ses « concepteurs » ont emprunté aux modèles architecturaux que sont prisons et galeries marchandes.
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Ils ont voulu affirmer, contre l’idée que l’esthétique n’est qu’affaire de goût, contre l’attitude de ceux qui refusent de penser qu’au travers de tels espaces se composent des subjectivités qui resteront insensibles à leurs sirènes anti-libérales, la possibilité d’une prise locale sur les rapports qui y sont tissés. Avant que l’habitude, quand ce n’est pas l’oubli pur et simple, ne vienne rendre plus tolérable, pire plus imperceptible, ce que réalise la vaste opération de « nécessaire-adaptation-de-l’université-aux-nouvelles-exigences-du-marché » dont EREVE est un sinistre échantillon : l’intégration – la mise en équivalence – des diverses « tendances » qui composent le mode de vie étudiant.
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Cette mise en équivalence générale de toutes choses (c’est-à-dire leur traduction sans cesse renouvelée en marchandises) produit un certain régime des rapports entre les idées, les œuvres que nous aimons et la vie : lequel est celui du déclamatoire et de l’éloignement chaque jour plus étendu entre les puissances de la parole et du geste enfermées dans ces œuvres d’une part, et leur expression vitale, leur valeur pour nous d’autre part.
L’université avait ainsi presque fini par enterrer la question de l’usage que nous faisons des savoirs à venir et d’œuvres aussi bouleversantes que celles de Kafka, de Francis Bacon, de Aby Warburg, de Brecht, de Dreyer ou de E.P. Thompson… à force de chercher à garantir l’échange des savoirs sur le marché des biens culturels.
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Que nos contemporains ne s’y trompent pas, la prodigalité des moyens offerts à la culture est suspendue au tacite consentement de celle-ci à son esclavage ; de cette manière, l’Etat peut assujettir à sa guise le produit de la culture et obtenir d’utiles serviteurs.
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Autrement dit, en même temps que s’estompe la force avec laquelle les œuvres, par quoi nous tenons à la vie, peuvent emporter et concrètement transformer celle-ci ; les opérations du type EREVE gouvernent les tendances d’individus panélisés, à la fois flexibles et « cool », performants et « créatifs », parmi lesquelles nous serions contraints de choisir.
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À l’encontre des déclarations de « La Présidence » qui siffle sa « communauté universitaire » dès qu’une situation lui apparaît hors contrôle, nous appelons les personnels, les étudiants et les professeurs et tous ceux qui le désireront à manifester une communauté plus secrète, mais nous en sommes certains, plus profonde aussi, qui, face à l’activisme de l’Administration, doit rompre avec la précipitation passive des dernières tentatives syndicales, et prendre le temps de s’organiser. Pour dès maintenant, commencer d’en finir avec l’horreur souriante et hostile qu’est aujourd’hui plus que jamais l’université, et redonner ainsi un peu de pensée à la vie autant que de vigueur à la pensée dont la préoccupation ne peut être que celle des effets qu’elle engendre ainsi que des actes auxquels elle peut s’associer ou non.
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« L’université du troisième millénaire » trouve des collaborateurs ; mais aussi des ennemis.
Étudiants et professeurs en lutte
des universités de Rennes.
Nous encourageons tous ceux pour qui ce texte éveille le désir, à prolonger et diffuser ce qu’il tente d’avancer avec qui ils jugeront bon de le faire.
*Inamissible : adj. qui ne se perd pas.
Autre constat: les baies “brisées”, joliment étoilées, à l’arrière du bâtiment EREVE….