Contre la construction d’un CRA à Nantes

Qu’est ce qu’un CRA ?

CRA veut dire Centre de Rétention Administrative, pour ne pas dire prison pour étranger·es. Pourtant, c’est bien de ça dont il s’agit : suite à un contrôle de police ou à la fin d’une peine de prison, les étranger·es qui n’ont pas de titre de séjour y sont enfermé·es.

Être enfermé·e en CRA, c’est se retrouver coupé·e de ses proches et être à la merci des flics de la police aux frontières (autrement dit pour la grande majorité des fachos qui ont trouvé un travail aussi merdique que leur idéologie) dans l’idée d’être expulsé·e vers son pays d’origine ; c’est aussi pouvoir être condamné·e à de la « prison pour tout·es » en cas de refus d’expulsion ou de révolte. Les conditions de (sur)vie sont dénoncées par tout·es les prisonnier·es qui y croupissent.

Être expulsé·e signifie se faire déporter dans un pays qu’on a décidé de quitter alors que les conditions de départ sont extrêmes, en partie à cause de l’impérialisme et des politiques européennes meurtrières aux frontières : quitter son pays d’origine et ses proches, fuir des persécutions ou chercher une vie plus digne est une décision difficile que personne d’autre ne saurait juger. Nous pensons que cette décision ne devrait jamais être remise en cause par quelque autorité que ce soit, voire qu’elle devrait forcer le respect dans tous les cas.

Un CRA à Nantes (avec 140 places prévues !) resserrerait le maillage carcéral à l’échelle nationale et renforce la menace d’enfermement pour toute personne sans-papier dans la métropole et sa région. Cela va donc intensifier la chasse aux sans-papiers dans cette ville déjà bien trop policée : pour chacun·e, c’est risquer d’être arraché·e à son quotidien au détour d’une rue ou au travail et d’être déstabilisé·e dans l’équilibre souvent précaire que représente l’installation dans un nouvel endroit.

Pour l’instant, l’enfermement en CRA reste difficile à appliquer puisqu’il faut emmener les sans-papier à Rennes (CRA le plus proche). Avec ce projet de CRA, 140 personnes supplémentaires subiront chaque jour l’horreur carcérale à Nantes, sous le regard approbateur du fascisme qui monte !

Pourquoi l’État enferme les étranger·es en CRA ?

Selon l’État, l’enfermement en CRA est justifié pour faciliter les procédures d’expulsion. Pour cela, il ne ménage pas ses efforts. En théorie, cet emprisonnement doit durer le temps de trouver le moyen de les expulser – jusqu’à 90 jours. En pratique, c’est bien plus compliqué : les gens enfermés ne sont pas tout·es expulsables, certain·es ont une demande de titre de séjour en cours ou des enfants en fRance par exemple, ce qui rend leur expulsion illégale. Ça ne les empêchent pas d’y rester des semaines sinon des mois, voire d’être expulsé·es malgré tout, les pratiques arbitraires remplaçant parfois le droit quant à une éventuelle libération.

Alors pourquoi les enfermer ?  Bien sûr, il serait facile de dire que c’est par pure méchanceté ou par manque de considération pour la vie humaine, mais quelque part, on est convaincu·e que ce n’est pas suffisant et qu’à l’échelle d’un État, les décisions se prennent par intérêt.

L’État construit tout un système pour créer une population qui a moins de droits que les autres, en coinçant de nombreuses personnes en situation irrégulière. Ces personnes n’ont pas le droit de travailler ni de louer un logement. Elles sont condamnées à accepter n’importe quel travail illégal à n’importe quelles conditions pour un salaire deux ou trois fois plus faible que le salaire légal. Si l’État enferme des étranger·es, c’est sans doute pour qu’une menace plane sur toustes les autres. Ça permet aussi d’exercer un contrôle plus important sur celles et ceux qui pourraient avoir l’idée de se révolter et de réclamer des droits égaux aux français·es.

Pire qu’une menace, les CRA sont aussi une humiliation : leur simple existence attaque la fierté et la dignité de toutes celles et ceux qui ne sont pas reconnu·es par l’État. C’est le rappel perpétuel que nos vies ne valent pas grand-chose si l’État a décidé de ne pas nous donner les papiers nous permettant une existence légale.

Cela s’inscrit dans une longue histoire où la bourgeoisie – la classe au pouvoir et qui détient l’argent – cherche à dominer les autres pour profiter d’elleux. Pour les exploiter, elle les a divisé·es en catégories. Les riches ont inventé les races pour inférioriser des populations entières et ainsi justifier l’esclavage. Après la période de la traite atlantique (qui a permis à de nombreuses familles nantaises d’accumuler de grosses fortunes), d’autres périodes d’exploitation coloniale ont suivi. La France a administré d’autres pays pour en piller les richesses et a forcé des gens à y venir lorsqu’il y avait besoin de plus de travailleur·euses.

Aujourd’hui, les étranger·es non-blanc·hes restent une catégorie qui est gérée comme un troupeau, mis·e au travail, expulsé·e ou enfermé·e selon les besoins. Alors que les français·es voyagent partout dans le monde, la France se prétend menacée par le fait que des gens viennent y vivre. Ce qu’on voudrait, nous, c’est que tout le monde puisse avoir les mêmes droits, que tout le monde puisse avoir accès à un logement et puisse être le mieux protégé possible contre l’exploitation.

La construction d’un CRA pour flatter les idées réactionnaires

Aujourd’hui, le capitalisme nous impose l’inflation, l’augmentation de la durée de cotisation retraite et bien d’autres maux. Dans ce contexte, désigner les personnes immigrées comme une menace venant perturber l’équilibre de la nation, s’inscrit dans une logique fasciste. En effet, il est primordial pour les classes dirigeantes de trouver un bouc-émissaire à accuser (d’autant plus, s’il n’a pas les moyens de se défendre médiatiquement) pour masquer les violences de classe dont elles sont responsables.

Fin 2022, après de nombreuses polémiques sur les questions d’une soi-disant insécurité à Nantes, G. Darmanin, ministre de l’intérieur rencontre J. Rolland, maire de Nantes. Ensemble iels établissent une liste de mesures à prendre afin de rétablir la sécurité dans la métropole. C’est dans ce cadre que le ministère a annoncé la construction imminente d’un CRA à Nantes. Nous y voyons le marqueur d’une époque qui se fascise.

« Les CRA sont des prisons ! »

En tant que groupe qui milite contre toutes les prisons, nous n’avons de cesse de l’affirmer. Quand les prisons servent à réprimer par l’enfermement celles et ceux qui ne se plient pas aux règles du système économique et social, alors les CRA servent à réprimer par l’enfermement celles et ceux qui bravent les règles du système frontières.

Si détruire toutes les prisons et abolir le système capitaliste ne nous parait pas une mince affaire (et peut être même que ce n’est pas pour demain), empêcher la construction d’un CRA est réalisable. Ce serait déjà un édifice de moins à leur système carcéral qui nourrit toutes ces injustices et nous pourrit la vie.

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