Où va la justice administrative ? – i
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Où va la justice administrative ? – I
L’article de l’Express du 21 février 2005, consacré à la juridiction administrative et intitulé : Triste Etat,
n’est pas un cadeau de cette revue aux justiciables. Mais il ne serait jamais paru s’il n’y avait pas un réel problème de fond, qui était évident depuis longtemps mais que les médias ont toujours évité d’évoquer. Pour briser ce silence, il a fallu l’affaire récente des « sans papiers » du Tribunal Administratif de Paris. Tout simplement, parce que la grande majorité des justiciables n’ont pas à leur disposition des associations pour les aider à se plaindre du fonctionnement des tribunaux, qu’aucun groupe politique ni syndicat n’en encourage la formation, que la presse ne les écoute pas et que de façon générale les parlementaires leur répondent : « justice sereine », etc…
On nous explique d’emblée dans cet article que :
« La France connaît un gigantesque boom des recours devant ses 37 tribunaux administratifs. Entre 1989 et 2004, leur nombre s’est envolé, de 68 000 à 149 000 par an. »
mais on oublie de rappeler que 1989, c’est juste après le début de la du deuxième septennat de François Mitterrand. Un septennat au cours duquel la politique des pouvoirs publics et privés envers la grande majorité des travailleurs et des citoyens s’est durcie progressivement, accélérant ainsi l’évolution entamée en 1984 sous le gouvernement du courant Fabius – Delors. Evolution que la période du gouvernement Chirac de 1986-88 avait également bien confirmée, et qui n’a cessé de s’aggraver depuis et jusqu’à ce jour.
Pourquoi y a-t-il un si grand nombre de recours ? Il suffit de visiter, par exemple, le site du Tribunal Administratif de Paris, à la page :
et on relève les domaines de compétence suivants :
« contentieux fiscal ; immeubles menaçant ruine ; contraventions de grande voirie ; pensions ; travaux publics ; travail ; Commune ; département ; élections ; polices ; étrangers ; élections dans la fonction publique ; fonctionnaires et agents publics ; armées ; décorations ; marchés et contrats ; professions ; responsabilité hospitalière ; santé publique ; sécurité sociale et aide sociale ; refus de concours de la force publique ; rapatriés ; sports ; droits des personnes et libertés publiques ; agriculture ; culture ; transports ; économie ; domaine ; expropriation ; voirie ; élections universitaires ; éducation et recherche ; logement ; nature, environnement et installations classées ; urbanisme ; taxes parafiscales ; divers ; postes et télécommunication ;
plus une section spéciale pour le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière, qui travaille même les samedis.
Avant de subir les conséquences du rouleau compresseur des gouvernements qui se sont succédés depuis 1984 et du lobbying « européen » de Jacques Delors et d’autres hauts responsables politiques, les travailleurs et les citoyens étaient confrontés à des situations moins angoissantes. Les cas où l’intéressé(e) se sentait exposé(e) à un réel danger étaient beaucoup moins nombreux. Après la période de transition 1984-88, tout a changé. Mais le pouvoir politique, quelle que soit sa couleur, a choisi de ne pas accorder davantage de moyens à la justice. Tout simplement, parce qu’il savait pertinemment que la montée des contentieux était une conséquence de sa politique et, cette politique étant juste par définition, les recours contentieux qu’elle générait ne pouvaient qu’être « abusifs ».
Pour la même raison, à partir de 1984 environ, on a vu également se développer une pratique de rejet systématique des recours gracieux et hiérarchiques par les administrations, imposant ainsi à l’administré un contentieux au cours duquel les juristes et avocats de l’administration tenteront de le faire passer pour un « procédurier » et, si possible, de lui faire infliger une amende pour « requête abusive ».
En somme, pour le monde politique et les responsables des administrations, les administrés n’ont qu’à subir et se plier. Toute tentative de résistance légale doit être mise en échec, voire même sanctionnée.
L’article de l’Express fait état d’une déclaration d’un responsable du SNES estimant que : « dans un nombre croissant de situations, l’administration se refuse à appliquer le droit… ». Le président du Syndicat de la Juridiction Administrative Bernard Even, rapporteur à la Cour Administrative d’Appel de Paris, déclare à son tour :
« Afin d’éviter que les tribunaux administratifs n’implosent, il faut s’attaquer aux problèmes en amont… que l’Etat, les collectivités locales et la fonction publique hospitalière commencent à répondre aux demandes des citoyens! »
Mais cette déclaration peut surprendre. Car qui (outre le gouvernement), sinon la justice administrative elle-même, dispose des moyens de contraindre « l’Etat, les collectivités locales et la fonction publique hospitalière » à « répondre aux demandes des citoyens » ? On lit plus bas, sous un ton élogieux, que « désormais, 1 recours sur 4 aboutit à l’annulation de l’acte public attaqué », mais ce décompte ne paraît pas réaliste car on « oublie » de préciser qu’en général les jugements ne donnent raison qu’à une partie des demandes formulées dans la requête. Le taux réel de réussite des administrés, par rapport aux demandes qu’ils formulent, est sans doute inférieur au dixième et, par conséquent, très favorable aux administrations. L’Express ne fournit pas, non plus, aucune évaluation qualitative du taux de réussite des administrés par rapport aux enjeux des litiges.
Or, sur ce dernier point, on peut relever qu’un avocat déclare à L’Express (même article) : « Le droit public [est] en soi défavorable à l’administré, parce que l’intérêt général se doit d’être supérieur à l’intérêt particulier… ». Une lecture du droit qui a de quoi choquer, car pourquoi l’intérêt général serait-il de cautionner des dysfonctionnements des administrations dont tous les administrés peuvent être victimes, ou de défavoriser les administrés au bénéfice des administrations censées être au service des citoyens ?
Justiciable
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