Le capitalisme et ses États contre la classe ouvrière
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Et, patatras ! Ce fut la double peine.
• D’une part, la classe dominante s’est trouvée complètement démunie devant une pandémie annoncée depuis de longue date du fait des méfaits de l’agro-business qui détruit les zones sauvages et réduits les animaux à se réfugier près des concentrations urbaines, transmettant les virus aux fermes industrielles géantes. Elle n’a donc rien fait pour l’éviter en amont. Elle continue par contre sans scrupule cette politique démente.
• D’autre part, elle a renvoyé au front ceux qu’elle a exploité et durement frappé par ses attaques et son austérité depuis l’offensive des reaganomics des années 80, en réaction à l’accentuation de la crise du système.
Qu’a fait la bourgeoisie dans tous les pays du monde, notamment en France ?
A l’exception de Mai 68, chaque fois que les équilibres politiques ont été mis en danger notamment par des réactions ouvrières ou des luttes, les gouvernements en place ont fait appel à la suspension temporaire du cadre légal. De toute façon, la bourgeoisie applique ses « libertés » dites publiques quand cela l’arrange ! Ce dispositif d’État d’urgence ou d’exception est d’ailleurs prévu dans la constitution. Leur instauration répétée au cours de l’histoire récente en est la confirmation la plus flagrante. Depuis 1986 un certain nombre de loi se sont succédées pour renforcer les mesures répressives.
En France, trois fois les mesures d’urgence ont été utilisées dans les « Outre-mer » tout au long des années 1980, puis pendant plusieurs semaines à l’automne 2005 sur l’ensemble du territoire métropolitain pour contrer les émeutes des banlieues et enfin de façon ininterrompue entre 2015 et 2017, suite aux attentats terroristes. Mais tout cela ne suffit pas car la bourgeoisie, consciente que son ordre social ne peut qu’accentuer une colère latente, se donne de nouveaux moyens pour conjurer cette menace.
Depuis 2017, nouveaux durcissement de l’appareil répressif : les principales prérogatives régaliennes de l’état d’exception garantie par l’état d’urgence ont été incorporées au droit commun, renforçant le pouvoir de l’exécutif et les marges de manœuvre des principaux organismes judiciaires et policiers de l’État. Toutefois, cela n’est pas propre à la France. Le tournant autoritaire est à l’œuvre dans de nombreuses démocraties occidentales sous couvert de lutte contre le terrorisme. Ce fut le cas aux USA après les attentats des Twin Towers du 11 septembre 2001 avec l’adoption du Patriot Act voté le 26 octobre par le Congrès, suivi du Homeland Security Act puis en 2006 par le Military Commission Act. Plusieurs rapports d’Amnesty International ont dénoncé la violation des droits de la défense et les pratiques de détention arbitraire prévues par ces lois scélérates. Les USA n’en ont cure ! Une note de la RAND Corporation intitulée « Tendances du terrorisme » (ch.4) attire maintenant l’attention sur les écologistes, antimondialistes et anarchistes, les désignant comme le terreau de terroristes potentiels. On comprend dès lors que se sont les ouvriers et les révolutionnaires qui sont maintenant visés au-delà du terrorisme.
En France, les mesures d’exceptions de l’État d’urgence qui devaient être temporaires après l’attaque terroriste du 13 novembre 2015, ne sont plus temporaires pour la plupart car elles ont été incorporées à la loi « ordinaire », dès à présent, elles font parties du « droit commun » français. Et encore, les mesures de 2015 sont une nouvelle fois durcies suite à l’attentat de Nice du 14 juillet 2016. Outre la mise en place des mesures renforçant le contrôle de l’État sur la population, l’État d’urgence lui-même mis en place par le « socialiste » Hollande en 2015 a été prorogé d’année en année jusqu’au premier novembre 2017. Cette politique autoritaire et liberticide trouve ainsi un lieu de cristallisation particulièrement visible puisque les mesures ont été utilisés au-delà du terrorisme et notamment pour les manifestations des Gilets jaunes en 2019.
La crise du coronavirus n’a bien évidemment fait qu’accentuer ces tendances autoritaires des pouvoirs de par le monde déjà fortement déchaînées avec la « Loi d’urgence sanitaire » s’inspirant explicitement de nouvelles normes d’exception. La loi donne à l’État la possibilité de faire des Ordonnances sans passer par le Parlement pendant cette période. Mais, le 17 juillet, le projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire après le 10 juillet a lui-même prévu une période de « vigilance » durant laquelle des restrictions resteront encore possibles. En réalité, il s’agit d’un « état d’urgence qui ne dit pas son nom ». Une de ses dispositions prévoit notamment d’entraver le droit de manifester. C’est clair : il s’agit de s’assurer contre toute réaction ouvrière après le déconfinement. Et ce n’est pas tout, la bourgeoisie parle maintenant d’incorporer également les mesures d’urgence sanitaire dans la loi ordinaire comme cela fut fait pour les lois liberticides précédentes.
État d’urgence sanitaire, mon œil !
Mesures sanitaires de protection, mon œil !*
Répression accrue contre la classe ouvrière appelée au travail malgré la pandémie !
Malgré les diverses injonctions et pressions, la classe ouvrière s’est manifestée par des refus de reprendre le travail, des débrayages, droit de retrait et des grèves. Si l’appareil idéologique bourgeois s’est mis en branle pour magnifier le travailleur salarié à son poste dans la « guerre sanitaire », il a aussi orchestré le silence sur ces réactions spontanée de protection. Quoique limitées et insuffisantes face au caractère dramatique de la situation présente, ces luttes élémentaires ont été bien réelles. On a pu constater des réactions en Italie dans les principaux centres industriels du nord, avec des grèves et le refus du travail spontanés. Le 12 mars dès le matin, les travailleurs de certaines d’usines et d’entreprises en Lombardie font grève et quittent leur lieu de travail. Le slogan « Nous ne sommes pas de la viande de boucherie » se répand comme une traînée de poudre. Une partie des syndicats officiels a également été contrainte de déclarer une grève dans les usines métallurgiques, obligeant l’État et les patrons à prendre des mesures de protection sanitaire.
En Espagne également le lundi 16 mars, dès la prise du travail de l’équipe du matin, la tension était palpable sur la chaîne de production de Mercedes Vitoria – la plus grande usine industrielle du Pays basque, avec 5 000 employés et 12 000 autres en sous-traitance. Face à la passivité criminelle de l’entreprise et des autorités, les travailleurs ont décidé d’arrêter la production et ont imposé l’arrêt de la production pour l’équipe de l’après-midi. Les travailleurs de Mercedes Benz d’IVECO, les travailleurs du bâtiment d’Amazon à Dos Hermanas, les travailleurs d’Aernova (une usine aéronautique à Álava), de l’usine Balay de Saragosse et de l’usine de pneus Continental de Rubí (Barcelone), figurent parmi les entreprises les plus importantes où les travailleurs sont entrés en action.
Aux USA, en mars les usines automobiles s’arrêtent dans toute l’Amérique du Nord en réponse à une vague de grèves sauvages. Mais encore, le 25 juin, les ouvriers de l’usine d’assemblage de Fiat-Chrysler à Détroit exigent d’être protégés de la covid-19. La grève sauvage de l’usine – non soutenue par les syndicats – qui emploie 5.000 personnes, a commencé jeudi à midi lorsque les travailleurs du quart B ont cessé le travail après avoir su qu’au moins trois collègues avaient été testés positifs à la covid-19. La grève fut reprise à l’arrivée des ouvriers du quart C.
En France, des débrayages ont pu paralyser la production dans plusieurs grandes entreprises. Cependant, les syndicats ont pris les devants, notamment aux usines PSA à Valenciennes et Douvrin puis Sevelnord Hordain (Nord) en faisant mettre en place des mesures de contrôle sanitaire « renforcées ». Les syndicats SUD et CGT qui, par leur langage radical, sont les plus habiles pour enrayer le développement de la conscience de classe, ont joué à plein leur rôle de rabatteurs du capital. Les appareils syndicaux se sont efforcés de canaliser la colère sur un terrain corporatiste et national. Ils ont ainsi mené campagne pour la reprise en SCOP de l’ancien site de production de masques de Plaintel, fermé par le groupe Honeywell. L’expérience a pourtant amplement démontré que l’autogestion est une impasse pour les ouvriers, qui s’enchaînent ainsi à la défense de leur entreprise. Cette mystification, ainsi que les mesures de capitalisme d’État contenues dans divers programmes pour le très niais « jour d’après », notamment la fermeture des frontières et le retour en force de l’État, sont des obstacles de plus dressés contre la reprise de la lutte prolétarienne.
Mais les réactions cyniques et brutales de la bourgeoisie n’en sont pas restées là : quand il a fallu reprendre le travail exigé par les patrons du monde entier, la classe dirigeante a envoyé la police. Ce fut le cas en Espagne notamment où le 27 mars la police espagnole a agressé des métallurgistes de l’usine Sidenor au Pays Basque qui protestaient contre l’ordre de retourner à des emplois dangereux et non-essentiels malgré la pandémie mortelle de la covid -19.
Nous ne pouvons rendre compte intégralement de la vague de lutte qui a saisi l’ensemble des pays du monde. Cela montre clairement que la classe ouvrière est seule, face aux États et à l’ensemble des institutions de la bourgeoisie. Pour assurer sa propre protection, se défendre et, au-delà, affirmer ses intérêts, la classe ouvrière n’a pas d’autre solution que d’entrer en lutte contre les partis et les syndicats, en dépit des gesticulations de l’État d’urgence sanitaire adopté par la classe dominante et ses médias. La classe ouvrière ne peut compter que sur elle même et ses propres forces. La leçon est une nouvelle fois confirmée !
Quelle que soit la gravité de la situation, les révolutionnaires se trouvent toujours aux côtés des travailleurs comme le montre le tract que nous publions ci-dessous. Ce tract a été diffusé aux manifestations du 6 juin par les camarades de Battaglia communista dans plusieurs villes d’Italie. Ces manifestations sont demeurées cependant modestes en ne mobilisant pas beaucoup d’ouvriers : 1500 à 3000 au maximum.
Le virus, c’est le capitalisme,
le prolétariat révolutionnaire, c’est le remède !
tract diffusé par Battaglia comunista (Italie) pour la manifestation du 6 juin des syndicalistes de base
L’épidémie du coronavirus a bloqué mais n’a pas arrêté la machine capitaliste, organisée pour l’obtention de profits.
Outre la contagion, même dans sa phase la plus aiguë, la classe patronale-capitaliste a dirigé des milliers d’ouvriers sur leurs lieux de production.
Pour notre classe, le risque pour la santé constitue une constante, il l’a été et l’est encore plus face à la férocité avec laquelle les patrons ont imposé la continuation du travail ou sa reprise au plus vite : quarantaine, « distanciation sociale » se sont démontrés des mots vides face à l’urgence de poursuivre le processus d’exploitation, de création et d’appropriation du profit.
La liste des travailleurs morts et infectés s’estompe derrière le voile hypocrite d’un morceau de toile pour couvrir la bouche.
Jamais comme en temps de crise et de crise exacerbée par la pandémie, Vie et Profit n’entrent en contradiction aussi dramatiquement.
Alors que la classe ouvrière, ici et maintenant, se bat pour la défense de sa vie, la bourgeoisie joue ici et maintenant ses cartes pour aujourd’hui, mais surtout pour demain.
L’économie de guerre devient sa perspective de survie : tous les facteurs économiques, sociaux et de travail doivent se plier à cet impératif.
Une nouvelle phase, encore pire que les précédentes, d’austérité et de sacrifices, se prépare dans les intentions de la bourgeoisie.
Si aujourd’hui pour les travailleurs il n’y a que les miettes dans le fleuve d’argent réservé aux banques et aux entreprises, déjà dès l’aube, demain, il n’y aura que « des larmes et du sang ».
Lutter sur les aspects spécifiques de nos conditions de travail et de vie, c’est comprendre, aujourd’hui comme jamais auparavant, que cette crise n’est pas seulement sanitaire, mais surtout celle du système, celle du capitalisme, qui ne connaît aucune garantie, mais seulement celle de son instinct prédateur et parasitaire envers l’humanité et l’environnement. La lutte à une époque de crise nécessite la prise de conscience que le capital n’a aucune marge à concéder, mais seulement qu’il va tout prendre. En conséquence, chaque lutte doit se placer avec plus de force dans la perspective politique du dépassement du système : non pas parce que le résultat de la lutte immédiate est garantie, mais parce que ce n’est qu’ainsi que la détermination à se libérer à jamais de l’esclavage du capital peut mûrir.
• Le virus, c’est le capitalisme !
• Le capitalisme ne peut se relever qu’en marchant sur les morts !
• Nous devons nous organiser et lutter pour résister et nous défendre sur la base de nos besoins, incompatibles avec ceux du capitalisme.
• Nous devons nous organiser pour construire la voie alternative révolutionnaire dépassant cette société décadente.
—
* Il est clair que nous ne critiquons pas, comme certains négationnistes, le fait de se prémunir contre le virus et la pandémie. Nous critiquons ici l’utilisation de la pandémie par la bourgeoisie pour faire passer sa politique répressive et d’exploitation.
Textes parus dans le bulletin « Bilan et perspectives » n°19 http://www.leftcom.org/fr/articles/2020-10-01/bilan-et-perspectives-19
Commentaires
Les commentaires sont modérés a priori.Laisser un commentaire